Médiation à l’initiative du juge et accord des parties sur le protocole d’accord pour mettre fin au litige

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Décision de justice

CAA Lyon, 1ère chambre – N° 21LY03873 – syndicat de traitement des déchets Ardèche-Drôme(SYTRAD) – 08 novembre 2022 – C+

Requêtes jointes : n° 21LY03874 et n° 21LY03855

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 21LY03873

Numéro Légifrance : CETATEXT000046561273

Date de la décision : 08 novembre 2022

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Médiation administrative, Médiation à l’initiative du juge, Protocole d’accord, Homologation, L. 213-7 du code de justice administrative, Non-lieu à statuer

Rubriques

Procédure

Résumé

Médiation à l’initiative du juge dans le cadre d’instances pendantes devant lui ( voir l’article L. 213-7 du code de justice administrative) - Protocole d’accord intervenu entre les parties conditionnant le désistement des requérants à la réalisation de diverses conditions aléatoires, sans délai imparti pour y satisfaire - Homologation de ce protocole d’accord par le tribunal administratif sur le fondement de l’article L. 213-4 du code de justice administrative, à la demande d’une des parties, dans une instance autonome - Non-lieu à statuer dans le cadre des trois instances pendantes : absence.

Si, lorsqu’une transaction est intervenue au cours d’une instance dont le juge était préalablement saisi et qu’une des parties ou l’ensemble des parties lui demandent de l’homologuer, il lui appartient, après avoir fait droit, le cas échéant, à la demande d’homologation de la transaction, de constater un non-lieu à statuer sur la requête ou de donner acte du désistement des parties si un tel désistement était conditionné par l’homologation12, il résulte de l’instruction qu’en l’espèce, les parties aux instances en cause n’ont présenté aucune demande en ce sens dans le cadre desdites instances.

En l’espèce, des termes de l’accord issu de la médiation, dénués de toute ambiguïté sur ce point, il résulte que les parties à cet accord n’ont entendu mettre fin aux litiges concernés, le cas échéant en se désistant de leurs recours, que si les conditions comprises dans cet accord étaient remplies, ce qui ne ressort pas de l’instruction. Par suite, ce protocole d’accord, quand bien-même le tribunal administratif l’a homologué sur le fondement de l’article L. 213-4 du code de justice administrative, n’a pas eu pour effet de faire disparaître les litiges dont il était saisi3. Irrégularité de l’ordonnance, intervenue d’ailleurs après une demande de maintien des conclusions à laquelle les parties ont répondu positivement, à avoir constater un non-lieu à statuer sur les trois instances qui étaient encore pendantes.

54-05-05-02-01, Procédure, Incidents, Non-lieu, Existence, Non-lieu en l’état

Notes

1 Cf. CE Assemblée, 11 juillet 2008, société Krupp Hazemag, n°287354, A - Recueil p. 273 et les conclusions B. Dacosta Retour au texte

2 Cf. a contrario CE 30 octobre 1974, commune de Saint-Pierre-les-Bois, n°88044, A, et les conclusions Morisot. Retour au texte

3 Voir note 2 Retour au texte

Conclusions du rapporteur public

Jean-Simon Laval

rapporteur public à la cour administrative d’appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.8860

Le dossier dont vous êtes saisis, est un peu la pointe émergée d’un iceberg contentieux qui flotte encore entre deux eaux entre la médiation et la poursuite du contentieux. L’origine du litige n’est pas inconnue de la chambre puisqu’il s’agit de l’extension de l’installation de stockage de déchet géré par un syndicat Ardèche-Drôme sur la commune de Saint S. via un bail emphytéotique administratif d’une durée de 30 ans entre cet opérateur et les communes d’E., de M., de M enV et de Saint-S. Ce projet c’est heurté à l’approbation du PLU le 16 juin 2016 de cette dernière commune dans la mesure où les volontés d’extension ne coïncidaient plus avec ce que permettait le PLU. Vous avez, par un arrêt du 1er octobre 2019, sous le n°18LY02838, confirmé la légalité du PLU. Mais en cours d’instance les parties avaient engagé une médiation sur proposition du tribunal administratif de Grenoble en date du 27 février 2018. Le périmètre de la médiation était large qui concernait outre le contentieux sur le Plu les contentieux liés à l’arrêté d’activité de la déchetterie par le syndicat X en janvier 2017 et l’interruption du paiement des loyers. Comme en témoignent les écritures, elle couvrait.

Vous l’avez noté la médiation portait, entre autre, sur l’affaire que vous avez jugé le 1er octobre 2019. Mais si la question d’un sursis à statuer avait été évoqué dans cette instance, vous aviez suivi notre avis suivant lequel cette initiative n’empêchait pas que vous jugiez sur le fond sauf à disposer d’éléments vous permettant non pas de surseoir mais de renvoyer l’affaire pour que le litige trouve, d’abord, une solution en première instance. De fait, ce n’est que le 17 octobre 2019 que le Syndicat a demandé au tribunal administratif de Grenoble l’homologation d’un protocole transactionnel pourtant passé le 30 août 2019.

Le protocole se situe dans la perspective de la réouverture de la déchetterie, fermée depuis le 1er janvier 2017 via la mise en compatibilité du PLU et l’obtention d’un arrêté préfectoral. Dans cette attente, les parties avaient convenu de ne pas se désister de leur requête mais de solliciter un sursis à statuer (présenté de manière prématurée devant vous comme nous l’avions noté). Le protocole évoquait ensuite deux hypothèses. En cas de réouverture, le syndicat devait se désister de ses requêtes en contrepartie de l’annulation des TE émis à son encontre par la commune de St S. Les autres communes seraient indemnisées des pertes de loyer à raison de l’abandon de la quote-part des loyers de la commune de St S et se désisteraient. En l’absence de réouverture, la procédure contentieuse reprendrait.

Ce protocole a été considéré comme une transaction au sens des articles 2044 et suivants du code civil ayant autorité de chose jugée à l’égard des parties en vertu de l’article 2052 du même code.

A la demande du Syndicat, le protocole a été homologué le 17 octobre 2019 dans ces conditions, le tribunal administratif de Grenoble ne manquant pas de noter que la médiation avait muté en transaction et qu’il devait s’y prononcer de manière spécifique, il a jugé que l’objet du protocole était licite que son contenu respectait l’ordre public et l’équilibre des concessions réciproques des parties : voir CE, Assemblée, 6 décembre 2002, n°249153.Il n’a pas été relevé appel du jugement : voir CE, 4 avril 2005, n°273517qui est donc devenu définitif.

Après avoir demandé aux parties en application de l’article R. 612-5-1 du code de justice administrative si elles entendaient maintenir les requêtes a peine de désistement d’office, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a prononcé un NLAS sur les deux requêtes du Syndicat dirigées contre le titre exécutoire émis par la commune de Saint-S sur le recours indemnitaire de la commune de M. à l’encontre de la commune de Saint-S. C’est cette ordonnance du 27 septembre 2021 qui est contestée devant vous par le Syndicat et la commune de M..

Sur la régularité du jugement et la recevabilité de la demande de première instance

Le jugement qui prononce à tort un non-lieu à statuer en premier ressort est entaché d’irrégularité CE, 21 novembre 1973, n°89189, Ainsi même si le Syndicat est seul a invoquer cette cause juridique nous vous proposons de vous en saisir.

Sur la solution

Les deux requérants mobilisent deux moyens, l’un tiré d’erreur de droit à avoir homologué une transaction en l’absence de désistement, c'est-à-dire d’abandon du litige et l’autre d’avoir excédé la portée de la transaction qui n’était que partielle. Les moyens peuvent surprendre dès lors qu’en principe le jugement a doublement autorité de chose jugée d’une parte entre les parties par le mécanisme même de la transaction et d’autre part, par le caractère définitif du jugement.

En outre, nous l’avons vu la transaction est venue s’adjoindre à la médiation comme modalité de règlement des litiges ce qui n’a rien en soit d’irrégulier rapp d’une transaction intervenue à la suite d’une expertise : voir CE, 30 octobre 1974, n°88044. Une transaction qui constitue un prolégomène à un désistement n’a pas, selon nous, à constater le désistement encouru à la suite de cette homologation. D’ailleurs comme le font remarquer les parties elle-même, une transaction peut n’être que partielle. Le mécanisme du désistement n’est pas un rouage de la transaction puisque la jurisprudence distingue les deux terrains : voir CE, 11 juillet 2008, n°287354. En cas d'homologation de la transaction, le juge administratif doit constater le non-lieu à statuer sur la requête ou, dans le cas où la partie requérante aurait subordonné son désistement à l'homologation de la transaction, donner acte de ce désistement Une première analyse vous conduirait donc à estimer que les critiques attachées à la transaction et à sa portée sont irrecevables face à un jugement devenu définitif. Dans ces conditions, les prétentions indemnitaires de la commune de M nous paraissent contraire à la transaction qu’elle a acceptée et qui a été homologuée.

Mais le juge de l’homologation dans votre affaire ne s’est pas prononcé sur un non-lieu à statuer ou un désistement. Nous doutons, d’ailleurs, compte tenu du caractère conditionnel des désistements à venir portés par l’accord transactionnel qu’il ait été fondé à de tel constats. Vous n’êtes du reste pas juge nous l’avons dit de l’homologation obtenue en première instance. Cependant rien ne vous interdit d’en apprécier la portée dans une autre instance comme l’a relevé récemment la Cour de Cassation selon un raisonnement dont vous pourriez vous inspirer s’agissant d’une matière commune aux deux juridictions : voir Cour Cass n°17-15488 du 14 septembre 2022.

Or c’est bien la portée de la transaction qui, selon nous s’opposait à ce que fût prononcé un non-lieu à statuer. Nous vous invitons donc à censurer l’ordonnance. En effet, il nous semble que votre collègue a outrepassé tant le contenu de la transaction que ses implications temporelles. Nous l’avons vu plus haut le désistement ne pouvait s’envisager aux termes même de la transaction liant les parties qu’à la suite de la réouverture de la déchetterie du Syndicat Or tel n’était pas le cas lorsque le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Grenoble s’est prononcé, les parties n’étaient donc liées quant à leur engagement qu’à partir de l’intervention de cette réouverture afin de terminer au sens de l’article 2044 du CC la contestation née entre elle. Nous l’avons dit plus haut la transaction règle la partie indemnitaire des litiges une fois réalisée la condition mise à son exécution. Il ne saurait, par suite, en tout état de cause, y avoir de non-lieu à statuer que sur cette partie de la transaction, or la condition n’est pas levée. Nous vous invitons donc à annuler l’ordonnance en litige.

La condition suspensive de la transaction n’étant pas réalisée et compte tenu du caractère hypothétique de cette réalisation vous n’êtes en mesure ni de constater l’entrée en vigueur des stipulations de la transaction ni de régler le litige au fond ; nous concluons donc au renvoi des trois affaires devant le tribunal administratif de Grenoble. A moins que vous ne consentiez à engager vous-même une médiation. Ce que nous ne vous conseillons pas tant est risqué de voir comme dans notre affaire, les initiatives des parties aboutir à des solutions peu praticables.

Par ces motifs, nous concluons à l’annulation de l’ordonnances du 27 septembre 2021, au renvoi devant le tribunal administratif de Grenoble et au rejet du surplus des conclusions des parties.

Droits d'auteur

Ces conclusions ne sont pas libres de droits. Leur citation et leur exploitation commerciale éventuelles doivent respecter les règles fixées par le code de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, toute rediffusion, commerciale ou non, est subordonnée à l’accord du rapporteur public qui en est l’auteur.

Pas de non-lieu pour une transaction homologuée mais inexécutée

Mehdi Lahouazi

Professeur de droit public à l’Université Paris Nanterre

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DOI : 10.35562/alyoda.9088

De façon relativement inédite, le tribunal administratif de Grenoble avait, dans une première instance, homologué une transaction issue d’une procédure de médiation puis, dans une seconde instance, prononcé trois ordonnances de non-lieu pour les demandes initiales réglées à l’amiable. Toutefois, en raison de l’inexécution des engagements de l’une des parties, la cour administrative d’appel de Lyon annule les ordonnances de non-lieu et accepte que les requérants poursuivent leurs demandes initiales malgré l’homologation de la transaction.

Le syndicat de traitement des déchets Ardèche-Drôme (SYTRAD), en charge d'une installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND) a conclu un bail emphytéotique administratif (BEA) avec les communes d'Epinouze, de Manthes, de Moras-en-Valloire et de Saint-Sorlin-en-Valloire le 15 décembre 2008. L’objet du bail était de mettre à disposition de l'exploitant les terrains nécessaires au stockage des déchets, dont elles sont propriétaires, moyennant le paiement d'une redevance par celui-ci. Sa durée était de 30 ans. Ce contrat comportait divers engagements des parties et notamment de la part de la commune de Saint-Sorlin-en-Valloire, un engagement de modifier son plan local d’urbanisme pour le rendre compatible avec le projet d’extension de l’installation. La commune n’ayant finalement pas respecté son obligation, le SYTRAD a résilié le bail et in fine cessé de régler ses redevances et d’exploiter l’installation. La commune de Moras-en-Valloire, qui ne percevait alors plus la redevance prévue, a saisi le tribunal administratif de Grenoble d’une demande en réparation du préjudice subi du fait de la méconnaissance des obligations contractuelles de la commune de Saint-Sorlin-en-Valloire. Elle a été suivie par les deux autres communes. Le SYTRAD a aussi contesté devant le juge administratif deux titres exécutoires émis par la commune de Saint-Sorlin-en-Valloire postérieurement à la résiliation du contrat et a parallèlement engagé sa responsabilité.

Saisi de l’ensemble de ces demandes, le tribunal administratif de Grenoble a proposé la mise en place d’une médiation1. Cette dernière a connu une issue positive puisqu’un accord a été conclu, sous la forme d’une transaction, entre l’ensemble des parties au BEA initial le 30 août 2019. Le SYTRAD a alors demandé l’homologation de l’accord au tribunal qui, par un jugement du 4 juin 2020, l’a accordée2.

Originalité, le tribunal a procédé à cette homologation dans une instance autonome (nous reviendrons sur ce point qui, à notre sens, est essentiel) au lieu de prononcer immédiatement le non-lieu… En effet, ce n’est que plus d’un an et trois mois après, que par trois ordonnances en date du 27 septembre 2021, le président de la troisième chambre du tribunal a constaté qu’il n’y avait plus lieu à statuer sur l’ensemble des requêtes initialement introduites. Il faut toutefois noter qu’il a prononcé ces ordonnances après avoir demandé aux parties si elles souhaitaient maintenir leurs conclusions (ce à quoi elles ont répondu positivement)3.

Ce sont ces ordonnances - et non le jugement d’homologation - que le SYTRAD et la commune de Moras-en-Valloire ont porté devant le juge d’appel. Ce dernier a décidé de rendre un unique arrêt puisque les trois requêtes initiales présentaient des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune. Les appelants demandaient notamment à la cour d’annuler les ordonnances et de statuer sur leurs demandes initiales.

La question qui se posait ici était plutôt simple : est-ce qu’une transaction homologuée en cours d’instance rend sans objet la requête initiale ? Mais, la mécanique juridictionnelle mise en œuvre par le tribunal administratif - en séparant l’homologation du prononcé du non-lieu - a brouillé la solution.

En principe, il appartient au juge, après avoir fait droit à la demande dhomologation de la transaction, de constater un non-lieu à statuer sur la requête ou de donner acte du désistement des parties si un tel désistement était conditionné par lhomologation4.

Or, en l’espèce, la cour fait fi de l’homologation et annule les trois ordonnances de non-lieu, rendues postérieurement à l’homologation, et renvoie les parties devant le tribunal administratif de Grenoble pour que ce dernier statue sur leurs demandes initiales.

C’est cet aspect de l’affaire qui permet à la cour d’affiner la solution. En effet, il ressort de l’arrêt que les parties n’avaient pas formulé de désistement au cours des diverses instances. De plus, les termes de la transaction étaient non équivoques. Le SYTRAD et la commune de Moras-en-Valloire avaient conditionné leur désistement au respect de certaines conditions par la commune de Saint-Sorlin-en-Valloire. Cette dernière n’ayant pas respecté ses engagements la cour ne prend évidemment pas acte d’un désistement et s’inscrit dans la jurisprudence établie sur ce point. En effet, il faut rappeler que le Conseil d’État a jugé que les parties à la transaction doivent manifester expressément leur volonté de se désister5. Plus encore, dans une affaire similaire en date du 25 novembre 2008, il avait pu être jugé qu’il ne pouvait pas être donné acte d’un désistement puisque l’une des parties à la transaction avait « subordonné son désistement à l'exécution financière de la transaction » qui n’était pas intervenue au jour de la demande d’homologation6. Jusque-là rien de nouveau.

Néanmoins, en l’espèce, la cour refuse de confirmer le non-lieu prononcé par le juge de première instance. Il y a une scission évidente avec l’état jurisprudentiel antérieur. Néanmoins, à notre sens, cette scission n’est pas tellement due à la décision de la cour, mais plutôt à l’absence de prononcé d’un non-lieu à statuer en première instance au jour de l’homologation de la transaction. En effet, la conclusion d’une transaction éteint le différend entre les parties. De ce fait, le juge doit - s’il n’y a pas eu de demande de désistement - prononcer un non-lieu. Cela que la transaction soit présentée en dehors de toute demande d’homologation7 ou dans ce cadre8 y compris lorsque l’accord n’a pas été encore exécuté, et alors que l’une des parties avait subordonné son désistement à l’exécution financière de la transaction9.

Il faut en effet revenir à l’essence même de la transaction. L’article 2052 du code civil dispose très clairement (et l’arrêt rappelle que les parties ont fait référence à cette disposition dans leur accord) que « la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet ». Pour reprendre les propos du commissaire du Gouvernement Philippe Bissara, la transaction « met radicalement fin au litige »10.

Si les parties n’exécutent pas la transaction alors plusieurs voies s’ouvrent à elles. Elles peuvent rechercher la responsabilité contractuelle de la commune pour inexécution de la transaction11, ou alors déclencher les procédures d’exécution forcée de droit administratif qui sont ouvertes suite à l’homologation de la transaction12. D’ailleurs, dans cette affaire, il aurait été judicieux de mettre en œuvre les articles L. 911-1 ou -2 du CJA afin d’enjoindre à la commune de Saint-Sorlin-en-Valloire de respecter ses engagements (à savoir la mise en comptabilité du PLU et l’obtention d’une autorisation préfectorale) permettant in fine la réouverture de la déchèterie ; la poursuite de l’intérêt général aurait commandé une telle solution. Mais telle n’a pas été l’option choisie par le SYTRAD et la commune de Moras-en-Valloire qui ont préféré contester les ordonnances de non-lieu afin de rouvrir le différend indemnitaire initial.

Toute la difficulté naît ici, nous le martelons, de la déconnexion opérée par le tribunal administratif de Grenoble entre le jugement homologation et les ordonnances de non-lieu à statuer alors que la jurisprudence est pourtant claire : l’homologation accordée à une transaction en cours d’instance entraîne, en l’absence de désistement, le prononcé d’un non-lieu, y compris en cas de non réalisation de l’une des conditions de la transaction13. À notre sens, le juge de l’homologation qui ne tire pas cette conséquence automatique commet une erreur de droit. Cela étant, la cour n’a pas eu à se prononcer sur ce point puisqu’elle n’a pas été saisie du jugement d’homologation (comme le rapporteur public l’a très clairement rappelé) mais des ordonnances de non-lieu. En somme, la cour ne s’inscrit pas directement en opposition avec l’état jurisprudentiel sur les conséquences de l’homologation.

Néanmoins, elle n’aurait pas dû revenir autant sur les conditions du désistement et du non-lieu au regard de la procédure d’homologation comme elle le fait dans ses considérants 7 et 8. Elle aurait gagné en clarté à s’appuyer sur le fait majeur - rappelé par le rapporteur public - que les requérants avaient indiqué au juge, postérieurement à l’homologation, maintenir leurs prétentions en raison de l’inexécution de la transaction. En effet, s’appuyant sur la jurisprudence judiciaire14, la cour administrative d’appel de Toulouse a jugé en juillet dernier qu’une transaction est opposable « par l'une des parties, sous réserve toutefois que celle-ci en respecte les stipulations et se livre à son exécution »15. Au total, désistement ou non, le SYTRAD et la commune de Moras-en-Valloire pouvaient poursuivre leurs demandes initiales en raison de l’inexécution de ses engagements par la commune de Saint-Sorlin-en-Valloire.

Notes

1 CJA, art. L. 213-7 Retour au texte

2 CJA, art. L. 213-4 Retour au texte

3 Cet élément est indiqué dans les conclusions du rapporteur public. Retour au texte

4 C.E., 10 févr. 2014, SA Gecina, n° 350265, Lebon, T. p. 737; BJCP 2014, n° 94, p. 190, concl. N. Polge ; Contrats et Marchés publ. 2014, comm. 115, P. Devillers ; AJDA 2014, p. 1900, note. A. Zarca. Retour au texte

5 CE, 26 juill. 2006, n° 272493, M. Van ; BJCP 2006, p. 476, n° 4. Retour au texte

6 CAA Versailles, 25 nov. 2008, n° 05VE01674, Société Bouygues Bâtiment Ile-de-France. Retour au texte

7 CE, 26 juill. 2006, n° 272493, M. Van, préc. Retour au texte

8 C.E., 10 févr. 2014, SA Gecina, 350265, préc. Retour au texte

9 CAA Versailles, 25 nov. 2008, n° 05VE01674, Société Bouygues Bâtiment Ile-de-France. Retour au texte

10 Concl. sur C.E., 28 sept. 1983, Société Établissements Prévost, n° 11513, Lebon, p. 376, spé. p. 377. Retour au texte

11 C.E., 28 janv. 1994, Sté Raymond Camus et Cie, n° 49518, Lebon T., p. 1041 ; D. 1995, p. 125 note Ph. Terneyre ; RDI 1994, p. 246, obs. F. Llorens et Ph. Terneyre ; LPA 1994, n° 143, p. 27, note V. Haïm ; C.A.A. Marseille, 7 mai 2008, OPAC Perpignan Roussillon, n° 05MA02003, inédit ; AJDA 2008, p. 2297. Retour au texte

12 G. Le Chatelier, concl. sur CE, ass., avis, 6 déc. 2002, n° 249153, Synd. intercommunal des établissements du second cycle du second degré du district de l'Haÿ-les-Roses, Lebon, p. 300. À titre d’exemple, le juge administratif peut, en cas d’inexécution d’une transaction homologuée, prononcer une injonction à l’encontre de la personne publique défaillante d’exécuter les travaux qu’elle s’était engagée à réaliser dans le cadre de l’accord transactionnel (C.A.A. Bordeaux, 31 oct. 2013, Groupement foncier agricole Habitation Chancel, n° 13BX00010, inédit, AJDA 2014, p. 40, note G. de la Taille). Retour au texte

13 CAA Versailles, 25 nov. 2008, n° 05VE01674, Société Bouygues Bâtiment Ile-de-France. À l’inverse, la Cour de cassation justifie le refus de l’homologation si la condition suspensive n’a pas été réalisée : Civ. 1re, 10 sept. 2014, n° 13-11.843 ; AJCA 2014, p. 328, note N. Fricero. Retour au texte

14 Cass. 1re civ., 12 juill. 2012, n°  09-11.582  ; Contrats, conc. consom. 2012, comm. 250 : « la transaction, qui ne met fin au litige que sous réserve de son exécution, ne peut être opposée par l'une des parties que si celle-ci en a respecté les conditions ». Retour au texte

15 CAA Toulouse, 19 juill. 2022, n° 20TL01912, SELARL atelier espace architectural. ; JCP A 2023, n° 11, chron. 2085, M. Lahouazi. Retour au texte

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