La destination réelle d’une opération de construction, une condition d’application du régime de la déclaration préalable

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Décision de justice

CAA Lyon, 1ère chambre – N° 14LY02036 – Commune d’Anjou – 09 février 2016 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 14LY02036

Numéro Légifrance : CETATEXT000032064090

Date de la décision : 09 février 2016

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Permis de construire, Déclaration préalable, Destination de la construction

Rubriques

Urbanisme et environnement

Résumé

Les constructions, qui répondent aux critères matériels imposés par le code de l’urbanisme pour l’application du régime de la déclaration préalable, mais dont la destination réelle diffère de celle autorisée, sont soumises au permis de construire.

L’article R421-9 du code de l’urbanisme dispose au point g) que les châssis et serres dont la hauteur au-dessus du sol est comprise entre un mètre quatre-vingts et quatre mètres, et dont la surface au sol n'excède pas deux mille mètres carrés sur une même unité foncière, relèvent du régime de la déclaration préalable.

Mme C. souhaitait installer sur un terrain dont elle est propriétaire un tunnel destiné au stockage du fourrage nécessaire à l’alimentation de ses chevaux ainsi qu’à abriter des poulains, et, se fondant sur les dispositions susmentionnées, déposa une déclaration préalable. Le maire de la Commune s’opposa à cette déclaration préalable et rejeta le recours gracieux de Mme C. Le tribunal administratif de Grenoble annula ces décisions à la demande de l’intéressée. En appel, la Cour annule le jugement rendu par le tribunal administratif, considérant que si la construction projetée par Mme C., un tunnel composé d’une structure tubulaire en acier et d’une bâche étanche, d’une surface hors œuvre brute de 94 m² et d’une hauteur de 3, 90 mètres, répond ainsi aux critères matériels posés par l’article R421-9, sa destination finale fait obstacle à ce qu’elle puisse être qualifiée de serre nécessaire à l’activité agricole de l’intéressée. Dès lors, Mme C. ne pouvait se prévaloir de ces dispositions et l’opération projetée était soumise, eu égard à sa destination réelle, non pas au régime de la déclaration préalable, mais à l’obtention d’un permis de construire.

Conclusions du rapporteur public

Jean-Paul Vallecchia

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.6242

Sens des conclusions :  Rejet de la requête d’appel présentée par la Commune d’Anjou.  Le projet entre dans le champ de l’article R421-9 g) du Code de l’Urbanisme et ne crée pas de surface de plancher au sens de l’ancien article R422-2 du Code de l’Urbanisme.

Mme A., propriétaire d’une parcelle de terrain située en zone NC du règlement d’urbanisme de la Commune d’Anjou, en Isère, parcelle de terrain sur laquelle elle exerce une activité d’élevage et de pension équestre, Mme s’est donc vue notifier, le 1er septembre 2011, une décision d’opposition à déclaration préalable pour l’installation d’une serre de 9, 40 m de largeur, 10 m de longueur et 3, 90 m de hauteur, serre destinée au stockage du fourrage.

Par jugement n° 1200108 du 22 mai 2014, la 2ème chambre du Tribunal Administratif de Grenoble a, à la demande de Mme A., annulé cette décision d’opposition, considérant, sur le fondement de l’article R.421-9 g) du Code de l’Urbanisme, que le projet refusé par la Commune ne nécessitait pas la délivrance d’un permis de construire, et que Mme A. exerçant une activité agricole d’élevage de chevaux son projet entrait dans le champ des dispositions de l’article NC 1 du règlement du Plan d’Occupation des Sols (POS) de la Commune d’Anjou.

La Commune d’Anjou relève appel de ce jugement devant la Cour.

La Commune critique la qualité de propriétaire ou de locataire de Mme A., au travers de la position prise par les premiers juges sur ce point, position qu’elle estime insuffisante, mais ne livre aucun élément permettant de penser que Mme A. ne serait ni propriétaire ni locataire des terres qu’elle exploite. D’ailleurs, comme l’indique Mme A. dans ses écrits en défense, la décision d’opposition prise par la Commune, qui mentionne la parcelle de terrain B 469 située au n° 10 Chemin de Bresson, ne fait état d’aucune difficulté sur ce sujet.

Si la décision d’opposition indique qu’il appartient au demandeur d’établir la réalité de l’activité agricole, la Commune ne démontre cependant pas le contraire.

Mme A. déclare qu’elle élève des chevaux et qu’elle est propriétaire de son exploitation. Et la déclaration préalable a été, comme cela ressort de la décision d’opposition, présentée par Mme A., au nom de l’élevage de Couzon, ce qui, implicitement, est une reconnaissance, par la Commune, de la qualité de la pétitionnaire pour déposer un dossier de demande d’autorisation d’urbanisme.

En tout état de cause, comme vous le savez, désormais cette qualité relève aujourd’hui en application des dispositions des articles R431-35 et R423-1 du Code de l’Urbanisme, du seul régime de l’attestation établie par le déclarant.

La question de fond posée par cette affaire, dont a découlé la position prise par les premiers juges sur l’application de l’article R600-1 du Code de l’Urbanisme, est de savoir si l’opération envisagée entre dans le champ de l’article R421-9 du Code de l’Urbanisme aux termes duquel, dans sa version issue du décret n° 2009-1414 du 19 novembre 2009 :

« En dehors des secteurs sauvegardés dont le périmètre a été délimité et des sites classés, les constructions nouvelles suivantes doivent être précédées d'une déclaration préalable, à l'exception des cas mentionnés à la sous-section 2 ci-dessus : (…) g) Les châssis et serres dont la hauteur au-dessus du sol est comprise entre un mètre quatre-vingts et quatre mètres, et dont la surface au sol n'excède pas deux mille mètres carrés sur une même unité foncière ; (…) ».

La serre de 9, 40 m de largeur, 10 m de longueur et 3, 90 m de hauteur, serre destinée au stockage du fourrage et à l’accueil des poulains de l’élevage paraît bien entrer dans cette définition du g) de l’article R421-9 du Code de l’Urbanisme. Le dossier de déclaration préalable fait apparaître à tort la création d’une Surface Hors Œuvre Nette (SHON) de 94 m² mais la décision d’opposition a rétabli les choses en mentionnant un projet de 94 m² de Surface Hors Œuvre Brute (SHOB).

La Commune d’Anjou voudrait ajouter à la définition du g) de l’article R421-9 du Code de l’Urbanisme un critère supplémentaire, celui de la production maraîchère, qui serait nécessairement attaché à la notion de serre, ce qui n’est absolument pas mentionné dans le texte, lequel d’ailleurs concerne les « châssis et serres », ce qui élargi clairement le champ des installations concernées, en adéquation avec les nécessités diverses et variées des activités agricoles.

Il suffit d’ailleurs de se promener un peu dans nos campagnes pour constater que ce type de serre tunnel que Mme A. veut installer ne se réduit pas à la serre classique de production maraîchère. Elle constitue aussi une installation courante pour les élevages d’animaux et pour la protection du fourrage.

Il serait donc à notre sens très aventureux de suivre la Commune d’Anjou dans son raisonnement et de donner une définition fermée de la notion de serre au sens de l’article R.421-9 g) du Code de l’Urbanisme, une définition citadine sans rapport aucun avec les contraintes de la vie agricole.

Par ailleurs, et cela nous paraît être aussi un élément de réflexion assez décisif dans cette affaire, le g) de l’article R421-9 du Code de l’Urbanisme parle de « surface au sol », ce qui doit être opposé à la notion surface de plancher qu’évoquait l’ancien article R422-2 du Code de l’Urbanisme : voyez sur ce point l’arrêt de la CAA de Paris N° 94PA00120 du 25 avril 1996 SCI Cournord qui met en relation la surface de plancher avec la notion habitabilité.

Or, le projet de Mme A., comme le montre l’une des photographies du dossier de déclaration préalable, où les rouleaux de fourrage reposent sur des palettes en bois posées sur la terre, ce projet ne crée aucune surface de plancher, seulement de la surface au sol au sens de l’article R421-9 g) du Code de l’Urbanisme.

Comme l’ont établi les premiers juges, et contrairement à ce qu’a énoncé la décision du 1er septembre 2011 du Maire d’Anjou, le projet de Mme A. ne constitue pas, selon nous, une construction nouvelle relevant de l’article R421-1 du Code de l’Urbanisme et donc d’un permis de construire.

Ainsi, Mme A. exerçant l’activité agricole d’éleveuse de chevaux et son projet de serre tunnel, lié à son exploitation agricole, entrant dans le champ des dispositions de l’article R421-9 g) du Code de l’Urbanisme, le Maire d’Anjou ne pouvait édicter une décision d’opposition à déclaration préalable fondée sur l’article NC1 du règlement du POS de la Commune et sur la nécessité d’obtenir un permis de construire.

Par ces motifs nous concluons, au rejet, dans toutes ses conclusions, de la requête d’appel présentée par la Commune d’Anjou, et à ce que soit mise à la charge de la Commune une somme de 1500 euros qui sera versée à Mme A. au titre des frais irrépétibles.

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