DECISION CE du 14 octobre 2020
Instruction fiscale laissant un pouvoir d'appréciation à l'administration.
La circonstance qu'une instruction fiscale laisse un pouvoir d'appréciation à l'administration ne fait pas obstacle à ce que celle-ci soit regardée comme une interprétation formellement admise du texte fiscal, pour l'application de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales (LPF), dès lors qu'elle énonce une règle d'interprétation de la loi fiscale à portée générale.
Détermination du revenu imposable - Charges déductibles du revenu global - Prestation compensatoire en cas de divorce versée sous forme de capitaux ou de rentes - Détermination de la durée de versement (1) - Durée fixée par le juge civil (2).
Il résulte des articles 274 et 275-1 du code civil que les versements de la prestation compensatoire effectués sur une durée supérieure à douze mois, au sens de l'article 156 du code général des impôts (CGI), et déductibles à ce titre du revenu imposable, ne peuvent s'entendre que de ceux qui l'ont été conformément aux modalités de paiement fixées par le juge.
1. Rappr., sur le régime fiscal applicable selon que la durée des versements est inférieure ou supérieure à un an, CE, 15 avril 2016, n° 376785, p. 142.
2. Rappr., sur la référence aux modalités prescrites par le juge civil pour déterminer si le versement a le caractère d'un capital ou d'une rente, CE, 26 janvier 2000, Ministre n° 178564, inédite au Recueil.
ARRET CAA Lyon du 29 mars 2018 : annulé par le CE
Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Opposabilité des interprétations administratives (art. L. 80 A du livre des procédures fiscales) - Garantie contre les changements de doctrine - Interprétation formelle d’un texte fiscal - Absence, dès lors que la doctrine invoquée laisse un pouvoir d’appréciation au service des impôts.
Pour ce qui concerne les procédures de divorce engagées avant le 1er janvier 2005, sont déductibles, sur le fondement du le 2° du II de l’article 156 du code général des impôts, les versements de sommes d’argent mentionnés à l’article 275-1 du code civil, lorsqu’ils sont effectués sur une période supérieure à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce est passé en force de chose jugée et conformément aux modalités de paiement fixées par le juge.
Le paragraphe 11 de l’instruction publiée au du Bulletin officiel des impôts du 17 juillet 2006 (5-B-21-06) comportait une atténuation à cette règle en prévoyant qu’en cas de versement en tout ou partie de la prestation compensatoire au-delà du délai de douze mois alors que le jugement ou la convention de divorce prévoyait que le versement devait intervenir intégralement dans le délai de douze mois, « les sommes versées sont normalement déductibles du revenu imposable du débirentier et imposables selon le régime des pensions au nom du crédirentier, avec application éventuelle du système du quotient prévu à l’article 163-0 A du code général des impôts».
Cette instruction ajoutait que : « Toutefois, si les services établissent que les parties, et notamment celle tenue d’acquitter la prestation compensatoire, n’exécutent pas la décision du juge ou la convention homologuée dans les termes prévus aux seules fins d’en retirer le bénéfice d’un régime fiscal favorable, les dispositions précédentes ne leur sont pas applicables. Dans ce cas, les versements ne sont donc ni déductibles, ni imposables. Il appartient toutefois aux services d’établir la preuve de l’intention du contribuable. Celle-ci sera réputée apportée lorsque, par exemple, le débiteur n’a pas libéré le capital dans les douze mois du jugement ayant acquis force de chose jugée, conformément au jugement ou à la convention homologuée, alors qu’il est titulaire d’un important patrimoine liquide (portefeuille de valeurs mobilières, contrats d’assurance vie (…) susceptible d’être mobilisé rapidement. ».
Ces dispositions de la doctrine administrative, qui laissent un pouvoir d’appréciation à l’administration, ne sauraient ainsi être regardées comme une interprétation formellement admise du texte fiscal dont le contribuable pourrait se prévaloir en application de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
Cf. CAA Paris 29 mai 1990 N° 89PA01616, RJF 1990.1199 - CAA Versailles, 24 septembre 2009, N° 08VE03024