Les conditions de renouvellement d’un titre de séjour au profit d’un étranger handicapé sont appréciées tant au vu de son taux d’incapacité que de son autonomie financière. Cette dernière exigence peut être perçue comme discriminatoire.
Mme A., ressortissante kosovare, est arrivée en France en 2013. Après avoir demandé la reconnaissance du statut de réfugiée, qui lui a été refusé tant par l’OFPRA (20 janvier 2014) que la CNDA (18 décembre 2014), elle a obtenu un titre de séjour en qualité d’étranger malade du 9 mars 2015 au 14 octobre 2019. Elle a en effet été opérée en décembre 2016 d’une scoliose thoraco-lombaire majeure. La dernière demande de renouvellement de ce titre date du 23 septembre 2019. Or un arrêté préfectoral émis le 11 août 2020 refuse le renouvellement du titre de séjour. Il est assorti d’une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Cet arrêté fait l’objet du contentieux présent : décision de la CAA de Lyon du 29 mars 20221.
Il ressort des éléments du litige deux aspects prépondérants, encadrant la solution applicable à Mme A. avec, sous un angle pragmatique, l’exigence des conditions à remplir afin de pouvoir bénéficier de la carte de résident, puis, dans une approche plus ouverte, la question des taux d’incapacité et discriminations potentielles.
La carte de résident de longue durée-UE : la double condition posée à l’article L. 314-8 CESEDA
La variété des titres de séjour, une douzaine, reconnus en France au profit des étrangers nécessite une typologie2 affinée et enserre les bénéficiaires dans des critères distincts. S’agissant de la carte de résident de longue durée-UE3, deux exigences4, ici discutées5, ont été posées par le législateur, en matière de résidence6 et de ressources.
Dans le cas présent, Mme A. réside depuis plus de 5 ans régulièrement et de manière ininterrompue7 en France et peut, à ce titre, se prévaloir de la première condition exigée pour bénéficier d’une carte de résident (art. L. 314-8 CESEDA, 1°). Le juge administratif confirme ce point en s’appuyant sur le fichier national des étrangers, et relevant pour la période plus récente, la situation fragilisée de la requérante séjournant sous couvert de simples récépissés de demande de titre de séjour ou de cartes de séjour (art. L. 313-11 CESEDA).
Ensuite, il est impératif qu’elle prouve de prouver un certain niveau de ressources, elles-mêmes « stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins », correspondant a minima à l’équivalent du salaire minimum de croissance. Un particularisme supplémentaire se greffe ici dans le sens où tout demandeur, titulaire de l’AAH8, est dispensé de cette exigence d’autonomie financière. Ce point appelle des précisions.
L’allocation adulte handicapé (AAH) : la dualité des articles L. 821-2 et 821-1 du CSS
Il s’avère que Mme A. peut bénéficier d’une AAH9 au titre de ses difficultés de santé. Elle s’appuie sur la décision de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de l’Ain datée du 12 mars 2020. Dans le champ de la protection sociale, il existe plusieurs situations envisageables puisque le bénéfice de l’allocation dépend du degré de handicap, calculé au vu du taux d’incapacité permanente : au moins 80 % ou entre 50 et 79 %. L’étude elle-même est réalisée par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH).
L’allocation de Mme A. se fonde sur l’article L. 821-2 CSS, reposant sur un taux d’incapacité permanente compris entre 50 et 79 %. Cette prestation d’assistance n’entre ainsi pas dans le champ d’application de l’article L. 821-1 CSS : celui-ci fixe le seuil d’au moins 80 %, seuil permettant alors de rentrer dans le champ de l’exception déterminée au point n° 2 de l’article L. 314-8 du CESEDA, c’est-à-dire exception à la condition d’autonomie financière. Il est en effet considéré que l’exigence de ressources serait une discrimination indirecte à l’égard des personnes handicapées parfois en difficultés professionnelles10. Ce particularisme vaut pour le cas de l’article L. 821-1 mais non pour celui de l’article L. 821-2.
Il est intéressant de relever que Mme A. soulève une autre forme de la discrimination indirecte : elle soutient que les dispositions de l’article L. 314-8 CESEDA sont discriminatoires puisqu’elles n’exonèrent pas de la condition de ressources le titulaire de l’AAH délivrée au titre de l’article L. 821-2. Cette distinction de taux d’incapacité, liée aux articles supports distincts, est pour la requérante discriminatoire au vu des articles 8 et 14 de la CESDH. La cour écarte cependant cet argument en précisant que la requérante peut demander à bénéficier d’un autre titre de séjour11, mais surtout en rappelant « l’objectif légitime de n’ouvrir le statut de résident de longue durée qu’aux étrangers jouissant d’une autonomie financière », ce qu’elle ne prouve pas dans sa situation. Les articles conventionnels ne peuvent contraindre l’État à la délivrance d’un type particulier de titre de séjour. Il décide seul des conditions d’obtention du statut de résident de longue durée-UE.
Cette situation est pourtant à mettre en parallèle avec celle d’une décision12 apportant un éclairage plus souple13 en précisant que « le législateur, en faisant alors référence au seul article L. 821-1, n’a pas entendu limiter le champ de la dérogation qu’il instituait aux seuls titulaires de l’allocation aux adultes handicapés qui en bénéficient au titre de l’article L. 821-1, mais a entendu viser l’ensemble des personnes titulaires de cette allocation » …