Le plan de déplacements urbains n’étant pas un acte intervenu en matière d’urbanisme, le juge administratif n’a pas à examiner tous les moyens susceptibles de justifier son annulation. Est suffisant à cet égard, le moyen tiré de l’erreur de fait portant sur des éléments substantiels du plan. En l’espèce, l’erreur commise dans le calendrier de réalisation de deux des trois projets de développement des transports en commun, compromettra la réalisation de l’objectif du plan qui consiste à stabiliser en 2012 le trafic automobile dans l’agglomération.
Les faits de l’espèce portent sur la délibération du Comité syndical du Syndicat mixte des transports en commun (SMTC) approuvant le plan de déplacements urbains (PDU) de l’agglomération grenobloise. Ce plan avait été annulé par le tribunal administratif de Grenoble en juillet 2009, jugement dont le SMTC, autorité organisatrice des transports urbains, en charge de l’élaboration du PDU, relevait appel dans la présente instance. Le SMTC soutenait d’une part que le tribunal aurait dû, conformément à l’article L. 600-4-1 du Code de l’urbanisme, se prononcer sur la totalité des moyens de la requête et d’autre part que l’erreur de fait commise n’était pas de nature à entacher d’illégalité la délibération querellée. La Cour administrative d’appel de Lyon a, sans surprise, confirmé l’annulation prononcée par le juge de première instance.
Sur le premier point, on rappellera que la juridiction administrative n’est tenue de se prononcer sur l’ensemble des moyens de la requête que lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir « un acte intervenu en matière d'urbanisme » (C. urba., art. L. 600-4-1) . Outre la conception stricte de cette notion adoptée par le Conseil d’Etat (cf. CE, 17 mai 2002, Assoc. Préservons l’avenir à Ours, Mons et Taulhac et a., n° 197041, Rec. CE, Tables), le PDU ne contient à proprement parler aucune disposition qui puisse s’analyser comme intervenant en matière d’urbanisme. En tout cas, dans la rédaction de l’article 28-1 de la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) alors en vigueur (aujourd’hui codifiée dans le code des transports) . En effet, la loi Grenelle 2 (L. n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, JO 13 juillet 2010, p. 12905) autorise désormais des incursions du PDU dans les obligations imposées par le plan local d'urbanisme en matière de réalisation d'aires de stationnement (cf. C. transp., art. L. 1214-4) . Par suite, comme le relevait le rapporteur public, « les premiers juges pouvaient ainsi pratiquer l’économie de moyen dès lors qu’un plan de déplacements urbains n’étant pas un acte intervenu en matière d’urbanisme, l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme imposant de statuer sur l’ensemble des moyens n’était pas applicable (CAA Lyon, 6 avril 2006, 02LY1682, Comparat) ». La solution devrait cependant radicalement changer à l’avenir dans le cas, expressément prévu par la loi Grenelle 2, d’un plan local d’urbanisme valant plan de déplacements urbains. En effet, à compter du 13 janvier 2011, lorsque la collectivité gestionnaire du PLU est également autorité organisatrice des transports, le PLU doit comprendre des orientations relatives à l'organisation des transports de personnes et de marchandises, de la circulation et du stationnement ; elles tiennent alors lieu de PDU (C. urba., art. L. 123-1-4) .
Le second point de la requête avait trait à la portée de l’erreur de fait commise par le SMTC sur la légalité de la délibération approuvant le PDU. L’erreur de fait, inaugurée par l’arrêt Camino (CE, 14 janvier 1916, Rec. CE, p. 15, RDP 1917, p. 463, concl. Corneille, note G. Jèze), est sans aucun doute le parent pauvre des moyens de légalité interne. En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Lyon, reprenant le raisonnement des premiers juges, relève une erreur de fait portant sur les calendriers retenus, objectivement irréalistes, pour la réalisation de deux projets de développement des tramways grenoblois, « ce que l’administration savait ou ne pouvait légitiment l’ignorer » souligne la Cour. Et de fait, il ressort de l’instruction que la mise en service du prolongement de la ligne B ne pourra intervenir qu’en 2012 et la création de la ligne E avant même la fin de la période de validité du PDU. Or l’erreur de fait ainsi commise n’est pas vénielle. En effet, elle porte sur deux des trois projets phares du PDU en matière de transports en commun, lesquels représentent d’ailleurs 60% du montant total des investissements prévus par le plan pour le développement de ce type de transports. Or, leur mise en service durant la période de validité du PDU constituait une condition déterminante de la réalisation de l’objectif de ce plan, qui est de stabiliser le trafic automobile dans l’agglomération grenobloise pour 2012. Compte tenu de l’importance de ces projets, leur report ne pouvait, ainsi que le relève la Cour « qu’avoir une incidence substantielle sur l’objectif global de ce plan ». L’erreur de fait ainsi commise justifiait donc l’annulation du PDU de Grenoble.