Majorations fiscales et substitution d’office

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Décision de justice

CAA Lyon, 2ème chambre – N° 20LY02527 – SCI Sabatier – 20 octobre 2022 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 20LY02527

Numéro Légifrance : CETATEXT000046492384

Date de la décision : 20 octobre 2022

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

TVA, Substitution de base légale, Majoration pour absence de déclaration, Majoration pour manquement délibéré, Article 1728 du code général des impôts, Article 1729 du code général des impôts

Rubriques

Fiscalité

Résumé

La substitution d’office d’une majoration fiscale à une autre majoration - en l’espèce pour manquement délibéré à une majoration pour défaut de déclaration - n’appartenant à une même famille de pénalités (c'est à dire hors modulation) n’est pas admise (transposant ainsi la solution retenue en matière de substitution de base légale des impositions).

Le juge d’appel relève d’office ce moyen au titre de la régularité du jugement.

19-02-01-02-02, Contributions et taxes, Questions communes, Pouvoirs du juge fiscal, Moyens d’ordre public

Conclusions du rapporteur public

Sophie Lesieux

rapporteure publique à la cour administrative d’appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.9657

La SCI Sabatier dont le capital est détenu à parts égales par M. et Mme X. par ailleurs co-gérants, exerce une activité de location de locaux nus, essentiellement à usage commercial, pour laquelle elle a opté pour son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée. Elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant, s’agissant de la TVA, sur la période du 1er janvier 2013 au 31 juillet 2016. A l’issue de ce contrôle, l’administration fiscale, après avoir constaté que la comptabilité de la SCI était irrégulière et non probante, a procédé à une reconstitution, d’une part, de la TVA collectée par le rapprochement entre les relevés bancaires, les factures établies par la SCI et les encaissements de recettes imposables à la TVA et d’autre part, de la TVA déductible, par l’examen des factures émanant des fournisseurs. Les résultats ainsi obtenus apparaissant proches des montants déclarés, dans la plupart des cas hors des délais légaux, par la SCI Sabatier entre avril 2015 et mai 2016, l’administration a validé les montants portés sur les déclarations CA3, en ce qui concerne les années 2014 et 2015. S’agissant de l’année 2013, le vérificateur a cependant remis en cause, d’une part, le crédit de TVA de 460 405 euros constaté en décembre 2012 et reporté sur la déclaration de janvier 2013 et d’autre part, le montant de la TVA déductible déclaré au mois de novembre 2013 au motif qu’ils n’étaient pas justifiés. S’agissant de l’année 2016, il a constaté une omission de déclaration de TVA collectée d’un montant total de 70 068 euros entre janvier et juillet 2016 et n’a admis en déduction qu’une somme de 12 338 euros au titre de la même période, estimant le surplus injustifié. En conséquence, la SCI Sabatier s’est vue réclamer, soit selon la procédure de taxation d’office, soit selon la procédure contradictoire, selon que les déclarations CA3 avaient été ou non déposées dans les délais légaux :

- un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d’un montant de 79 185 euros au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013,

- des droits de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 et du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015, d’un montant respectif de 132 175 euros et de 151 221 euros,

- et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 juillet 2016 d’un montant total de 183 909 euros1.

Ces impositions ont été assorties des intérêts de retard et de majorations de 40% sur lesquelles nous reviendrons. Par ailleurs la SCI Sabatier s’est également vue infliger des amendes, d’un montant total de 15 773 euros, sur le fondement de l’article 1729 D du code général des impôts pour défaut de présentation de la comptabilité sous forme dématérialisée, dans les conditions prévues à l’article L. 47 A de ce code. La SCI Sabatier relève appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités y afférentes ainsi que des amendes mises à sa charge.

La SCI Sabatier relevant de l’article 8 du code général des impôts, ses résultats des années 2013, 2014 et 2015 ont été soumis à l’impôt sur le revenu entre les mains de ses associés, à proportion de leurs droits respectifs dans les bénéfices sociaux, dans la catégorie des revenus fonciers. Ainsi que l’a jugé le tribunal administratif de Dijon, la SCI n’avait pas d’intérêt à demander la décharge des impositions en cause, mise à la charge des seuls associés. La SCI ne conteste pas cette solution et vous n’avez en tout état de cause, pas à le faire d’office (CE, 15 avril 1996, n°143556, B). Par suite, l’ensemble des moyens qu’elle invoque pour contester le bien-fondé de ces impositions sont inopérants, il en va de même de la fin de non-recevoir que le ministre réitère en appel, et les conclusions présentées par l’appelante ne peuvent qu’être rejetées.

S’agissant de la régularité de la procédure d’imposition, la SCI Sabatier invoque un moyen tiré du « défaut de motivation de la proposition de rectification » qu’il ne dirige formellement que contre la proposition de rectification qui lui a été adressée le 27 septembre 2017 relative à la période du 1er janvier 2013 au 31 juillet 2016. Son moyen est fondé sur les dispositions de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales qui ne peut être utilement invoqué que si l’administration fiscale a mis en œuvre la procédure contradictoire. Si la SCI Sabatier fait état des énonciations du paragraphe n° 200 de la documentation administrative référencée BOI-CF-IOR-50-20 selon lequel il appartient à l’administration lorsqu’elle arrête d’office les bases d’impositions de « faire connaître au contribuable comme au juge de l’impôt la méthode qu'elle a adoptée et les calculs qu'elle a effectués pour déterminer les bases d'imposition (…) », ce paragraphe, relatif à la procédure d’imposition, ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale dont la SCI serait fondée à se prévaloir sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Il résulte de l’instruction que s’agissant de la période du 1er janvier 2014 au 31 mars 2015 et des mois de juin et juillet 2016, l’administration fiscale a fait usage de la procédure de taxation d’office prévue par le 3° de l’article L. 66 du livre des procédures fiscales2. S’agissant des mois d’avril 2015 à mai 2016, la SCI a déposé des déclarations CA3 dans les délais légaux, mais nous l’avons dit, sur cette période, seuls les mois de janvier à mai 2016 ont fait l’objet d’un rappel de taxe sur la valeur ajoutée selon la procédure de redressement contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales3. Le moyen, tel qu’invoqué par la SCI, n’est donc opérant que s’agissant des mois de janvier à mai 2016.

Sur cette période, la proposition de rectification du 27 septembre 2017 répond aux exigences de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales en ce qu’elle comporte la désignation de l’impôt concerné, les mois concernés ainsi que les bases d’imposition et précise, d’une part, que le rapprochement entre les relevés bancaires présentés, les factures établies par la SCI Sabatier et les encaissements de recettes imposables à la TVA fait apparaître des écarts par rapport aux montants déclarés de TVA collectée dont le détail est fourni en annexe 2 et d’autre part, que l’examen de l’ensemble des factures fournisseurs présentées lors du contrôle sur place et des relevés bancaires faisant état des paiements correspondants aboutit au constat d’écarts par rapport aux montants déclarés de TVA déductible, dont le détail est fourni en annexe 1. Cette motivation était suffisante pour permettre à la SCI Sabatier de présenter utilement ses observations.

S’agissant du bien-fondé des impositions 

Vous pourrez écarter comme inopérante la contestation par la SCI Sabatier de la « méthode de reconstitution » employée par l’administration fiscale dès lors que les impositions en litige ne procèdent pas de la reconstitution faite par le service après avoir constaté l’irrégularité de la comptabilité mais des propres déclarations CA3 déposées par la société, à l’exception des mois de juin et de juillet 2016 pour lesquels la SCI n’a déposé aucune déclaration et pour lesquels l’administration s’est fondée sur les pièces mises à sa disposition (pièces comptables, factures, relevés de comptes bancaires). La critique de la SCI est cependant insuffisamment précise pour en apprécier la portée concernant spécifiquement ces deux mois.

Il en résulte, en application du second alinéa de l’article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, que dès lors que les impositions en litige ont été établies d’après les bases indiquées dans les déclarations souscrites par la SCI, cette dernière supporte la charge d’établir leur caractère exagéré. Quant aux impositions des mois de juin et juillet 2016, elles ont été établies selon la procédure de taxation d’office de sorte qu’en vertu de l’article L. 193 du livre des procédures fiscales, elle supporte également la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions.

En l’espèce, la SCI fait valoir que les déclarations CA3 ont été établies par un salarié, licencié depuis, simplement à partir des lignes de débits et crédits sur les relevés bancaires. Elle soutient qu’une partie importante des flux de trésorerie apparaissant sur les comptes bancaires, sont en réalité constitutifs de flux de trésorerie intragroupes et ne correspondent pas à des opérations imposables. Elle n’en fait cependant pas la démonstration se bornant à vous renvoyer à des tableaux récapitulatifs établis par ses soins, une décision de justice et un procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire. Elle soutient également que le montant des loyers retenu pour le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée collectée est erroné mais elle se borne à vous renvoyer à des listes de locataires en 2014 et 2015 et à des montants de loyers annuels calculés par ses soins sans pièces justificatives. Enfin, elle soutient qu’auraient été pris en compte, dans certaines déclarations CA3 qui ne sont pas précisément désignées, des virements entre ses propres comptes bancaires mais elle ne procède que par affirmation.

Sur les majorations de 40%

dont les impositions en litige ont été assorties, étant précisé que la SCI Sabatier ne conteste l’application de ces majorations que s’agissant des impositions mises à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013.

Étant soumise au régime réel d’imposition, la SCI Sabatier est astreinte au dépôt d’une déclaration mensuelle de TVA. Il résulte de l’instruction que la société n’a déposé les déclarations CA3 de l’année 2013 que le 30 juin 2015. Une mise en demeure lui a été adressée le 1er août 2013 pour les mois de janvier, février, mars, avril et mai 2013. En revanche, aucune mise en demeure ne lui a été adressée pour les mois de juin à décembre 2013.

En vertu de l’article 1728 du code général des impôts, le défaut de production d’une déclaration dans les délais prescrits entraîne l’application d’une majoration de 10% en l’absence de mise en demeure (a) ou de 40% lorsque la déclaration n’a pas été déposé dans les trente jours suivants la réception d’une mise en demeure (b).

En vertu du a de l’article 1729 du même code, les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration entraînent l'application d'une majoration de 40% en cas de manquement délibéré.

Et selon le 2 de l’article L. 1729 A de ce code, « Lorsque des rehaussements sont opérés sur une déclaration tardive, la majoration prévue par l'article 1728 s'applique, à l'exclusion des majorations prévues par l'article 1729, tant aux droits résultant de la déclaration tardive qu'aux droits résultant des rehaussements apportés à la déclaration ».

Il résulte de l’instruction, en particulier du tableau récapitulatif des conséquences financières joint à la proposition de rectification du 22 décembre 2016, que le service a mis en œuvre la majoration de 40% pour non dépôt de déclaration dans le délai de trente jours suivant une mise en demeure (article 1728, b) qu’elle a appliquée à un montant de 20 332 euros et la majoration de 40% pour manquement délibéré qu’elle a appliquée à un montant de 11 342 euros (article 1729, a).

Par le jugement contesté, le tribunal administratif de Dijon a considéré (point 26) que la base retenue par l’administration fiscale pour l’application de la majoration de 40 % pour absence de déclaration dans les trente jours d’une mise en demeure s’établissait à 50 830 euros, s’agissant de la seule année 2013, correspondant au montant des droits dus au titre de l’année 2013, et à 460 405 euros s’agissant de l’ensemble des années en litige, correspondant au montant des droits rappelés au titre du mois de janvier 2013. Ce n’est pas ce qui résulte de l’instruction et les premiers juges ont déduit de leurs constatations erronées que l’administration ne pouvait asseoir la pénalité en cause, au titre de l’année 2013, que sur la base des droits éludés au titre des mois de janvier à mai 2013 qui ont fait l’objet d’une mise en demeure. Ce constat aurait dû aboutir à une décharge partielle de la pénalité mais le tribunal administratif, après en avoir informé les parties, a considéré que s’agissant des mois de juin à décembre 2013, qui n’ont pas fait l’objet d’une mise en demeure, la pénalité de 40% pour manquement délibéré avait vocation à s’appliquer eu égard aux motifs contenus dans la proposition de rectification du 22 décembre 2016. Et le tribunal administratif de Dijon de conclure « il y a lieu de substituer à la pénalité prévue en cas de non-dépôt d’une déclaration dans les trente jours suivant la réception d’une mise en demeure de la produire dans ce délai, la pénalité pour manquement délibéré, au même taux, prévue par le a de l’article 1729 du code général des impôts ».

Il est de jurisprudence constante, qu’en matière d’assiette, il n’appartient pas au juge de l’impôt, lorsqu’il n’est pas saisi d’une demande en ce sens de l’administration, de substituer au fondement d’une imposition contestée un autre fondement légal sur lequel serait justifié le maintien de l’imposition (CE, Section, 21 mars 1975, Ministre des Finances c/ Sieur X., n°85496, A / CE, 10 mai 2012, n°355897, B). En matière de sanctions fiscales, il appartient en revanche au juge de l’impôt, lorsqu’il écarte l’application d’une pénalité, de rechercher d’office si une pénalité moins sévère peut néanmoins trouver à s’appliquer (CE, Plénière, 9 janvier 1981, n°17580 et 18418, B - Conclusions M. Verny, Droit fiscal, 1981, n° 23, commentaire 1229 / CE, 30 décembre 2011, n°332088, B / CE, 19 mars 2018, n°399862, B). Vous remarquerez au passage que le tribunal administratif de Dijon n’a pas recherché si une pénalité moins sévère pouvait s’appliquer puisqu’il a, sur un autre fondement légal, validé le même taux de pénalité. Toujours est-il que les cas dans lesquels le juge de l’impôt recherche d’office si une pénalité moins sévère peut s’appliquer concernent systématiquement des pénalités qui sont « apparentées » ou « de la même famille » pour reprendre les termes employés par Yohann Bernard dans ses conclusions sous l’affaire précitée du 19 mars 2018 (publiée à la RJF 2018 au C 645). On trouve ainsi dans la jurisprudence des substitutions à la majoration de 80% pour abus de droit ou manœuvres frauduleuses visée par les b et c de l’article 1729 du code général des impôts de celle de 40% pour manquement délibéré visée au a du même article (décisions précitées), ou même des substitutions à la majoration de 40% pour défaut de déclaration dans les trente jours suivants une mise en demeure, visée par le b de l’article 1728 de celle de 10% applicable en l’absence de mise en demeure, visée par le a du même article (CAA de Paris, 30 mars 2022, Société Casting Automobiles, n°20PA02685, C / CAA de Lyon, 11 avril 2017, SARL Bâtiment et Synergie, n°15LY02467, C) …

Il est vrai que la condition « d’appartenance à une même famille » n’est pas clairement exprimée dans la jurisprudence et c’est certainement pour cette raison que le tribunal administratif de Dijon, qui a innové en substituant à une pénalité prévue par le b. de l’article 1728 du code général des impôts une autre prévue par le b. de l’article 1729 du même code, a fait le choix de classer son jugement en C+. Mais cette condition d’appartenance découle des conditions de fond auxquelles la substitution est soumise en matière de pénalités.

Ces conditions ont été rappelées dans la décision de Section du 1er octobre 1999, Association pour l'unification du christianisme mondial, n°170598, A, publiée à la RJF 11/99 n° 1397 avec les conclusions de Gilles Bachelier, concernant le cas dans lequel la substitution est demandée par l’administration. Classiquement, le contribuable ne doit être privé d’aucune des garanties de procédure prévues par la loi mais en plus, l’administration doit avoir, au soutien de sa demande, invoqué des faits qu’elle avait retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée. Or, si l’on applique ce principe au cas d’espèce, le défaut de production d’une déclaration dans le délai de trente jours suivant la réception d’une mise en demeure, ne peut justifier en soi, l’existence d’un manquement délibéré de la part du contribuable. A l’inverse, les pénalités de 10, 40 ou 80%, prévues à l’article 1728 du code général des impôts trouvent leur racine commune dans le « défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application ». Les pénalités prévues à l’article 1729 trouvent leur origine dans « les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ».

Même si les termes sont parfois ambigus, le Conseil d’Etat n’a pas ouvert la possibilité pour le juge de l’impôt de procéder d’office à une substitution de base légale en matière de pénalités mais a jugé qu’il était de son office de procéder à ce qui s’apparente davantage à une « modulation » du taux de la pénalité dans les strictes limites fixées par la loi.

En procédant comme il l’a fait, le tribunal administratif de Dijon a méconnu son office et a entaché son jugement d’une irrégularité, ainsi que vous en avez informé les parties par un courrier du 9 septembre 2022. En conséquence, vous annulerez le jugement sur ce seul point et statuerez sur les conclusions de la SCI Sabatier dirigées contre les pénalités mises à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, par la voie de l’évocation.

Nous l’avons dit, la majoration de 40% visée au b de l’article 1728 du code général des impôts, pour non dépôt de déclaration dans le délai de trente jours suivant une mise en demeure a été appliquée à un montant de 20 332 euros et non à un montant de 460 605 euros comme la SCI le soutient. Elle n’a d’ailleurs pas été appliquée à l’intégralité du montant de 79 185 euros mis en recouvrement et il ne résulte donc pas de l’instruction que la pénalité en litige a été appliquée au titre des mois de juin à décembre 2013, qui n’ont pas fait l’objet d’une mise en demeure. Vous pourrez donc, si vous nous suivez, rejeter les conclusions de la SCI Sabatier tendant à la décharge de ces pénalités, sans qu’il soit besoin de statuer sur la demande de substitution de base légale faite par le ministre devant vous.

La SCI Sabatier a également fait l’objet d’une amende pour « non remise de FEC » (fichiers des écritures comptables) sur le fondement de l’article 1729 D du code général des impôts pour des montants de 5 000 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, 5 000 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 et 5 773 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 juillet 2016.

Selon l’article 1729 D du code général des impôts, dans sa version applicable aux contrôles pour lesquels un avis de vérification est adressé à compter du 10 août 20144, « le défaut de présentation de la comptabilité selon les modalités prévues au I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales entraîne l'application d'une amende égale à 5 000 € ou, en cas de rectification et si le montant est plus élevé, d'une majoration de 10 % des droits mis à la charge du contribuable ».

Votre cour a jugé que la sanction prévue par ces dispositions ne saurait s’appliquer par année ou par exercice soumis au contrôle mais revêt, pour la période en litige, un caractère entièrement forfaitaire (CE, 2 avril 2019, SCI Concorde, n°17LY04017, CAA de Lyon, 9 juillet 2020, Olcay Construction SARL, n°18LY04074, C+). Il en résulte qu’en procédant comme elle l’a fait, l’administration fiscale a méconnu le champ d’application des dispositions de l’article 1729 D du code général des impôts, ainsi que vous en avez informé les parties par un courrier du 9 septembre 2022.

Tirant les conséquences de cette information, l’administrateur général des finances publiques a prononcé, le 19 septembre dernier, le dégrèvement de la somme de 10 000 euros et vous demande de prononcer un non-lieu à statuer à concurrence de cette somme, ce que vous pourrez faire.

Pour le surplus (soit 5 773 euros), il n’est effectivement pas possible de prononcer la décharge de l’amende dès lors qu’il est constant que la SCI Sabatier n’a pas présenté sa comptabilité relative à la période du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2016 sous forme dématérialisée, dans les conditions prévues au I de l’article L. 47 A du livre des procédures fiscales, et ce, malgré la mise en demeure qui lui a été faite le 18 octobre 2016.

En vertu de l’article 1769 D du code général des impôts, l’amende est fixée à un montant soit de 5 000 euros, soit équivalent à 10% des droits mis à la charge du contribuable lorsque ces droits procèdent d’une rectification et que le montant en résultant est supérieur à 5 000 euros. En l’espèce, au cours des opérations de contrôle, le service vérificateur a validé les montants figurant sur les déclarations CA3 déposées par la SCI Sabatier. Seule la période du 1er janvier au 31 juillet 2016 a fait l’objet de rectifications, le service ayant constaté une omission de déclaration de TVA collectée d’un montant total de 70 068 euros et n’ayant admis en déduction qu’une somme de 12 338 euros. Les droits rappelés à raison de cette rectification s’élèvent à 57 730 euros. La majoration de 10% en résultant, soit 5 773 euros, étant supérieure à la somme de 5 000 euros prévue par le premier item de l’article 1729 D du code général des impôts, vous pourrez donc considérer que l’administration est fondée à appliquer cette seule majoration au titre de l’intégralité de la période courant du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2016.

La société SCI invoque également le bénéfice du paragraphe 55 de la documentation administrative référencée BOI-CF-IOR-60-40-10, dans sa version en vigueur à compter du 7 juin 2017, selon lequel, par mesure de tolérance, certaines SCI sont dispensées de fournir des fichiers des écritures comptables. Mais ces énonciations qui ont trait au « champ d’application de la procédure de remise de la copie des fichiers des écritures comptables » ne comportent aucune interprétation formelle de la loi fiscale, au sens de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dont la SCI pourrait de prévaloir.

Par ces motifs nous concluons :

- à l’annulation, pour irrégularité, du jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 juillet 2020 en tant qu’il statue sur les pénalités mises à la charge de la SCI Sabatier sur le fondement du b de l’article 1728 du code général des impôts au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 et au rejet des conclusions tendant à la décharge de ces pénalités

- au non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 10 000 euros en ce qui concerne l’amende infligée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2016, sur le fondement de l’article 1729 D du code général des impôts 

- au rejet du surplus des conclusions de la requête et ce compris, dans les circonstances de l’espèce, les conclusions présentées au titre des frais liés au litige.

Notes

1 Soit un total de 467 305 euros au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2015.

2 « Sont taxés d'office : (…) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (…) »

3 « Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts ou de l'article L. 2333-55-2 du code général des collectivités territoriales, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A. / Cette procédure s'applique également lorsque l'administration effectue la reconstitution du montant déclaré du bénéfice industriel ou commercial, du bénéfice non commercial, du bénéfice agricole ou du chiffre d'affaires déterminé selon un mode réel d'imposition. »

4 Date d’entrée en vigueur de la loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 (article 23)

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