La SCI Alexandra et la commune de Saint-Bon-Tarentaise, devenue depuis Courchevel, vous saisissent des 3 jugements par lesquels le tribunal administratif de Grenoble a annulé, à la demande des consorts Sabatier, du syndicat des copropriétaires de la résidence Altitude 1870 et de la SCI Cocimes, le permis de construire et les permis de construire modificatifs que le maire de la commune avait délivrés les 5 avril 2012, 12 septembre 2012 et 12 juillet 2013 à la SCI Alexandra pour la construction d’un chalet d’habitation.
Commençons par la contestation du jugement en tant qu’il a fait droit à la demande des consorts X. :
La régularité du jugement est tout d’abord mise en cause à plusieurs titres.
Cependant :
- la réponse à la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt pour agir des consorts Sabatier est suffisamment motivée,
- les moyens retenus par le tribunal avaient été invoqués par les consorts X.,
- la référence à la zone UC et à la zone UD du POS n’est qu’une erreur matérielle,
- et le défaut de communication du mémoire en réplique est sans incidence puisque le tribunal ne s’est pas fondé sur son contenu pour retenir l’intérêt pour agir des demandeurs.
Vous pourriez en revanche hésiter à retenir le moyen en tant que le TA s’est fondé sur son jugement annulant le PLU pour appliquer le POS redevenu applicable sans avoir communiqué le mémoire en réplique qui mentionnait ce jugement.
Cependant nous vous proposerons plutôt d’annuler au fond le jugement. En effet par un arrêt du 7 novembre 2017, n° 17LY01919 (pourvoi en cassation en cours N° 417152) rendu sur renvoi du Conseil d’Etat à la suite de l’annulation de votre précédent arrêt, vous avez annulé le jugement du tribunal qui avait annulé la délibération du 17 novembre 2011 approuvant le PLU de la commune.
C’est donc au regard des dispositions de ce PLU que vous devrez examiner le permis de construire en litige. Le tribunal administratif a donc à tort annulé le permis en se fondant sur les dispositions du règlement du POS de 1996.
L’intérêt pour agir des consorts Sabatier ne fait aucun doute puisqu’ils sont propriétaires d’une parcelle voisine, séparée seulement par une route du terrain d’assiette du projet.
Venons-en à la légalité des permis contestés :
Trois des moyens soulevés nous paraissent devoir être retenus :
Il s’agit en 1er lieu du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article UC 9 du règlement du PLU qui fixe le coefficient d’emprise au sol des constructions à 0, 25.
Le dossier de permis indique que le projet représente une emprise au sol de 149 m², tandis que le terrain de 600 m² en autorise 150.
Mais nous sommes d’avis que cette indication est erronée et qu’en réalité l’emprise au sol du projet excède celle autorisée par le PLU.
L'emprise au sol d'une construction peut être définie de façon générale comme la surface d'une parcelle occupée par les éléments bâtis.
La notion n’est pas précisée par le code de l’urbanisme, qui en réalité s’y réfère de deux façons différentes et à des fins spécifiques : en 1er lieu depuis le 1er mars 2012 les articles L. 420-1 et R. 420-1 du code définissent l’emprise au sol comme « la projection verticale du volume de la construction, tous débords et surplombs inclus ». Cette définition n’est valable que pour la détermination du champ d’application du permis de construire et de la déclaration préalable. En second lieu l’article R. 431-2 précisait, entre le décret du 7 mai 2012 et le décret du 14 décembre 2016, que pour les constructions à destination autre qu’agricole les personnes physiques sont dispensées de recours à un architecte lorsqu’à la fois la surface de plancher et l’emprise au sol de la partie de la construction constitutive de surface de plancher ne dépassent pas 170 m².
Vous ne pourrez ainsi vous appuyer sur ces références à l’emprise au sol issues du code de l’urbanisme dont le champ d’application est précisément délimité.
Qu’en est-il de la jurisprudence ?
En l’absence de précision dans le règlement du plan, l'emprise au sol est généralement présentée comme le rapport de la surface occupée par la projection verticale du volume hors œuvre du bâtiment à la surface de la parcelle : par exemple jurisclasseur administratif, fasc. 513 relatif au contentieux des PLU.
Cette définition a été dégagée par l’arrêt du CE du 31 janvier 1990 n° 79939. Le rapporteur public expliquait dans ses conclusions que « le coefficient d’emprise au sol permet d’évaluer le volume extérieur du bâtiment. Sont alors pris en compte les éléments de structure qui constituent le gros œuvre sans pour autant générer forcément une surface habitable » avant de préciser que « l’emprise au sol ne se confond pas avec la surface du bâtiment au niveau du sol (…). Il est bien des bâtiments modernes qui reposent sur quelques piliers étroits et s’élargissent au niveau des étages. Il est alors légitime de calculer l’emprise au sol par une projection verticale ».
Mais là encore ce n’est que dans le silence du PLU que l’on peut s’appuyer sur une telle définition.
Lorsque le PLU donne une définition de ce que ses auteurs entendent de l’emprise au sol, c’est cette définition qui trouve à s’appliquer. Voyez par exemple sur cette démarche les conclusions d’Anne Courrèges sur l’arrêt du CE du 21 mars 2008, n° 296239 aux Tables : le CE a jugé qu’une piscine extérieure, même non couverte, qui est une construction occupant du terrain et réduisant la surface d'espaces libres est à prendre en compte au titre de l’emprise. Les conclusions expliquent que cela est plus simple à déterminer lorsque le PLU prend parti sur les piscines, soit pour les inclure, soit pour les exclure puisqu’il suffit alors d’appliquer le PLU.
Il ne peut qu’en aller de même pour d’autres éléments de construction tels les balcons ou les aménagements comme la courette anglaise et les terrasses que comporte le projet qui vous est soumis : cela dépend de ce que prévoit le PLU.
En l’espèce le PLU applicable définit l’emprise au sol comme « la surface de la construction édifiée au sol calculée au nu extérieur de la construction ». La notion de construction « édifiée au sol » ne vous apportera guère de précision et le fait que celle-ci doivent être calculée « au nu extérieur de la construction » guère plus compte tenu de la configuration particulière du chalet projeté, qui doit comporter 5 niveaux principaux, dont 2 enterrés et un semi-enterré.
Compte tenu de cette configuration particulière nous sommes d’avis que la construction projetée excède l’emprise au sol autorisée.
Deux raisonnements permettent de le constater :
Il nous semble en premier lieu que le nu extérieur de la construction ne peut se limiter en l’espèce au nu extérieur des façades du bâtiment. En effet, le bâtiment comporte des balcons présentant un caractère massif puisqu’ils ont une largeur de plus de 2, 50 mètres et longent le bâtiment principal sur environ la moitié de son périmètre, et ce sur 2 niveaux. En outre, la partie du sol couverte par ces balcons comporte un certain nombre d’aménagements construits, comme une courette anglaise ou des ouvrages créant un puits de lumière pour les étages inférieurs enterrés. Dans ces conditions il nous semble que le volume global de la construction doit être regardé comme englobant ces différents éléments. Vous pourriez ainsi en conclure que le projet ne respecte pas l’article UC 9 du règlement du PLU.
En second lieu, nous sommes d’avis que vous pouvez également évaluer l’emprise de la construction en tenant compte des caractéristiques non seulement du bâtiment mais également du lieu et des modalités de son implantation. Le terrain est en effet en pente et la construction partiellement enterrée. A tel point que les plans des différentes façades montrent que le bâtiment comporte 2 ou 4 niveaux enterrés selon le côté du bâtiment considéré. Le volume émergé du chalet diffère donc dans les mêmes proportions.
Il est vrai que les sous-sols, parties souterraines des constructions, ne sont pas inclus dans l’emprise au sol : CE 14 octobre 2002, commune du Lavandou, n° 244714, aux Tables. Il ne s’agit donc pas de prendre en compte les étages entièrement enterrés pour le calcul de l’emprise.
En revanche, il a été jugé qu’un sous-sol partiellement enterré du fait de la pente du terrain et ouvert de plain-pied sur l’aire de dégagement ne peut être regardé comme construit en sous-sol et doit être pris en compte pour le calcul de l’emprise : CE 7 juillet 2000, commune de Saint-Tropez, n° 189606. Dans cette espèce, c’est le fait qu’on accédait de plain-pied à ce garage en partie enterré qui a permis de considérer qu’il ne constituait pas un sous-sol (cf les conclusions).
Quelles conclusions en tirer au cas présent ?
Au vu des plans du chalet projeté, nous vous proposons de vous reporter au plan du niveau 0 qui figure dans le dossier de demande. Ce niveau comporte certes des parties enterrées. Mais on y accède de plain-pied ; si bien que nous sommes d’avis que l’emprise au sol de la construction est constituée par la surface couverte par ce niveau de la construction. Et elle excède largement l’emprise au sol autorisée par le PLU. Ce mode de raisonnement, qui intègre la pente du terrain, présente selon nous l’avantage d’opérer une synthèse entre les notions de volume et de surface occupée au sol qui caractérisent l’emprise.
Voilà pour ce 1er moyen que nous vous proposons de retenir.
Le 2ème moyen fondé à notre sens tient à la méconnaissance de l’article UC 10 du règlement du PLU, qui limite la hauteur des constructions à 10, 50 mètres.
Le glossaire du PLU précise que la hauteur est égale à la différence d’altitude entre tout point de la construction et sa projection à la verticale sur le terrain naturel, et définit le terrain naturel comme le niveau de terrain existant avant la demande d’autorisation d’urbanisme.
En l’espèce, il ressort des plans que la construction projetée présente une hauteur d’environ 13 mètres entre le point le plus haut de la toiture et le niveau 0 de la construction.
Et que pour afficher une hauteur respectant le PLU, la SCI Alexandra a défini la hauteur maximale par rapport à une ligne qui suit la pente d’un terrain naturel reconstitué en faisant abstraction de la construction qui existait sur le terrain et qui a été démolie pour permettre la construction du chalet en cause.
Mais, ainsi que le font valoir les consorts Sabatier, nous sommes d’avis que le PLU préconise plutôt de définir la hauteur à partir d’un plan horizontal correspondant au niveau du chalet préexistant (soit la cote NGF 1864, 34) selon le plan dressé par un géomètre en 2011 et joint à la demande de PC initial. C’est le niveau de terrain existant avant la demande d’autorisation d’urbanisme auquel se réfère le glossaire.
Cette lecture est en outre confirmée par le rapport de présentation, dont il ressort que les auteurs du PLU ont entendu limiter la hauteur des constructions nouvelles à celle du bâtiment préexistant puisqu’il précise qu’en cas de reconstruction « c’est la hauteur du bâtiment existant qui est prise en compte, l’égout du bâtiment reconstruit ne pouvant, quelle que soit l’implantation de la construction, se situer à une hauteur supérieure » avant de déterminer les modalités de calcul du niveau du terrain naturel à partir des vues en coupe du bâtiment préexistant. Cette méthode calcul, sur laquelle nous ne reviendrons pas, ne nous parait pas applicable en l’espèce puisqu’elle permet de calculer une hauteur moyenne du terrain naturel en cas de terrain en pente alors qu’en l’espèce le terrain initial existant avant la demande d’autorisation en litige a été décaissé et n’est donc pas en pente.
Nous vous proposerons donc de juger que le projet méconnait l’article UC 10 du règlement du PLU.
Enfin, un 3ème moyen nous parait devoir être retenu.
Il concerne les lucarnes en toiture et la méconnaissance de l’article UC 11 du règlement du PLU, qui prévoit que les modifications du pan de la toiture ne peuvent se présenter que sous la forme de lucarnes, et seules sont autorisées les lucarnes définies à l’article 7-6 des dispositions générales.
Or la baie vitrée située sur la partie droite de la façade nord du projet ne peut, compte tenu de ses dimensions, être regardée comme une lucarne pendante. Et nous sommes d’avis qu’il en va de même, compte tenu de leur ampleur et de celle du balcon qu’elles surmontent des prétendues lucarnes situées sur la partie gauche de la façade nord et de la façade sud à propos desquelles, il est vrai, vous pourrez avoir quelque hésitation.
Les vices que nous vous proposons de retenir ne permettent pas selon nous l’application des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l’urbanisme dans la mesure où leur régularisation impliquerait une modification de l’économie générale du projet et ne peut donc faire l’objet d’un simple permis modificatif.
Revenons rapidement sur les autres moyens soulevés par les consorts X., qui ne nous paraissent pas fondés :
Le dossier de demande était complet et a permis au service instructeur d’appréhender le projet et sa conformité avec la réglementation d’urbanisme.
L’article UC 1 n’autorisant les affouillements que pour réaliser les travaux admis dans la zone n’a pas été méconnu.
Rien ne permet de penser que l’article UC 7 relatif à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives aurait été méconnu, même par les lucarnes en façade nord.
Les dispositions du PLU relatives aux places de stationnement sont respectées, notamment par les places réalisées en sous-sol.
Enfin, rien ne permet de penser que le projet présenterait un danger quant au passage des skieurs en provenance de la piste de Bellecôte.
Vous rejetterez donc les requêtes de la commune et de la SCI Alexandra tendant à l’annulation du jugement annulant les permis en litige à la demande des consorts X.
S’agissant des autres requêtes de la commune et de la SCI dirigées contre les deux autres jugements du tribunal annulant les mêmes permis de construire, nous vous proposerons de prononcer un non-lieu à statuer.
Vous n’êtes pas sans savoir que par son arrêt de Section du 5 mai 2017, n° 391925 au Recueil, le CE a jugé que le juge peut, lorsqu’il joint des requêtes pour statuer par une même décision, déduire d’une décision juridictionnelle rendue par lui-même qu’il n’y a plus lieu de statuer sur des conclusions à fin d’annulation dont il est saisi en tirant les conséquences nécessaires de ses propres énonciations.
Si vous nous suivez et confirmez l’annulation des permis en litige, cette décision privera d’objet les conclusions des autres requêtes.
Et rien ne nous semble s’opposer à ce que vous joigniez les différentes requêtes et prononciez ce non-lieu. Pas même l’article L. 600-4-1, qui n’a pas vocation à s’appliquer entre plusieurs requêtes mais seulement au sein d’une même requête. Et le non-lieu prime l’examen des moyens.
Pour finir, aucune écriture ne nous parait excéder les limites de la controverse entre parties dans le cadre d’une procédure contentieuse.
Par ces motifs nous concluons :
- au rejet des requêtes n° 15LY02376 et 15LY02745 ;
- au prononcé d’un non-lieu à statuer sur les autres requêtes, dans le cadre d’une jonction ;
- et au rejet dans les circonstances de l’espèce des conclusions présentées par les parties au titre des frais non compris dans les dépens.