Conséquences du non renouvellement d’une demande de rendez-vous auprès de l’administration fiscale

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Décision de justice

CAA Lyon, 5ème chambre – N° 10LY01458 – 22 décembre 2011 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 10LY01458

Numéro Légifrance : CETATEXT000025146573

Date de la décision : 22 décembre 2011

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Demande de rendez-vous, Supérieur hiérarchique du vérificateur

Rubriques

Fiscalité

Résumé

Un contribuable demande par courrier à s’entretenir avec le supérieur hiérarchique du vérificateur. Ce dernier lui propose une rencontre, que le contribuable demande de différer pour attendre la réception de l’avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires. Postérieurement à la réception de l’avis de la commission, le contribuable adresse un nouveau courrier à l’administration, sans renouveler sa demande ni proposer de nouvelle date. Dans ces circonstances, il n’est pas fondé à soutenir qu’il appartenait à l’administration de lui proposer une nouvelle date pour rencontrer le supérieur hiérarchique.

Conclusions du rapporteur public

Pierre Monnier

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.5944

I) PRESENTATION DU LITIGE

Mme H., qui exploite depuis 1976 une boutique de vente de prêt-à-porter, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er septembre 2001 au 31 juillet 2004. A l’issue de cette vérification, l’administration fiscale lui a notifié, par une proposition de rectification en date du 28 décembre 2005, des redressements en matière de taxe sur la valeur ajoutée portant sur l’exercice clos le 31 août 2002, et en matière d’impôt sur revenu au titre de l’année 2002 puis, par une proposition de rectification en date du 20 février 2006, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er septembre 2002 au 31 juillet 2004 et des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu au titre des années 2003 et 2004. Suite à l’avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, l’administration fiscale a abandonné les rehaussements portant sur l’exercice clos le 31 août 2002.

Mme H. interjette régulièrement appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires restant à sa charge, à savoir d’une part les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003 et 2004, et d’autre part les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée dont elle a été déclarée redevable pour la période du 1er septembre 2002 au 31 juillet 2004.

II) SUR LE FOND DU LITIGE

Le moyen tiré de la méconnaissance de la garantie d’un entretien avec le supérieur hiérarchique nous semble devoir être accueilli.

Les choses se sont déroulées de la manière suivante. Par courrier du 5 décembre 2006, soit après la réponse aux observations du contribuable, Mme H., constatant que son différend avec l’administration fiscale persistait concernant la vérification de comptabilité portant sur les exercices 2002 à 2004, a fait part de son souhait de s’entretenir avec l’inspecteur principal, chef de la 2ème brigade de vérification de la direction des services fiscaux de Saône-et-Loire. Par courrier du 21 décembre 2006, ce dernier a proposé de la rencontrer le jeudi 11 janvier 2007 et « En cas d’impossibilité, de l’informer rapidement afin de déterminer une nouvelle date ». Par un courrier du 3 janvier 2007, la requérante a répondu que le rendez-vous proposé le 11 janvier lui paraissait prématuré compte tenu du fait que l’avis de la commission départementale ne lui était pas encore connue ».

Pour être complet sur la chronologie, précisons encore que l’avis de la commission départementale des impôts du 13 décembre 2006 a été notifiée à la requérante le 20 février 2007 et que les rappels correspondant à la tva ont été mis en recouvrement le 31 juillet 2007 et ceux d’impôt sur le revenu le 30 septembre 2007.

Compte tenu de cet échange de courrier, sur qui pesait l’obligation de proposer un nouveau rendez-vous ?

Le Tribunal administratif de Dijon a estimé que Mme H., « qui avait proposé de différer le rendez-vous pour attendre la réception de l’avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, et n’avait pas sollicité par la suite de nouveau rendez-vous, n’était pas fondée à soutenir qu’elle aurait été privée du recours au supérieur hiérarchique prévu par les dispositions de la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié »

Cette solution semble dans la lignée d’un arrêt de la Cour administrative d'appel de Nantes qui a jugé qu’Un contribuable qui sollicite une entrevue avec l’inspecteur principal, auquel plusieurs rendez-vous sont proposés et qui demande un report au motif qu’il a besoin de temps pour préparer sa défense, sans toutefois indiquer le délai qui lui est nécessaire pour réunir les documents utiles à celle-ci, n’est pas fondé à soutenir qu’en s’abstenant de lui proposer un nouveau rendez-vous, l’administration aurait entaché la procédure d’imposition d’une irrégularité substantielle. Il lui appartenait de réitérer sa demande d’entrevue une fois les éléments utiles réunis (4 mars 2010, n° 08-2223, G. : RJF 7/2010, n° 0702) .

Le pied d’arrêt de la RJF nous instruit sur la logique suivie par le rapporteur public pour aboutir à cette solution : « Les demandes tendant au bénéfice des recours hiérarchiques ne peuvent être formulées par le contribuable qu'après qu'il a eu connaissance de la réponse faite par l'administration fiscale à ses observations (CE 28 février 2007 n° 283441, SARL L. : RJF 5/07 n° 542, concl. P. Collin BDCF 5/07 n° 054). Le contribuable qui a sollicité et obtenu un entretien avec l'inspecteur principal avant même d'avoir reçu cette réponse ne peut pas se plaindre du caractère prématuré de cet entretien (CE 12 juin 2006 n° 266848, min. c/ L. : RJF 10/06 n° 1161, concl. F. Séners BDCF 10/06 n° 113). S'il réitère sa demande d'entrevue après la réponse de l'administration à ses observations, cette dernière ne peut refuser d'y faire droit au motif qu'un tel entretien avait déjà eu lieu à la suite de la première demande formulée prématurément (TA Strasbourg 15 janvier 2009 n° 05-5246 : RJF 1/10 n° 48). Selon le rapporteur public, la demande d'entrevue formulée par le contribuable alors qu'il n'était pas prêt peut être assimilée à une demande prématurée et il appartenait à l'intéressé de la renouveler une fois les documents nécessaires à l'entretien réunis. »

Si vous suivez à la lettre le raisonnement du rapporteur public, il nous semble que vous devrez valider la solution du Tribunal administratif de Dijon selon laquelle la demande était prématurée.

Toutefois, la rédaction de l’arrêt de la Cour administrative d'appel de Nantes montre que les deux cas sont assez différents. En effet, contrairement à M. G., Mme H. n’avait pas refusé plusieurs rendez-vous mais un seul. D’autre part, la demande de report indiquait un délai précis et connu de l’administration fiscale, la date de la notification de la décision de commission départementale des impôts. Enfin, l’administration ne s’était pas bornée à proposer un rendez-vous mais avait demandé expressément à Mme H. de l’informer rapidement d’un report éventuel « afin de déterminer une nouvelle date ». L’administration avait ainsi clairement fait savoir à la contribuable qu’en cas de report, elle s’estimait toujours saisie de la demande de rendez-vous présentée dans le courrier du 5 décembre 2006. Et si c’est au contribuable de demander un rendez-vous, c’est l’administration en général qui prend l’initiative de proposer une date.

A ces différences s’ajoute le fait que la demande de report n’avait rien de dilatoire. Il paraît en effet souhaitable d’attendre l’avis de la commission départementale des impôts pour que l’entretien avec le supérieur hiérarchique soit le plus fructueux possible tant du reste du point de vue de l’administration que de celui du contribuable.

Toutes ces raisons nous conduisent à vous proposer d’adopter une position différente de celle du tribunal administratif de Dijon et de la Cour administrative d'appel de Nantes. Dans les circonstances de l’espèce, il appartenait selon nous à l’administration de proposer une nouvelle date une fois la décision de la commission départementale des impôts connue du contribuable et non à ce dernier de réiterer sa demande d’entretien avec le supérieur hiérarchique.

Le moyen entraîne la décharge intégrale dès lors que le désaccord manifesté était total.

III) SUR LES FRAIS IRREPETIBLES

Mme H. vous demande de lui verser une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et de 2 500 euros au titre de l’appel. Vous pourrez condamner l’Etat à lui verser une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Par ces motifs, nous concluons à l’annulation du jugement attaquée, à la décharge des impositions litigieuses, à la condamnation de l’Etat à verser à Mme H. la somme de 1 500 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Droits d'auteur

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