TASCOM : assujettissement des associations à la taxe

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Décision de justice

TA Lyon – N° 1808848 – Association Oasis d'amour – 19 novembre 2019 – A

Juridiction : TA Lyon

Numéro de la décision : 1808848

Date de la décision : 19 novembre 2019

Code de publication : A

Index

Mots-clés

Fiscalité, Impositions locales ainsi que taxes assimilés et redevances, Taxes ou redevances locales diverses, Taxe sur les surfaces commerciales, TASCOM, Associations

Rubriques

Fiscalité

Résumé

Il résulte des dispositions de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 qu’elles instituent une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, quelle que soit la forme juridique de l’entreprise qui les exploite. Les associations ne sont dès lors pas exclues du champ d’application de la taxe sur les surfaces commerciales, alors même qu’elles rempliraient les critères de non-lucrativité.

Conclusions du rapporteur public

Isabelle Caron

Rapporteur public au tribunal administratif de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.8392

L’association Oasis d’Amour Internationale, créée en 2000, a pour objet social d’aider toute personne en détresse, d’offrir de l’aide, de contribuer à travailler à la vie matérielle, physique, sociale et morale des personnes. Elle est active notamment dans la région lyonnaise à travers ce qu’elle appelle des épiceries sociales, dans lesquelles elle vend aux personnes aux ressources modestes des denrées alimentaires, des produits d’hygiène et des petits électroménagers. Elle gère également un magasin de puériculture, de vêtements et linge de maison.

Elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2014 au 15 juin 2017. Par deux propositions de rectification du 6 juillet 2017, l’administration a estimé que l’association, en raison de son activité de commerce de détail devait être assujettie à la taxe sur les surfaces commerciales (TaSCom) et lui a notifié des rappels de taxe au titre des années 2014 à 2016. L’association Oasis d’amour vous demande la décharge des rappels de taxe ainsi que des pénalités y afférentes, estimant ne pas remplir les critères d’assujettissement à la TaSCom.

Les dispositions de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1972 qui instituent la TaSCom prévoient que la taxe est due par les magasins de commerce de détail, quelle que soit « la forme juridique de l'entreprise » qui les exploite, à condition que leur surface de vente dépasse 400 m², que ces établissements aient été ouverts à partir du 1er janvier 1960, et qu'ils réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 460 000 euros.

Tout d’abord l’association soutient qu’elle n’est pas une entreprise et qu’elle n’exerce pas une activité de commerce de détail au sens de cette loi

Sur la notion d’« entreprise », la requérante, s’appuyant sur la définition du langage courant ou celle appliquée en économie expose que ce terme suppose une exploitation dans un objectif de réalisation de profits et que par nature les associations sont des organismes à but non lucratif. Elle poursuit en indiquant que le caractère désintéressé de la gestion de l’association Oasis d’amour qui suppose que l’entité est gérée et administrée à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation1, a été confirmé par une décision de rescrit de l’administration fiscale du 30 septembre 2014. Elle fait également valoir qu’il n’est pas établi qu’elle exerce une activité lucrative prépondérante dès lors qu’elle n’est pas assujettie à l’impôt sur les sociétés.

Si la notion d’entreprise fait à première vue appel à celle de société et semble se distinguer des organismes tels que les associations, le droit fiscal ne donne toutefois aucune définition de ce que recouvre ou non une entreprise. La lecture des dispositions du code général des impôts qui ont recours à cette notion ne permettent pas de déduire que les associations ne seraient a priori jamais concernées lorsque le terme « entreprise » est utilisé. Certes, la notion d’entreprise est couramment utilisée par le législateur lorsqu’il s’agit de déterminer les bénéfices industriels et commerciaux entrant dans le champ de l’assiette de l’impôt sur le revenu (article 37, article 39, article 44 quaterdecies, article 44 quindecies, article 155 du CGI…). Les dispositions relatives à la taxe sur les salaires (article 231 du CGI) distingue les « entreprises et organismes », ; de même, celles relatives au champ d’application de l’impôt sur les sociétés mentionnent explicitement la notion d’association à côté de celle de sociétés (article 206 du CGI) tandis que la contribution foncière des « entreprises » peut être due par des associations (article 1447 du CGI). Ainsi la diversité des dispositions dans lesquelles le législateur a recours à la notion d’entreprise ne permet pas d’en tirer une interprétation unique en droit fiscal.

Ainsi il ne peut être considéré qu’au regard des termes de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1972, le législateur du seul fait du recours à la notion d’entreprise aurait entendu exclure de l’assujettissement à la TaSCom les associations.

Il ressort des rappels sur la création de la TaSCom issus des rapports devant les assemblées parlementaires dans le cadre de l’adoption de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, qui est venue modifier de manière assez conséquente les conditions de seuil d’assujettissement de la TaSCom, que cette taxe, initialement intitulée taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA), a été créée « à l'origine pour améliorer la situation du petit commerce et favoriser le maintien ou l’implantation de commerces en centre ville »2 en faisant « financer le régime d'indemnité de départ des commerçants et artisans par les enseignes de la grande distribution. »3. « Elle est due, quelle que soit la forme juridique de l'entreprise exploitante, au titre des magasins de commerce de détail ouverts depuis le 1er janvier 1960, dont la surface de vente dépasse les 400 m² et dont le chiffre d'affaires annuel est au moins égal à 460.000 euros ».4 Initialement affectée à la caisse nationale du régime social des indépendants, la taxe a été transférée en 2003 au budget général de l’Etat, ce qui a conduit le législateur constatant, que le lien entre la taxe et le soutien aux petits commerces s’éloignait, à décider par la loi LME de 2008 de changer le nom de la taxe pour introduire la notion de surfaces commerciales à la place d’aide au commerce et à l’artisanat5. La loi de finances pour 2011 a ensuite affecté, à compter du 1er janvier 2011, la TaSCom à la commune sur le territoire de laquelle est situé l’établissement imposable.

Il ressort ainsi de ces travaux parlementaires que c’est l’activité d’exploitation d’un commerce de détail qui est retenue pour déterminer le champ d’application de le TaSCom quel que soit la forme juridique de celui qui l’exploite. Si on peut supposer que le législateur a eu recours à la notion d’entreprise car la taxe a été pensée à l’origine pour assujettir les supermarchés et hypermarchés6, il ne ressort pas de l’intention du législateur qu’il a entendu exclure toute autre forme d’exploitation d’un commerce de détail que celle d’une société, et notamment la forme associative dans le cadre d’une gestion désintéressée.

Le conseil constitutionnel rappelle la même finalité présidant à la création de la TaSCom. La décision n° 2010-58 QPC du 18 octobre 2010 à propos de la taxe sur les surfaces commerciales mentionne « qu'en instituant une taxe sur les surfaces commerciales, le législateur a entendu favoriser un développement équilibré du commerce ; qu'il a, pour ce faire, choisi d'imposer les établissements commerciaux de détail ayant une surface significative »7.

Le législateur insiste ainsi sur l’activité de commerce de détail sans que n’est d’incidence la forme juridique de celui qui l’exploite. A cet égard, il y a également lieu de noter que les critères d’exclusion de l’assujettissement de la TaSCom sont définis par le législateur en terme de surface et de chiffre d’affaires, soit uniquement des critères matériels en lien avec l’exploitation d’une activité de commerce de détail.

Ainsi la notion d’entreprise, contrairement à ce que soutient l’association requérante, ne doit pas être appréciée comme un critère organique d’assujettissement de la TaSCom. Ce terme doit s’entendre de tout exploitant de commerce de détail, quelle que soit sa nature juridique et ses modalités de gestion. Les dispositions de la loi du 13 juillet 1972 ne peuvent pas être regardées comme excluant les associations du champ d’application de cette taxe.

Cette conception finaliste est très clairement exposé par Romain Victor dans ses conclusions sur CE, 24 octobre 2018, EURL Floride, n° 419362, B.

Dans cette affaire, le magistrat désigné en premier ressort avait accordé la décharge partielle de TaSCom à un magasin de commerce de détail pratiquant le dépôt vente. Le juge de premier ressort a considéré qu’à défaut d’acquérir les marchandises qu’elle revendait, la société fournissait une prestation de service pour le compte du propriétaire de la marchandise et non une vente au détail.

R. Victor estimant fondé l’erreur de droit soulevé par le ministre expose le raisonnement suivant : « Nous pensons en effet qu’en s’intéressant exclusivement aux relations juridiques nouées entre la société de dépôt-vente et les particuliers qui lui remettent des marchandises en dépôt, le magistrat désigné a en quelque sorte commis une erreur de focale. Les dispositions de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1972 définissant le champ d’application et l’assiette de la TaSCom ne laissent place à aucune sorte d’ambigüité : elles conduisent à s’intéresser à des points de vente. La taxe pèse sur les magasins de commerce de détail et est assise sur la surface de vente de ces magasins (…). A la lecture du texte, on comprend que le législateur a voulu faire rentrer dans le champ de l’imposition les emplacements physiques de vente au détail, c’est-à-dire à des lieux s’opèrent des transferts de propriété à des consommateurs finaux portant sur des meubles corporels vendus en l’état et en petites quantités, quelle que soit la forme juridique de l’exploitant, fût-il par exemple une coopérative de consommation régie par la loi du 7 mai 1917, et quelle que soit la nature des contrats conclus par l’exploitant avec ses fournisseurs et ses clients, lesquels (…) peuvent être aussi bien des particuliers que des professionnels (CE, 20 novembre 2013, Confédération française du commerce et de gros interentreprises et du commerce international, n° 363815, RJF 2014 n° 201). (…) la seule chose qui compte, du point de vue de l’assujettissement à la TaSCom, c’est qu’il y a bien, au bout du compte, une opération de vente dans le commerce de dépôt-vente considéré. (…) le droit fiscal ne se préoccupe, en définitive, que de l’existence d’une vente, indépendamment des modalités de celle-ci, de la personne du vendeur et de celle du propriétaire de la marchandise. »

R. Victor estime que le législateur s’est inscrit dans une « conception finaliste », « le droit fiscal s’intéress[ant] peu aux modalités de la vente dans un établissement de commerce de détail soumis à la TaSCom ».

En outre, la société requérante n’est pas fondée à se prévaloir du paragraphe 80 de la documentation administrative BOI-TFP-TSC-20180919 du 19 septembre 2018 qui ne donne pas de la loi une interprétation différente de celle dont il est fait application ici. En effet, si cette doctrine cite des exemples d’assujettis possibles « entreprise individuelle, société à responsabilité limitée, société anonyme » l’énumération se termine par un « etc. » induisant que cette liste n’est pas limitative. Il ne saurait en être déduit, alors que la doctrine s’interprète littéralement que les associations sont exclus du champ d’application de la TaSCom.

Comme cela vient d’être exposé, le législateur a ainsi entendu assujettir tout type de structure qui exploite un commerce de détail

Il nous revient ainsi d’apprécier si l’association requérante exerce une activité de vente de détail.

Selon elle, ce n’est pas le cas faisant valoir que la réalisation d’actes de commerce au sens de l’article L. 110-1 du code de commerce suppose de vendre des marchandises dans l’état où elles sont achetés8 et que l’association vend des produits provenant de dons dans le cadre d’opérations de mécénat en particulier avec les supermarchés. Elle ajoute que si une partie des marchandises provient d’achats réalisés par l’association, ils sont réalisés à des prix très inférieurs au coût du marché. Elle fait également valoir que les prix à la revente sont très faibles et ont une vocation principalement psychologique, les personnes démunies refusant en grande majorité d’être aidés et souhaitant garder un rapport à l’argent dans le cadre du modèle économique actuel.

A l’occasion de litiges concernant l’assujettissement à la TaSCom des concessionnaires automobiles vendant des véhicules d’occasion, le CE a précisé la notion de vente en l’état de la même manière que la doctrine administrative l’énonçait avant lui (paragraphe 60 BOI-TFP-TSC). Il a ainsi énoncé que le commerce de détail consiste à vendre des marchandises dans l'état où elles sont achetées, ou le cas échéant après transformations mineures ou manipulations usuelles telles que le reconditionnement, généralement à une clientèle de particuliers, quelles que soient les quantités vendues (CE, 15 février 2019, n° 407887 et CE, 17 avril 2019, n° 411333).

Toutefois, il ne convient pas de généraliser ces décisions non fichées au recueil Lebon pour en déduire une condition d’achat-revente alors qu’elles traitent du cas spécifique de la vente des véhicules d’occasion.

Comme nous avons commencé à l’évoquer précédemment, le CE a jugé dans une décision fichée aux tables du recueil Lebon (CE, 24 octobre 2018, EURL Floride, n° 419362, B) que la vente au détail au sens des dispositions de la loi du 13 juillet 1972 consiste en la vente en l’état de marchandises à des consommateurs finaux. Il en a déduit que constitue une vente au détail au sens de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1972 une activité de dépôt vente par laquelle la société en cause expose dans son magasin de commerce de détail des marchandises dont elle n'acquiert pas la propriété, mais qui lui sont remises par des particuliers qui lui ont donné mandat de les vendre pour leur compte et de leur restituer le produit de cette vente minoré d'une commission rémunérant son activité d'intermédiaire. Seule a d’importance que soit réalisée, au sein du magasin, la vente en l'état de marchandises à des consommateurs finaux, quelque soit la relation entretenue par le vendeur avec ses fournisseurs.

Dès lors, l’ensemble des arguments soutenus par l’association requérante qui se concentrent sur la provenance des marchandises est sans incidence. De même, la circonstance que les prix au détail qu’elle pratique soient faibles ne remet pas en cause l’existence d’une vente au détail à des consommateurs finaux. A cet égard, l’association requérante peut s’apparenter dans le cadre de cette activité à un magasin de déstockage de marchandises invendues ou encore appelé magasin de hard discount. Nous préciserons, pour éviter toute amalgame, que cette comparaison se justifie au regard des seules modalités de vente au détail exercées par l’association requérante et n’a pas vocation à porter de jugement sur les missions d’accompagnement, d’aide et de réinsertion qu’elle procure par ailleurs aux personnes démunies.

Dès lors, il résulte de l’instruction que l’association requérante exerce une activité de vente au détail au sens de la loi du 13 juillet 1972.

Il reste désormais à apprécier si l’association requérante répond aux deux autres critères d’assujettissement à savoir une surface de vente d’au moins 400 m² et un chiffre d’affaires d’au moins 460 000 euros. L’association requérante conteste répondre à ces deux critères.

L’administration a retenu, après examen des plans fournis par l’association lors du contrôle, une superficie de vente de l’établissement situé avenue Franklin Roosevelt à Vaulx-en-Velin de 1101 m², réparti ainsi 693 m2 pour le hall et le local Epicerie sociale, 125 m2 pour le local parapharmacie, 283 m2 pour les locaux « bébé » et vêtements. Selon la requérante, si la superficie totale du bâtiment est de 1101 m², en revanche seule doit être prise en compte la superficie de l’épicerie sociale qui est de 339 m², l’administration ayant par erreur retenu d’autres espaces, comme le local de triage des légumes, qui ne sont pas accessibles au public. Toutefois, pour justifier de ses allégations, la requérante produit un plan qui s’avère inexploitable dès lors qu’il n’est pas daté et qu’il est tronqué, ne présentant pas les surfaces de l’ensemble des locaux de l’établissement. Dès lors, la requérante n’apporte aucun élément probant de nature à établir que sa surface de vente au détail ne dépasserait pas le seuil de 400 mètres carrés exonératoire de TaSCom.

Enfin, l’article 3 de la loi de 1972 prévoit que la taxe ne s’applique pas aux établissements dont le chiffre d’affaire annuel est inférieur à 460 000 euros. L’administration a retenu à l’aide de la comptabilité établie par l’association un chiffre d’affaire de 1 282 651 euros en 2013, 1 443 263 euros en 2014 et 1 623 988 euros en 2015. L’association requérante fait valoir que ce chiffre d’affaires concerne la vente au détail sur l’ensemble des établissements détenus par l’association et non uniquement sur celui situé à Vaulx-en-Velin qui est seul concerné par la TaSCom en litige. Toutefois, elle se borne à faire valoir qu’elle ne fait pas de comptabilité analytique, sous entendant qu’elle n’est pas en mesure de donner un chiffre d’affaires correspondant au seul établissement concerné, et qu’il revient à l’administration de justifier du dépassement du seuil de 460 000 euros de chiffre d’affaires. Or la question de l’assujettissement à l’impôt relève d’un régime de preuve objective suivant lequel il appartient au juge de l'impôt de statuer au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter (CE, 1er juillet 2009, SARL Alain P., n° 295689, B). Or, seule l’association est en capacité, au regard des éléments qu’elle seule dispose, d’évaluer le chiffre d’affaire en cause, ce qu’elle ne fait pas. De son côté l’administration indique en réplique que dans une lettre de présentation de l’activité exercé à Vaulx-en-Velin transmise à l’administration fiscale par les avocats de l’association requérante, il est indiqué qu’au 31/12/2012, les ventes de marchandises ont dégagé un CA net de 725 967 euros. Elle ajoute sans être contestée que ce CA ne peut concerner que l’établissement de Vaulx-en-Velin puisque les autres établissements exerçant une activité d’épicerie solidaire n’ont été créés qu’à partir de mai 2014 pour l’un et mars 2015 pour l’autre. Par suite, en 2012, son chiffre d’affaire pour l’établissement de Vaulx-en-Velin était 1,5 fois supérieur au seuil exigé et la société requérante ne justifie pas que ce chiffre d’affaires serait inférieur à ce seuil au titre des années 2014, 2015 et 2016.

Il résulte de tout ce qui précède que l’administration est fondée à assujettir l’association Oasis d’amour à raison de l’établissement situé à Vaulx-en-Velin à la taxe sur les surfaces commerciales. La requérante se bornant à contester son assujettissement, ses conclusions en décharge seront dès lors rejetées.

Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête.

Notes

1 article 261 du CGI s’agissant de l’exonération de TVA pour les associations Retour au texte

2 Rapport n° 908 du 22 mai 2008 de M. Jean Paul Charié fait au nom de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale en première lecture Retour au texte

3 Rapport devant le sénat en première lecture  413, tome I (2007-2008) de M. Laurent BÉTEILLE, Mme Élisabeth LAMURE et M. Philippe MARINI, fait au nom de la commission spéciale, déposé le 24 juin 2008 Retour au texte

4 Idem n° 3 Retour au texte

5 Idem n° 3 Retour au texte

6 Extrait réponse du gouvernement à la Question écrite n° 26446 de Mme. Geneviève Fioraso ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Isère ) : « Le Gouvernement estime avoir répondu aux attentes du secteur commercial, tout en renforçant, avec la TASCOM, les principes de péréquation entre petits commerces et grandes surfaces commerciales qui avaient présidé à la création de la TACA en 1972. ». Retour au texte

7 Les nouveaux cahiers du conseil constitutionnel – Cahier n° 30 - Décision n° 2010-58 QPC – 18 octobre 2010 PROCOS et autres : « Créée en 1972 pour financer des mesures d’aide au bénéfice d’affiliés en activité ou retraités des régimes d’assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales, la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat (TACA) est une taxe progressive sur les supermarchés et hypermarchés. » Retour au texte

8 « L. 110-1 : La loi répute actes de commerce : 1° Tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en œuvre » Retour au texte

Droits d'auteur

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L’assujettissement des associations à la TASCOM : de l’oasis au mirage fiscal

Christophe Testard

Professeur des universités à l’Université Clermont Auvergne (CMH – EA 4232)

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DOI : 10.35562/alyoda.6588

Saisi par une association venant en aide aux personnes dans le besoin, à travers notamment une activité d’épicerie sociale, le Tribunal administratif de Lyon se prononce sur la question de savoir si cette activité doit être assujettie à la taxe sur les surfaces commerciales. Appliquant littéralement les critères définis par le législateur, tenant à la réalisation d’une activité de vente au détail, à une surface minimale de vente et à un chiffre d’affaires annuel minimal, le juge de première instance devait considérer qu’une telle activité est assujettie à la taxe, sans que ne puisse y faire obstacle ni le caractère désintéressé de sa gestion, ni ses conditions particulières d’exercice. La gestion de l’activité par une association est ainsi sans incidence, la TASCOM n’obéissant pas au même champ d’application que les impôts commerciaux.

Dans un contexte social marqué par une interrogation sur la légitimité du système fiscal (v. Bouvier (M.), L’impôt sans le citoyen, LGDJ, 2019), les voies de la conciliation entre le réalisme du droit fiscal et la raison d’être des impositions sont plus que jamais escarpées. Saisi au contentieux, c’est le juge administratif qui se trouve être le gardien d’un équilibre délicat, comme le révèle l’affaire jugée par le Tribunal administratif de Lyon, le 19 novembre 2019, Association Oasis d’Amour, n° 1808848.

L’association Oasis d’Amour a fait l’objet d’une vérification de comptabilité couvrant la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, à la suite de laquelle elle a reçu deux propositions de rectification lui signifiant son assujettissement à la taxe sur les surfaces commerciales (ci-après TASCOM), pour un montant de 22 752 euros de cotisations supplémentaires, assorties de pénalités. L’administration fiscale devait en effet considérer que l’exercice par l’association, dans un local situé à Vaux-en-Velin, d’une activité de vente au détail de produits frais et secs, de vêtements, de produits de parapharmacie-hygiène, de produits pour bébés et de linge de maison emportait assujettissement à ladite imposition.

En demandant la décharge de ces cotisations supplémentaires devant le juge administratif de première instance, l’association n’entendait ainsi rien moins que poser la question du champ d’application de la TASCOM.

Le contentieux de cette imposition se concentre régulièrement sur son champ d’application (pour des exemples récents C.A.A. Lyon, 5e ch., 28 sept. 2017, SARL Zara, n° 16LY01038 ; C.E., 24 oct. 2018, Min. de l’Action et des Comptes publics, n° 419362, Lebon T. p. 362 ; C.E., 23 janv. 2020, Soc. Distribution Sanitaire Chauffage, n° 423238, au Lebon T.) . Pourtant, la question de l’assujettissement d’une association semble inédite, du moins l’on n’en trouve pas trace dans la jurisprudence, y compris sous l’ancienne dénomination de la TASCOM, comme taxe d’aide au commerce et à l’artisanat. Ce caractère inédit ne manquera pas d’étonner, tant on sait l’activité des associations soumise aux contraintes commerciales, qu’elles soient d’ordre concurrentiel ou fiscal. Ces dernières ne sont pas nouvelles : elles avaient déjà justifié à la fin des années 1990 une mission, confiée à Guillaume Goulard, membre du Conseil d’État, et visant, selon le titre même du rapport remis, à « Clarifier le régime fiscal des associations ». L’enjeu, qui ressort d’ailleurs en filigrane du jugement ici commenté, tient bel et bien à la recherche d’un équilibre, qui n’est pas seulement théorique, entre protection des activités des associations et évitement des distorsions de concurrence, mais aussi de protection des recettes publiques.

Mais s’agissant du régime des associations vis-à-vis de la TASCOM, le caractère inédit de la question s’explique sans doute par la clarté, au moins apparente, des critères d’assujettissement à cette imposition, qui penche en faveur de la position de l’administration fiscale, validée par le tribunal administratif (I). La raison d’être de la TASCOM devrait toutefois faire douter de cette clarté apparente (II).

I. – La clarté apparente des critères d’assujettissement à la TASCOM

Selon les dispositions de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, qui constituent toujours le fondement de la TASCOM, trois critères cumulatifs d’assujettissement sont fixés :

- être un établissement de commerce de détail ;

- disposer d’une surface de vente supérieure à 400 mètres carrés ;

- avoir un chiffre d’affaires annuel supérieur à 460 000 euros.

Si les deux dernières conditions n’étaient pas véritablement en débat en l’espèce, l’association Oasis d’Amour les remplissant de fait (§. 10 et 11), la nature même de la requérante a logiquement porté le débat sur la notion d’établissement de commerce de détail. Car la loi de 1972 évoque précisément les « magasins de commerce de détail (…) quelle que soit la forme juridique de l’entreprise qui les exploite ». Il balaie ainsi rapidement toute hésitation sur l’influence du critère organique – le seul statut d’association ne saurait exclure l’assujettissement à la TASCOM – mais il ouvre considérablement le champ des possibles en faisant le choix d’un critère matériel : c’est l’activité de l’entreprise qui compte, et plus précisément l’exercice de commerce en détail.

Fort à propos, l’association se défendait en arguant qu’elle n’est ni une entreprise, ni une entreprise commerciale, ni ne réalise d’actes de commerce, au regard de son objet. Il n’est pas inutile de rappeler que ce dernier est, selon le site internet même de l’association, d’aider toute personne en détresse, d’offrir de l’aide, de contribuer à travailler à la vie matérielle, physique, sociale et morale des personnes. À ce titre, elle exerce notamment, et sans que cela ne puisse être nié, une activité de vente de divers produits, de première nécessité, dans le cadre d’une épicerie sociale (l’association en exploite quatre, mais seule celle de Vaulx-en-Velin était ici concernée). Bien que ces ventes se fassent à des prix symboliques – ce qui n’est pas non plus contesté par l’administration ou le juge – il n’en fallait pas davantage, selon le Tribunal administratif, pour justifier la qualification de magasin de commerce de détail au sens de la loi de 1972. Les juges relèvent en effet que l’association réalise une activité d’achat et de revente de produits, les seuls achats représentant sur une année plus de 200 000 euros. La condition de réalisation d’actes de commerce, au sens de l’article L. 110-1 du Code de commerce est donc remplie, ce qui mène à son terme le chemin de l’assujettissement à la TASCOM.

Ce faisant, le juge administratif ne fait que conforter « le pouvoir "attractif" de la TASCOM » (Erstein (L.), « La TASCOM traque l’e-boutique », JCPA, 2020, n° 12, act. 167), lequel est incontestablement lié au caractère implacable de ses critères d’assujettissement. On ne peut pourtant pas demeurer insensible aux arguments de l’association requérante, laquelle a tenté, en vain, de placer le débat sous l’angle de la spécificité des activités d’une telle structure : il n’est pas certain qu’une telle argumentation ne rencontre pas la raison d’être de la TASCOM.

II. – Le doute permis par la raison d’être de la TASCOM

S’il fallait résumer les arguments de l’association Oasis d’Amour, ceux-ci plaidaient en faveur de la prise en compte non seulement de sa nature juridique d’association, mais aussi du caractère désintéressé de sa gestion, ainsi que des conditions particulières d’exercice de son activité. Le texte de la loi de 1972 n’offrait aucune chance de succès, on l’a dit, au premier argument : la « forme juridique » du contribuable est sans incidence sur l’assujettissement à la TASCOM.

En revanche, mettre l’accent sur le caractère désintéressé de la gestion et les conditions d’exercice de l’activité relevait d’une certaine logique, qui n’a pas échappé au conseil de l’association et qui irrigue précisément les impôts commerciaux. On sait en effet que le champ d’application des impôts commerciaux tels que la taxe sur la valeur ajoutée (art. 261 CGI) et, par liaison conséquente, l’impôt sur les sociétés (art. 207 CGI ; C.E., Ass., 30 nov. 1973, Association Saint-Luc, Clinique du Sacré-Cœur, n° 085598, Lebon p. 680) et la cotisation foncière des entreprises (art. 1447, II CGI), prévoit une exonération des activités exercées par les organismes sans but lucratif qui présentent un caractère social, sous réserve de deux conditions : une gestion désintéressée et des conditions d’activité différentes de celles d’une entreprise concurrente (C.E., 9 juil. 1986, Association familiale et de prévoyance sociale, n° 039350, 39351 et 39352, au Lebon ; C.E., 8 mars 2002, Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, n° 0207941, Lebon T. p. 684).

Le tribunal administratif devait expressément rejeter l’application à la TASCOM de cette logique commune aux impôts commerciaux : ni le caractère désintéressé de la gestion, ni l’exercice de l’activité dans des conditions distinctes d’une entreprise concurrente n’a été jugé avoir une incidence sur le champ d’application de l’imposition. La lecture des conclusions du rapporteur public nous apprend que le tribunal a entendu dénier précisément la nature commerciale de la TASCOM. Mme Caron rappelle en effet que ce qui a motivé la création de la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat, ancêtre de la TASCOM, était de favoriser le maintien ou l’implantation de commerces en centre-ville en faisant financer le régime d’indemnité de départ des commerçants et artisans par les enseignes de la grande distribution (justifiant les critères de superficie et de chiffre d’affaires). Mais cette finalité a disparu dans la mesure où le produit de la taxe a été d’abord affecté au budget général de l’État et, depuis la loi de finances pour 2011, aux budgets communaux. Mme Caron considère ainsi que le produit de la taxe n’étant plus affecté, son lien avec l’activité des petits commerces est rompu : seule l’exploitation d’un commerce de détail compterait désormais.

Ce serait donc la « philosophie » de l’impôt, sa « raison d’être », qui constitueraient les clés d’interprétation de son champ d’application. La méthode est particulièrement intéressante et pertinente, qui plus est dans un temps où les interrogations sur la légitimité de notre système fiscal se font pressantes. Mais le résultat auquel parviennent le rapporteur public et la formation de jugement infuse-t-il nécessairement de cette méthode ? Il ne nous paraît pas en effet totalement évident que la TASCOM, malgré son changement de dénomination et surtout son rattachement au budget général de l’État puis des communes, soit totalement déconnectée de l’activité des contribuables qu’elle assujettit, aussi bien dans son champ que dans son « esprit ».

Un certain nombre d’éléments tenant à la définition du champ d’application de la TASCOM plaident en effet toujours, selon nous, pour la prise en compte de la nature de l’activité exercée par l’entreprise prétendument assujettie. En effet, comment ne pas interpréter les conditions de surface minimale – 400 mètres carrés – et de chiffre d’affaires minimal – 460 000 euros, ce n’est pas rien ! – comme ciblant une certaine catégorie de contribuables ? On pense bien évidemment aux « grandes surfaces » dont on sait la concurrence qu’elles livrent, au moins en centre-ville, aux commerçants de proximité. Certes on objectera, et les faits de l’espèce en sont un parfait exemple, que ces deux critères ne caractérisent pas nécessairement une grande surface au sens courant du terme : l’association Oasis d’Amour remplissait elle-même largement ces deux critères et on peut difficilement la suspecter de livrer une concurrence déloyale au petit commerce, dès lors qu’elle n’intervient pas dans les mêmes conditions.

Reste alors l’esprit du texte, lequel ne saurait être ignoré par l’administration fiscale lorsqu’elle interprète le champ d’application d’une imposition. Et là encore, on ne voit pas en quoi le rattachement au budget général de l’État du produit de la TASCOM ou son changement de dénomination auraient pu avoir une quelconque incidence. Comme l’évoque expressément d’ailleurs le rapporteur public, le Conseil constitutionnel a rappelé « qu’en instituant une taxe sur les surfaces commerciales, le législateur a entendu favoriser un développement équilibré du commerce ; qu’il a pour ce faire choisi d’imposer les établissements commerciaux de détail ayant une surface significative » (C.C., 18 oct. 2010, Fédération pour l’urbanisme et le développement du commerce spécialisé et a., n° 2010-58, §. 5) . Cet objectif poursuivi par le législateur – et l’on ne parle même plus ici de l’esprit du texte – ne devait-il pas conduire à tenir compte de l’activité de l’association Oasis d’Amour pour l’exclure du champ de la TASCOM ? Car il est bien évident qu’une épicerie commerciale, qui ne vend que certains produits de première nécessité, invendus par les grandes surfaces, à des prix « symboliques » et à des familles dans le besoin, n’est pas une menace pour le développement équilibré du commerce : elle en est au contraire le curseur, pour des consommateurs qui précisément n’y ont pas accès dans des conditions normales. C’est la liaison opérée par le tribunal administratif entre « acte de commerce » au sens du Code de commerce et « commerce de détail » au sens de la loi de 1972 qui aurait pu permettre de fonder le rejet de l’assujettissement : on aurait pu tout autant retenir une interprétation autonome de la notion de « commerce de détail » au sens des dispositions sur la TASCOM et considérer, à l’instar des impôts commerciaux, que c’est l’exploitation commerciale qui fait l’acte de commerce et emporte – ou non – assujettissement.

Certes on rétorquera, à raison, que l’assujettissement décidé par l’administration fiscale et le juge administratif se fonde sur le silence – les lacunes ? – de la loi qui, en matière de TASCOM, n’a pas prévu d’exonération pour les organismes non-lucratifs, contrairement aux impôts commerciaux. Reste que cette décision d’assujettissement a pour effet de créer une rupture d’égalité, à rebours, entre entreprises commerciales et associations : car si les premières peuvent répercuter le coût de l’impôt sur leurs prix de vente, les secondes voient ce coût reposer sur leur budget de fonctionnement. L’imposition manque donc ici son objectif de neutralité, en étant défavorable aux associations, pour un gain de recettes fiscales qui relève très largement du mirage.

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