M.X., né le 8 janvier 1990 en Algérie, de nationalité algérienne a fait l’objet le 15 janvier 2018 d’une obligation de quitter le territoire français avec assignation à résidence édictée par le préfet des Alpes-Maritimes peu de temps après son entrée irrégulière en France. Le 29 janvier 2018, il a sollicité la reconnaissance de la qualité de réfugié. Celle-ci lui a été refusée par décision de l’office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 mars 2019, confirmée par décision de la CNDA du 28 juin 2019, notifiée le 10 juillet 2019. Parallèlement, les autorités algériennes ont formulé le 21 septembre 2018 une demande d’extradition de M. X. aux fins d’exécution d’un mandat d’arrêt du 15 mars 2018 pour des faits de trafic de migrants.
Le 22 août 2019, M. X. a introduit auprès du préfet de Saône-et-Loire une demande tendant à bénéficier d’un certificat de résidence en qualité de salarié. Le préfet de de Saône-et-Loire par un arrêté du 18 octobre 2019 lui a refusé la délivrance d’un titre de séjour et a assorti ce refus d’une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé l’Algérie comme pays de renvoi et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par jugement du 23 mars 2020, le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté en tant seulement qu’il a fixé l’Algérie comme pays de renvoi, a enjoint au préfet de réexaminer dans un délai de deux mois la situation de M. X. en ce qui concerne le pays de destination et a rejeté le surplus des conclusions de M. X..
Par sa requête enregistrée le 17 juin 2020, le préfet demande à notre cour l’annulation du jugement en tant qu’il a annulé la décision fixant le pays de renvoi et lui a fait injonction de réexaminer la situation de M. X. en ce qui concerne le pays de renvoi et demande le rejet des conclusions de M. X. formulées contre cette décision fixant le pays de renvoi.
M. X., par une requête du 22 septembre 2020 décrite à tort comme un mémoire en défense, fait également appel, dans le délai d’appel, de ce jugement du tribunal administratif de Dijon. En effet, compte tenu des règles spécifiques s’appliquant pendant la période d’urgence sanitaire telles que mentionnées sur la lettre de notification du jugement, de telles écritures ont bien été introduites dans le délai d’appel. Les conclusions de M. X. ne sont pas d’une clarté évidente dès lors qu’il demande à la fois la confirmation du jugement du tribunal administratif de Dijon tout en demandant l’annulation de l’arrêté préfectoral du 18 octobre 2019. Nous pensons qu’une lecture constructive de telles écritures se révèle nécessaire et nous vous invitons à regarder de telles écritures comme tendant à l’annulation du jugement en tant qu’il n’a pas été fait droit à l’intégralité de ses demandes d’annulation des décisions figurant dans l’arrêté du 18 octobre 2019 et par suite à l’annulation du refus de titre de séjour, à la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai et lui interdisant de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Il demande également que soit faite au préfet injonction de réexaminer sa situation dans un délai d’un mois et présente des conclusions tendant à ce que l’Etat verse à son avocate une somme de 1 000 euros en application de la combinaison des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par décision du 7 octobre 2020, l’aide juridictionnelle totale a été accordée à M. X..
Vous êtes donc saisis d’un double appel ne portant pas sur le même périmètre.
Il nous a semblé utile de présenter des conclusions dans ce dossier dès lors que les écritures du préfet de Saône et Loire contestant l’analyse des premiers juges sur la décision fixant le pays de destination va amener, pour la première fois, notre cour à se positionner sur l’influence potentielle d’un avis défavorable d’une cour d’appel judiciaire porté sur une demande d’extradition des autorités algériennes quant à l’analyse devant être menée par le juge administratif sur une demande d’annulation d’une décision préfectorale fixant l’Algérie comme pays de destination
Mais avant de regarder cette question peu fréquente dans la jurisprudence, compte tenu de l’appel de M. X., vous aurez d’abord à regarder ses conclusions formulées à l’encontre du jugement du tribunal administratif de Dijon et par suite sur les décisions portant refus de certificat de résidence et obligation de quitter le territoire français sans délai.
Vous noterez que M. X. ne vous indique pas reprendre en appel toute son argumentation de première instance. Il doit donc être regardé comme ayant abandonné en appel les moyens non repris explicitement en appel.
Examinons d’abord les moyens formulés en appel par M. X. à l’encontre du refus de certificat de résidence.
M. X. soutient que le refus de certificat de résidence en tant que salarié méconnaît les dispositions du 7°de l’article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l’article 8 de la CEDH. Il indique au soutien de ces moyens qu’il vit depuis un an avec une ressortissante française avec laquelle il s’est marié religieusement et qu’il a tissé des liens avec les membres de la famille de sa compagne.
Toutefois, le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l’article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, si vous l’estimiez soulevé, est inopérant dès lors que M. X. ressortissant algérien ne saurait utilement se prévaloir de cet article non applicable aux Algériens.
En ce qui concerne la méconnaissance de l’article 8 de la CEDH, vous noterez que M. X. est entré irrégulièrement en France début 2018, soit à l’âge de vingt-huit ans, et qu’il s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire français après le rejet de sa demande d’asile par décision du 28 juin 2019, devenue définitive, de la Cour nationale du droit d’asile. Il n’est pas contesté qu’il a fait l’objet d’un signalement au procureur de la république pour usage d’une fausse carte nationale d’identité italienne, ce qui fragilise ses dires sur sa bonne insertion sociale et son respect des institutions. S’il se prévaut d’une relation avec une ressortissante française, il a déclaré lors de sa demande de titre de séjour du 22 septembre 2019 qu’il était célibataire. Il est également à souligner que l’attestation établie par Mlle A. le 21 août 2019 au soutien de sa demande de certificat de résidence ne portait que sur un hébergement de M. X.. S’il a aussi produit devant le tribunal administratif de Dijon des attestations de novembre 2019 de Mlle A.et des membres de sa famille sur l’existence d’une relation amoureuse, celle-ci était toutefois naissante ou récente à la date de la décision en litige.
En appel, M. X. ne se prévaut plus d’une insertion professionnelle.
Dans les circonstances décrites qui n’établissent pas l’existence de liens stables, durables et intenses en France alors que M. X. n’allègue pas avoir perdu tout lien familial et social en Algérie, nous vous invitons à écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 8 de la CEDH.
Pour les mêmes motifs, et les écritures du requérant sur ces points étant peu claires, vous écarterez, si vous les estimiez soulevés par le requérant, les moyens tirés de l’erreur de fait et de l’erreur manifeste d’appréciation.
Le requérant ne présentant aucun moyen à l’encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, vous pourrez sans difficultés rejeter ses conclusions à fin d’annulation de cette décision.
Passons maintenant à la décision fixant le pays de destination en l’occurrence l’Algérie.
Le préfet de Saône-et-Loire fait valoir que le moyen d’annulation retenu par les premiers juges pour annuler la décision fixant le pays de renvoi à savoir la méconnaissance des stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dès lors que l’avis défavorable de la cour d’appel de Dijon à la demande d’extradition formulée par les autorités algériennes faisait obstacle au renvoi en Algérie en vertu de l’article 696-17 du code de procédure pénale est entachée en l’espèce d’une erreur de droit.
Le préfet indique au soutien de son argumentation que les procédures d’extradition et d’éloignement à la suite d’un refus de séjour sont indépendantes et poursuivent des finalités différentes en l’occurrence pour la première l’application d’une procédure pénale internationale et pour la seconde l’exercice de la souveraineté de l’Etat. Il souligne que l’OFPRA et la CNDA ont successivement rejeté la demande d’asile de M. X. et que celui-ci n’apporte aucun élément de nature à établir l’existence d’un risque en cas de retour en Algérie et la méconnaissance de l’article 3 de la CEDH.
M. X., qui vous demande la confirmation du jugement du tribunal administratif sur l’annulation d’une telle décision, reprend en appel son argumentation sur l’avis défavorable de la cour d’appel de Dijon à la demande d’extradition des autorités algériennes.
Pour comprendre l’argumentation des parties, rappelons que la procédure d’extradition d’un étranger à la demande d’un Etat requérant est régie par les dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure pénale ainsi que par les éventuelles conventions d’extradition signées entre l’Etat requérant et la France. L’article 696-4 de ce même code fixe les conditions devant être remplies sous peine que la demande d’extradition soit refusée, lesquelles sont examinées par la chambre de l’instruction du tribunal compétent qui émet un avis. En vertu de l’article 696-17 de ce même code, un avis motivé défavorable devenu définitif fait obstacle à ce que l’extradition soit accordée à l’Etat requérant.
Par une décision du 28 novembre 2016 n° 389733 Office français de protection des réfugiés et apatrides c/ M. X. en B, le Conseil d’Etat a jugé que ni l’OFPRA ni la CNDA, eu égard à leur office, ne sont liés par l’avis émis par le juge judiciaire en réponse à une demande d'extradition visant un demandeur d'asile, mais qu’ il leur appartient, néanmoins, de prendre en compte l'ensemble des éléments qui leur sont soumis, y compris ceux figurant dans le dossier d'extradition s'ils en disposent, pour apprécier s' il y a des raisons sérieuses de penser que l'intéressé a commis un crime grave de droit commun au sens des stipulations du b) du paragraphe F de l'article 1er de la convention de Genève. En l’espèce le fait reproché était un meurtre sur la personne de sa belle-sœur. Au regard des conclusions du rapporteur public Edouard Crépey sur cette décision du 28 novembre 2016, cette position du Conseil d’Etat est fondée sur l’office de la chambre de l’instruction, défini par le code de procédure pénale comme consistant à s’assurer que les conditions légales de l’extradition sont remplies ou non.
Nous pensons que ce même raisonnement peut être appliqué à la question de la décision fixant le pays de renvoi, le juge administratif n’est pas lié par l’avis défavorable de la chambre d’instruction fondé sur des simples questions procédurales et ne faisant état d’aucun élément de fait tenant à l’existence de risques avérés de traitement inhumains ou dégradant sur la personne susceptible de faire l’objet de cette extradition. Ont ainsi pu être considérés comme de tels traitements inhumains ou dégradants une peine incompressible de réclusion perpétuelle (CE 9 novembre 2015, n° 387245) ou des travaux forcés (CE 17 avril 2015, n° 385866).
Ici, M. X. qui est poursuivi par les autorités algériennes pour des faits de trafic de migrants n’encourt en Algérie qu’une peine de 5 à 10 ans d’emprisonnement. Il ne se trouve donc pas une situation comparable aux exemples cités de peine incompressible de réclusion perpétuelle ou de travaux forcés.
Vous constaterez que l’avis défavorable à l’extradition de la cour d’appel de Dijon du 2 janvier 2019 pour méconnaissance de l’article 17 de la convention d’extradition du 27 août 1964 n’est fondé que sur des motifs procéduraux. La Cour d’appel de Dijon a ainsi motivé son refus d'une part, sur le fait que les autorités algériennes ne fournissaient pas un exposé circonstancié des faits, ne permettant pas à la cour de se prononcer sur la prescription des faits et de conférer une réelle portée au principe de spécialité, d'autre part, sur le fait que le mandat produit ne constituait ni un original ni une expédition authentique de celui-ci dans la mesure où il s'agissait d'une simple photocopie, et enfin que le mandat d'arrêt international était adressé aux autorités judiciaires tunisiennes, même si ultérieurement ce mandat avait fait l'objet d'une note rouge d'Interpol le 29 mai 2018, comportant un exposé des faits tout aussi lacunaire que le mandat lui-même.
De tels motifs ne font état d’aucun risque de traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 3 de la CEDH ou de menaces sur sa vie ou sa liberté.
Il n’est pas non plus fait état dans cet avis défavorable de l’absence d’un procès équitable dans le pays dont il a la nationalité et ayant demandé son extradition. Vous noterez que la cour administrative d'appel de Bordeaux dans un arrêt du 5 juillet 2012 n° 12BX00137 en C+ avait relevé une telle circonstance d’absence d’un procès équitable comme motivant un avis défavorable de la chambre d’instruction à une extradition pour retenir qu’une décision fixant le pays de destination méconnaissait les dispositions de l’article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Dès lors, alors que M. X. ne faisait état d’aucune menace ou risque dans ses écritures et que l’OFPRA et la CNDA avaient rejeté sa demande d’asile, les premiers juges en se bornant à appuyer leur raisonnement concernant la méconnaissance de l’article 3 de la CEDH sur l’avis défavorable de la cour d’appel de Dijon ont commis une erreur de droit.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination, comme déjà indiqué, M. X. reprend en appel son argumentation sur l’avis défavorable à son extradition qui comme nous venons de le dire ne peut pas être accueillie.
Il n’apporte aucun élément probant sur l’existence de risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Algérie. Vous écarterez donc le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l’article 3 de la CEDH.
De même, nous ne voyons pas de détournement de procédure de la part du préfet à avoir pris à l’encontre de M. X. une telle décision fixant l’Algérie comme pays de destination.
Par suite, le préfet est fondé à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont annulé la décision fixant le pays de destination et lui faisant injonction de réexaminer la situation de M. X. en ce qui concerne le pays de destination dans un délai de 2 mois après la notification du jugement. Vous annulerez donc le jugement du tribunal administratif de Dijon en tant qu’il a annulé cette décision fixant le pays de destination et a fait injonction au préfet de réexaminer la situation de M. X. en ce qui concerne le pays de destination dans un délai de 2 mois après la notification du jugement.
Pour la décision portant interdiction de retour sur le territoire, nous vous signalons que M. X. ne présente aucun moyen à l’encontre de cette décision, vous pourrez là encore sans difficultés rejeter ses conclusions à fin d’annulation de cette décision.
Si vous nous avez suivi, ceci vous conduira donc à rejeter l’ensemble des conclusions de M. X. à fin d’annulation et d’injonction et à faire droit aux conclusions du préfet à fin d’annulation du jugement en tant qu’il a annulé sa décision fixant le pays de destination et lui a fait injonction de procéder au réexamen de la situation de M. X. en ce qui concerne le pays de destination.
M. X. étant la partie perdante, ses conclusions formulées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées.
Nous concluons donc, premièrement à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Dijon en tant qu’il a annulé la décision fixant le pays de destination et par voie de conséquence l’injonction faite au préfet de réexaminer la situation de M. X. concernant le pays de destination dans un délai de 2 mois, secondement au rejet des conclusions de M. X.