La délibération par laquelle un conseil municipal décide de modifier unilatéralement un contrat de prêt constitue un acte administratif détachable du contrat de droit privé et peut à ce titre fait l’objet d’un déféré préfectoral devant la juridiction administrative. En revanche, une telle délibération est illégale dans la mesure où s’agissant d’un contrat de droit privé, la commune ne peut faire usage de son pouvoir de modification unilatérale.
Depuis quelques temps, plusieurs contrats d’emprunts – qualifiés de toxiques – conclus par les collectivités territoriales sont dénoncés par les collectivités elles-mêmes. Mettant en exergue le caractère spéculatif de ces contrats et le manque d’informations données par les banques, les collectivités n’hésitent plus aujourd’hui à contester la validité de ces contrats (voir en ce sens : G. ECKERT, « Emprunts toxiques des collectivités territoriales. Quelles conséquences en tirer ?, AJDA, 2011, p. 1712 ; M. COLLET et G. ECKERT, « Droit administratif et finances publiques : les incertitudes pesant sur les emprunts des collectivités territoriales », Chronique de droit public financier, RFDA, 2013, p. 1219 ; circulaire n° IOCB1015077C du 25 juin 2010 relative aux produits financiers offerts aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics).
C’est dans ce contexte que la commune d’Unieux a remis en cause le contrat de prêt qu’elle avait conclu, le 13 février 2007, avec la société Dexia Crédit Local, et qui prévoyait un taux d’intérêt variable. En effet, par délibération du 28 juin 2010, la commune a décidé de modifier unilatéralement l’article 13 du contrat en fixant une limite de taux d’intérêt que la collectivité ne pourrait pas dépasser à un seuil de 3, 99 %. La commune estimait cette modification nécessaire aux motifs que le contrat de prêt aurait été irrégulièrement conclu et qu’il engageait trop les finances de la collectivité.
Le Préfet de la Loire, ayant vainement exigé de la commune qu’elle retire cette délibération, a saisi le Tribunal administratif de Lyon, en vertu de l’article L. 2131-6 du Code général des collectivités territoriales, d’un déféré tendant à son annulation. Par jugement en date du 8 décembre 2011, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté le déféré préfectoral comme porté devant une juridiction incompétente. Statuant sur appel du Préfet, la Cour administrative d’appel de Lyon, a, dans son arrêt du 25 septembre 2012, annulé le jugement de première instance et annulé la délibération du 28 juin 2010 au motif que le conseil municipal n’était pas compétent pour modifier de la sorte le contrat.
Se posait la question de savoir si la délibération litigieuse relative à la modification d’un contrat de droit privé devait être considérée comme un acte administratif détachable du contrat relevant de la compétence du juge administratif.
Les contrats de prêts conclus par les collectivités publiques sont des contrats de droit privé (TC, 26 nov. 1990, Caisse régionale du Crédit agricole mutuel du Finistère, n° 2631, R., p. 403) . Toutefois, jusqu’à l’entrée en vigueur de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004, les contrats de prêts étaient soumis au Code du marché public (CE, 23 février 2005, Association pour la transparence et la moralité des marchés publics, n° 264712, R., p. 71) et devaient donc être qualifiés de contrats administratifs en application de l’article 2 de la loi MURCEF (CE, 9 mai 2011, Communauté de communes de la région de Chagny-en-Bourgogne, n° 331541) . La directive de 2004 ayant exclu de la passation des marchés publics les « opérations d’approvisionnement en argent ou en capital des pouvoirs adjudicateurs », les contrats de prêts conclus après le 30 avril 2004 sont à nouveau des contrats de droit privé.
Par principe, les contrats de droit privé sont exclus du contrôle administratif de légalité exercé par le Préfet (CE, sect., 27 févr. 1987, Commune de Grand-Bourg de Marie-Galante c/ L., R., p. 80) . Toutefois, les actes administratifs détachables du contrat peuvent faire l’objet d’un déféré préfectoral, et notamment les délibérations des conseils municipaux et les arrêtés municipaux (TC, 14 févr. 2000, Commune de Baie-Mahault ; CE, 15 sept. 2004, ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement. c/ Syndicat intercommunal distribution des eaux du Nord) . Outre les actes antérieurs à la signature du contrat (telle que la délibération autorisant le maire à signer le contrat), un certain nombre d’actes relatifs à l’exécution du contrat sont qualifiés d’acte détachable.
L’acte litigieux, objet du déféré préfectoral, est la délibération du conseil municipal modifiant unilatéralement l’article 13 du contrat de prêt relatif au taux d’intérêt applicable. Le Tribunal administratif de Lyon avait considéré, de manière tout à fait surprenante qu’un tel acte ne présentait pas la nature d’acte administratif détachable des relations de droit privé. Or, par cette délibération, la commune a mis un œuvre son pouvoir de modification unilatérale du contrat qui est la marque incontestable de l’exercice de la puissance publique. La Cour administrative d’appel de Lyon a donc conclu à la compétence du juge administratif, l’acte déféré est bien un acte administratif détachable du contrat.
Toutefois, si la modification unilatérale du contrat est une prérogative exorbitante de droit commun caractéristique des contrats administratifs (CE, 2 févr. 1983, Union des transports publics urbains et régionaux, R., p. 33), une telle faculté n’existe pas dans le cadre des contrats de droit privé où le contrat constitue la loi des parties. En effet, l’article 1134 du Code civil pose le principe de la force obligatoire du contrat qui implique l’impossibilité pour les parties de modifier unilatéralement les conditions initiales de celui-ci même en cas de changement économique (CA Paris, 28 janv. 2009, RTD Civ., 2009, p. 529, obs. B. FAGES) . De fait, le conseil municipal de la commune d’Unieux ne pouvait valablement modifier unilatéralement les termes du contrat de prêt.