Le juge, ayant ordonné une expertise, ne peut statuer au fond sans dépôt préalable du rapport de l’expert

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Décision de justice

CAA Lyon, 6ème chambre – N° 11LY00311 – 12 janvier 2012 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 11LY00311

Numéro Légifrance : CETATEXT000025146769

Date de la décision : 12 janvier 2012

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Rapport d'expertise, Procédure irrégulière

Rubriques

Procédure

Résumé

La Cour estime que le tribunal administratif, qui, pour statuer sur un recours en indemnité, a ordonné une expertise, ne peut se prononcer au fond tant qu’il n’a pas obtenu le rapport de l’expert, ce dernier précisant éventuellement son impossibilité de remplir la mission qui lui était impartie.

En l’espèce, la Cour juge que le procès-verbal de l’expert ne faisait pas état de l’impossibilité pour celui-ci de remplir sa mission alors même qu’il disposait d’éléments concernant l’état de santé de l’intéressé. La Cour conclut à l’irrégularité de la procédure suivie devant les premiers juges en raison de l’absence d’expertise.

Conclusions du rapporteur public

François Pourny

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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  • IDREF

DOI : 10.35562/alyoda.5932

Le requérant, M. Ali B...., est un ressortissant tunisien né le 1er mars 1963 à Bizerte. Il a été détenu au centre de rétention de Riom, entre 2000 et 2002, période au cours de laquelle il a été victime d’un accident corporel lors d’un exercice de musculation, le 31 décembre 2001, le banc de musculation sur lequel il se trouvait s’étant écroulé, et d’une agression, le 4 avril 2002. S’agissant de l’accident, le requérant indique avoir reçu un poids de près de 70 kilogrammes sur le corps, alors que son dossier médical comporte la mention « a pris le banc de muscu sur les côtes ». S’agissant de l’agression, le requérant indique avoir reçu de nombreux coups de barre de fer à la tête, au visage et aux jambes et avoir perdu connaissance sous les coups alors que son dossier médical indique laconiquement « dent fêlée suite à choc », l’existence d’une fracture coronaire totale étant toutefois attestée par un certificat du chirurgien-dentiste attaché au centre hospitalier. Après cette agression, M. B.... a été transféré à la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré, puis à Fleury-Mérogis, et ce n’est que fin 2005, alors qu’il se trouvait au centre de détention de Salon-de-Provence, qu’un médecin l’aurait informé qu’il souffrait de séquelles cervico-brachiales. Vous trouverez effectivement au dossier une lettre du 23 novembre 2005 indiquant que M. B.... allègue des douleurs insupportables au niveau des 2e et 3e doigts de la main gauche, douleurs secondaires à une luxation de l’épaule et un traumatisme du rachis datant de nombreuses années et pas soignés en prison ainsi qu’un certificat du 1er février 2006, indiquant que M. B.... présente des séquelles douloureuses d’une fracture probable des cartilages costaux gauches secondaire à un accident survenu en 2001, le 31 décembre.

Après divers examens médicaux complémentaires, M. B...., alors domicilié à la maison d’arrêt de Fresne, a adressé au centre hospitalier de Riom une demande tendant à l’indemnisation des préjudices qu’il estime avoir subis du fait d’une défaillance de ce centre hospitalier dans la prise en charge des conséquences de l’accident et de l’agression dont il a été victime les 31 décembre 2001 et 4 avril 2002. Il a ensuite saisi le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand d’une demande tendant à la condamnation de ce centre hospitalier à lui verser une provision de 10 000 euros et à la désignation d’un expert pour évaluer son préjudice. Le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a alors rejeté sa demande de provision et désigné un expert par le jugement n° 081880 du 22 septembre 2009.

L’expert a cherché à joindre M. B.... mais l’intéressé ayant quitté la France et n’ayant pas obtenu de visa de retour, il a fini par dresser un procès-verbal de carence, le 27 septembre 2010, à la suite duquel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de M. B.... par le jugement n° 0081880 du 30 novembre 2010.

M. B.... interjette appel de ce jugement en soutenant qu’il n’a pas pu se rendre aux opérations d’expertise en raison du refus de visa qui lui a été opposé.

Vous avez effectivement au dossier une demande de visa au nom de M. Ali M.... en date du 10 février 2010 et une pièce indiquant que M. Ali B.... s’est vu attribuer l’identité d’Ali M.... dans son pays d’origine. En revanche, vous n’avez au dossier aucune pièce indiquant que M. B.... a répondu à l’expert désigné par le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, ne serait-ce que pour l’inviter à procéder à une expertise sur dossier, la présence personnelle de M. B.... n’étant pas nécessairement indispensable au déroulement des opérations d’expertise, auxquelles M. B.... aurait pu se faire représenter. Il nous semble donc que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand était fondé à considérer que M. B.... devait être regardé comme ayant fait obstacle à la réalisation de l’expertise pour laquelle l’expert désigné à dresser un procès-verbal de carence.

Par ailleurs, s’il résulte de l’instruction que M. B.... souffre d’une hernie discale pré foraminale C6-C7 gauche, d’un syndrome de la traversée cervico-thoraco-bracchiale et d’un canal carpien bilatéral opéré du côté gauche, ainsi que des séquelles d’une rupture ancienne du muscle quadriceps droit survenu en 1999, il n’en résulte absolument pas que tout ou partie de ces troubles puissent être liés à une faute des services du centre hospitalier Guy Thomas de Riom.

Il nous semble donc que M. B.... n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande, ce qui nous conduit à vous proposer de rejeter également les conclusions qu’il présente au titre de l’article L761-1 du code de justice administrative.

Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête.

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