ARRET CAA Lyon
En premier lieu, aux termes du 4 de l’article 35 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles approuvé par le décret du 26 décembre 1978, auquel se réfère le cahier des clauses administratives particulières du marché : « La résiliation fait l'objet d'un décompte qui est arrêté par la personne publique et notifié au titulaire. Les stipulations du 32 de l'article 12 sont applicables à ce décompte ». Selon le 32 de l'article 12 : « Toute réclamation sur un décompte doit être présentée par le titulaire à la personne publique dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte. / Passé ce délai, le titulaire est réputé avoir accepté le décompte. ». Le 3 de l’article 2 précise que : « Sauf stipulation différente, tout délai imparti dans le marché commence à courir le lendemain du jour où s'est produit le fait qui sert de point de départ à ce délai. / Lorsque le délai est fixé en jours, il s'entend en jours de calendrier et il expire à la fin du dernier jour de la durée prévue. / (…) Lorsque le dernier jour d'un délai est un samedi, un dimanche, un jour férié ou chômé, le délai est prolongé jusqu'à la fin du premier jour ouvrable qui suit. ». Le 42 de cet article 2 ajoute que : « Les communications du titulaire avec la personne publique auxquelles le titulaire entend donner date certaine sont soit adressées par lettre recommandée, ou télégramme, avec demande d'avis de réception postal, soit remises contre récépissé à la personne responsable du marché. » et le 43 que : « L'avis de réception, le reçu ou l'émargement donné par le destinataire font foi de la notification. La date de l'avis de réception postal ou du récépissé est retenue comme date de notification de la décision ou de remise de la communication. ».
Il résulte de ces stipulations que le prestataire dispose d’un délai de quarante-cinq jours à compter de la date à laquelle il a reçu notification du décompte de résiliation pour faire parvenir à la personne publique un mémoire en réclamation. Si, avant l’expiration de ce délai, la personne publique n’a pas reçu le mémoire contestant le décompte de résiliation, celui-ci devient définitif et ne peut plus être contesté. Il en irait autrement dans l’hypothèse où le titulaire établit qu’il a remis son mémoire en réclamation aux services postaux en temps utile afin qu’il parvienne avant l’expiration du délai applicable compte tenu du délai d’acheminement normal du courrier.
Il résulte de l’instruction que la commune de Challes-les-Eaux a notifié le 7 octobre 2013 à la société Babylone Avenue Architectes le décompte de résiliation. La société a adressé le 18 novembre 2013 son mémoire en réclamation à la personne publique qui l’a réceptionné le 25 suivant alors qu’il devait lui parvenir au plus tard le 21 novembre 2013. Si le délai d’acheminement du mémoire en réclamation a été anormalement long, la société Babylone Avenue Architectes ne peut néanmoins être regardée comme ayant accompli les diligences utiles pour permettre la réception de son mémoire avant l’expiration du délai de quarante-cinq jours. Il s’ensuit que sa réclamation était tardive, de sorte que le décompte de résiliation notifié le 7 octobre 2013 a acquis un caractère définitif et ne pouvait plus être contesté devant le tribunal administratif qui a donc justement rejeté pour ce motif ses conclusions indemnitaires, alors même qu’il a estimé, à tort, qu’elle ne pouvait utilement se prévaloir du délai anormalement long d’acheminement du courrier.
En second lieu, aux termes du 4° de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : « Une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable sous pli simple (…). / En application de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis (…) ».
Le titre exécutoire contesté par la société Babylone Avenue Architectes, s’il indique le nom et le prénom de l’ordonnateur, ne comporte pas la mention de sa qualité, qui ne peut se déduire du tampon de la mairie apposé sur sa signature. Il ne résulte pas de l’instruction que le titre exécutoire était accompagné d’une lettre de notification qui comportait cette information. Il est par conséquent irrégulier.
L’annulation d’un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n’implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d’une régularisation par l’administration, l’extinction de la créance litigieuse, à la différence d’une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Le caractère irrévocable du décompte fait obstacle à la demande de décharge de l’obligation de payer de la société Babylone Avenue Architectes la somme 58 436,04 euros.
Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de la requête, que la société Babylone Avenue Architectes est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions à fin d’annulation du titre exécutoire émis à son encontre. Le jugement doit dès lors être annulé dans cette mesure, ainsi que le titre exécutoire.
JUGEMENT TA : partiellement annulé
Au début de l’année 2006, la commune de Challes-les-Eaux avait confié à la SAS Babylone Avenue Architectes et la société Séchaud et Bossuyt, devenue en dernier lieu la SA Grontmij, la maîtrise d’œuvre des travaux d’aménagement des espaces extérieurs de son centre-ville. A la suite de la résiliation de ce marché par la commune, en juillet 2013, celle-ci a établi un décompte de résiliation, contesté par les sociétés contractantes par un mémoire en réclamation notifié le 25 novembre 2015. Cette réclamation était tardive au regard du point 32 de l’article 12 et de l’article 2.3 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles (CGAG-PI) auquel se référait le marché litigieux.
Les sociétés ont contesté la forclusion de ce délai impératif en se prévalant d’une jurisprudence constante en vertu de laquelle un délai anormalement long d’acheminement du pli contenant une requête peut-être retenu par le juge administratif pour apprécier la recevabilité de celle-ci (en ce sens par exemple Conseil d’Etat, 9 mai 2005, N° 273435 Elections cantonales de Pont Saint-Esprit).
Mais le tribunal administratif de Grenoble considère que l’invocation d’un délai anormalement long d’acheminement postal, invocable s’agissant des délais de recevabilité des requêtes, ne peut s’appliquer, compte tenu des stipulations du CCAG-PI, au délai de déchéance contractuelle du droit du titulaire d’un marché à en contester le décompte, auquel le marché se réfère inconditionnellement. Le tribunal en conclut que la présentation d’une réclamation hors de ce délai n’a aucune incidence sur la recevabilité de la requête mais frappe de déchéance les droits de créance revendiqués par le titulaire du marché et, par suite, constate la prescription des créances en cause.