Conciliation de la perte du statut de réfugié avec le principe de non-refoulement

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Décision de justice

TA Lyon – N° 2108182 – 23 novembre 2021 – C

Requête jointe N° 2108694   Jugement confirmé en appel : CAA Lyon - 1ère chambre - N°21LY04159 - 14 juin 2022 - C

Juridiction : TA Lyon

Numéro de la décision : 2108182

Date de la décision : 23 novembre 2021

Code de publication : C

Index

Mots-clés

Eloignement d’un étranger, Statut de réfugié, Révocation du statut de réfugié, L. 511-7 du CESEDA, Traitements inhumains et dégradants

Rubriques

Etrangers

Résumé

L’autorité administrative qui envisage de prendre une mesure d’éloignement à l’encontre d’un réfugié dont le statut a été révoqué sur le fondement de l’article L. 711-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), doit apprécier l’actualité des craintes de traitements inhumains et dégradants qu’il invoque en cas de retour dans son pays d’origine.

Un réfugié dont le statut est révoqué sur le fondement de l’article L. 711-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est présumé avoir conservé la qualité de réfugié. L’autorité administrative qui envisage de prendre une mesure d’éloignement à l’encontre d’un réfugié dont le statut a ainsi été révoqué doit apprécier l’actualité des craintes de traitements inhumains et dégradants qu’il invoque en cas de retour dans son pays d’origine au sens de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en procédant à la vérification qu’il possède encore ou non la qualité de réfugié à la date à laquelle elle prend sa décision.

095-03-01-01, 335-05, Asile, Statut de réfugié, Protection internationale des réfugiés, Révocation du statut de réfugié, Menace grave pour la société française, Principe de non-refoulement, Convention de Genève, L. 711-6 du CESEDA devenu L. 511-7, Article 14 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011

Conclusions du rapporteur public

Maïwenn Sautier

rapporteure publique au tribunal administratif de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.8167

Ces dossiers, qui relèvent de la procédure d’urgence prévue aux articles L. 614-7 à L. 614-131 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), ont été renvoyés devant votre formation collégiale au regard de la question qu’ils soulèvent.

Cette question s’inscrit dans la problématique, toujours délicate, de conciliation de la protection des personnes persécutées et celle de l’Etat qui les accueille. Elle concerne plus précisément l’articulation, subtile, entre le droit de révocation du statut de réfugié, prévu par le paragraphe 4 de l’article 14 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011, dite « directive qualification », lequel a été transposé à l’article L. 711-6 du CESEDA – désormais codifié sous le L. 511-72, et le principe de non-refoulement d’un réfugié prévu à l’article 33 de la convention de Genève.

M.A., de nationalité russe d’origine tchétchène, arrivé en France en 2007, s’est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) du 13 mai 2011, de même que ses parents, deux sœurs et un frère. La CNDA avait alors tenu pour établi que l’intéressé « est issu d'une famille persécutée et recherchée par les autorités russes ; que son père et ses frères ont été arrêtés à plusieurs reprises, l'un d'entre eux, soupçonné d'être un combattant, ayant été victime d'une exécution extrajudiciaire ; qu'il craint donc avec raison, au sens des stipulations (…) de la convention de Genève (…), d'être persécuté en cas de retour dans son pays en raison de ses opinions politiques imputées (…) ».

Par une décision du 7 avril 2016, devenue définitive, le directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) a décidé de mettre fin à son statut de réfugié, sur le fondement de l’article L. 711-6 du CESEDA, alors applicable, qui prévoit qu’ « (…) il peut être mis fin à ce statut lorsque : (…) 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société », en raison de sa condamnation le 16 avril 2015 par le tribunal correctionnel de Paris à deux ans d’emprisonnement pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme et financement d’entreprise terroriste.

L’intéressé n’a pas fait appel de cette décision, mais a demandé, le 22 juillet 2021, par le dépôt d’une demande de réexamen, de se voir de nouveau octroyer la protection internationale. Cette demande a été rejetée par l’OFPRA le 5 août 2021 pour irrecevabilité3 au motif que les éléments dont se prévaut l’intéressé ne sont pas de nature à remettre en cause la décision de fin de son statut de réfugié dès lors qu’il n’a pas démontré qu’il ne constituait pas une menace pour l’ordre public. M.A. a déposé contre cette décision un recours, toujours pendant, devant la CNDA.

Par des décisions du 13 septembre 2021, le préfet de la Loire a, d’une part, obligé M.A. à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans et, d’autre part, l’a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n°s 2107280-2107281-2107295 du 21 septembre 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a annulé la décision fixant le pays de destination en tant qu’elle fixe le pays dont il a la nationalité, pour insuffisance de motivation.

C’est la nouvelle décision fixant le pays de destination prise par le préfet le 13 octobre 2021 qui est aujourd’hui contestée devant vous (sous le n° 2108182). Le requérant demande également (sous le n° 2108694) l’annulation de la décision en date du 25 octobre 2021 par laquelle le préfet de la Loire a renouvelé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Pour contester la légalité de la décision du 13 octobre 2021 fixant la Russie comme pays de destination ou tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible, M. A. fait principalement valoir, et c’est le cœur du litige, qu’en dépit de la révocation de son statut de réfugié, les craintes pour sa vie et sa sécurité au sens de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH) en cas de retour en Russie sont toujours d’actualité.

Or, pour apprécier ses craintes au regard de ces stipulations, la jurisprudence européenne a défini un mode d’emploi procédural de l’article 3 de la CESDH en définissant une grille d’analyse particulière, au sens où elle s’applique spécifiquement à l’hypothèse d’un réfugié dont le statut a été révoqué pour menace grave pour la société sur le fondement de l’article L. 711-6 du CESEDA, dont ni vous, ni a fortiori le préfet ne saurait s’affranchir.

Le paragraphe 4 de l’article 14 de la directive « qualification » précitée énonce que « les Etats peuvent révoquer le statut octroyé à un réfugié lorsqu’il existe des motifs raisonnables de le considérer comme une menace pour la sécurité de l’Etat membre dans lequel il se trouve ou lorsque, ayant été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet Etat membre » - ce qui a été transposé à l’article L. 711-6 du CESEDA. On retrouve ici les deux hypothèses dans lesquelles la convention de Genève écarte l’application du principe de non-refoulement, prévu à l’article 33 de la convention de Genève.

Cependant, la jurisprudence de la CJUE est plus protectrice puisqu’elle a en effet jugé, dans son arrêt CJUE, 14 mai 2019, C 391/16, C 77/17 et C 78/17 qu’un étranger ne bénéficiant plus du statut de réfugié – à savoir les droits attachés à la protection juridique et administrative de l’Etat qui l’accueille - mais ayant conservé cette qualité, ne peut être renvoyé dans son pays d’origine si ce renvoi l’expose à un risque réel de se voir infliger des traitements contraires à l’article 3 de la CESDH.

Ainsi que l’expose A. Lallet dans ses conclusions sous la décision CE, 19 juin 2020, M. A. et Office français de protection des réfugiés et des apatrides, n° 416032 416121, en A « Cet arrêt (de la CJUE) repose principalement sur la distinction, classique, entre la qualité de réfugié et le statut de réfugié. On sait que l’octroi du statut de réfugié présente un caractère purement recognitif de la qualité de réfugié. Lorsque s’applique une clause de cessation ou d’exclusion à un réfugié ayant obtenu le statut, la mesure de révocation lui fait perdre le statut par voie de conséquence de la perte de la qualité. Tel n’est pas le cas lorsque s’applique le paragraphe 4 de l’article 14. Sur ce fondement, l’Etat peut seulement mettre fin au statut de réfugié. Il ne remet pas en cause la qualité. Contrairement aux clauses d’exclusion visant certains criminels, il ne s’agit pas tant de sanctionner l’indignité de la personne à la protection internationale que sa dangerosité pour l’Etat qui l’accueille. Mais cette dangerosité ne peut faire oublier que, par définition, dès lors qu’elle peut toujours se prévaloir de la qualité de réfugié, cette personne serait elle-même en danger si elle retournait dans son pays d’origine (…) Par construction, il craint donc avec raison de faire l’objet d’un ou plusieurs actes de persécution. En pratique, donc, la personne qui se voit « seulement » retirer le statut de réfugié dans le cadre prévu par le paragraphe 4 de l’article 14 de la directive, tout en continuant à jouir de la qualité de réfugié, sera largement à l’abri de l’éloignement, si ce n’est dans un Etat distinct de son pays d’origine qu’il fuit ».

Le Conseil d’Etat, dans sa décision précitée M. A., en a donc déduit que « La perte du statut de réfugié résultant de l’application de l’article L. 711-6 ne saurait dès lors avoir une incidence sur la qualité de réfugié, que l’intéressé est réputé avoir conservé dans l’hypothèse où l’OFPRA et, le cas échéant, le juge de l’asile, font application de l’article L. 711-6, dans les limites prévues par l’article 33, paragraphe 1, de la convention de Genève et le paragraphe 6 de l’article 14 de la directive du 13 décembre 2011 ».

Un réfugié dont le statut est révoqué sur le fondement de l’article L. 711-6 du CESEDA est donc présumé avoir conservé la qualité de réfugié. Or cette présomption, favorable à l’intéressé, doit nécessairement entrer en ligne de compte dans l’appréciation des craintes de traitements inhumains et dégradants invoquées par l’intéressé en cas de retour dans son pays d’origine.

C’est ce qu’a jugé la CEDH dans son arrêt 15 avril 2021, K.I c/ France, n° 5560/19, s’agissant d’une mesure d’expulsion à destination de la Russie prise à l’encontre d’un russe d’origine tchétchène dont il avait été mis fin au statut sur le même fondement de l’article L. 711-6 du CESEDA, en rappelant que « la question de savoir si l’intéressé a effectivement conservé la qualité de réfugié est un élément qui doit être particulièrement pris en compte par les autorités internes lorsqu’elles examinent, au regard de l’article 3 de la Convention, la réalité du risque que celui-ci allègue subir en cas d’expulsion vers son pays d’origine », avant de censurer les autorités françaises qui, « dans le cadre de l’édiction puis du contrôle juridictionnel de la mesure d’éloignement vers la Fédération de Russie, n’ont pas spécifiquement pris en compte que le requérant est présumé avoir conservé la qualité de réfugié en dépit de la révocation de son statut dans l’évaluation des risques encourus en cas de retour en Russie ».

Même si cela ne dispense pas, ainsi que le rappelle le CE, par son ord., 17 mai 2021, , n° 451754 « l’étranger qui conteste son éloignement de démontrer qu’il y a des raisons sérieuses de penser que, si la mesure incriminée était mise à exécution, il serait exposé à un risque réel de se voir infliger des traitements contraires à l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales », le CE précise que « le fait que la personne ait la qualité de réfugié est un élément qui doit être particulièrement pris en compte par les autorités et qui représente le point de départ quant à l’analyse de la situation actuelle de la personne. Dès lors, la personne à qui le statut de réfugié a été refusé ou retiré ne peut être éloignée que si, au terme d’un examen approfondi et complet de sa situation, et de la vérification qu’elle possède encore ou non la qualité de réfugié, il est conclu, en cas d’éloignement, à l’absence de risque au regard des stipulations précitées ».

C’est précisément sur ce point que l’analyse du préfet de la Loire est, selon nous, incomplète et lacunaire.

Le préfet, alors que le tribunal lui avait expressément indiqué dans les motifs de son jugement du 21 septembre 2021 la nécessité de procéder à une telle vérification, a motivé sa nouvelle décision en se référant d’une part à la décision d’irrecevabilité rendue par l’OFPRA le 5 août 2021, pour en déduire l’absence de craintes de traitements inhumains et dégradants de l’intéressé en cas de retour en Russie, d’autre part à l’avis défavorable de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Lyon sur la demande d’extradition dont il a fait l’objet.

Ce raisonnement nous paraît entaché d’erreur de droit dans l’examen de l’article 3 de la CESDH, et la requête, qui soulève expressément le défaut d’examen sérieux de sa situation, l’invoque selon nous sommairement mais néanmoins sous cet angle.

Il est vrai que le requérant concentre son argumentation sur la circonstance que le 5 décembre 2017, les autorités russes ont sollicité son extradition sur la base d’un mandat d’arrêt international résultant de poursuites judiciaires en Russie lui reprochant d’avoir rejoint l’Etat islamique en Syrie en qualité de combattant armé et d’avoir pris une part active au conflit interne contre l’armée gouvernementale syrienne de juin à octobre 2015 et que le 20 mai 2021, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Lyon a émis un avis défavorable à cette demande d’extradition présentée par les autorités russes.

Mais cet élément, dont peut se prévaloir le requérant pour éclairer l’actualité de ses craintes, ne saurait constituer du point de vue du préfet l’élément déterminant de l’analyse à laquelle il doit se prêter. Le préfet a en effet omis de prendre pour point de départ le postulat selon lequel il avait conservé la qualité de réfugié, pour le vérifier. Et l’appropriation qu’il se fait des termes des avis et décision rendus récemment par la chambre d’instruction et l’OFPRA ne saurait pallier à cette omission.

Nous nous expliquons :

- d’une part, la décision du 5 août 2021 par laquelle l’OFPRA a rejeté sa demande de réexamen pour irrecevabilité s’est en réalité bornée, ainsi que le prévoient expressément les articles L. 531-324 et L. 531-425 du CESEDA, et contrairement à ce que soutient la défense, à examiner sa demande tendant à se voir de nouveau octroyer le statut de réfugié, sans se prononcer sur les conditions d’octroi de l’asile et pour cause, puisqu’il est présumé avoir conservé cette qualité. Partant, l’OFPRA n’a donc pas apprécié ses craintes en cas de retour en Russie mais la seule existence d’une menace grave à l’ordre public que constitue sa présence en France.

- d’autre part, le rôle de la chambre de l’instruction appelée à formuler un avis sur une demande d’extradition (articles 696-1 à 696-7 du code de procédure pénale) consiste à vérifier la satisfaction des conditions légales à laquelle l’extradition est subordonnée et l’absence d’erreur matérielle. Au terme de plusieurs suppléments d’instruction, elle a conclu que M. A. n’avait pas quitté le territoire français entre le 23 novembre 2013 et le 5 avril 2017 et ne pouvait, ainsi, se trouver sur le sol syrien entre juin et octobre 2015, période de prévention visée par le mandat d’arrêt international. Elle en a conclu que la demande d’extradition se heurtait à « une impossibilité factuelle objective » et a, en conséquence, émis un avis défavorable. Ce faisant, elle ne s’est pas prononcée sur les risques auxquels l’intéressé serait exposé en cas de retour en Russie, ce qui nous semble au demeurant logique, cet examen devant être apprécié, en cas d’avis favorable, ou en tout état de cause, dans le cadre de l’édiction du décret d’extradition. Dans une telle hypothèse, s’agissant d’un ressortissant russe d’origine tchétchène poursuivi sur le fondement d’un mandat d’arrêt fédéral pour des faits qualifiés de participation sur le territoire d’un Etat étranger à une unité armée irrégulière, le juge vérifie que les autorités françaises ont pris attache avec les autorités russes afin d’obtenir des garanties sérieuses et précises sous réserve desquelles l’extradition était accordée (CE 31 décembre 2019 n° 426831).

Il en résulte que le préfet de la Loire ne peut être regardé, en l’espèce, comme ayant procédé à l’examen approfondi et complet de sa situation en vérifiant qu’il possédait encore ou non la qualité de réfugié au regard des éléments qui avaient présidé à la reconnaissance de la qualité de réfugié de M. A., analysés à la lumière des éléments dont il se prévaut, notamment des nombreux rapports sur la situation des tchétchènes de retour en Russie, et des poursuites judiciaires dont il fait l’objet dans son pays.

Vous pourriez être tentés au regard de ces éléments, sérieux, de vous prononcer sur la méconnaissance au fond de l’article 3 CESDH, dès lors que le préfet a déjà pris deux décisions fixant le pays de destination. Toutefois, la solution que nous vous proposons de retenir – à savoir l’erreur de droit - nous paraît être plus à même de garantir à l’intéressé le respect de la grille méthodologique qui s’impose à l’administration, au regard notamment de l’importance et de la sensibilité des enjeux en cause, à savoir l’existence, de par sa présence, d’une menace grave pour la société française, et le risque pour l’intéressé de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Russie.

Si vous nous suivez, vous annulerez, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens, la décision du 13 octobre 2021 du préfet de la Loire en tant qu’elle fixe la Russie comme pays de destination.

M. A. conteste en second lieu la décision du 25 octobre 2021 renouvelant son assignation dans son principe comme dans ses modalités (fréquence, périmètre et remise du passeport)6.

1. Une mesure d’assignation d’un étranger faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire prise moins d'un an auparavant, prise sur le fondement de l’article L. 731-1 du CESEDA, ne peut être prise que dans la mesure où l'éloignement demeure une perspective raisonnable dans la limite de 45 jours renouvelable une fois.

Il ne ressort pas du motif que nous vous proposons de retenir pour annuler, partiellement, la décision fixant le pays de destination, que la mesure d’éloignement sur laquelle se fonde le renouvellement de la mesure d’assignation ne constituerait plus une perspective raisonnable à la date à laquelle elle a été prise. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation de l’article L. 731-1 du CESEDA nous semble pouvoir être écarté.

2. Les moyens tirés du défaut de motivation et du défaut d’examen pourront être écartés sans difficulté comme non fondés.

3. De même que celui tiré de la méconnaissance du principe général du droit de l’Union d’être entendu, M. A. n’établissant pas qu’il disposait d’éléments de nature de nature à faire obstacle au renouvellement de son assignation à résidence qu’il aurait été empêché de porter à la connaissance de l’autorité administrative avant le prononcé d’une telle mesure.

4. M. A. a été assigné à résidence à l’adresse … à Saint‑Etienne, avec l’obligation de se présenter tous les jours, y compris les jours fériés, au commissariat de police de cette commune à 10h et avec l’interdiction de quitter ce département, contre remise de son passeport.

Ces obligations doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu’elles poursuivent.

S’agissant en particulier de la fréquence du pointage imposé à M.A., lequel est quotidien, il n’apparaît pas disproportionné compte tenu de ce que la présence de M.A. sur le territoire a été regardée comme une menace pour l’ordre public. (Par comparaison, le CE, 4 novembre 2021, n°439405, a censuré une obligation de pointage de quatre fois par jour, laquelle est apparue disproportionnée « en l’absence de toute explication de l’administration »).

Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette mesure d’assignation, assortie de telles modalités, limiteraient sa vie de couple ou sa participation à l’éducation de ses enfants ou l’empêcherait de fréquenter sa famille et ses amis.

Les moyens tirés de la violation de son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l’article 8 de la CESDH et de l’erreur manifeste d’appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation pourront être écartés.

5. Enfin, à supposer que M. A. ait entendu se prévaloir d’une discrimination au sens des stipulations de l’article 14 de la CESDH dans la jouissance de son droit au respect de sa privée et familiale, la décision attaquée ne porte aucune atteinte discriminatoire à ce droit. Ce dernier moyen pourra être écarté.

Vous pourrez donc rejeter les conclusions en annulation de la décision du 25 octobre 2021 par laquelle le préfet de la Loire a renouvelé la mesure d’assignation dont fait l’objet M.A., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d’injonction et d’astreinte.

Par ces motifs, nous concluons à l’annulation de la décision du 13 octobre 2021 du préfet de la Loire en tant qu’elle fixe la Russie comme pays de destination (requête n° 2008182) et au rejet au fond de la requête n° 2108694 dirigée contre le renouvellement de la mesure d’assignation.

Notes

1 96 heures à compter de l'expiration du délai de recours - ou - si une telle mesure intervient en cours d'instance (comme en l’espèce s’agissant du renouvellement de l’assignation en cours d’instance contre la décision fixant le pays de destination) 144 heures à compter de la notification par l'administration au TA de la décision de placement en rétention ou d'assignation (L. 614-9 du CESEDA et R. 776-21 du CJA) Retour au texte

2 Loi n°2021-1109 du 24 août 2021 art 27 – entrée en vigueur le 1er mai 2021 Retour au texte

3 Sur le fondement des articles L. 531-32 et L. 531-42 du CESEDA Retour au texte

4 L'Office français de protection des réfugiés et apatrides peut prendre une décision d'irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d'octroi de l'asile sont réunies, dans les cas suivants : 1° Lorsque le demandeur bénéficie d'une protection effective au titre de l'asile dans un Etat membre de l'Union européenne ; 2° Lorsque le demandeur bénéficie du statut de réfugié et d'une protection effective dans un Etat tiers et y est effectivement réadmissible ; 3° En cas de demande de réexamen lorsque, à l'issue d'un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l'article L. 531-42, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article. Retour au texte

5 A l'appui de sa demande de réexamen, le demandeur indique par écrit les faits et produit tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa demande d'asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides procède à un examen préliminaire des faits ou des éléments nouveaux présentés par le demandeur intervenu après la décision définitive prise sur une demande antérieure ou dont il est avéré qu'il n'a pu en avoir connaissance qu'après cette décision. Lors de l'examen préliminaire, l'office peut ne pas procéder à un entretien. Lorsque, à la suite de cet examen préliminaire, l'office conclut que ces faits ou éléments nouveaux n'augmentent pas de manière significative la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection, il peut prendre une décision d'irrecevabilité. Retour au texte

6 R. 733-1, R. 733-2 et R. 733-3 du CESEDA Retour au texte

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