Cette affaire pose l’intéressante question des conditions d’assujettissement d’un service public local à l’impôt sur les sociétés : elle pourrait être résumée en ces termes : lorsqu’elle gère un service public industriel et commercial (SPIC), une personne publique doit-elle être systématiquement regardée comme se livrant à une « exploitation ou à des opérations de caractère lucratif » au sens de l’article 206 du code général des impôts, dont les dispositions régissent le champ d’application de l’impôt sur les sociétés (IS) ?
Si sur ce point, la jurisprudence est rare, elle a en revanche connu une riche actualité dans les années récentes, et n’a été fixée qu’en 2012, par deux décisions du Conseil d’Etat. Seuls deux arrêts de CAA, ont depuis lors eu l’occasion d’appliquer cette grille, pour la mise en œuvre de laquelle, on le verra, quelques précisions méritent encore d’être apportées.
Le CENTRE DEPARTEMENTAL DE MEJANNES LE CLAP est une régie départementale, dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, qui a été créée par délibération du conseil général du Gard en date des 18 décembres 2001 et 2002.
Il s’agit donc, derrière cette qualification formelle de « régie », d’un véritable établissement public local (voyez une décision importante, bien que non mentionnée au Lebon, CE, 10 juillet 1989, Régie départementale des passages d'eau de la Charente-Maritime, conclusions Mme Liebert-Champagne, note J.F.Lachaume RFDA 1991 p.180), personne publique dont l’article 2 de ses statuts nous dit qu’elle gère un service public administratif (SPA), en l’occurrence la gestion d’ installations et équipements en vue d’actions éducatives, sportives, culturelles et de découverte de l’environnement, avec possibilité d’ hébergement et de restauration.
En 2004, cette structure a spontanément interrogé les services fiscaux sur sa situation au regard de l’IS : en réponse, elle fut informée qu’elle devait être assujettie à cet impôt dans les conditions de droit commun, et qu’eu égard à l’objet de son activité, non indispensable à la satisfaction des besoins collectifs, elle ne pouvait bénéficier d’aucune exonération.
Fut alors mise en recouvrement, le 19 février 2009, une cotisation d’impôt sur les sociétés au titre de 2005.
La réclamation contentieuse formée par la société, à laquelle il n’a pas été répondue, fut transmise au TA Nîmes, qui a intégralement fait droit à la demande de décharge de cet établissement.
Le ministre fait appel du jugement.
Précisons, pour information, que, s’agissant d’années d’imposition antérieures (2003/2004) , le tribunal administratif de Nîmes (jugement 10 mars 2009 ) avait déjà eu l’occasion de décharger ce Centre départemental de cotisations d’IS, sur la base d’ un motif assez différent, puisqu’il l’avait regardé comme étant exonéré d’IS en vertu de l’article 207 du CGI, ce qui impliquait d’abord qu’il entrât dans le champ de l’article 206 (toutefois, la motivation de cette décision est assez confuse, puisque le Centre y était simultanément qualifié de « dépourvu de but lucratif », ce qui, si tel était le cas, rendrait sans objet la question d’une éventuelle exonération) .
Saisie par le ministre d’un appel sur ce jugement, la CAA de Marseille avait tout aussi étrangement abandonnée la piste de l’exonération, pour revenir à l’article 206 et juger que « l’appréciation des premiers juges sur le caractère non-lucratif de l’activité du centre départemental de Méjannes-le-Clap ne saurait être regardée comme entachée d’une erreur manifeste (sic) »
CAA Marseille, 13 avril 2012, MINISTRE DU BUDGET c/ centre départemental de Méjannes-le-Clap, N° 09MA02005
Les premiers juges ont fondé leur décision (qu’il a classée en C+) sur un raisonnement en 2 temps, au terme duquel ils ont conclu à l’absence d’assujettissement de cette structure à l’IS, au regard de l’article 206-1, d’abord, puis au regard de l'article 1654 CGI et de l’article 165 -1 de l'annexe IV au même code (semblant ainsi distinguer 2 champs d’applications de l’IS prévus concurremment par deux séries de dispositions juxtaposées) :
Le Tribunal a ainsi estimé, « en premier lieu », que « compte tenu de l’objet du service assuré par le CENTRE, de son financement, de son mode d’organisation et de ses conditions d’exploitation, l’activité exercée par le requérant doit être regardée comme présentant un caractère non lucratif, au sens de l'article 206-1 du CGI qui dispose que : " Sont passibles de l'impôt sur les sociétés [les stés commerciales, les stés coopératives, .... ], les établissements publics, les exploitations industrielles et organismes des départements et des communes … et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations à caractère lucratif "
Il a ensuite considéré (« en second lieu ») que le Centre départemental de Méjannes-le-Clap n’est pas un EPIC, et que la seule circonstance qu’il offrirait des prestations pouvant également être offertes par des entreprises privées ne caractérise pas, en tant que telle, l’exercice d’une activité commerciale, dès lors que les conditions dans lesquelles ces prestations sont proposées leur ôtent tout caractère commercial, étant en outre rappelé que le Centre départemental exerce son activité sous forme de régie assurant un service public administratif «
Les premiers juges en ont déduit que cet établissement n’était pas assujetti à l’IS en vertu de l'article 1654 CGI et de l’article 165 -1 de l'annexe IV au même code, qui prévoient respectivement que «, les établissements publics, les exploitations industrielles ou commerciales de l'Etat ou des collectivités locales, (…) doivent acquitter, dans les conditions du droit commun, les impôts et taxes de toute nature auxquels seraient assujetties des entreprises privées effectuant les mêmes opérations « (1654 CGI), et « que nonobstant toutes dispositions contraires, les établissements publics ayant un caractère industriel ou commercial sont passibles de tous les impôts directs et taxes assimilées applicables aux entreprises privées similaires « ( article 165, 1 de l'annexe IV) .
Une telle césure, entre deux moments du raisonnement, nous semble difficilement compréhensible, puisque s’agissant du champ d’application de l’IS aux personnes publiques, ces deux séries de dispositions ont vocation à se combiner : l’art 206 posant des règles générales, l’article 1654 venant préciser leur application aux entités de droit public (l’article 165, 1 de l'annexe IV se situe à un autre niveau que celui du champ d’application de l’impôt puisqu’il prévoit, en certaines hypothèses, une exonération)
En effet, pour ce qui nous concerne ici, l’art 206 se borne à disposer que " Sont passibles de l'impôt sur les sociétés (....) les établissements publics et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations à caractère lucratif "
C’est donc cette dernière notion (caractère lucratif), qui est dirimante, et mérite un examen particulier dans le cas de personnes réputés ne pas poursuivre une telle finalité.
Tel est le cas, outre les personnes publiques, de certains organismes privés, parmi lesquels, principalement, les associations de type loi 1901, dont les statuts mêmes posent une présomption de non-lucrativité, laquelle cependant, fiscalement, ne lie pas l’administration, qui doit vérifier la réalité de ce comportement économique : s’agissant de tels opérateurs de droit privé, à l’inverse de ce qui est le cas pour les personnes publiques, ni la loi ni le règlement n’étant venus préciser les critères du caractère lucratif de leurs activités, cette tâche est échue au juge, qui a retenu deux critères, cumulatifs, dans une décision de Section du 1er octobre 1999 n° 170289, Association Jeune France (RJF 11/99 n° 1354 avec chronique Mme E. Mignon p. 823, concl. J. Courtial BDCF 11/99 n° 104) : exploite ainsi des opérations dépourvues de caractère lucratif, l’organisme de droit privé dont la gestion est désintéressée et dont l’activité ne s’exerce pas dans des conditions comparables aux autres opérateurs du secteur concurrentiel.
En revanche, à la différence des associations, c’est la loi elle-même qui, s’agissant des personnes publiques, nous semble être venue préciser ce qu’il faut entendre par exploitation d’opérations lucratives (assujettissables à l’IS) : tel est en effet l’objet des dispositions spéciales contenues dans l’article 1654 CGI. qui prévoient que « les établissements publics, les exploitations industrielles ou commerciales de l'Etat ou des collectivités locales, (…) doivent acquitter, dans les conditions du droit commun, les impôts et taxes de toute nature auxquels seraient assujetties des entreprises privées effectuant les mêmes opérations « (1654 CGI) .
A ce texte s’ajoute, de façon parfaitement inutile à notre avis, les dispositions très analogues de l'article 165, 1 de l'annexe IV (dispositions fort anciennes, puisqu’elles remontent à une loi du 31 janvier 1942, modifiée pour la dernière fois en 1975), qui précisent « que nonobstant toutes dispositions contraires, les établissements publics ayant un caractère industriel ou commercial sont passibles de tous les impôts directs et taxes assimilées applicables aux entreprises privées similaires ».
C’est en réalité l’alinéa suivant de ce 1. de l’article 165, qui nous semble devoir retenir l’attention, en ce qu’il précise que « le même régime est appliqué à tous les organismes de l’Etat, département, commune, ayant un caractère industriel ou commercial, s’il bénéficie de l’autonomie financière », « à l’exception, en ce qui concerne l’IS, des régies de services publics des départements, communes ou syndicats de communes, qui sont exonérés de cet impôt. »
Le jugement attaqué a entendu semble t-il en faire application, mais par une étrange surmotivation, « rappelant en outre que le Centre est une régie gérant un SPA ».
De tels motifs, selon nous, posent à nouveau quelques problèmes :
D’une part, s’agissant d’une exonération, et non du champ d’application de la loi (206 et 1654), un tel moyen n’est sans doute pas d’ordre public et ne saurait être relevé d’office, la régie requérante ne s’en prévalant pas.
Surtout, il nous semble assez clair que la notion de « régie de service public des départements et communes », au sens de ces dispositions anciennes, appelle la même interprétation, à la fois constructive et restrictive, que celle donnée en jurisprudence aux dispositions parfaitement semblables (et redondantes) contenues, depuis une loi du 31 janvier 1945, dans l’article 207-1-6°), dont le Conseil d’Etat a jugé dès 1956, que cette exonération ne visait en réalité que les régies locales prenant en charge des services publics essentiels aux besoins de la population. Cette solution a été réaffirmée dans un arrêt récent, mentionné aux Tables, CE, 7 mars 2012, Commune de St Cyprien, 33-1970, RJF 2012, conclusions V. Daumas au BDCF 2012, et Chronique Emilie Bogdam-Tognetti in RJF 2012.
A l’évidence, un centre de loisirs sportifs n’a pas pour objet de satisfaire à proprement parler, à ce type de besoins fondamentaux (au contraire par exemple de la distribution d’eau, de l’assainissement, …)
Compte tenu de la forte similitude de ces deux séries de dispositions, qui à nos yeux organisent une exonération identique, nous vous invitons à transposer à l’article 165-1 Annexe IV cette jurisprudence « Commune de St Cyprien » rendue pour l’application de l’article 207.
Revenons alors au champ d’application de l’IS (art 206 et 1654 du CGI), pour constater donc que, dans son architecture même, le raisonnement tenu par les premiers juges nous parait structurellement erroné, en ce qu’il juxtapose 2 examens présentés à tort comme distincts :
1°) le Centre est-il assujettisable à l’IS en vertu de l’article 206 ?
2°) si non, le Centre est-il assujettissable à l’IS en vertu des articles 1654 CGI et 165-1 annexe IV ?
On l’a dit, nous ne sommes pas en présence de deux séries de dispositions définissant concurremment des champs d’applications distincts ou complémentaires à l’IS, mais d’un texte posant un principe général (art 206) et d’un second venant le préciser en ce qu’il trouve à s’appliquer aux organismes publics.
Aussi, la notion de « personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations à caractère lucratif » est, dans le cas d’un service public local, entièrement définie par les articles 1654 du CGI et 165-1 de l’annexe IV.
Ceci n’a pas une portée seulement théorique, puisque cette méprise nous semble avoir conduit le TA à mobiliser, ensuite, les critères jurisprudentiels retenus pour les associations et autres organismes de droit privé, et l’a notamment amené à vérifier l’existence d’une gestion désintéressée, ce qui n’a aucun sens en présence d’une personne publique. Nous vous renvoyons sur ce point aux très éclairantes conclusions de Vincent Daumas, sur CE, Commune de la Ciotat – Communauté Urbaine Marseille Provence Métropole, du 20 juin 2012 (n° 0341410) .
Le jugement attaqué devant vous (bien qu’il a, au contraire de l’arrêt censuré dans la jurisprudence précitée, retenu une gestion désintéressée) est incontestablement entaché de la même erreur de droit, en ce qu’il se fonde sur ce critère inopérant du « désintéressement ».
Le Conseil d’Etat n’ayant cependant pas réglé au fond l’affaire « Commune de la Ciotat », vous ne trouverez pas dans cette décision l’application concrète de l’exacte grille de lecture permettant de déterminer les critères exacts d’assujettissement à l’IS des régies locales, qu’elles soient personnalisées ou seulement dotées de l’autonomie financière (cette différence n’ayant sur ce point aucune incidence) .
En revanche, cette grille vous est largement révélée par son « Considérant de principe », jugeant « qu’il résulte de la combinaison des dispositions du 1 de l’article 206 du code général des impôts et de l’article 1654 du même code qu’une régie d’une collectivité territoriale, dotée ou non de la personnalité morale, n’est pas passible de l’impôt sur les sociétés si le service qu’elle gère ne relève pas, eu égard à son objet ou aux conditions particulières dans lesquelles il est géré, d’une exploitation à caractère lucratif ; «
Ces motifs sont au demeurant parfaitement éclairés par V . Daumas, qui dans ses conclusions rappelle que :
- Par l’objet du service il faut entendre la teneur de la prestation exécutée par la collectivité. Si elle est de la nature de celles que des entreprises privées poursuivant un but lucratif sont susceptibles de rendre, cela plaide en faveur du caractère lucratif de l’activité. Si tel n’est pas le cas, par exemple si est en cause une activité de police ou de réglementation, celle-ci ne peut être regardée, par construction, comme relevant d’une exploitation lucrative.
- Ce premier critère doit toutefois, et ce point est fondamental, être combiné avec l’examen des conditions particulières dans lesquelles le service est rendu. Ainsi, même dans le cas où le service rendu n’est pas différent, par son objet, de ceux que proposent des entreprises privées, les conditions particulières dans lesquelles la collectivité publique rend ce service pourront révéler qu’elle s’est placée, en réalité, en dehors du cadre d’une exploitation à but lucratif.
Tel sera le cas, par exemple, si elle choisit de rendre le service gratuitement ou de le tarifer à un prix ne permettant la couverture que d’une partie de ses coûts, en le finançant principalement par d’autres ressources comme des impôts ou des subventions. Tel sera encore le cas si la collectivité applique des tarifs différenciés selon les ressources des bénéficiaires du service : une telle démarche révèle la poursuite d’un objectif qui est autre que lucratif
(…) En examinant l’objet du service, il s’agit peu ou prou de vérifier si la collectivité publique se trouve en situation de concurrence potentielle avec des entreprises privées ; en examinant les conditions dans lesquelles il est rendu, il s’agit de déterminer si elle agit comme l’une d’elles. »
Il nous semble que nous sommes alors très proche de la grille de distinction jurisprudentielle permettant de distinguer SPA/SPIC (Union Syndicale des Industries Aéronautiques, CE, 16 novembre 1956, au R) , et que, y compris (ou a fortiori) pour la question fiscale qui nous occupe, cette qualification porte sur un objet d’ordre matériel (l’ activité de service public) : peu importe, s’agissant en l’occurrence d’un service personnalisé, que l’établissement public ait été statutairement qualifié d’EPA ou d’EPIC par la collectivité qui l’a créée. (par exemple, pour l’assujettissement total à l’IS d’un établissement public à double visage, pourtant statutairement qualifié d’EPA : CE, 19 mars 2001, N° 192971, B, Port autonome de la Nouvelle-Calédonie, conclusions Bachelier)
Vous n’êtes donc naturellement pas lié par celle retenue dans les statuts de notre Régie départementale, dont l’article 2 « charge le Centre d’un service public administratif de gestion et d’animation des équipements confiés par le département, en vue d’actions éducatives et de formations en matière sportive, culturelle et environnementale au bénéfice principalement des publics scolaires et associatifs. «
Aussi, il est de votre office de qualifier in concreto la nature de l’activité taxable (ou non), en vous détachant de la qualification retenue dans les statuts. C’est là une autre erreur de droit du jugement, étrangement rédigé en ces termes : « la qualification de service public industriel et commercial que le service entend opposer au CENTRE (…) ne résulte pas davantage de l’instruction ; les conditions dans lesquelles ces prestations sont proposées leur ôtent tout caractère commercial, étant en outre rappelé que le CENTRE DEPARTEMENTAL DE MEJANNES LE CLAP exerce son activité sous forme de régie assurant un service public administratif «
Concédons, en l’espèce, qu’une fois purgé de l’erreur de droit susanalysée, le jugement s’est attaché, ensuite, à examiner également de façon assez complète l’objet du service, et ses conditions d’exploitations, sans d’ailleurs toujours bien dissocier les deux. Pour en tirer, nous le verrons, des conclusions discutables.
L’objet du service, qui ici est de vendre des prestations de séjour-vacances à caractère éducatif et sportif, nous parait clairement être de la nature de celles que des entreprises privées poursuivant un but lucratif sont susceptibles de rendre, notamment dans le secteur du tourisme vert et des séjours thématiques à destination d’un public jeune, et à connotation sportives (clubs-vacances, voire tout simplement colonies de vacances).
Il nous semble résulter donc de la nature même de ce service que la Régie se trouve, pour citer à nouveau Vincent Daumas, « en situation de concurrence potentielle avec des entreprises privées ».
Vous pourriez alors hésiter sur le point de savoir si, s’agissant de l’assujettissement à l’IS d’une personne gérant un service public, il convient de s’attacher à une situation de concurrence potentielle, ou effective.
Ce point a été récemment synthétisé, mais s’agissant du cas des associations sportives, et non de personnes publiques, dans les conclusions de F. Aladjidi (BDCF 5/13 n° ) sur CE 13 février 2013 n° 342953, 9e et 10e s.-s., Association Groupe de plongée de Carantec ( RJF 5/13 n° 472), qui rappelait d’abord que, s’agissant d’IS et non de TVA, une fâcheuse erreur de droit consisterait à s’estimer tenu de transposer aux associations sportives le raisonnement consacré dans la décision Commune de Saint-Jorioz (CE 23 décembre 2010 n° 307856, 9e et 10e s.-s., RJF 3/11 n° 0296, conclusions C. Legras au BDCF 3/11 n° 030), décision faisant application des dispositions de l’article 256 B du CGI qui n’exonèrent de TVA les personnes morales de droit public que « lorsque leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence » et qui ont été prises pour transposer l'article 4-5 de la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 , lequel impose notamment que soient assujetties à la taxe les activités et opérations accomplies par les communes, « dans le cas où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d'une certaine importance ».
M. Aladjidi rappelait qu’il convenait en effet de limiter à son exact champ d’application, la jurisprudence « Isle of Wight Council et autres » (CJCE, 16 septembre 2008, C-288/07) par laquelle le juge communautaire juge que les distorsions de concurrence doivent être évaluées par rapport à « l'activité en cause, en tant que telle, sans que cette évaluation porte sur un marché local en particulier » : en effet, cet arrêt de la CJUE ne vaut que pour l’application de la 6ème directive, et plus précisément pour certaines dispositions de celle-ci, notamment l'article 4-5 de la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 , visant l’assujettissement à TVA des activités des personnes publiques.
Il en déduisait que pour juger de l’assujettissement à TVA des associations sportives, et a fortiori à l’IS et à la TP, la jurisprudence « Ile de Wight » est hors champ, l’appréciation du caractère lucratif devant s’apprécier, pour ce type d’associations, au terme d’un examen in concreto de la concurrence effective, dans une zone géographique pertinente.
Aussi, dans notre affaire, s’agissant de l’article 206 (IS) et non de l’article 256 B (TVA), nous devons d’abord souligner que cette jurisprudence de la CJCE est dépourvue de toute portée directe.
Pour autant, s’agissant ici d’une personne publique, et non d’une association, devez-vous, afin d’examiner si l’objet de l’activité en litige poursuit un but lucratif, au sens de l’article 206, en ce qu’elle entre, notamment, en concurrence avec l’initiative privée, examiner la situation de concurrence de façon abstraite (concurrence potentielle), ou concrète (concurrence effective) ?
Si l’on ferme la parenthèse consacrée à la jurisprudence en matière d’associations, pour revenir aux services publics, nous ne trouverons pas, en matière d’IS d’éclaircissement direct dans la jurisprudence du Conseil d’Etat (l’arrêt Commune de la Ciotat ayant procédé à un renvoi).
Reste cependant que sur ce point (ie. l’objet du service), la jurisprudence en matière de taxe professionnelle est pleinement transposable à l’assujettissement à l’impôt sur les bénéfices, ainsi que le rappelait V. Daumas, dans ses conclusions précitées, puisqu’ », il résulte des termes de l’article 1447 du code général des impôts que l’Etat n'est assujetti à la taxe professionnelle que pour ceux de ses services qui poursuivent une activité à caractère lucratif dans les conditions d’exercice habituel d’une profession assujettie à la taxe professionnelle. »
Or, en matière de taxe professionnelle, il a été jugé en 2007 que l’appréciation de la situation concurrentielle de l’exercice d’un service public, afin de rechercher s’il poursuit un but lucratif, s’entend d’une concurrente effective et concrète (CE, N° 272727, 16 mai 2007, Communauté de communes du pays de Landerneau-Daoulas, en B) :
« Dans le cas où un service public administratif, dont la mission est présumée s’exercer dans des conditions excluant tout but lucratif, développerait des activités revêtant néanmoins un tel caractère, ces activités ne rendraient l’Etat passible de la taxe professionnelle que si les services ainsi offerts le sont de manière habituelle et en concurrence, dans la même zone géographique d’attraction, avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. (et dans des conditions semblables) »
Précisons que si cette décision de 2007 a été partiellement abandonnée en 2012, c’est seulement (on l’a vu) en ce qu’elle transposait aux personnes publiques le critère de la gestion désintéressée issue de la jurisprudence « Jeune France » applicable aux associations privées, pour le surplus, elle est présentée (implicitement, au Lebon) comme restant parfaitement applicable, notamment quant à l’appréciation qui est faite du caractère lucratif de l’activité, à l’aune de l’objet et des modalités d’exploitation.
On s’attacherait alors à examiner si les prestations de service proposées par le CENTRE sont effectivement en concurrence avec des offres de même nature proposées au même public, et dans la même zone géographique d’attraction, par des entreprises commerciales.
Alors pourtant que cet arrêt, mentionné aux tables, n’est, sur ce point, pas expressément abandonné, et est par conséquent réputé refléter l’état le plus récent de la jurisprudence sur la question qui nous occupe, l’hésitation est toutefois pour le moins permise, puisque dans ses conclusions sur « Commune de la Ciotat », Vincent Daumas fait, quant à lui, état d’une « activité de nature à [entrer en] (…) concurrence potentielle. ».
Solution impliquant évidement une définition plus large du champ de l’IS, et identique à celle retenue en matière de TVA.
Cette solution présente à nos yeux plusieurs avantages :
- elle nous semble d’un maniement plus aisé, tant l’examen in concreto vous oblige à tenter de saisir une réalité mouvante, et qui, en régime de preuve objective, ne sera pas aisée à élucider au terme de l’instruction (le présent dossier en est un bon exemple…) ; mais cette facilité d’usage ne saurait évidemment valoir justification en soi …
- elle présente l’avantage, surtout, plus juridique celui-là, de faire se rapprocher, nous semble-t-il, les critères d’identification du SPIC (du moins celui tenant à l’objet du service), en droit fiscal et en droit administratif. (voir sur ce point la Chronique d’Emilie Bogdam-Tognetti, RJF 2012, précitée) .
Or, en « contentieux général », c’est bien une conception abstraite de la concurrence qui est mobilisée dans l’objet du SPIC, en ce qu’il constitue une « prestation de vente ou de service semblable à une activité normalement accomplie par des entreprises privées «, tant en jurisprudence, d’ailleurs, que dans les textes régissant les services publics locaux (L 2221-1 CGCT définissant les SPIC communaux comme des « exploitations susceptibles d’être gérées par des entreprises privées »). D’ailleurs, ainsi que le souligne le Pr Lachaume dans son précis de « Droit des services publics », la situation monopolistique de l’exploitant, même lorsqu’elle est organisée en droit (SNCF, et jusqu’à récemment EDF, GDF), n’est pas un obstacle à la qualification de SPIC.
Ainsi, retenir, pour l’application des articles 206 et 1654 CGI, une conception abstraite de la situation potentiellement concurrentielle, plutôt que l’exigence concrète d’une concurrence effective, permettrait d’éviter de créer des SPIC au sens du droit administratif, et des SPIC au sens du Dt fiscal…
Il convient au demeurant de souligner que les 3 critères classiques issus de la jurisprudence « Synd des Ind. aéronautiques », ne semblent plus, au vu des jurisprudences récentes, être véritablement cumulativement exigés pour renverser la présomption d’administrativité du service, mais seulement constituer la trame d’une impression d’ensemble, au sein de laquelle, cependant, l’objet du service revêt une importance particulière : exprimant cette tendance, voyez notamment :
- TC 21 mars 2005 Mme Alberti-S. (RFDA 2006, p. 125, note J.F. Lachaume).
- TC, 16 octobre 2006, Syndicat Interco d’études, travaux, et gestion d’irrigation du canton de Montignac
- TC, 13 décembre 2010, Hôtel-restaurant de la Mense épiscopale de Strasbourg, au L.
Il nous paraît donc souhaitable de rapprocher l’appréciation de « l’objet du service », au sens du 1654 CGI, de la qualification juridique opérée dans la qualification du SPIC en cx général, pour la raison fondamentale qu’ à la différence des dispositions régissant l’assujettissement des SP à la TVA, qui elles (suivant en cela la directive) , font directement référence à la notion de concurrence ( compte tenu du Principe de neutralité de la TVA), vous ne trouverez, en matière d’IS, aucune référence directe de cette nature : c’est en revanche, à « l’exploitation industrielle et commerciale de l’Etat et des Cl » que fait référence l’article 1654 CGI, qui clairement entend assujettir ainsi les SPIC aux « impôts de toutes natures auxquels seraient assujetties des entreprises privées effectuant les mêmes opérations », cette dernière formulation semblant à l’évidence renvoyer à une potentialité abstraite, (extrêmement voisine de la définition jurisprudentielle de l’objet du SPIC en droit administratif) et non à une concurrence effective.
Un dernier avantage, enfin, à retenir la notion, abstraite, de « concurrence potentielle » résiderait selon nous, même si aucun lien direct n’unit les deux, à rapprocher l’examen de la situation fiscale d’une même entité publique, au regard de la TVA, et des impositions directes. (tel est notamment l’avis, on l’a dit, d’E. Bogdam Tognetti dans sa chronique précitée) .
Si vous nous suivez, vous abandonnerez alors la grille définie sur ce point par l’arrêt de 2007, ce à quoi, implicitement, semble vous inviter V. Daumas dans ses conclusions de 2012, et qui a été entendu comme tel tant parmi les commentateurs avisés de cet arrêt, que par les deux seuls arrêts de CAA ayant depuis lors, été amenés à trancher cette question (parmi lesquels, l’arrêt rendu sur renvoi, Commune de la Ciotat, CAAM, 2013, dont la rédaction nous semble parfaite).
Application au cas d’espèce :
Nous vous invitons donc à juger que, compte tenu de son objet même, le Centre départemental de Méjannes Le Clap entre potentiellement en concurrence avec les entreprises susceptibles de proposer des prestations de nature identique ou similaires.
Cette première condition de la lucrativité, tirée de l’objet du service, nous semble satisfaite, mais si elle est nécessaire, elle n’est pas suffisante, ainsi que le rappelait V. Daumas dans les conclusions précitées.
Cette grille (« objet de nature commerciale + conditions d’exploitation de nature commerciale »), pourrait sembler extrêmement proche de celle permettant l’identification, du SPIC, en contentieux général.
A cet égard, voyez les conclusions de Mme Liébert-Champagne sous la décision C.E. du 10 juillet 1989, Régie départementale des passages d'eau de la Charente-Maritime, selon qui, à la différence de la taxe professionnelle (ancien article 1447 du CGI), qui s’en tient au seul but lucratif de l’activité économique exercée, l’article 1654 renvoie ensuite à la modalité d’organisation que revêt l’activité, selon les critères classiques du SPA ou du SPIC.
Cependant, ne serait-ce que pour satisfaire aux conditions de légalité de sa création même (au regard tant du principe de liberté du commerce et de l’industrie, que du droit de la concurrence), un SPIC local ne saurait poursuivre à titre exclusif une fin lucrative : en prenant en charge une activité économique, il doit nécessairement viser, d’abord, à la satisfaction d’un besoin d’IG suffisant, qui ne résulte pas nécessairement d’une carence de l’initiative privée :
- CE, ass, 31 mai 2006, Ordre des avocats du barreau de Paris, 275531 ;
- CE, 23 juin 1972, Société la plage de la forêt, p. 477, s’agissant d’une piscine
- surtout, CE, 3 mars 2010, Département de la Correze, 3306911, aux T.), s’agissant de la légalité de l’institution d’un dispositif départemental de téléassistance afin de favoriser le maintien à domicile des personnes âgées et handicapées, le département intervient en réduction du coût réel de la prestation pour les usagers, et alors même que même si des sociétés privées offrent des prestations de téléassistance
Aussi, si bien souvent (comme c’est le cas dans notre dossier, on va le voir), le SPIC local concilie parfaitement la recherche conjointe d’un but d’IG et celle d’un but parfaitement lucratif, les contraintes résultant de l’intérêt public recherché peuvent parfois justifier des pratiques tarifaires décorellées de tout objectif de rentabilité, voire de toute possibilité d’équilibre financier, sans pour autant que le service puisse être nécessairement qualifié de SPA (par exemple TC, 16 oct 2006, Syndicat Interco d’études, travaux, et gestion d’irrigation du canton de Montignac )
Dans cette mesure, tout SPIC, même local, ne poursuit pas nécessairement un but lucratif, au sens de l’article 206 du CGI. (voir, encore sur ce point, l’analyse d’Emilie Bogdam-Tognetti) .
Venons-en donc à l’examen des conditions d’exploitation.
Le jugement attaqué retient comme premier indice le fait que « la clientèle (des structures hôtelières privées) ne correspond pas au public accueilli par ce centre qui est majoritairement composé d'associations sportives et notamment de groupes scolaires » : reste que de nombreux opérateurs privées offrent des séjours à des groupes, mêmes scolaires.
Le TA ajoute des indices complémentaires, mais qui appellent la même réponse : « son public, même si le centre s’adresse à l’ensemble de la population, est essentiellement gardois et principalement composé d'associations sportives (…) plus de 95 % des usagers étaient des adolescents de moins de 18 ans ; que le centre a également une vocation pédagogique et éducative importante ».
A la différence du TA, nous pensons que le caractère essentiellement local du public constitue une donnée peu pertinente pour ce type de prestations (à l’inverse des associations sportives, par exemple) : à supposer même ces données établies (elle ne sont qu’alléguées, et d’ailleurs contestées par le Ministre), il n’en demeure pas moins que le Centre dispose d’un catalogue en ligne sur son site internet, où il est précisé par exemple qu’il n’est distant de Lyon que de 2h30 (évaluation au demeurant plutôt optimiste…).
Ce type de publicité commerciale nous semble d’ailleurs, par elle-même rédhibitoire : rappelons en effet que dans sa décision « Jeune France », relative à l’exonération de TVA des associations, le Conseil d’Etat soulignait que « même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, l'exonération lui est acquise si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre »
Ajoutons que la clientèle visée par cette publicité n’est nullement limitée aux groupes associatifs ou scolaires, mais s’adresse au moins autant à des inscriptions individuelles.
Reste ensuite, à examiner l’indice du financement et de la tarification à l’usager.
Au terme d’une étrange conception de la preuve objective, sur cette question d’OP puisqu’est en cause le champ d’application de la loi fiscale, et qui donc aurait peut-être nécessité une instruction plus « active », le TA retient sur ce point que « si le service fait valoir que les subventions accordées par les collectivités locales représenteraient désormais seulement 20 % des ressources de la structure, ce que conteste le requérant, lequel fait état d’une participation de 80 % de la collectivité publique, il n’apporte aucun élément à l’appui de ses affirmations «
Le jugement ajoute « que le centre ne demande qu'une participation de 35 euros par personne pour une journée d'activité, deux repas, un goûter, une nuit d'hébergement et le petit déjeuner « ; qu’ainsi l’administration ne peut sérieusement soutenir que le prix de journée « n’est pas particulièrement bas »
Ce sont là deux choses liées mais différentes : en premier lieu, la part de l’autofinancement et rentabilité de l’exploitation (vs. subventionnement public) ; en second lieu, la politique tarifaire pratiquée.
Vous savez qu’en droit administratif, la perception d’une redevance sur l’usager a le caractère d’un prix, et que cet indice est déterminant pour l’identification du SPIC. Ainsi, la redevance d'assainissement, instituée par délibération du conseil municipal du 28 mai 1977, est assise sur la consommation d'eau de l'usager du service d'assainissement et constitue le prix d'un service » (CE, 1988-01-20, S.C.I. "La Colline", 70719, A).
Toutefois, l’on peut fortement douter, à la lumière de l’arrêt Commune de la Ciotat (CE, 2012) (éclairé au besoin par les commentaires d’E. Bogdam-Tognetti), que, bien que toujours financé par un prix perçu sur l’usager, tout SPIC est voué à entrer dans le champ des articles 206/1654 CGI.
Autrement dit, doit-on extraire du champ de l’IS les services publics dont les prestations donnent lieu à perception de redevances, mais dont les « conditions d’exploitation » sont susceptibles de révéler une finalité principalement non lucrative : tarifs dégressifs en fonction des capacités contributives des usagers, voire gratuité pour certains d’entre eux ; résultat d’exploitations structurellement déficitaire, tarifs sous-évalués et structurellement compensés par des concours financiers externes, etc ?.
Certes, s’agissant de SPIC locaux, et en dehors de certaines exceptions relatives aux besoins essentiels des populations, tel l’eau et l’assainissement (l’article L 2224-2 CGCT rejoignant, sinon dans son champ exacte, du moins dans la préoccupation qui l’inspire, l’exonération d’IS de l’art 207 CGI…), de telles conditions d’exploitation, structurellement non rentables, constituent souvent autant de manifestations d’un SPIC local fonctionnant illégalement, puisque sauf cas particuliers, un SPIC local doit être équilibré (art L2224-2 CGCT, CE, 9 nov 1988, Cne de Piseux ; CE, 14 avril 1995, Crts Dulière, aux T. ; entre autres nombreux arrêts prohibant une subvention d’équilibre versée à un Budget annexe, ce qui sans doute vaut a fortiori pour un SPIC personnalisé) ; de même, la politique tarifaire du SPIC ne permet de discriminations positives que justifiées par une différence de situation des catégories d’usagers, ou par des motifs d’intérêt général (CE, Bachelet 1991-01-14, 73746, au Rec.), ce qui ceci dit autorise une progressivité tarifaire à des fins sociales (d’accès au sport ou à la culture, par exemple) .
Pour autant, les conditions de légalité du mode de fonctionnement du SPIC, comme de celles de sa création, sont sans doute sans la moindre influence sur le qualification juridique qu’il convient d’opérer, compte tenu du réalisme du droit fiscal, en application de l’article 1654 du CGI : ainsi, un service public local d’objet commercial et théoriquement concurrentiel, mais dont la préoccupation sociale du service conduit à une exploitation structurellement non rentable (l’équilibre budgétaire reposant sur des subventions illégales) ne pourrait sans doute être raisonnablement être regardé comme poursuivant un but lucratif, au sens de l’article 206 CGI.
Mais précisément, rien dans notre dossier ne témoigne de l’existence de différenciation tarifaire, selon des critères sociaux par exemple, et rien n’indique par ailleurs (ce qui témoignerait d’une gestion où la finalité sociale l’emporterait sur le commercial) que le prix des prestations soit facturé aux familles en tenant compte de leur capacité contributive respective
A cet égard, la pratique du Centre ne diffère pas d’un opérateur privé.
Certes, le prix pratiqué est modique. C’est là le principal argument de notre Régie départementale. Cependant ce tarif n’est pas hors de proportion avec celui susceptible d’être demandé en contrepartie de conditions d’hébergement relativement spartiates (dortoirs), sachant que la consultation du site internet du Centre, qui n’est certes pas mobilisable par elle-même, dans le cadre de l’instruction, révèle qu’une semaine de stage d’équitation en ½ pension est facturé près de 559 €, de football 389 €, et la formule multisports 489 €. A conditions d’hébergement comparables, nous ne sommes pas loin, sans doute, des standards du privé.
Précisons au demeurant que le site indique que les séjours pour le printemps et l’été sont presque tous déjà complets, et invite les personnes intéressées à réserver sans tarder…
Les parties s’opposent, enfin, sur la part relative des recettes d’exploitation, parmi l’ensemble des ressources de la Régie.
Là encore, rien au dossier ne permet d’établir, non plus, que les recettes du CENTRE ne permettent pas de couvrir les coûts d’exploitation, et que les subventionnements constituent une part prépondérante de ces ressources. Cela n’est qu’allégué. En sens inverse, le ministre soutient que 80% des recettes du Centre proviennent des redevances perçues sur l’usager.
Ce serait là, effectivement on l’a dit, un indice important permettant d’apprécier la finalité, lucrative ou non, du service, quand bien même son objet est de nature à concurrencer l’initiative privée.
En l’occurrence, et bien que nous aurions aimé pouvoir disposer du compte de résultat et/ou du bilan de l’Etablissement, pour l’année en cause, il vous sera très difficile de prendre en compte ce point, en l’état du dossier, compte tenu des allégations en sens inverse des deux parties.
Toujours est-il qu’en l’état de l’instruction, nous ne discernons pas véritablement de conditions d’exploitation de nature à révéler que la finalité lucrative du CENTRE s’effacerait devant la poursuite d’objectifs sociaux qui induiraient des contraintes, tarifaires notamment, de nature à rendre cette activité structurellement non-rentable, et dépendantes de concours financiers extérieurs.
Compte tenu des éléments disponibles, nous pensons que, par son objet et ses conditions d’exploitations, le Centre départemental de Méjannes-le-Clap exploite une activité industrielle et commerciale au sens des articles 1654 CGI et donc lucrative au sens de l’article 206.
Notons que le juge judiciaire a abouti au même constat, et à la même qualification au regard de l’article 1654, auquel renvoie l’article 1010 s’agissant de l’assujettissement à la taxe sur les véhicules professionnels de cette même régie départementale (Cass. com. 13 dec 2011, 10-27686, RJF 2012, n° 0716) , sa décision étant motivée, d’ailleurs dans les termes suivants : « qu'après avoir relevé que la régie propose un ensemble d'activités sportives et de découverte de l'environnement et met à la disposition des usagers des équipements et des infrastructures avec possibilité d'hébergement et de restauration moyennant un prix de journée par personne, l'arrêt retient que de telles prestations peuvent être offertes par des entreprises privées ; que de ces seules constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher l'existence d'une concurrence effective, a exactement déduit, sans dénaturer les statuts de la régie, que l'article 1010 du même Code lui était applicable ».
(Notez au passage que la Ch. commerciale a refusé d’examiner les conditions tarifaires et financières d’exploitation, jugeant ce critère sans influence, pour s’en tenir au seul objet du service… ce qui est contestable et sensiblement éloigné de la jurisprudence du CE...)
Par ces motifs, nous concluons : à l’annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande du Centre départemental de Méjannes-le-Clap.
L’article 1654 CGI, quant à lui, ouvre le Chapitre 2 (Régime de certaines organismes et stés) du Titre 2 (dispositions diverses) de la 3eme partie du CGI (dispositions communes aux deux premières parties).