M. M., de nationalité russe, est entré en France en janvier 2013. Il a été pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance du département du Rhône. Il a formé en 2015 une demande de titre de séjour en invoquant les dispositions du 2° bis de l’article L313-11 du CESEDA ou celles de l’article L313-15 du même code. Le refus opposé par le préfet du Rhône, en date du 28 août 2015, était fondé sur les dispositions de l’article L313-15 du CESEDA, ce refus étant assorti d’une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Il est relevé appel du jugement du 13 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. M. tendant à l’annulation de ces décisions.
M. M. soutient, et c’est son argument principal, que le préfet du Rhône a commis une erreur de droit en lui faisant application des dispositions de l’article L313-15 du CESEDA, alors qu’il relevait des dispositions du 2° bis de l’article L. 313-11 du même code. Les premières dispositions, dans le cadre desquelles le préfet dispose d’un large pouvoir d’appréciation, s’agissant d’une admission exceptionnelle au séjour, s’appliquent selon les termes mêmes du texte « à l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans », tandis que s’appliquent les dispositions du 2° bis de l’article L. 313-11 du code lorsque l’étranger a été confié au service avant l’âge de seize ans.
Il n’est pas vraiment contesté que le requérant est né le 2 mars1997, même si certains documents portent une autre date. La question est donc de savoir s’il a été confié à l’aide sociale à l’enfance avant le 2 mars 2013.
Selon le requérant, il y a lieu de retenir la date du 21 février 2013 à laquelle il a été recueilli provisoirement par les services de l’aide sociale à l’enfance du département du Rhône. Selon le préfet, c’est la date du 6 mars 2013 qui doit être prise en compte soit la date à laquelle M. M. a été confié à ces services par jugement de placement en assistance éducative.
Cette dernière interprétation est celle retenue par le TA et elle nous semble conforme au texte. Il s’agit de déterminer la date à laquelle un étranger est « confié » à l’aide sociale à l’enfance.
L’autorité judiciaire est seule compétente, en vertu des articles 375 et suivants du code civil, pour décider de confier un mineur à un service départemental de l’aide sociale à l’enfance. Il y a sur ce point compétence liée pour le département, qui ne peut décider d’admettre un mineur à l’aide sociale à l’enfance sans que l’autorité judiciaire l’ait ordonné (CE, 28 juillet 2016, N° 401626, B ; CE, 1er juillet 2015, Département du Nord, 386769).
Le code de l’action sociale et des familles prévoit il est vrai un dispositif d’accueil provisoire par le département en cas d’urgence (dispositif prévu à l’article L223-2 du code de l’action sociale et des familles). Mais, cet article précise que, dans un délai de cinq jours, le service doit saisir l’autorité judiciaire en vue de l’application de l’article 375-5 du code civil. En accueillant provisoirement M. M., le département du Rhône n’a pris aucune décision quant à la nécessité d’un placement de l’intéressé.
En vertu des dispositions de l’article 375-3 du code civil « « Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier : (…) 3° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance ; (…) ». Notons alors que le code civil utilise le même terme de « confier » que le CESEDA, et il nous semble que vous devrez donner le même sens à ce terme. Le juge des enfants peut aussi, en vertu des dispositions de l’article 375-5 du code civil ordonner pendant l’instance la remise provisoire du mineur dans un centre d’accueil, de même d’ailleurs que le procureur de la République. Mais, ici la décision de remise provisoire, du 4 mars 2013, est elle-même postérieure au seizième anniversaire.
Ainsi, si les services de l’aide sociale à l’enfance ont recueilli provisoirement M. M. le 21 février 2013 dans le cadre des dispositions de l’article L223-2 du code de l’action sociale et des familles, ils n’ont pu prendre alors aucune décision et ce n’est que postérieurement au seizième anniversaire de l’intéressé que le mineur a été confié au service de l’aide sociale à l’enfance par décision judiciaire du 6 mars 2013.
Selon le requérant, il y aurait lieu toutefois de considérer que l’ordonnance de placement provisoire du 4 mars 2013 puis le jugement de placement du 6 mars 2013 ont eu un caractère rétroactif. Mais, le jugement de placement précise expressément que M. M. est confié à compter du 6 mars 2013, et jusqu’au 6 mars 2014 auprès des services de l’aide sociale à l’enfance. Il n’a donc aucun caractère rétroactif.
C’est donc à bon droit que le préfet du Rhône a considéré que la demande de M. M. relevait des dispositions de l’article L313-15 du CESEDA.
Pour le reste, la requête est assez confuse. Si M. M. invoque une insuffisance de motivation et un défaut d’examen de sa situation, il ne soulève pas clairement le moyen tiré de l’erreur de droit qu’aurait commis le préfet en ne procédant pas à un examen global de la situation de l’intéressé au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine et l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion dans la société française (CAA Lyon, 11 octobre 2016, N° 15LY00725, C+).
Le préfet du Rhône a en effet seulement opposé l’absence d’isolement en Russie de l’intéressé, alors que ses parents y vivent. Mais, ceci ne saurait caractériser ni une insuffisante motivation de la décision ni une absence d’examen de sa situation.
Toutefois, pour examiner le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L313-15 du CESEDA, dans le cadre d’un contrôle restreint, il vous faut bien alors procéder, compte tenu des principes que vous avez fixés, à un examen global de la situation de M. M..
Or, nous avons peu d’éléments au dossier. S’agissant des liens conservés en Russie, les explications sur ce point du requérant ont été contradictoires. S’il avait indiqué dans un premier temps que son père était mort ou disparu, il ne conteste plus aujourd’hui qu’il est vivant et son récit est bien peu circonstancié sur ses conditions de vie en Russie puis de départ pour la France.
S’agissant du caractère réel et sérieux des études, il ressort des pièces du dossier et du parcours de l’intéressé tel qu’il le décrit lui-même, qu’il n’a pas suivi une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Or, il s’agit d’une condition nécessaire pour qu’un titre de séjour soit délivré sur le fondement des dispositions de l’article L. 313-15 du CESEDA, mais il est vrai que le préfet ne l’invoque pas. Le requérant se prévaut essentiellement de stages de courte durée dans la restauration qui ne permettent pas d’établir le caractère réel et sérieux d’études.
Enfin, les pièces du dossier ne nous permettent pas de mettre en avant une particulière insertion dans la société française.
Compte tenu du contrôle restreint qui est le vôtre, vous pourrez écarter le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d’une EMA.
Compte tenu du caractère récent du séjour en France de M. M., de son absence d’attaches familiales en France (même si a été allégué en appel l’existence d’une petite amie), vous écarterez aussi le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 8 de la CEDH.
Aucun moyen distinct n’est invoqué à l’encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par ailleurs, M. M. n’établit nullement la réalité de risques personnellement encourus en cas de retour en Russie.
Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête.