Une requérante a engagé la responsabilité de l’État afin d’obtenir une indemnisation des préjudices qu’elle estime que son fils et elle-même ont subis du fait de la pollution atmosphérique de l’agglomération lyonnaise. Le tribunal administratif de Lyon a reconnu l’existence d’une faute étatique en la matière. Pour autant, en l’absence d’un lien de causalité entre cette faute et le préjudice supporté par la requérante, il a rejeté le recours.
Parce que « l’action administrative dans le domaine environnemental reste d’abord régie par les principes et les théories du droit administratif général » (Jégouzo (Y.), « Le juge administratif et l’ordonnancement du droit de l’environnement », Revue juridique de l’Environnement, 2004, p. 19-30) ; le traitement des problématiques liées à la pollution atmosphérique ne déroge pas à ce constat. En témoigne le jugement, prononcé par le tribunal administratif du Lyon le 26 septembre 2019, (n° 1800362), sur le rôle de l’État face à la pollution atmosphérique contesté sur le fondement de la responsabilité administrative pour faute.
Une résidente de l’agglomération lyonnaise estimait que son fils et elle-même avaient développé, depuis 2011, des maladies en raison de la pollution présente dans l’air lyonnais. Elle considérait que les pouvoirs publics avaient commis une faute en n’adoptant ni un cadre législatif et réglementaire, ni les mesures administratives permettant de lutter efficacement contre la pollution atmosphérique. Elle a alors adressé au ministre de la transition écologique, au préfet de la zone de défense, au préfet de la région et à celui du département, ainsi qu’au président de la métropole de Lyon, une demande préalable d’indemnisation des préjudices que son fils et elle-même avaient subis en raison de la pollution atmosphérique. Face aux refus des diverses autorités administratives, elle a engagé la responsabilité pour faute de l’État, de la métropole et de la ville de Lyon devant le Tribunal administratif lyonnais.
Le juge de premier ressort a d’abord estimé irrecevables les conclusions dirigées contre la métropole et la commune de Lyon en raison du dépassement du délai de recours contentieux. Mais, s’il a nié l’existence d’une faute étatique sur le fondement du droit de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, il en a reconnu une en raison de l’insuffisance du plan de protection de l’air, adopté par le préfet conformément à la directive européenne 2008/50/CE du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe, transposée en droit interne par voie législative (L. no 2010-788 du 12 juil. 2010 portant engagement national pour l’environnement) et réglementaire (D. no 2010-1250 du 21 oct. 2010 relatif à la qualité de l’air) . Cependant, il a refusé d’engager la responsabilité de l’État en raison de l’absence de lien de causalité avéré entre la faute étatique et le préjudice subi par la requérante et son enfant, rejetant, en conséquence, la requête.
Le juge administratif devait ici concilier deux impératifs contradictoires. Premièrement la nécessité d’amener l’État à agir pour limiter la pollution atmosphérique et, deuxièmement, la protection des deniers publics. En condamnant l’État à indemniser les victimes de la pollution atmosphérique le juge l’inciterait à garantir un air de qualité afin d’éviter des condamnations futures. Mais, au regard du nombre potentiellement très important de victimes, le juge ferait peser sur l’État une charge financière particulièrement lourde. Dans cette espèce, le tribunal trouve, entre ces deux impératifs, un équilibre précaire, favorable à l’Administration.
Le jugement du tribunal administratif se comprend au regard des solutions retenues, dans des affaires similaires, par les autres juridictions administratives de première instance (voir à ce sujet les jugements du TA de Montreuil, 25 juin 2019, Mme T., n° 1802202 ; du TA de Paris, 4 juil. 2019, Mme N., n° 1709333, n° 1814405 ainsi que l’article de Le Dylio (A.), « Lutte contre la pollution atmosphérique : la carence fautive de l’État reconnue par des jugements en demi-teinte », La revue des Droits de l’Homme, Août 2019) . Le juge lyonnais reprend majoritairement les raisonnements tenus par ses homologues, assurant une cohérence entre les jurisprudences des diverses juridictions.
Toutefois, cette solution semble trop peu exigeante pour véritablement inciter l’État à modifier ses actions en matière de protection atmosphérique. De fait, le tribunal adopte une lecture restrictive des fautes pouvant engager la responsabilité de l’État (1.) et, lorsqu’il identifie une faute étatique, il refuse l’indemnisation (2.).
1. Une lecture restrictive de la faute engageant la responsabilité étatique en matière de pollution atmosphérique
Si la responsabilité pour faute de l’Administration ne peut logiquement être engagée qu’en présence d’un manquement, le Tribunal administratif de Lyon limite les faits constituant de telles fautes. Il estime ainsi qu’au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, l’incapacité du préfet à empêcher le dépassement des seuils de concentration d’agents polluants ne caractérise pas une faute de l’État (A). En outre, il considère qu’après le dépassement de ces seuils, la réduction de la durée des périodes de forte pollution est une simple obligation de moyen pesant sur l’État. Dès lors, si le préfet a adopté des mesures permettant la réduction de ladite durée, il n’a pas commis de faute (B).
A. L’absence de faute étatique découlant du dépassement des seuils de concentration d’agents polluant au regard de la CEDH
Le lien établi par le tribunal administratif de Lyon entre les articles 2 et 8 de la CEDH (protégeant respectivement le droit à la vie et le droit au respect de la vie privée) et la pollution atmosphérique se révèle favorable à l’État. D’abord, le juge administratif considère qu’en vertu de ces articles, pèse sur l’État une « simple » obligation de moyen et non de résultat. L’autorité étatique commet une faute si elle n’adopte pas de mesures permettant de « protéger ou améliorer la vie des habitants de l’agglomération » et de garantir « leur droit de vivre dans un environnement sain ». En revanche, le seul fait que ces mesures ne soient pas parvenues à réaliser l’objectif visé ne constitue pas, en lui-même, une faute. Le préfet doit donc, pour éviter de commettre une faute, adopter des mesures a priori pertinentes, sans qu’il soit nécessaire qu’elles aboutissent au résultat escompté.
Ensuite, le juge estime que seule une « défaillance notoire des pouvoirs publics dans les actions destinées à protéger ou améliorer la vie des habitants de l’agglomération [ou une] atteinte suffisamment grave à leur droit de vivre dans un environnement sain » constituerait une violation des articles pertinents de la CEDH. L’exigence de notoriété de la défaillance et de gravité de l’atteinte implique que ne sont pas fautives les défaillances qui ne sont pas manifestes ainsi que les atteintes normales causées par l’action ou l’inaction administrative. En l’espèce, le juge administratif considère que les mesures adoptées par le préfet dans le cadre du plan de protection atmosphérique ont assuré une amélioration de la qualité de l’air lyonnais. Dès lors, il ne caractérise ni une atteinte grave aux droits garantis par la CEDH ni une défaillance étatique notoire. La carence pouvait toutefois être qualifiée de notoire dès lors que le tribunal relève lui-même le dépassement, pendant quatre années consécutives, des valeurs limites. L’autorité publique savait effectivement que son plan était insuffisant. Pourtant, elle ne l’a pas fait évoluer.
La souplesse du juge à l’égard de l’État trouve sa justification dans la prise en compte des « risques écologiques inhérents à la vie en ville » et de « la difficulté de lutter contre une pollution d’origine multifactorielle ». Autrement dit, le choix de vivre en ville comporte des risques, tels les pics de pollution, que les résidents des grandes villes semblent accepter tacitement, si tant est que ce choix existe véritablement. En outre, ces risques ont des origines multiples qui peuvent échapper au pouvoir étatique. Lorsqu’ils se réalisent, ils ne peuvent donc pas être entièrement imputés à l’État. Ce dernier n’a alors pas à en supporter tout le poids.
En choisissant d’établir une simple obligation de moyen et en appréciant souplement celle-ci, le tribunal incite le préfet à agir tout en le préservant d’une menace de sanctions en cas d’échec de son action. Cette tendance se trouve renforcée par la souplesse du juge dans l’appréciation des mesures adoptées par les préfets afin de réduire au maximum la durée des périodes de forte pollution.
B. L’affirmation d’une obligation de moyen de réduire la durée des périodes de forte pollution
La Cour de justice de l’Union européenne (19 nov. 2014, ClientEarth, C-‑404/13), et le Conseil d’État (12 juill. 2017, n° 394254, Association Les Amis de la Terre France), ont estimé qu’en cas de pics de pollution, le juge ne doit que vérifier si les plans établis par l’État membre sont « en conformité avec l’objectif de ramener les concentrations sous les valeurs seuils dans les plus brefs délais » (Le Dylio (A.), « Lutte contre la pollution atmosphérique : la carence fautive de l’État reconnue par des jugements en demi-teinte », préc.) . Il n’a en revanche pas à déterminer si les mesures ont effectivement permis d’atteindre leur objectif. Il se contente donc de constater leur adéquation avec le but recherché. En d’autres termes, le Conseil d’État et la C.J.U.E. consacrent une obligation de moyen et non une obligation de résultat.
Dans la continuité de ces jurisprudences, le Tribunal administratif de Lyon a déduit de l’article L. 223-1 du Code de l’environnement l’existence d’une simple obligation de moyen pesant sur l’État. Cet article prévoit qu’en présence d’un pic de pollution, le préfet territorialement compétent doit adopter « des mesures propres à limiter l'ampleur et les effets de la pointe de pollution sur la population ». Le juge exige alors que les mesures adoptées par le préfet soient « propres à limiter l'ampleur et les effets de la pointe de pollution sur la population ». Le préfet ne commet donc une faute de nature à engager la responsabilité de l’État que si les mesures qu’il a adoptées ne sont pas adaptées au but recherché. Il n’en commettra pas du seul fait que ses décisions n’ont pas mis fin au pic de pollution. Ainsi, le Tribunal se réserve le soin de regarder, in concreto, si les mesures adoptées par le préfet étaient bien en lien et, a priori, utiles pour mettre fin au pic de pollution.
En l’espèce, le Tribunal a considéré que les mesures adoptées par le préfet étaient bien des mesures permettant de faire baisser, en temps voulu, la pollution. Pourtant, le tribunal a également pris la peine de préciser que la préfecture avait été informée du risque de pollution antérieurement à l’adoption de ses mesures, et qu’elle avait pourtant refusé d’agir à ce moment-là. Il pouvait donc estimer que les mesures adoptées par le préfet étaient fautives puisqu’adoptées trop tardivement. En refusant une telle lecture, le Tribunal n’incite pas l’État à prendre des mesures plus radicales pour protéger l’environnement.
Cette décision se comprend : devant la technicité des questions de pollutions atmosphériques, il semble opportun d’offrir une certaine marge d’action à la préfecture. De plus, le juge ne dispose pas des compétences lui permettant de déterminer lui-même quelles auraient été les meilleures mesures, et dans quel temps celles-ci auraient dû être adoptées, afin de réduire la durée du pic de pollution. Il pourrait certes solliciter une expertise d’office par le biais de l’article R. 621-1 du CJA. Mais l’utilité de cette expertise doit être questionnée : la détermination des « meilleures mesures » est tout autant politique que technique. L’expert ne semble alors pas être l’acteur le plus à même de les déterminer. Enfin, il n’est pas certain que la sanction de l’État favorise la réduction de la durée des pics de pollution tant ceux-ci sont liées à des facteurs échappant au pouvoir étatique. Il serait alors étrange de sanctionner l’État afin qu’il réalise un objectif qu’il n’a pas les moyens d’accomplir. Ce raisonnement implique de déterminer si l’inaction étatique relève d’une question de volonté politique ou de compétences juridiques.
En l’espèce, le choix d’une simple obligation de moyen se révèle favorable à l’Administration. Ce n’est toutefois pas nécessairement le cas. Par exemple, la Cour de justice de l’Union européenne, ( 24 octobre 2019 C-636/18 ) , a condamné la France pour non-respect de la directive « Air pur » et raison de « l'absence de mise en œuvre, en temps utile, de mesures appropriées pour que la période de dépassement soit « la plus courte possible » (Moliner-Dubost (M.), « La France condamnée pour non-respect de la directive Air pur pour l'Europe concernant le dioxyde d'azote » EEI, n° 012, Décembre 2019, comm. 59) . Le choix du juge ne doit ainsi pas être compris comme une pure volonté de sa part de protéger la puissance publique. L’obligation de moyen a surtout le mérite de favoriser le cas par cas, la prise en compte des circonstances particulières de chaque espèce.
Pour autant, même lorsque le juge accepte de caractériser une faute étatique, celle-ci n’aboutit pas, ici, à une indemnisation de la victime.
2. Une faible portée de la faute engageant la responsabilité administrative en matière de pollution atmosphérique
Bien qu’adoptant une lecture serrée de la notion de faute étatique, le juge administratif montre un certain niveau d’exigence vis-à-vis des plans de protection atmosphérique que le préfet adopte (A). Pour autant, il refuse de condamner l’État à indemniser les victimes car il ne relève aucun lien de causalité entre la faute étatique et le préjudice allégué par la requérante (B).
A. L’insuffisance des plans de protection atmosphérique caractérisant une faute étatique
Dans sa décision, ClientEarth précitée, la C.J.U.E. avait considéré que le respect des valeurs limites posées par la directive « Air pur » constitue pour les États une obligation de résultat. Le dépassement de ces valeurs seuils suffit à caractériser un manquement à l’article 13 de la directive.
En application de l’article L. 222-5 du Code de l’environnement transposant l’article 23 de la directive, le Tribunal administratif de Lyon consacre également une obligation de résultat à la charge des États. Il a effectivement considéré que si le « plan et les moyens dont il prévoit la mise en œuvre sont insuffisants pour empêcher une méconnaissance de ces valeurs limites sur une durée la plus courte possible », l’État commet une faute de nature à engager sa responsabilité. Il ne suffit pas que le plan soit en conformité avec l’objectif qu’il poursuit : il doit réaliser ce dernier.
En l’espèce, le tribunal remarque que le plan prévoit lui-même qu’en certains endroits de l’agglomération lyonnaise il ne permettra pas d’éviter le dépassement des valeurs limites. Le juge en conclut que l’exposition persistante reconnue par le plan d’une partie de la population à une forte pollution est « difficilement compressible ». De fait, en déterminant ses propres limites, le plan ne semble pas se donner tous les moyens possibles d’éviter les dépassements des seuils de valeurs de pollution. Ensuite, le juge note que pendant quatre années consécutives, il y a eu un dépassement des valeurs limites de concentrations. Le plan n’a ainsi pas permis d’« empêcher une méconnaissance de ces valeurs limites sur une durée la plus courte possible ». Le juge en déduit « une faute de l’État dans l’exécution des obligations résultant pour lui des dispositions précitées du code de l’environnement ». Comme l’Etat a manqué à son obligation de résultat, il a commis une faute.
La solution retenue par le Tribunal administratif est un premier pas vers une responsabilisation accrue de l’État en matière de pollution atmosphérique. En retenant l’existence d’une obligation de résultat, le juge l’incite à développer une politique particulièrement efficace de lutte contre les dépassements des valeurs seuils pour éviter toute condamnation future. Toutefois, cette avancée est vidée de son sens par la vision du lien de causalité retenue par le tribunal.
B. Une appréciation trop rigoureuse du lien de causalité
En matière de responsabilité, la seule caractérisation d’une faute de l’Administration n’implique pas automatiquement une indemnisation de la victime. Encore faut-il que cette dernière prouve qu’elle a subi un préjudice et que ce préjudice a été causé par la faute (Dubois (J.-P.), « Responsabilité pour faute », Rép. de la resp. puissance publique, Dalloz, Sept. 2014 (actualisation : nov. 2019) ) .
Dans le jugement du tribunal lyonnais, « le lien de causalité constitue le principal obstacle à l’engagement de la responsabilité environnementale de l’État» (Deguergue (M.), « Les imperfections de la responsabilité administrative environnementale », AJDA, 2018, p. 2077) . En l’espèce, le Tribunal reconnaît l’existence d’un préjudice puisqu’il admet l’existence de pathologies dont souffre le fils de la requérante. Toutefois, il rejette tout lien de causalité entre ce préjudice et la faute commise par l’État. Il considère d’abord que les pathologies précitées « ont des causes multiples ». La faute étatique, résultant de l’incapacité du préfet à empêcher un dépassement des valeurs limites sur une durée la plus courte possible, n’est pas la raison unique du préjudice subi. Le juge exige alors, afin de constituer le lien de causalité, que la faute précitée soit principalement à l’origine du préjudice allégué. Elle ne doit pas être un des éléments ayant causé ou aggravé la maladie, elle doit en être le fait principal.
Or, le juge rejette l’existence d’un lien de causalité en se fondant justement sur l’absence de preuve assurant « avec certitude, [que les pathologies du fils de la requérante] auraient ici pour origine prépondérante, ou comme facteur particulièrement aggravant, les insuffisances du plan de protection de l’atmosphère de l’agglomération lyonnaise ». C’est ainsi l’absence de preuves attestant de façon indubitable que la faute étatique est principalement à l’origine du préjudice qui empêche le juge d’engager la responsabilité de l’administration. Pourtant, la requérante avait produit un certificat médical prouvant la corrélation entre les maladies de l’enfant et les pics de pollution atmosphérique. Cette attestation médicale n’a pas convaincu le juge puisqu’il a considéré que « cet élément ne saurait suffire, à lui seul, pour établir un lien direct de causalité entre de tels dépassements et les pathologies de son fils ». Le juge fait ainsi œuvre de prudence. Comme le relève A. Le Dylio (« Lutte contre la pollution atmosphérique : la carence fautive de l’État reconnue par des jugements en demi-teinte », préc.), contrairement aux effets de l’amiante, il n’existe que peu d’études démontrant clairement les conséquences de la pollution atmosphérique sur la santé. Le juge se limite ainsi à observer des conséquences claires et certaines telles que le dépassement de valeurs seuils. En revanche, il se refuse, en l’absence d’études scientifiques suffisantes, à s’ériger lui-même en scientifique afin de caractériser l’existence d’un lien de causalité entre la pollution et les maladies déclarées.
L’étude du lien de causalité en matière scientifique ouvre un large champ de réflexion sur la porosité entre les faits et le droit. L’établissement du lien de causalité relève ici d’une démonstration scientifique. C’est donc l’analyse d’experts scientifiques, ou son absence, qui détermine le contenu juridique de la décision juridictionnelle (V. à ce sujet Duong (L.), La notion de raisonnable en droit économique, Thèse de doctorat, Université de Nice Sophia-Antipolis, 2004, p. 151).
Ainsi la solution retenue par le juge administratif trouve un équilibre incertain qui doit conduire à repenser le contentieux de la responsabilité environnementale. La responsabilité administrative pour faute ne paraît effectivement pas adaptée à ces litiges. Primo, elle n’incite pas véritablement l’État à agir efficacement. Si l’autorité administrative peut être reconnue fautive, l’absence de lien de causalité ne permettra pas d’aboutir à une indemnisation de la victime. La protection des deniers publics prime alors sur la protection de l’environnement. Secundo, le jugement étudié, en raison de l’objet même du litige, considère la protection de l’air atmosphérique comme un moyen et non comme une fin. La lutte contre la pollution est donc appréhendée par le prisme de la protection des individus et non pour elle-même (voir à ce sujet Truihle (E.) et Hautereau-Boutonnet (M.), Le procès environnemental : Du procès sur l’environnement au procès pour l’environnement, Convention de recherche n° 216.09.28.12 du 29 septembre 2016, Publié en mai 2019). Au regard de la solution de l’espèce, cet anthropocentrisme ne semble pas être opportun pour agir sur les problématiques environnementales en elles-mêmes.
Pour autant, la position du Tribunal a pour vertu de tenir compte de la difficulté, pour la puissance publique, à agir sur la pollution atmosphérique. Dans un contexte où le (néo) libéralisme a conduit à suspecter d’illégitimité toute action étatique, la question environnementale inverse la tendance : l’État doit agir. Il est alors compréhensible que la puissance publique se montre réservée dans son action, de crainte d’être perçue comme un pouvoir illégitime, si ce n’est liberticide ; et afin de ne pas indisposer certains secteurs économiques et industriels.