M. X., ressortissant de la République Démocratique du Congo, est entré en France irrégulièrement en 2008. Il a bénéficié du 2 septembre 2010 au 13 janvier 2014 de titres de séjour régulièrement renouvelés, délivrés sur le fondement des dispositions du 11° de l’article L313-11 du CESEDA. Par décision du 9 avril 2015, le préfet de l’Isère a refusé de renouveler son titre de séjour et assorti ce refus d’une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
L’intéressé ayant été interpelé à la gare de la Part-Dieu, le préfet du Rhône, constatant l’absence d’exécution de la mesure d’éloignement, l’a placé en rétention administrative. M. X. a saisi le tribunal administratif de Lyon d’une demande tendant à l’annulation de ces décisions. Par jugement du 18 août 2015, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a annulé les décisions du préfet de l’Isère obligeant l’intéressé à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ainsi que la décision plaçant l’intéressé en rétention administrative. Le préfet de l’Isère relève appel de ce jugement en tant qu’il a annulé ses décisions du 9 avril 2015 et mis à la charge de l’Etat une somme de 800 euros à verser au conseil de M. X., au titre de l’article L761-1 du code de justice administrative.
Par courrier du 18 novembre dernier, vous avez informé les parties de ce que vous étiez susceptible de soulever d’office le moyen tiré de ce que le préfet de l’Isère n’avait pas qualité pour faire appel au nom de l’Etat. Mais, nous ne vous proposons pas de retenir cette irrecevabilité.
Il est vrai que le préfet de l’Isère n’était pas le défendeur en première instance. Cela résulte des dispositions de l’article R776-20 du code de justice administrative aux termes duquel « L'Etat est représenté en défense par le préfet du département qui a pris la décision de placement en rétention administrative ou d'assignation à résidence. Toutefois, des observations orales peuvent être présentées au nom de l'Etat par le préfet du département dans lequel est situé le centre de rétention administrative où se trouve l'étranger et, si le centre de rétention administrative est situé à Paris, par le préfet de police. ». Le préfet du Rhône ayant décidé le placement en rétention administrative de M. X., seul ce dernier était défendeur en première instance.
Mais, vous ne pourrez déduire de cette circonstance l’impossibilité pour le préfet de l’Isère à faire appel. Il convient en effet de distinguer la question de l’identité de la partie de celle de sa représentation. La partie défenderesse en première instance était l’Etat et son représentant le préfet du Rhône. Compte tenu du principe d’unité juridique de l’Etat, c’est bien l’Etat qui a la possibilité d’interjeter appel (en application de l’article R811-1 du code de justice administrative aux termes duquel « Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée (…) peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. »).
Sur les incidences du principe d’unité juridique de l’Etat, voyez par exemple CE, 9 avril 1999, Ministre délégué au budget c/Mme L., T. p. 780, arrêt jugeant irrecevable la tierce opposition du ministre du Budget dès lors que l’Etat était représenté en appel par le ministre de l’Equipement, la circonstance que ce dernier ne pouvait représenter l’Etat au regard des règles applicables étant sans incidence à ce stade.
L’Etat étant partie en première instance, il peut interjeter appel du jugement. S’agissant ensuite de la question du représentant de l’Etat en appel, il convient de faire application des dispositions des articles R811-10 et R811-10-1 du CJA. L’Etat est représenté par le ministre compétent ou, par dérogation, et dans les matières énumérées au I de l’article R. 811-10-1 par le préfet. Notons qu’en application de ces dispositions, il est fréquent que le représentant de l’Etat en première instance et en appel ne soit pas le même (le ministre défendant le plus souvent en appel là où, en application de l’article R431-10 du code, le préfet sera le plus souvent appelé à défendre en première instance).
Or, et en vertu des dispositions de l’article R811-10-1 du code de justice administrative, « le préfet présente devant la cour administrative d’appel les mémoires et observations produits au nom de l’Etat lorsque le litige est né de l’activité des services de la préfecture dans les matières suivantes : 1° Entrée et séjour des étrangers en France ». Les décisions portant obligation de quitter le territoire français doivent être regardées comme relevant de ces catégories (CAA Versailles, 8 juillet 2014, Ministre de l’intérieur c/ Mme D., N° 13VE03203 ; CAA Paris, 18 juin 2015, Préfet du Val-de-Marne, N° 14PA03029).
Le préfet de l’Isère avait ainsi qualité pour représenter l’Etat s’agissant du litige relatif à l’obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de destination, décisions nées de l’activité de ses services. En revanche, il n’aurait pas été recevable (ce qu’il n’a pas fait) à relever appel du jugement en tant qu’il a annulé la décision de placement en rétention (CAA Paris, 28 novembre 2013, Préfet de police c/ M. Q. N° 12PA03780).
Le préfet de l’Isère estime que le jugement rendu par le magistrat désigné par le président du TA Lyon était irrégulier. Il indique qu’alors que l’audience était initialement prévue le 20 août 2015 à 10 heures, elle a été avancée au 18 août 2015 à 10 heures, sans qu’il n’ait été prévenu. De ce fait, le mémoire en défense qu’il a produit le 19 août 2015 a été regardé comme produit après audience et donc après clôture de l’instruction, et n’a donc pas été pris en compte (il n’y a pas eu d’ordonnance de clôture, mais l’instruction a été regardée close à l’audience, en application des dispositions de l’article R776-26 du code de justice administrative, applicables en la matière).
Mais, comme nous l’avons dit, le préfet de l’Isère n’avait pas qualité pour défendre au nom de l’Etat en première instance et n’avait pas à être informé de la date d’audience. Il ne peut donc se plaindre d’un défaut d’information sur ce point et c’est sans entacher son jugement d’irrégularité que le magistrat désigné a visé sans analyser son mémoire, produit après clôture de l’instruction (et d’ailleurs après lecture du jugement).
(…)