La SCI Le Soudan, dont M. et Mme X. étaient les associés, respectivement à hauteur de 99 % et 1 % des parts, avait conclu un bail à construction en 1984 avec l’EURL Le Central Parc afin de construire, sur un terrain lui appartenant, un immeuble à usage d’habitation à Annemasse. Par un acte du 21 juillet 2010, la SCI Le Soudan et l’EURL Le Central Parc ont cédé à la société Quintessence les droits que chacune détenait sur l’ensemble immobilier construit par l’EURL. La SCI Le Soudan a considéré que la plus-value réalisée à l’occasion de cette vente était exonérée d’imposition. Elle a fait l’objet d’une dissolution le 31 octobre 2011 puis a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 20 septembre 2012.
En 2013, l’administration a procédé à un contrôle sur pièce de la SCI, à l’issue duquel elle a considéré qu’il y avait eu deux opérations successives, à savoir une résiliation tacite du bail conclu avec l’EURL, ayant pour conséquence que la SCI était devenue propriétaire des locaux construits par elle, puis, la vente d’un terrain et de constructions. Les services fiscaux ont considéré, d’une part, que l’acquisition des immeubles avait généré un revenu foncier pour la SCI, d’autre part, que si la vente de terrain était effectivement exonérée d’imposition compte tenu de la durée de détention, tel n’était pas le cas de la vente des constructions. L’administration a ainsi réintégré dans le résultat imposable de la SCI le prix de revient des constructions édifiées sur son terrain et déterminé la plus-value réalisée lors de la vente, en distinguant la part se rapportant aux constructions et celle se rapportant au terrain.
Par une proposition de rectification (PR) du 25 novembre 2013, l’administration a adressé une proposition de rectification à la SCI Le Soudan, en la personne de M. X., qui avait été désigné mandataire ad hoc par une ordonnance du tribunal de commerce de Thonon-les-Bains du 29 octobre 2013. Cette PR faisait état du rehaussement des revenus fonciers de la SCI et de la répartition de l’imposition en découlant entre les mains des associés, puis de l’existence d’une plus-value, dont le montant était indiqué, mais sans préciser que cela donnerait lieu à imposition entre les mains des associés ni, a fortiori, indiquer la répartition entre eux.
Par une PR du même jour, elle a informé les associés de la SCI des compléments d’impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à leur charge résultant du rehaussement des revenus fonciers de la SCI Le Soudan, ainsi que des majorations correspondantes. Elle ne mentionnait pas les conséquences sur le revenu imposable de M. et Mme X. de la rectification opérée s’agissant de la plus-value immobilière. Ce n’est que par une PR du 3 décembre 2015 que l’administration a indiqué à M. et Mme X. vouloir les imposer à raison de la rectification des résultats de la SCI s’agissant de la plus-value immobilière, en leur indiquant la répartition des compléments d’imposition correspondant.
M. et Mme X. ont saisi le tribunal administratif de Grenoble de plusieurs demandes tendant à la décharge des compléments d’impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à leur charge au titre de l’année 2010, ainsi que des majorations correspondantes. A l’appui de leurs demandes, ils faisaient principalement valoir que la PR adressée à la SCI Le Soudan ne lui avait pas été valablement notifiée car la désignation de M. X. comme mandataire ad hoc n’était pas régulière. Ils en déduisaient à la fois l’irrégularité de la procédure et la prescription de l’action de l’administration à leur égard.
Après avoir joint leurs demandes, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé M. et Mme X. des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2010 relatives à la plus-value immobilière réalisée et condamné l’Etat à leur verser 1 200 € au titre des dispositions de l’article L.761-1 du CJA. Il a rejeté le surplus de leurs conclusions.
Tant M. et Mme X. que le ministre relève appel de ce jugement.
S’agissant de l’appel du ministre, précisons tout de suite que celui-ci indique à tort que le montant total des sommes déchargées par le tribunal administratif s’élève à 823 499 € pour M. X. et 8 317 € pour Mme X., alors que ces montants incluent les contributions sociales, qui ne figurent pas dans le dispositif de décharge du jugement bien qu’il est vrai, le tribunal administratif ait été saisi de conclusions en ce sens. Vous devrez constater que le ministre n’a pas intérêt à demander le rétablissement de sommes qui n’ont pas été déchargées par le TA et que ses conclusions sur ce point sont irrecevables.
Devant vous, le débat porte toujours, pour l’essentiel, sur la régularité de la notification de la PR adressée à la SCI Le Soudan.
Comme cela a souvent été rappelé, le régime fiscal des sociétés de personnes relevant de l’impôt sur le revenu a pu être qualifié de « sac d’embrouilles » (article de M. Cozian et A-S Peignelin in Dr. fisc. 5/94 p. 205) et la question qui vous est soumise illustrera parfaitement les difficultés procédurales qui peuvent en découler.
Tout d’abord, rappelons brièvement les règles dégagées par la jurisprudence s’agissant des contrôles effectués à l’égard des SCI soumises au régime des sociétés de personnes et de leurs associés.
Aux termes de l'article L. 53 du LPF, la procédure de vérification des déclarations des sociétés, dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, est en principe suivie entre l'administration et la société. V. par ex. CE 8 avril 1994, n° 060405 : RJF 5/94 n° 0579 et CE 1er mars 2000 n° 0181665 : RJF 4/00 n° 0524.
Mais, compte tenu de la translucidité d’une telle société, qui se traduit par un principe d’unicité de la procédure suivie à l’égard d’une SCI et de ses associés, la jurisprudence a admis que l’administration puisse, une fois la vérification achevée, notifier les conclusions auxquelles elle est parvenue, soit à la SCI, soit à ses associés, et selon nous, le cas échéant, aux deux. Ainsi, le Conseil d'Etat a admis que l’administration puisse, sans entacher la procédure d’irrégularité, notifier directement à l’associé d’une SCI une rectification de ses revenus imposables à raison de la part lui revenant des revenus perçus par la société en cause, dès lors que cette notification lui a permis de bénéficier de la procédure contradictoire. V. et CE 18 novembre 1991, société Herriau, n° 092600, n° 0365719 : RJF 2/15 n° 0126.
Il avait également admis que les dispositions de l’article L. 53 du LPF n'impliquent pas l'obligation pour l'administration d'adresser une notification à la SCI dont le contribuable est associé pour interrompre la prescription à l'égard de cet associé et qu’une notification à ce dernier, interrompt la prescription à son égard : V. CE 3 décembre 1986, n° 037449, RJF 1987, n° 0161 ; concl. P.-F. Racine, DF 1987, n° 014, p. 449 ; comm. 719.
Pour citer, B. Bohnert dans ses conclusions sous CE 19 novembre 2014, n° 0365719, B, confirmant implicitement ce courant jurisprudentiel : « Dès lors que l’associé d’une société de personnes demeure in fine l’unique redevable de l’impôt, il ne nous semble pas opportun d’interdire à l’administration de conduire directement avec ce dernier la procédure de redressement. ».
Autre précision, lorsque la procédure contradictoire est conduite avec la société de personnes, tous les actes de procédure sont opposables aux associés, mais ceux-ci ne peuvent faire l’objet de redressements portant sur leur quote-part dans les résultats sociaux qu’après s’être vus notifier personnellement de tels redressements. V. CE 8 mars 2004, n° 0253258, B , aux conclusions F. Séners. Il est admis par la jurisprudence que la motivation des propositions de rectification adressées aux associés à la suite de la rectification des bases d'imposition de la société soit assez sommaire : elles doivent indiquer les raisons de cette rectification (notamment CE 21 décembre 1990 n° 069153, RJF 2/91 n° 0208) mais peuvent comprendre une motivation sommaire faisant simplement référence à la rectification des bases de la société. Elles doivent toutefois comporter à tous le moins le montant des redressements propres à chaque associé (notamment CE 2 novembre 1994 n° 0126814 : RJF 12/94 n° 01356) . Il est également admis, dans le cas d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le gérant était l’unique associé, que l’administration n’a pas à réitérer à son égard la notification précédemment adressée à la société et qu’il a reçue en tant que gérant (décision « CE 8 mars 2004, n° 0253258, B » précitée) .
Disons tout de suite que nous ne pensons pas qu’une telle solution soit transposable dans le cas d’une SCI ayant deux associés, même mariés. A titre d’élément de comparaison, le Conseil d'Etat juge, s’agissant de l’exercice d’une option pour l’IS que la signature de chacun des époux est requise, quand bien même ils sont mariés sous le régime de la communauté légale : v. CE 28 décembre 2007, n° 0277370, B.. Dans ses conclusions sur cette affaire, E. Glaser indiquait que « les époux associés d’une société civile, même mariés sous le régime de la communauté et imposés en commun en application de l’article 6 du CGI, demeurent deux associés distincts de cette société ». Nous n’avons pas trouvé de précédent s’agissant de la notification d’un acte de procédure à l’un des époux associés, mais il nous paraît difficile de considérer que cela pourrait être assimilé à une notification à la SCI au seul motif que l’autre associé fait partie du même foyer fiscal.
Enfin, au regard du délai de reprise, la notification envoyée à une société de personnes est interruptive de prescription à l'égard de tous les associés pour l'impôt sur le revenu afférent à leur quote-part de bénéfices, même si elle ne s’est pas accompagnée d’une notification aux associés leur indiquant le montant à proportion duquel ils sont imposables. V. CE 8 avril 1994, n° 060405-65876 : RJF 5/94 n° 0579, aux conclusions F. Loloum. Comme ce dernier l’indiquait : « c'est une loi du 30 juin 1923 qui a prévu que les associés des sociétés en nom collectif, paradigmes des sociétés de personnes, seraient imposés personnellement à raison des bénéfices sociaux ; mais l'impôt en cause - la taxe proportionnelle - ne cessait pas pour autant d'être une dette sociale (…) De ce caractère de dette sociale vous avez déduit que la notification de redressements adressée à la société était opposable aux associés même s'ils n'avaient été destinataires d'aucune notification (CE 6 février 1957, n° 037066 : Lebon p. 89) . ». Dans cette décision, l’administration avait d’abord notifié une notification de redressements à la société de personnes avant l’expiration du droit de reprise, sans indiquer les conséquences des rectifications prononcées pour chaque associé, et n’avait notifié les redressements consécutifs aux associés que postérieurement à l’expiration de ce délai de reprise. Le Conseil d'Etat a jugé que la notification à la société avait interrompu la prescription à l’égard des associés et que la notification qui leur avait été adressée était intervenue à l’intérieur du nouveau délai de reprise ayant commencé à courir à compter de la notification à la société.
Ainsi, pour résumer à gros traits, soit l’administration notifie les rectifications à la SCI, dans ce cas, cela interrompt la prescription à l’égard de ses associés, et il faut que ces derniers soient informés des rectifications corrélatives de leurs revenus à hauteur de leur quote-part de participation dans la société (obligation de motivation succincte), cela pouvant intervenir le cas échéant jusqu’à l’expiration du nouveau délai de reprise ouvert à l’administration après interruption de la prescription .
Soit l’administration notifie les rectifications aux associés chacun en ce qui les concerne plutôt qu’à la SCI : dans ce cas, l’administration doit leur notifier le montant des impositions correspondant et chacun doit bénéficier de toutes les garanties attachées à la procédure mise en œuvre. En particulier, dans l’hypothèse de la procédure contradictoire, le droit de saisir la commission départementale des impôts pour discuter du rehaussement du bénéfice déclaré ou encore d’être destinataire d’une procédure de redressement (PR) pleinement motivée. Dans ce cas, la prescription est valablement interrompue à leur égard.
De ce préalable long, mais qui nous a paru nécessaire, nous déduisons, s’agissant des revenus fonciers, que l’administration a pu valablement notifier une PR à M. et Mme X., leur indiquant le montant des rectifications les concernant. Elle était suffisamment motivée, ayant reproduit les extraits pertinents de la PR adressée à la SCI Le Soudan, et leur a bien offert les garanties de la procédure contradictoire (cela n’est d’ailleurs pas contesté) .
S’agissant de ce chef de rectification, il nous semble donc que peu importe le point de savoir si la PR adressée à la SCI Le Soudan lui a été valablement notifiée. L’administration pouvait se passer d’une telle PR avant de leur notifier les impositions en résultant pour eux. Et, contrairement à ce que soutiennent les requérants, elle pouvait – c’est même en principe ce qu’elle doit faire – notifier d’abord à la SCI les résultats du contrôle sur pièce opéré, puis aux associés les conséquences que cela a pour eux en termes d’impôt sur le revenu.
Ainsi, s’agissant des revenus fonciers, nous pensons qu’il n’y a eu aucune irrégularité procédurale qui nécessiterait de s’interroger sur la possibilité de la neutraliser. Nous vous proposons donc de confirmer le jugement sur ce point, mais par un autre raisonnement, puisque le TA y a vu une irrégularité qu’il a neutralisé en mobilisant un raisonnement de type « CE, Section, 16 avril 2012, n° 0320912 ». Ici, le constat que les contribuables n’ont été privé d’aucune garantie permet, en amont, de considérer que la notification de la PR aux associés plutôt qu’à la SCI était bien régulier. Nous vous proposons donc de rejeter l’appel de M. et Mme X. dirigé contre le jugement en tant qu’il a rejeté le surplus de leurs conclusions.
Nous vous proposons également d’écarter le moyen soulevé dans un mémoire parvenu il y a peu et qui se rapporte à la majoration de 40 % dont ces compléments ont été assortis. Si les requérants soutiennent que la jurisprudence du Conseil d'Etat n’était pas fixée en 2010, année de la vente du bien litigieux, en ce qui concerne le caractère imposable de l’entrée dans le patrimoine du bailleur des biens édifiés par son preneur et qui lui reviennent gratuitement, d’une part, nous ne partageons pas cette analyse, puisque le Conseil d'Etat avait jugé en ce sens avant 2010. V. par ex. CE 21 mars 2003, n° 0235874, aux Tables p. 762 et à la RJF 6/03 n° 0714 ou CE 11 avril 2008, Min. c/ Mme V., n° 0287961, B . D’autre part, l’attention des requérants avait été attirée sur ce point lors du précédent contrôle qu’ils évoquent eux-mêmes. Le manquement délibéré nous paraît établi.
Plus délicate est la question qui est en débat dans le cadre de l’appel du ministre. En effet, ainsi qu’il a déjà été dit, la PR notifiée aux époux X. ne mentionnait que la rectification des résultats de la SCI en matière de revenus fonciers. Si elle renvoyait à la PR adressée à la SCI, dont elle indiquait joindre en annexe « les développements concernant cette rectification », ce n’était que s’agissant du bénéfice foncier rectifié de la SCI. Il paraît donc ici difficile, pour ne pas dire impossible, de considérer qu’elle les a informés, par cette seule PR, des conséquences, sur leur revenu imposable, des rectifications apportées aux résultats de la SCI Le Soudan s’agissant de la plus-value immobilière, dont elle ne dit mot, et alors qu’il n’apparaît pas que la PR adressée à cette SCI y ait été annexée en entier. Au demeurant, ainsi que nous l’avons aussi déjà mentionné, la PR adressée à la SCI Le Soudan n’indiquait pas davantage la part d’imposition supplémentaire pour chaque associé s’agissant de cette plus-value immobilière.
Il est vrai qu’ici, les conséquences pour chacun des associés étaient assez faciles à percevoir puisque le foyer fiscal composé de M. et Mme X. détenait la totalité des parts de la SCI. Mais nous l’avons évoqué il y a quelques instants, il nous semble que dès lors qu’il y a plus d’un associé dans un société, l’administration doit indiquer la quote-part d’imposition revenant à chacun. V. a contrario, CE 8 mars 2004,, n° 0253258, B .
Sur ce point, donc, la circonstance qu’il est constant que M. X. a bien reçu la PR adressé à la SCI ne permet pas de considérer que chacun des deux associés s’est vu notifier de ce seul fait les rectifications le concernant.
Il nous semble donc que ce n’est que si la PR adressée à la SCI peut être regardée comme lui ayant été régulièrement notifiée que les impositions mises à la charge de M. et Mme X. au titre de la plus-value immobilière pourront être confirmées.
En effet, dans ce cas, nous l’avons rappelé, la jurisprudence admet que la PR adressée à la SCI ayant interrompu la prescription à l’égard des associés, la notification aux associés des conséquences en matière d’impôt sur le revenu n’intervienne que plus tard. Ici, la notification de la PR à la SCI étant intervenue en le 25 novembre 2013, l’administration pouvait encore notifier à ses associés les conséquences qui en découlaient pour chacun d’eux le 3 décembre 2015, ce qu’elle a fait.
Vous devrez donc prendre parti, comme vous y invitent les parties, sur le caractère régulier ou non de la notification de la PR à la SCI Le Soudan en la personne de M.X..
S’agissant des rapports entre l’administration fiscale et une personne morale disparue ou en voie de disparition, le Conseil d'Etat fait preuve d’un certain pragmatisme.
En principe, une fois la liquidation d’une société de capitaux achevée et mentionnée au RCS, celle-ci ne peut plus être représentée que par un administrateur ad hoc désigné par la juridiction compétente. V. CE 2 juin 2010, n° 0322267, RJF 2010 n° 0817. Le Conseil d'Etat en déduit que l’avis de vérification de comptabilité et l’ensemble des pièces de la procédure de vérification doivent alors être adressée à cet administrateur.
Les dispositions propres aux sociétés de personnes prévoient également la représentation de la société, une fois-celle-ci disparue, par un mandataire ad hoc, qui doit être désigné non pas par le président du tribunal de commerce (TC) mais par le président du tribunal de grande instance, ce qui est précisément l’erreur qui a été commise en l’espèce par l’administration puisqu’elle a saisi le premier au lieu du second. Or, le TC n’a pas identifié l’erreur et a accepté, par ordonnance du 29 octobre 2013, de nommer M. X. mandataire ad hoc de la SCI, radiée du registre du commerce et des sociétés. Son président a ensuite pris une ordonnance de rétractation en date du 6 novembre 2014, laquelle a un effet rétroactif, donnant acte de son incompétence pour nommer un mandataire ad hoc et la CA de Chambéry a confirmé la rétractation par un arrêt du 3 novembre 2015.
La jurisprudence, on l’a dit, n’exclut pas le pragmatisme. Elle admet par exemple que l’administration puisse, dans certains cas, s’en tenir aux apparences. Ainsi, le Conseil d'Etat a pu estimer qu’en l’absence de liquidateur ou de mandataire ad hoc, l’administration fiscale avait pu s’en tenir, pour assurer la fonction d’interlocuteur du vérificateur, au gérant de la société assisté de l’administrateur judiciaire, dès lors qu’il résultait du jugement du tribunal de commerce décidant la cession totale des actifs de cette société qu’à la date de ce jugement, la qualité de représentant de la société du gérant était maintenue et que l’administrateur judiciaire était investi d’une mission de commissaire à l’exécution du plan de cession des actifs. V. CE 5 mai 2006, n° 0276854, B.. Dans une décision CE 21 novembre 2011, n° 0340777, B , le Conseil d'Etat juge régulière la tenue d’une vérification de comptabilité avec l’un des associés auquel l’assemblée générale (AG) a donné tous pouvoirs pour exercer les droits et exécuter les obligations au nom et pour le compte de l'indivision formée entre les anciens associés, ce bien qu’après la clôture des opérations de liquidation et radiation d’une SCI du registre du commerce et des sociétés, la même AG ait mis fin au mandat de représentation de la société qu'elle lui avait confié en tant que liquidateur amiable. Voir pour une SCI : CE 21 novembre 2011, n° 0340778, C , aux conclusions L. Olléon.
Il est vrai que la jurisprudence du Conseil d'Etat se montre plus volontiers pragmatique quand il s’agit du déroulement du contrôle que de la notification des actes de procédure. Pour autant, dans une décision du 10 novembre 2000, n° 0204805, p. 52, RJF 2/01, n° 0194, le Conseil d'Etat juge que le dirigeant et associé prépondérant d’une SARL a pu valablement être destinataire de l’avis de vérification. Dans ses conclusions G. Goulard indiquait que l’inobservation d’une formalité impossible n’est pas cause d’illégalité.
Si le Conseil d'Etat ne retient pas la même solution s’agissant des SEP, c’est parce que ces sociétés sont dépourvues de personnalité morale et qu’une fois celles-ci dissoutes, il n’est plus possible de de maintenir la fiction selon laquelle chaque associé représente la société, étant précisé que la personne chargée du règlement des comptes n’a pas, sauf mandat spécial, mandat de représentation à l’égard des tiers, pas plus que le gérant. V. CE 31 juillet 2009 n° 0290971, : RJF 12/09 n° 01141, et les conclusions J. Boucher, BDCF 2009. Le Conseil d'Etat y juge que lorsque la personnalité morale de la société a disparu après la clôture de la liquidation, les associés deviennent copropriétaires indivis des éléments de l’actif social restant après apurement des dettes. Devant ce constat, il estime que les associés peuvent désigner un mandataire pour les représenter lors d’opérations intéressant la société après sa dissolution, ou bien que l’administration peut s’adresser à chacun des associés (mais dans ce cas chacun en ce qui concerne sa part dans les bénéfices de la société, si nous comprenons bien), ou bien encore qu’elle demande la nomination d’un mandataire ad hoc. (CE 31 juillet 2009 n° 0290971, : RJF 12/09 n° 01141, conclusions J. Boucher) .
Ici, en partant du principe que l’administration voulait notifier la PR à la SCI, ce qu’elle doit, en principe faire, comme on l’a déjà dit, vous pourriez considérer qu’elle n’avait d’autre choix que de notifier à celui que le TC avait, à sa demande, désigné comme administrateur ad hoc et qui, en outre, avait été précédemment liquidateur de la société. Etant associé à 99 % des parts de la SCI, il apparaissait également assez naturellement comme une personne ayant qualité pour représenter la société. Et on peut d’ailleurs se demander qui d’autre aurait pu être désigné pour la représenter.
Certes, M. X. a contesté la validité de sa désignation rapidement après avoir reçu la PR adressée à la société et l’administration pouvait à cette date encore notifier aux associés directement les rectifications, comme elle l’avait fait pour les revenus fonciers. Elle devait, il est vrai, agir très rapidement, mais il n’y avait pas réellement d’impossibilité pour l’administration d’atteindre les redevables légaux de l’imposition. Comme le font valoir les requérants, elle semble en réalité avoir tout d’abord pensé que le redevable légal de l’imposition était la SCI, ce qui explique qu’elle ait persisté à se prévaloir de la nomination de M. X. comme administrateur ad hoc de la société.
Cela étant, et malgré les hésitations qui sont permises, nous vous proposons de juger, pour les motifs que nous vous avons exposés, que M. X. avait, dans les circonstances de l’affaire, « qualité », pour reprendre le terme utilisé par le Conseil d'Etat dans la décision du 10 novembre 2000, n° 0204805 précitée, pour « recevoir » la proposition de rectification adressée à la SCI Le Soudan, quand bien même sa désignation comme administrateur ad hoc a été rétroactivement invalidée, pour un motif tenant d’ailleurs à la seule incompétence de la juridiction l’ayant désigné.
Si vous nous suivez, vous en déduirez que cette PR, régulièrement adressée à la SCI, a interrompu la prescription à l’égard de ses associés et que le délai de reprise n’était pas prescrit lors que l’administration a fini par adresser à ces derniers une PR concernant la plus-value immobilière en litige en décembre 2015, leur indiquant les conséquences pour chacun en termes d’impôt sur le revenu et de contributions sociales. Cela vous conduira à censurer le jugement et à examiner, dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel, les autres moyens soulevés par M. et Mme X. devant le tribunal administratif.
A cet égard, si M. et Mme X. font valoir que la proposition de rectification adressée à la SCI mentionne à tort que la SCI est « la redevable légale de l’impôt », cela nous paraît sans incidence, d’une part, sur la régularité de la notification de la PR à la SCI, d’autre part, sur son caractère interruptif de prescription. Comme on l’a dit, cela permettait à l’administration de notifier aux époux X. une PR en 2015, qui les informait de leur qualité de redevable de l’imposition en cause.
Si vous nous suivez, vous annulerez le jugement du tribunal administratif de Grenoble en tant qu’il a prononcé la décharge des suppléments d’impôt sur le revenu mis à la charge de M. et Mme X. au titre de la taxation de la plus-value immobilière de l’année 2010 et des pénalités correspondantes, rejetterez leurs conclusions dirigées contre ces impositions et les remettrez au contraire à leur charge.
Par ces motifs, nous concluons dans le dossier 19LY02930 au rejet de la requête et dans le dossier 19LY03637 à l’annulation de l’article 1er du jugement du TA de Grenoble du 14 juin 2019, au rejet de la demande présentée par M. et Mme X. devant le tribunal administratif de Grenoble tendant à la décharge des compléments d’impôt sur le revenu correspondant à la taxation d’une plus-value immobilière au titre de l’année 2010, à la remise à leur charge des impositions correspondantes et au rejet du surplus des conclusions des parties.