Le 17 octobre 2019, le Tribunal administratif reconnait sa compétence pour juger d’un litige portant sur le paiement d’une créance issue d’un marché public ayant fait l’objet d’une saisie-attribution au bénéfice d’un tiers en exécution d’une décision de la juridiction judiciaire. La requête du tiers saisissant est alors admise au fond en considérant que, à défaut de notification au comptable public conformément aux dispositions du Code des marchés publics, l’action subrogatoire entre deux cotitulaires d’un lot du marché ne saurait produire son effet translatif de droits. Seulement, l’auteur interroge l’exigence d’une telle notification résultant d’une confusion entre cession de créance et subrogation conventionnelle.
« [J]e serais tenté d’évoquer une blague qu’aimait raconter, paraît-il, l’un des frères Marx […] : « Quelle différence y a-t-il entre Staline et Roosevelt ? Aucune : ils ont tous les deux une moustache sauf Roosevelt ». Il s’agit assurément d’une blague assez grosse, pour ne pas dire délirante ; et pourtant elle pourrait bien servir de parabole emblématique aux rapprochements abusifs que l’on fait couramment, et cette fois le plus sérieusement du monde, avec l’interprétation » (P. Amselek, Écrits de philosophie du droit, Paris, Éditions Panthéon-Assas, 2019, p. 89).
Certaines interprétations de textes juridiques, bien qu’empreintes de pragmatisme, peuvent surprendre au premier regard lorsqu’elles assimilent des notions que la doctrine et les praticiens s’efforcent de distinguer. Tel est le cas du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 17 octobre 2019 (nos 1703604-1801847) où les magistrats de l’ordre administratif assimilent la subrogation conventionnelle à une cession de créance au sens des dispositions du Code des marchés publics (alors applicable aux faits, mais repris dans le Code de la commande publique), de quoi probablement étonner quelques civilistes.
Dans le cadre du paiement du solde définitif du marché public de travaux du Pont Schuman à Lyon, le Tribunal administratif fut saisi par deux requêtes introductives d’instance des 25 avril 2017 (n° 1703604) et 15 mars 2018 (n° 01801847) aux fins de condamnation de la métropole de Lyon au versement de 763 755, 98 euros au titre d’une créance née de l’exécution dudit marché revendiquée dans son intégralité, d’une part, par un tiers au contrat dans le cadre d’une saisie-attribution sur tiers saisi et, d’autre part, par le mandataire du groupement conjoint en charge de l’exécution du marché public de travaux en tant que bénéficiaire d’une subrogation en ce sens. En d’autres termes, deux protagonistes entrent en scène pour demander le paiement de la même créance en cause chacun pour son compte propre : un véritable vaudeville juridique. Toutefois, pour comprendre au mieux l’affaire, il convient de s’attarder un temps sur les faits.
En l’espèce, le 23 juillet 2012, la métropole de Lyon (à l’époque, la communauté urbaine de Lyon) attribue à un groupement conjoint, ayant pour mandataire solidaire la société V. T., l’exécution des travaux d’un pont routier par un marché public. L’un des lots techniques dudit marché relatif aux charpentes métalliques de l’infrastructure fut confié à un groupement solidaire d’entreprises constitué notamment de cette dernière société et de la société C., alors mandataire dudit groupement. Après réception des travaux actée au 13 novembre 2014, des difficultés apparaissent pour l’établissement d’un décompte général définitif.
Cette situation s’explique en partie par un premier rebondissement. En effet, la société C., par jugement du Tribunal de commerce de Nanterre en date du 7 mai 2015 (confirmé en appel), est condamnée au versement d’une somme de 1 250 000 euros à la société belge I. NV pour des prestations exécutées dans le cadre d’un chantier à la Défense. Face à cette difficulté économique, un protocole d’accord de subrogation est convenu le 3 août 2015 entre la société C. et la société V. T. par lequel cette dernière s’engage au versement de la somme de 1 203 267, 09 euros le 5 août 2015 au crédit de la première en échange d’une subrogation dans ses droits à l’égard de la métropole de Lyon. Cette subrogation conventionnelle ne sera notifiée ni au maître d’ouvrage ni au comptable public assignataire.
Seulement, quelques jours plus tard un nouveau rebondissement intervient. Le 28 août 2015, la société belge signifie à la métropole de Lyon et au comptable public assignataire une saisie-attribution pour le recouvrement de la créance litigieuse en vue de recouvrir la dette qui lui est due par la société C.. Or, en l’absence de tout décompte général définitif du marché, la personne publique ne peut procéder au versement de la somme exigée. En parallèle, les discussions continuent entre les membres du groupement et le maître d’ouvrage pour l’établissement dudit décompte. Une transaction est finalement conclue entre les membres du groupement et la métropole de Lyon le 24 mars 2016 stipulant le règlement sous trente jours du solde du décompte général et des indemnités pour aléa et travaux supplémentaires – dont 937 366, 93 euros HT pour le lot technique relatif aux charpentes métalliques. Un paiement partiel est alors opéré par deux virements fin décembre 2016 et début janvier 2017 au profit du groupement. Toutefois, la somme relative à l’exécution des prestations effectuées par la société C. n’est pas versée du fait de la revendication de la même créance par la société V. T., au titre de la subrogation conventionnelle, et par la société I. NV, à la suite de la saisie-attribution sur tiers saisi.
En l’état, après le rejet d’un référé-provision engagé par la société V. T. (T.A. Lyon, ord. réf., 5 septembre 2017, n° 01703220), deux requêtes au fond sont déposées au greffe du Tribunal administratif de Lyon par les deux sociétés en présence à l’encontre de la métropole de Lyon aux fins de condamnation de celle-ci au versement de la somme due au titre de la créance en cause. Chacune des requérantes argue du bien-fondé de sa qualité de créancier exclusif. La société I. NV ajoute l’inopposabilité du protocole conclu par les sociétés C. et V. T. en ce que celui-ci ne constituerait pas une subrogation conventionnelle, mais une cession de créance qui aurait dû être notifiée au comptable public assignataire conformément aux dispositions de l’article 107 du Code des marchés publics alors applicables (articles R. 2191-54 et R. 2191-56 du code la Commande publique) .
Comme le relève le rapporteur public Joël Arnould dans ses conclusions, ces deux affaires soulèvent deux questions de droit principales.
Premièrement, elles interrogent la compétence des juridictions administratives pour statuer sur les effets d’une saisie-attribution obtenue au bénéfice d’un tiers à un marché public en exécution d’une décision de la juridiction judiciaire et sur une action subrogatoire convenue entre des membres d’un groupement titulaire dudit marché.
Secondement, elles invitent à déterminer si une action subrogatoire entre des membres d’un groupement titulaire d’un marché public s’inscrit dans le champ d’application de l’article 107 du Code des marchés publics susmentionné et, par conséquent, nécessite en tant que cession de créance une notification au comptable public assignataire pour produire ses effets juridiques.
Dans sa décision du 17 octobre 2019, nos 1703604-1801847, le Tribunal administratif de Lyon retient sa compétence au motif que l’exécution forcée d’une décision de la juridiction judiciaire porte tant « sur le règlement d’un marché public et sur l’exécution d’une transaction administrative » que sur « l’exigibilité d’une créance de nature publique » (§. 8), et la subrogation conventionnelle ou la saisie-attribution ne saurait modifier cette nature (§. 7) . En outre, la subrogation conventionnelle ne saurait produire ses effets translatifs de droits sans avoir été préalablement notifiée ou signifiée au comptable public assignataire avec la preuve du paiement, dès lors que le Tribunal estime qu’une telle action subrogatoire doit être vue comme une cession de créance au sens de l’article 107 du Code des marchés publics (§. 14) . Ainsi, la créance que détenait la société C. sur la métropole de Lyon figurait encore dans son patrimoine lors de la signification de la saisie-attribution engagée par la société I. NV. La société belge est alors seule fondée à demander le versement de la somme due au titre de la créance litigieuse, les juges déboutant la société V. T..
Si ce jugement ne saurait surprendre quant à la compétence du juge administratif (1.), sa solution sur le fond intrigue en opérant une assimilation discutable de la subrogation conventionnelle en une cession de créance impliquant l’obligation d’une notification ou signification au comptable public assignataire pour produire ses effets translatifs (2.).
1. L’affirmation de la compétence du juge administratif en raison de la nature publique de la créance
Bien que le rapporteur public Joël Arnould avoue dans ses conclusions « avoir longuement hésité » quant à la compétence du juge administratif et l’opportunité d’un renvoi de l’affaire au juge judiciaire de l’exécution relativement à la saisie-attribution, la solution s’inscrit dans une logique jurisprudentielle d’exclusivité de compétence pour les litiges relatifs aux créances de nature publique en faveur de la juridiction administrative (T.C., 8 avril 2019, Société Forbo Sarlino, C4156, inédit) .
La reconnaissance de la compétence de la juridiction administrative est justifiée principalement – pour ne pas dire intégralement – par la nature publique de la créance en cause, à savoir le paiement des prestations effectuées par la société C. dans le cadre de l’exécution d’un marché public de travaux passé par la métropole de Lyon. Dès lors que la nature publique de ladite créance est acceptée, tant le litige relatif à la subrogation conventionnelle que celui concernant la saisie-attribution relèvent en toute logique de la compétence du juge administratif puisque, comme le précise le jugement : « La nature de la créance que détient sur la personne publique son cocontractant en exécution de ce contrat n’est pas modifiée par la subrogation conventionnelle ou la procédure de saisie-attribution dont elle peut faire l’objet » (§. 8) .
En effet, une saisie-attribution sur tiers est une procédure par lequel un créancier X (le saisissant) exige de Z (le tiers saisi), sur présentation d’un titre exécutoire, le recouvrement d’une somme dont Y (le débiteur saisi) est redevable à X en la ponctionnant sur le montant d’une créance que Y détient sur Z (articles L. 211-1 à L. 211-5 du Code des procédures civiles d’exécution) . Si le bénéficiaire du versement est modifié, la créance en elle-même n’est nullement affectée. Dans le cadre d’une créance de nature publique, comme en l’espèce, sa nature est conservée. Partant, si par principe la compétence juridictionnelle revient au juge judiciaire en matière d’exécution forcée d’une décision judiciaire, celle-ci lui échappe, même lors des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageable de ladite exécution forcée, lorsque la question de fond relève de la compétence du juge administratif (article L. 213-6, al. 1er et 4 du Code de l’organisation judiciaire) . Tel est le cas en matière d’exécution et de règlement d’un marché public (T.C., 17 décembre 2007, Société Lixbail, C3651, Lebon T. p. 751 ; 2e Civ., 7 décembre 2017, n° 016-23.603, inédit) comme en l’espèce. À cela s’ajoute la problématique de la transaction convenue le 24 mars 2016 (soit après la signification de la saisie-attribution) entre la métropole de Lyon et les membres du groupement titulaire du marché public qui, fixant le décompte général définitif et les modalités de règlements, ressort par exception de la compétence du Tribunal administratif de Lyon en ce qu’elle met un terme à un litige né d’un contrat de la commande publique et dont l’exécution forcée porterait atteinte à l’ordre public (T.C., 18 juin 2007, Sociétés Briançon bus et B., C3600, Lebon p. 600 ; C.E., 19 avril 2013, Syndicat mixte des aéroports de Charente, n° 0352750, Lebon p. 102) en ce que l’administration ne saurait être condamnée à verser une somme qu’elle ne doit pas (ceci constituant, faut-il le rappeler, un moyen d’ordre public : C.E., 19 mars 1971, M., n° 079962, Lebon p. 235) . En tout état de cause, le différend soulevé par la saisie-attribution ne saurait relever d’une autre juridiction que celle de l’ordre administratif, d’autant plus que ni la forme, ni la régularité n’ont été contestées par les parties.
En outre, dans le cadre d’une procédure de saisie-attribution, la créance saisie doit être exigible, c’est-à-dire certaine et disponible, pour pouvoir produire son effet attributif (2e Civ., 25 mars 1998, n° 96-14.706, Bull. n° 109, p. 65 ; 2e Civ., 14 octobre 1999, n° 97-19.502, Bull. n° 0157, p. 109 ; 2e Civ., 16 mars 2000, n° 098-14.725, Bull. n° 049, p. 34) au jour de la signification de l’acte, ou du moins l’existence de la créance saisie doit être suffisamment certaine et non hypothétique à cette date (C.A. Lyon, 9 mai 2001, n° 2000/00816, JCP 2001. II. n° 010628, note Laporte ; Gazette du Palais 25-28 décembre 2002, p. 24). En l’absence d’une telle exigibilité, la saisie-attribution ne saurait produire son effet attributif, id est la saisie de la créance au bénéfice du saisissant pour recouvrir une somme que lui doit son débiteur saisi. D’où l’importance dans la présente affaire de la validité de l’action subrogatoire convenue entre les sociétés C. et V. T. quelques jours avant la signification de la saisie-attribution émise par la société I. NV à destination de la métropole de Lyon. Si la subrogation conventionnelle est réputée régulière, alors la créance (de nature publique) en cause n’est plus dans le patrimoine de la société C., mais, par son effet attributif, intègre celui de la société V. T. et donc fait obstacle à sa saisie par la société belge. À l’inverse, en cas d’irrégularité, la subrogation ne saurait produire son effet translatif laissant le champ libre à l’effet attributif de la saisie-attribution. C’est pourquoi, « en l’espèce, la seule question soulevant une véritable difficulté est celle de la date d’effet de la subrogation invoquée par la société [V. T. …] qui conditionne les effets qu’a pu produire la saisie-attribution » (concl. J. Arnould).
Précisément, la solution du litige dépend directement de la réponse à la question suivante : l’action subrogatoire entre les membres du groupement titulaire d’un marché public constitue-t-elle une cession de créance au sens et pour l’application de l’article 107 du Code des marchés publics (aujourd’hui, articles R. 2191-54 et R. 2191-56 du Code la commande publique) ?
Une telle question menant à l’interprétation d’une disposition du Code des marchés publics ressort de la compétence du juge administratif (T.C., 17 décembre 2007, Société Lixbail, préc.) . De plus, quelle qu’en soit la réponse, l’acte subrogatoire en cause justifie la compétence du Tribunal administratif du fait de son objet : une créance de nature publique. En effet, puisque la nature publique de la créance est immuable, la compétence juridictionnelle de l’ordre administratif demeure que cet acte soit considéré comme une cession de créance (T.C., 8 avril 2019, Société Forbo Sarlino, préc.) ou comme une véritable subrogation légale ou conventionnelle (TC, 2 décembre 1968, État c. Garantie Mutuelle des Fonctionnaires, C01916, au Lebon) .
En somme, par la nature même de la créance revendiquée par les parties, la logique commande le juge administratif à reconnaitre sa compétence pour statuer sur un litige relatif au paiement d’une créance issue d’un marché public faisant l’objet, d’une part, d’une saisie-attribution obtenue par un tiers au contrat en exécution d’une décision judiciaire et, d’autre part, d’une action subrogatoire entre les membres d’un groupement conjoint titulaire dudit marché.
Si la décision ne saurait surprendre quant à la déclaration de compétence de la juridiction administrative, le sort réservé à l’action subrogatoire intrigue par son assimilation à une cession de créance de la subrogation conventionnelle conclue entre les sociétés C. et V. T..
2. La qualification discutable de cession de créance à une convention de subrogation conclue entre des cotitulaires d’un marché public
Dans ses conclusions, le rapporteur public Joël Arnould rejette l’application de l’article 107 du Code des marchés publics à l’action subrogatoire convenue entre les sociétés C. et V. T. le 3 août 2015. Il estime qu’une telle question est en réalité « dépourvue d’intérêt » puisqu’il s’agit simplement, en l’espèce, de déterminer « si la transmission de la créance de la société [C.] est opposable aux tiers détenant eux-mêmes des créances sur [elle] » alors que la notification prévue à l’article 107 susmentionné « n’était pas nécessaire pour que la subrogation produise ses effets et soit opposable » à la société I. NV – ladite notification portant alors opposabilité au seul comptable public assignataire. Pourtant, les juges trancheront différemment en assimilant la subrogation conventionnelle à une cession de créance au sens et pour l’application de cette disposition du Code des marchés publics et donc en exigeant la notification ou la signification au comptable public assignataire de la subrogation, avec la preuve du paiement, pour qu’elle produise son effet translatif (§. 14) . Si une telle solution est concevable à l’heure actuelle – et depuis le rapprochement des régimes juridiques en droit civil des cessions de créance et des subrogations opéré par l’ordonnance n° 02016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations –, elle interpelle au regard des règles de droit alors applicables le 5 août 2015 lors du paiement subrogatoire.
Tout d’abord, l’article 107 du Code des marchés publics prévoit l’obligation pour le bénéficiaire d’une cession de créance (ou d’un nantissement de créance) au titre d’un marché public de la notifier ou de la signifier au comptable public assignataire pour que le transfert de créance produise ses effets. Les articles 106 à 110 dudit Code ne font qu’encadrer la régularité de l’opposabilité des cessions de créance dans le cadre du règlement financier d’un marché public. Aucune définition de la cession de créance n’est donnée par elles. Aussi est-il nécessaire de se référer à sa définition civiliste.
Avant l’instauration d’une définition légale par l’ordonnance n° 2016-131 précitée (voir : article 1321 du Code civil), la cession de créance consistait en « l’opération juridique par laquelle un créancier, le cédant, transfère à un cessionnaire sa créance contre son débiteur, appelé débiteur cédé » (Y. Lequette, F. Terré, P. Simler et F. Chénedé, Droit civil. Les obligations, Paris, Dalloz, coll. Précis, 2018, p. 1693, n° 1624 ; sur le régime juridique, voir anciens articles 1689 et s. du Code civil) . Une convention par laquelle est transmise une créance à un tiers à titre onéreux s’apparenterait donc à une cession de créance. Seulement, les parties peuvent décider d’utiliser un autre mécanisme, une subrogation personnelle conventionnelle par laquelle un transfert de créance est opéré entre le créancier subrogé et le tiers bénéficiaire (voir : ancien article 1250 du Code civil ; nouveaux articles 1346 et s. du Code civil) . Si les deux techniques semblent apparemment similaires, la subrogation personnelle conventionnelle se distingue par sa finalité non spéculative, par son régime moins formaliste (par exemple, l’absence d’acceptation du débiteur ou encore l’opposabilité directe à la date du paiement subrogatoire) et par ses effets puisque la subrogation est limitée par le montant payé (Y. Lequette, F. Terré et autres, op. cit., p. 1576-1577, n° 1499) .
Néanmoins, la conséquence de cette différence de qualification n’altère pas a priori la solution du jugement. En effet, considérant que les dispositions du Code civil prévoient pour la régularité et l’opposabilité de la subrogation conventionnelle une notification au débiteur du subrogé quelle qu’en soit la forme ou si ce-dernier en a pris acte par un quelconque moyen (article 1346-5 al. 1er du Code civil), un tel vice empêche tout effet translatif de l’action subrogatoire. Rien n’empêchait les juges administratifs de reconnaître une telle exigence en l’espèce sans rattacher cette subrogation conventionnelle à une cession de créance au sens et pour l’application de l’article 107 du Code des marchés publics. Ainsi, non-seulement la personne publique débitrice devrait connaître l’existence de cette subrogation conventionnelle mais également, en raison des règles de comptabilité publique, le comptable public assignataire seul autorisé à libérer la personne publique de ses dettes. Au contraire, en ne retenant pas une pareille motivation, la décision pourrait s’exposer à une potentielle censure de la Cour administrative d’appel de Lyon (le jugement ayant été frappé d’appel sous le n° 19LY04627) au motif d’une mauvaise interprétation du texte susmentionné. La solution demeure a priori inchangée : la subrogation conventionnelle ne saurait avoir produit son effet translatif des droits.
Cependant, institué par l’article 3 de l’ordonnance n° 2016-131 précitée, l’article 1346-5 du Code civil ne saurait être applicable aux faits d’espèce ayant eu lieu en août 2015. À l’époque, aucune formalité particulière n’était nécessaire pour admettre l’opposabilité de la subrogation conventionnelle au débiteur du subrogé à l’exception du paiement subrogatoire (Com., 3 avril 1990, n° 89-10.255, Bull. n° 0116, p. 77 ; Com., 7 janvier 2014, n° 12-24468, inédit) . Aussi, la société V. T. pouvait-elle valablement estimer ne pas être contrainte par une quelconque exigence de notification pour opérer l’effet translatif de l’action subrogatoire en sa faveur à la date du paiement subrogatoire, à savoir le 5 août 2015. Dès lors, la créance en cause aurait été transférée dans son patrimoine faisant obstacle à la saisie-attribution engagée par la société I. NV le 28 août 2015.
En conclusion, la confusion entre cession de créance et subrogation conventionnelle, si elle pourrait être aujourd’hui pragmatiquement et logiquement acceptable depuis l’ordonnance n° 2016-131 précitée (rapprochant leurs régimes juridiques respectifs), est plus que discutable au moment de l’apparition du litige en août 2015. Prenant compte des distinctions des régimes juridiques à cette date, le Tribunal administratif de Lyon aurait pu, comme l’y invitait son rapporteur public Joël Arnould, rejeter l’application de l’article 107 du Code des marchés publics à l’action subrogatoire et, par conséquent, rejeter les demandes de la société I. NV. Actuellement pendant, l’appel devra retenir toute notre attention quant au fond de ce vaudeville juridique. Peut-être qu’un énième rebondissement attendra les protagonistes de cette pièce ?
* L’auteur tient à remercier le rapporteur public Joël Arnould de lui avoir permis de consulter ses conclusions aux fins de la rédaction de cette présente note de jurisprudence.