Des charges constatées d'avance correspondant à des produits constatés d'avance n'ont pas à être rattachées au même exercice que ces derniers

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Décision de justice

CAA Lyon, 5ème chambre – N° 10LY01053 – SARL COGESTEN – 17 mars 2011 – C

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 10LY01053

Numéro Légifrance : CETATEXT000024754960

Date de la décision : 17 mars 2011

Code de publication : C

Index

Mots-clés

Impôt sur les sociétés, Bénéfice net, Frais généraux, Indépendance des exercices, Déduction, Charges constatées d’avance, Produits constatés d’avance, Redevance

Rubriques

Fiscalité

Résumé

Aucune disposition du plan comptable général, ni aucune autre règle applicable au cours des années d’imposition, n’imposait aux entreprises, ni même, d’ailleurs, ne leur ouvrait expressément la faculté, de différer la déduction des charges exposées au cours d’un exercice pour les rattacher à l’exercice au cours duquel seront comptabilisés les produits correspondant à ces charges. Aux termes de l’article 39 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (…) ». Ces dispositions, rappelle la Cour, doivent s’entendre, eu égard au principe de l’indépendance des exercices qui résulte des dispositions du 2 de l’article 38 dudit code, comme autorisant la déduction des charges payées par l’entreprise au cours de l’exercice dont les résultats doivent servir de base à l’impôt, à l’exception de celles « constatées d’avance », c'est-à-dire correspondant au paiement d’un bien ou d’une prestation de service dont la livraison ou la fourniture n’interviendra qu’au cours d’un exercice ultérieur, sur les résultats duquel il y aura lieu de l’imputer.

La Cour remet en cause le raisonnement des premiers juges et celui de l’administration fiscale en jugeant que la société requérante n’avait pas à comptabiliser des charges constatées d’avance liées symétriquement aux produits constatés d’avance qu’elle avait régulièrement comptabilisés correspondant aux travaux non encore réalisés que la société requérante facturait à ses clients. Par ailleurs, la convention passée en 2002, entre cette dernière et sa société mère fixait à « 30 % du chiffre d’affaires facturé » la redevance due à cette dernière en échange des prestations qu’elle assurait au bénéfice de sa filiale. Dans ces conditions, même si le chiffre d’affaires facturé servant ainsi de référence pour le calcul de la redevance comportait pour partie des produits constatés d’avance, les charges constituées par cette redevance correspondaient, pour chaque exercice, au paiement des prestations effectivement réalisées au cours de cet exercice et ne pouvaient qu’être rattachées, dans leur intégralité, à l’exercice au cours duquel elles avaient été payées. Enfin, la circonstance selon laquelle la société mère ait elle-même comptabilisé des produits constatés d’avance, correspondant à une partie de la redevance versée par la société requérante, reste sans incidence sur la solution du présent litige. Par suite, c’est à tort que l’administration fiscale a réintégré dans le bénéfice déclaré par la société requérante des charges constatées d’avance correspondant aux produits constatés d’avance qu’elle avait comptabilisés.

Voir CE 12 janvier 2004 n° 243273, SA Etablissements Nougein, RJF 4/04 n° 351 dont les conclusions du commissaire du gouvernement Guillaume Goulard sont publiées au BDCF 4/04 n° 45

Conclusions du rapporteur public

Pierre Monnier

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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  • IDREF

DOI : 10.35562/alyoda.5851

La société COGESTEN a fait l'objet, en 2005, d'une vérification de comptabilité pour les exercices clos les 30 septembre 2002, 2003 et 2004.

A l'issue du contrôle, le vérificateur a estimé qu'elle aurait dû comptabiliser en charges constatées d'avance les redevances en faveur de la société CONVERGENCE AUDIT qu’elle avait comptabilisées en charge.

Plus précisément, la société CONVERGENCE AUDIT qui détient environ 75% du capital de la société COGESTEN, s'est engagée, aux termes d'une convention en date du 1er février 2002, à fournir à sa filiale des prestations de direction générale et des prestations techniques en contrepartie desquelles elle facture à la société COGESTEN l'équivalent de 30% du chiffre d'affaires hors taxes facturée par cette dernière à ses clients, sous déduction des avoirs et des créances irrécouvrables. En exécution de cette convention, la SARL COGESTEN a comptabilisé en charge 30% de son chiffre d’affaires.

A la clôture des exercices vérifiés, la société COGESTEN a comptabilisé au poste 4871 des produits constatés d'avance des travaux facturés aux clients mais qui n’étaient pas encore réalisés.

L’administration fiscale reproche à la société requérante de n’avoir pas corrigé symétriquement les redevances versées à la société CONVERGENCE AUDIT en comptabilisant des charges constatées d'avance calculées sur la base des produits qu’elle avait constatés d'avance.

La SOCIETE COGESTEN relève appel du jugement du 23 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires résultant de la vérification.

Nous avons du mal à suivre le raisonnement de l’administration et du tribunal administratif de Lyon.

Le ministre vous rappelle lui-même qu’Il résulte des dispositions de l'article 39-1 du code général des impôts que pour être admis en déduction du bénéfice, les frais et charges doivent, notamment, être compris dans les charges de l'exercice au cours duquel ils peuvent être considérés comme engagés par l'existence d'une dette certaine dans son principe et dans son montant.

Ces règles, souligne le ministre, présentent un caractère impératif de telle sorte que les entreprises ne peuvent déduire des résultats d'un exercice les charges qui se rapportent à un exercice antérieur ou à un exercice suivant.

Or, en application de ce principe cardinal, il nous semble difficile de reprocher à la société requérante d’avoir comptabiliser en charges un montant correspondant à 30% de son chiffre d’affaires qu’elle a versé cette année-là à la société CONVERGENCE AUDIT en application de la convention signée le 1er février 2002.

La société requérante se prévaut à bon droit nous semble-t-il sur ce point de l’arrêt du CE Min C/SA Bergère de France (29 juillet 1998, Ministre du budget c/ S.A. Bergère de France, T. p. 871, RJF 10/98 n° 1083 avec conclusions F. Loloum p. 745), lequel figure aux grands arrêts de la jurisprudence fiscale (chapitre 30, point 7 de la 5ème édition, p.591).

Contrairement à ce que soutient le ministre, le fait que la SOCIETE COGESTEN a comptabilisé des produits constatés d’avance n’impliquait pas nécessairement que la société comptabilise de manière symétrique des charges constatés d’avance à hauteur de 30% des produits constatés d’avance. C’est ainsi que les auteurs des Grands arrêts de la jurisprudence fiscale notent à juste titre que, dans la suite de l’arrêt Bergère de France, le CE a précisé et fiché aux tables du Recueil Lebon sur ce point qu’aucune règle comptable ni aucune autre disposition n'impose aux entreprises de différer l'imputation de charges exposées au cours d'un exercice pour les rattacher aux exercices au cours desquels seront comptabilisés les produits correspondants. (CE 12 janvier 2004 n° 243273, SA Etablissements Nougein, RJF 4/04 n° 351 dont les conclusions du commissaire du gouvernement Guillaume Goulard sont publiées au BDCF 4/04 n° 45.)

Le ministre se prévaut de ce que la société CONVERGENCE AUDIT a de son côté effectué une telle régularisation en comptabilisant des produits constatés d’avance sur la base des produits facturés d’avance par la société Cogesten.

Mais un tel argument ne serait opérant que dans un litige fiscal intéressant la société Convergence Audit. Le ministre ne saurait utilement opposer à la société requérante une écriture comptable d’une autre société, fût-elle sa société mère.

Par ces motifs, nous concluons à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon et à la décharge des impositions en litige.

Voir aussi publication des conclusions et commentaire de Pierre Monnier :  Droit fiscal n° 24, 16 Juin 2011, comm. 387 "Des charges constatées d'avance correspondant à des produits constatés d'avance n'ont pas à être rattachées au même exercice que ces derniers"

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