Lorsqu'un permis de construire est délivré à plusieurs personnes morales distinctes, la notification du recours formé à son encontre doit être effectuée à l'égard de chacune d’elles. La circonstance que le permis de construire concerne un projet devant faire l’objet d’une division en propriété ou en jouissance est sans incidence sur l'étendue de l'obligation de notification en cas de pluralité des bénéficiaires.
La Cour administrative de Lyon ajoute sa pierre à l’édifice tout à fait singulier des recours dirigés à l’encontre des documents d’urbanisme et des autorisations d’occupation du sol.
Le maire de la commune de Prévessin-Moëns a, le 24 février 2011, délivré un permis de construire valant division, de façon conjointe aux sociétés Marignan Résidences et Sollar Logement.
L’association des habitants de Vésegnin avait alors adressé au maire un recours gracieux en date du 20 avril 2011 sollicitant le retrait dudit permis.
Toutefois, l’association n’a notifié son recours qu'à l'une de ces deux sociétés. En effet, si la requérante a notifié le recours gracieux à la commune ainsi qu’à la société Sollar Logement, la société Marignan Résidences ne s’est vu notifier aucun recours.
Par la suite, le recours contentieux en date du 22 juillet 2011 a quant à lui bien été notifié aux deux titulaires du permis.
A ce titre, on peut soulever l’absence de parallélisme des formes de la part de l’association requérante qui, dans son recours gracieux, ne procède à la notification qu’à l’une des deux sociétés, tandis que le recours contentieux est lui notifié aux deux sociétés co-titulaires du permis attaqué. Il est en effet constant que l'auteur d'un recours administratif formé à l'encontre d'un document d'urbanisme est tenu de le notifier dans les mêmes conditions que s'il s'agissait de l'exercice d'un recours contentieux. (CE, 1er mars 1996, Association Soisy-Etiolles Environnement, n° 175126)
Le tribunal administratif de Lyon, en application de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, a rejeté le recours par une ordonnance en date du 15 novembre 2012 en ce qu’il était tardif, considérant que le recours gracieux n'avait pas eu pour effet de proroger le délai de recours.
La Cour administrative d’appel a tout d’abord considéré que l’ordonnance de rejet était insuffisamment motivée en ce qu’elle ne répondait pas à l’argument selon lequel l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme ne prévoyait pas une obligation de notifier le recours gracieux à l’ensemble des co-titulaires du permis de construire attaqué.
Annulant la décision du tribunal administratif de Lyon, la Cour use de son pouvoir d’évocation afin de trancher la question de savoir si la notification du recours gracieux dirigé contre un permis de construire délivré à plusieurs co-titulaires devait nécessairement être effectuée vis-à-vis de chacun de ces co-titulaires.
Le juge lyonnais a considéré qu’il résultait de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme que la notification devait effectivement être effectuée à l’égard de chaque titulaire du permis de construire en jugeant que « la circonstance en l’espèce que le permis visé par la demande d'annulation soit un permis de construire valant division délivré sur le fondement de l'article R.431-24 du Code de l'urbanisme concernant les projets devant faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance est sans incidence sur l'étendue de l'obligation de notification en cas de pluralité des bénéficiaires. » Dès lors, la Cour considère que le fait que le permis de construire soit un permis valant division n’impacte en rien l’obligation de notification à chaque bénéficiaire du permis. Le juge procède ainsi à une distinction entre l’objet du permis de construire et la règle procédurale qu’il convient d’appliquer. Pour justifier cette solution, la Cour administrative d’appel s’appuie sur « la volonté qui a justifié leur institution d’assurer une meilleure sécurité juridique des bénéficiaires d’autorisations d’occupation du sol »,
Ainsi, lorsque permis de construire est délivré à plusieurs personnes morales, la notification du recours tant gracieux que contentieux doit être effectuée à l'égard de chacune d’entre elles. Il conviendra de s’assurer ultérieurement s’il en ira de même pour des personnes physiques.
Relevons toutefois que cette exigence est déjà exclue pour les personnes physiques mariées non-séparées de corps. Dans cette hypothèse, le juge considère en effet que la notification est suffisante si elle a été adressée à l’un des conjoints, au domicile commun du couple (CE, 7 août 2008, Commune de Libourne C/ M., n° 288966).
Par ailleurs, la Cour administrative d’appel de Marseille avait suivi un raisonnement similaire à celle de la Cour administrative d’appel de Lyon en exigeant une notification à chacun des auteurs du document d’urbanisme attaqué (CAA Marseille, 2 avril 2010, n° 08MA00949) .
Cette interprétation de l’article R.600-1 du code de l’urbanisme étant donnée, la Cour applique par ailleurs la jurisprudence constante en la matière. Ainsi, en matière de recours administratif, le défaut de notification ne se traduit pas par l’irrecevabilité qui caractérise le recours contentieux non-préalablement notifié (CE, 6 mai 1996, A., n° 178473) . Le défaut de notification des recours administratifs n’est sanctionné que par l’absence de prorogation du délai de recours par le contentieux (CE, 27 février 2006, A., M. J., n° 282680) .
Dès lors, le défaut de notification du recours gracieux n’est pas en soi une irrégularité qui rendrait le recours contentieux irrecevable.
Il suffisait simplement que ce recours contentieux soit introduit dans un délai de deux mois et qu’il soit, sous peine d’irrecevabilité cette fois, régulièrement notifié. (CE 14 juin 2004, Commune d'Ecouflant, Sté des courses d'Angers, n° 249465)
Il revenait alors aux juges lyonnais de déterminer si les délais de recours contentieux de droit commun étaient opposables à l’association requérante.
En effet, plusieurs Cour administratives d’appel ont récemment considéré que si un recours administratif révèle la connaissance de l'acte attaqué, le délai contentieux n'est opposable que si les formalités de publicité ont eu lieu (CAA Lyon, M. et Mme X., 19 mars 2013, n° 12LY02888 ; CAA Nantes, 22 mars 2013, n° 12NT02292) suivant sur ce point un avis rendu par le Conseil d’Etat le 19 novembre 2008 société Sahelac et Mme J. n° 317279.
Or, un constat d’huissier en date du 12 mars 2011 atteste en l’espèce que le panneau de permis de construire comportait l’ensemble des mentions prescrites, notamment les indications concernant les délais et modalités du droit de recours.
Il faut relever à cet égard que ledit constat d’huissier a été réalisé à la demande de la société qui ne s’était pas vu notifier le recours gracieux, et avant que ne lui soit notifié le recours contentieux. On peut alors s’interroger en l’espèce sur la pertinence de l’argument tiré de la protection de la « sécurité juridique des bénéficiaires d’autorisations d’occupation du sol ».
Dès lors, après avoir considéré que les mentions nécessaires avaient bien été affichées, la Cour a jugé que le recours de l’association révélait une connaissance acquise de la décision. Ainsi, le recours administratif ayant été introduit le 20 avril 2011, le recours contentieux en date du 22 juillet 2011 était effectivement tardif et la requête de l’association, irrecevable.