Edification du mémorial lyonnais arménien : occupation du domaine public communautaire

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Décision de justice

CAA Lyon, 1ère chambre – N° 08LY01204 – Communauté urbaine de Lyon – 28 décembre 2010 – C

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 08LY01204

Numéro Légifrance : CETATEXT000023563575

Date de la décision : 28 décembre 2010

Code de publication : C

Index

Mots-clés

Domaine public, Mémorial lyonnais arménien, Compétence, Communauté urbaine, AOT, Transfert de propriété entre personnes publiques, Circulation générale, Voirie, Changement d’affectation, Réintégration, Obligation de conservation du domaine

Rubriques

Propriétés publiques, Urbanisme et environnement

Résumé

La communauté urbaine est bien l’autorité compétente pour délivrer les autorisations d’occupation de son domaine s’agissant du mémorial lyonnais arménien édifié sur la place Antonin Poncet à Lyon
La cour a, par arrêt du 28 décembre 2010, décidé de rejeter l'appel de la Communauté urbaine de Lyon dirigé contre le jugement du 3 avril 2008 par lequel le tribunal administratif de Lyon a, à la demande de l'association de défense et de protection des places Bellecour et Antonin Poncet et de Mme D., annulé les décisions autorisant le président de l'association pour le mémorial lyonnais du génocide des Arméniens, à occuper le domaine public communautaire.

En vertu d'une disposition propre aux communautés urbaines (issue de l'article L5215-28 du code général des collectivités territoriales), la Place Antonin Poncet à Lyon est devenue par délibération intervenue en 1972 suivie d'une convention avec la Ville de Lyon, propriétaire de cette place, qui était alors à usage de parking de surface. Faute de délibération contraire, ladite place n'a pas réintégré le patrimoine de la Ville de Lyon, la communauté urbaine étant demeurée propriétaire. A ce titre, la communauté urbaine a continué à exercer les droits et prérogatives du propriétaire et est restée compétente pour délivrer les autorisations d'occupation temporaire comportant emprise. Ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que du seul fait du changement d'affectation de la place qui est désormais affectée à l'usage de promenade, la communauté urbaine avait été dépossédée de sa compétence pour prendre un arrêté autorisant son occupation.

Toutefois, ne faisant plus partie de la voirie (en vertu de l'article L5215-20 du code général des collectivités territoriales), le vice-président délégué de la communauté urbaine de Lyon chargé de la voirie et de la signalisation, n'était pas compétent pour signer l'arrêté du 5 avril 2006 autorisant l'occupation de la place pour l'édification du monument en cause, dès lors que ladite place ne pouvait être considérée comme une voie publique affectée à la circulation générale ou comme une dépendance de la voie publique.

Conclusions du rapporteur public

Thomas Besson

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.5811

La COURLY fait appel d’un jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 avril 2008 annulant, à la demande de l’association de défense et de protection des places Bellecour et Antonin Poncet et de Mme D, les arrêtés des 4 avril 2005 et 5 avril 2006 de son président autorisant l’association « mémorial lyonnais du génocide des Arméniens » à occuper le domaine public communautaire.

Le tribunal administratif a d’abord considéré que les conclusions dirigées contre l’arrêté du 4 avril 2005 n’étaient pas devenues sans objet dans la mesure où le nouvel arrêté du 5 avril 2006 ne pouvait, en l’absence de toute référence au premier, être regardé comme le retirant.

Il n’y a effectivement pas non-lieu sur ce point. L’arrêté du 5 avril 2006 commence il est vrai par la mention « Annule et remplace l’arrêté du 4 avril 2006 ». Mais à supposer qu’il s’agisse en fait de celui du 4 avril 2005, les conclusions tendant à son annulation conservent en tout état de cause leur objet puisque l’arrêté du 5 avril 2006 étant lui-même attaqué, il n’est pas devenu définitif (sur le fait qu’il y a non-lieu à statuer sur des conclusions dirigées contre un acte retiré que si le retrait est devenu définitif : CE, 19 avril 2000, 207469, B).

Pour annuler les deux arrêtés, les premiers juges ont retenu un unique motif d’annulation tiré de l’incompétence du président de la COURLY pour autoriser l’occupation de la place Antonin Poncet. Ils se sont fondés pour cela sur le fait que cette place, affectée à l’usage des piétons, n’ayant plus le caractère d’une voie publique et n’en constituant pas non plus un accessoire, la COURLY avait, nonobstant le fait allégué que la propriété de la place alors aménagée en parking lui avait été transférée en 1972, cessé d'exercer à titre obligatoire, au lieu et place de la commune de Lyon, les compétences en matière de voirie qu’elle tenait de l’article L5215-20-1 11° du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT).

Nous ne partageons pas cette analyse qui, il est vrai, rejoint pourtant celle de la CAA de Nancy qui, sans toutefois se prononcer sur les questions de propriété, a jugé, le 28 juin 2007 (07NC00015, association Thiers et autres), que la Communauté Urbaine du Grand Nancy n’avait pas vocation à exercer, au titre des transferts prévus par l’article L5215-20 du code général des collectivités territoriales, la compétence sur la place Thiers, dès lors que cette place n’était ni un élément indissociable du parc de stationnement situé en souterrain, ni une « voirie secondaire communautaire » mais qu’elle constituait seulement un espace affecté à l’usage des piétons et aménagé à cette fin.

Précisons d’abord que la place Antonin Poncet était, à la date des arrêtés litigieux, aménagée en promenade publique destinée aux piétons. Elle ne pouvait donc pas être tenue pour une dépendance de la voirie urbaine affectée à la circulation générale et n'avait donc pas le caractère de voie publique (CE, 21 mars 1984, 43467, Commune de La Barben c/ Consorts C, pour le cas d’une place publique servant à titre principal d'aire de jeu aux boulistes et aux enfants de la commune), à la différence par exemple de la place de la Croix Luizet dont parle la COURLY mais qui, elle, était précisément affectée, pour l’essentiel, à la circulation générale du public (CE, 4 décembre 1981, 16109, F).

Il est encore soutenu que la place ne serait que l’accessoire du parking souterrain situé sous elle. Mais cette place ne constitue pas, en elle-même, un élément de la construction du parking, à la différence par exemple d’une dalle construire pour servir de couverture à un parking enterré (CE, 4 novembre 1994, 107010, société Héliantal). Et le simple fait qu’elle soit empruntée par accéder au parking n’en fait pas non plus un accessoire de ce dernier.

Cela dit, il est constant que, conformément à ce que prévoyait alors l’article 21 de la loi n° 066-1069 du 31 décembre 1966 relative aux communautés urbaines dont les dispositions sont reprises à l’article L5215-28 du CGCT, « Les immeubles et meubles faisant partie du domaine public des communes appartenant à l'agglomération sont affectés de plein droit à la communauté dès son institution, dans la mesure où ces immeubles et meubles sont nécessaires à l'exercice de ses attributions. Le transfert définitif de propriété ainsi que des droits et obligations attachés aux biens transférés est opéré par accord amiable ». Or, l’accord amiable opérant le transfert définitif de la propriété de la place Antonin Poncet - ce qui va bien au-delà de la simple mise à disposition dont il est question aux articles L1321-1 et suivants ou encore L5211-25-1 du CGCT - résulte expressément de la délibération n° 72-1640 du conseil de la COURLY, en date du 18 décembre 1972, approuvant le transfert des biens figurant aux états joints où figure ladite place à la rubrique 2716 et autorisant son président à régulariser les accords amiables ainsi opérés.

Si donc le transfert de propriété est définitif, peu importe que le bien qui est passé dans le patrimoine de la COURLY en 1972 ait depuis perdu l’affectation de parking qui avait alors justifié son transfert, la COURLY en demeure propriétaire en l’absence de toute nouvelle cession formalisée du bien et conserve, en application du texte, les droits et obligations qui y sont attachés. Une analogie est d’ailleurs permise entre la nécessité d’une telle cession pour revenir sur le transfert définitif de propriété au bénéfice d’une communauté urbaine et la nécessité d’un acte formel de déclassement pour faire sortir du domaine public un bien ayant pourtant perdu l’affectation qui avait justifié son entrée dans le domaine public (CE, 6 janvier 1967, 67341, époux B, également CE, 15 janvier 1988, 71198, Cie française d’entreprise de garage) . Dans un cas comme dans l’autre, les choses restent en l’état en l’absence de nouvelle décision formelle.

Le motif d’annulation retenu par le jugement nous paraît donc erroné. Toutefois, deux des autres moyens des demandeurs de première instance, dont vous êtes saisis par l’effet dévolutif de l’appel, nous paraissent devoir prospérer.

L’un est tiré de ce que le premier arrêté du 4 avril 2005 impose une obligation d’entretien à l’association bénéficiaire, alors que l’article 4 de ses statuts prévoyait alors sa dissolution après la réalisation du mémorial. La COURLY a donc manqué, par cet arrêté, à son obligation d’assurer la conservation du domaine public en confiant cette mission à une personne qui ne pouvait la remplir.

L’autre moyen est tiré de l’incompétence de M.P., vice-président chargé de la voirie, pour signer le second arrêté du 6 avril 2006. L’arrêté du président de la COURLY du 17 juin 2005 ne lui a en effet donné délégation qu’en matière de « voirie et signalisation » et plus précisément en ce qui concerne les études de la programmation de la réalisation et des voiries communautaires, la gestion et l’exploitation des voies communautaires, la gestion des trafics et signalisation lumineuse, les études, réalisations et exploitations des plantations d’alignement, la viabilisation hivernale et la politique de la conservation du domaine public.

Tout cela ne concerne que la voirie communautaire, y compris ici la conservation du domaine public. Or nous avons vu que la place Antonin Poncet ne faisait pas partie de la voirie communautaire, quand bien même elle continue, comme promenade publique, à faire partie du domaine public de la COURLY. M.P n’était donc pas compétent pour en autoriser l’occupation en vue de la réalisation du « mémorial lyonnais du génocide des Arméniens ».

Par ces motifs, Nous concluons au rejet de la requête de la COURLY mais aussi au rejet, en l’espèce, des conclusions dirigées contre elle au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Droits d'auteur

Ces conclusions ne sont pas libres de droits. Leur citation et leur exploitation commerciale éventuelles doivent respecter les règles fixées par le code de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, toute rediffusion, commerciale ou non, est subordonnée à l’accord du rapporteur public qui en est l’auteur.

Mémorial lyonnais du génocide des Arméniens : annulation de l’autorisation d’occupation du domaine public

Élise Untermaier-Kerléo

Maître de conférences à l'Université Jean Moulin Lyon 3

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DOI : 10.35562/alyoda.5812

La Cour administrative d’appel de Lyon rend un arrêt qui paraît fragiliser, sur le plan juridique, l’existence du mémorial du génocide arménien, place Antonin Poncet, dans le centre-ville de Lyon.

Si elle confirme l’annulation de l’autorisation d’occupation du domaine public accordée par la Communauté urbaine de Lyon pour l’édification du mémorial, la Cour administrative d’appel de Lyon adopte un raisonnement différent de celui des juges de première instance. Elle considère, contrairement au Tribunal administratif de Lyon, que la communauté urbaine est restée propriétaire de la place Antonin Poncet et, à ce titre, demeure compétente pour délivrer des autorisations d’occupation temporaire comportant emprise sur le domaine public. Ceci étant, l’autorisation a été délivrée à l’Association pour le mémorial du génocide des Arméniens dont les statuts prévoyaient la dissolution une fois le monument achevé. L’obligation d’entretien mise à la charge de l’occupant se retrouve donc sans débiteur, ce qui, selon la Cour, porte atteinte à l’obligation de conservation du domaine public et justifie l’annulation. En réalité, cette décision, telle qu’elle est motivée par les juges d’appel, ne menace pas réellement l’existence du mémorial. L’autorisation étant annulée, la communauté urbaine se retrouve tout simplement propriétaire du monument par voie d’accession. L’essentiel est que la Cour n’a pas été jusqu’à considérer que le mémorial, par ses dimensions et son aspect esthétique, n’était pas compatible avec l’affectation à l’utilité publique de la place Antonin Poncet. Elle refuserait donc très probablement d’enjoindre sa démolition, si des requérants venaient à le lui demander.

Site du Mémorial Lyonnais du Génocide des Arméniens

Un nouvel obstacle juridique vient contrarier l’édification du mémorial inauguré en avril 2006 pour commémorer les massacres et les déportations des Arméniens sous l’Empire Ottoman, place Antonin Poncet, dans le centre-ville de Lyon, à quelques pas de la place Bellecour.

Les partisans de ce mémorial ont déjà été confrontés à bien des difficultés. D’un coût de 180 000 euros, financés pour les deux tiers par la communauté arménienne de la région et le reste par la ville de Lyon, la construction avait été retardée d’un an par une association de riverains et une conseillère municipale UMP qui contestaient son esthétique. Le sénateur-maire de Lyon, Gérard Collomb, a par ailleurs reçu des milliers de lettres de protestation de Turcs.

L’existence du mémorial paraît aujourd’hui remise en cause par l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon du 28 décembre 2010. Cette décision confirme en effet l’annulation des deux arrêtés du 4 avril 2005 et du 5 avril 2006 respectivement signés par le Président de la Communauté urbaine et son vice-président, autorisant l’Association pour le mémorial lyonnais du génocide des Arméniens (MLGA) à réaliser, au pied du clocher de l’ancien hôpital de la Charité, un monument en souvenir du génocide arménien.

Si la Cour rejette la requête de la communauté urbaine de Lyon contre le jugement rendu le 3 avril 2008 par le Tribunal administratif de Lyon à la demande de l’Association de défense et de protection des places Bellecour et Antonin Poncet et de Mme D., elle donne tout de même tort aux juges de première instance sur les motifs qu’ils ont retenu pour justifier l’annulation.

En effet, en 1972, la communauté urbaine de Lyon, compétente en matière de voirie et de parcs de stationnement selon l’article 4 de la loi du 31 décembre 1966 relative aux communautés urbaines, est devenue propriétaire de plein droit, sur le territoire de la ville de Lyon, de la place Antonin Poncet, sur laquelle existait alors un parking.

Or, ce parking a été depuis supprimé et remplacé par un parc de stationnement souterrain.

Pour le Tribunal administratif de Lyon, la suppression du parking situé sur la place a eu pour effet de priver la communauté urbaine de la compétence de délivrer des autorisations d’occupation temporaire sur celle-ci. Le tribunal a donc indissociablement lié la compétence de la communauté urbaine en matière de parcs de stationnement à la compétence pour délivrer des permissions de voirie.

C’est ce raisonnement qu’infirme la Cour administrative d’appel de Lyon.

Certes, elle admet, à l’instar du tribunal, que « depuis la suppression du parking (…) la communauté urbaine de Lyon n’exerce légalement plus aucune compétence sur la place ». Celle-ci, désormais aménagée en promenade, ne peut en effet être considérée ni comme une voie publique ni même comme une dépendance de la voie publique.

Pour autant, la communauté urbaine est restée propriétaire de la place Antonin Poncet et, à ce titre, demeure compétente pour délivrer des autorisations d’occupation temporaire comportant emprise sur le domaine public.

Le Président de la Communauté urbaine de Lyon était donc bien compétent pour accorder l’autorisation litigieuse. En revanche, le vice-président de la communauté urbaine, ne bénéficiant d’une délégation de signature de la part du Président qu’en matière de « voirie et signalisation » ne l’était pas pour signer le second arrêté attaqué.

Ceci étant, la compétence que détient la personne publique propriétaire du domaine public de délivrer des permissions de voirie, se trouve traditionnellement encadrée par la jurisprudence. La Cour rappelle, par un considérant classique que « si, dans l’exercice de ses pouvoirs de gestion du domaine public, il appartient à l’administration d’accorder à titre temporaire des autorisations d’occupation privatives dudit domaine, ces autorisations ne peuvent légalement intervenir que si, compte tenu des nécessités de l’intérêt général, elles se concilient avec les usages conformes à la destination du domaine que le public est normalement en droit d’y exercer, ainsi qu’avec l’obligation qu’a l’administration d’assurer la conservation de son domaine public ».

C’est la violation de cette obligation de conservation des biens du domaine public qui pèse sur les personnes publiques propriétaires qui va justifier l’annulation de l’arrêté du 4 avril 2004.

En effet, l’arrêté autorise l’Association pour le mémorial lyonnais du génocide des Arméniens à construire un monument et met à sa charge des obligations particulières d’entretien, de propreté, de sécurité et de responsabilité. Or, les statuts de l’Association prévoient la dissolution de cette dernière après la réalisation du mémorial. Les obligations mises à la charge de l’Association se retrouvent par conséquent sans débiteur et la conservation du domaine public est susceptible d’en pâtir.

Selon la Cour administrative d’appel de Lyon, la communauté urbaine est donc restée propriétaire de la place Antonin Poncet en dépit de la suppression du parking situé sur la place (I). Pour autant, est-elle encore compétente pour délivrer des autorisations d’occupation temporaires comportant emprise, et si tel est le cas, dans quelle mesure ? La Cour apporte à ces questions des réponses tout à fait classiques (II).

I. – La détermination délicate du propriétaire de la place Antonin Poncet

Les juges d’appel ont raisonné en deux temps, se posant successivement deux questions : la Communauté urbaine de Lyon est-elle toujours compétente en matière de voirie et parcs de stationnement sur la place Antonin Poncet ? Dans la négative, la disparition de cette compétence entraîne-t-elle celle du droit de propriété ?

A. – La disparition de la compétence de la communauté urbaine en matière de parcs de stationnement sur la place Antonin Poncet

Selon la Cour, la communauté urbaine a perdu la compétence en matière de voirie et parcs de stationnement qu’elle exerçait sur la place Antonin Poncet depuis la suppression du parking situé sur ladite place et son remplacement par un parc souterrain.

La position de la Cour est sur ce point assez rigoureuse car s’il est vrai que la place Antonin Poncet comporte désormais des parties engazonnées et arborées, elle reste encerclée par quatre voies publiques : elle est davantage traversée par des piétons pressés de passer d’une voie à une autre que par des promeneurs arpentant tranquillement ses allées, au demeurant fort courtes. En outre, c’est par cette place que l’on accède au parking souterrain. On aurait d’ailleurs pu se demander si la place n’était pas l’accessoire de ce dernier.

Ceci étant, la disparition de la compétence n’entraîne pas pour autant celle du droit de propriété.

B. – Le maintien du droit de propriété de la communauté urbaine sur la place Antonin Poncet

Il ne fait pas de doute qu’en 1972, la Communauté urbaine de Lyon est devenue propriétaire de la place Antonin Poncet en application des dispositions combinées des articles 4 et 21 de la loi du 31 décembre 1966 relative aux communautés urbaines.

En effet, l’article 21 codifiée à l’article L. 5215-28 du Code général des collectivités territoriales a institué une véritable dérogation au principe d’inaliénabilité des biens du domaine public consacré aux articles L. 3111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques et L. 1311-1 du Code général des collectivités territoriales. Pour être cédé, un bien doit être préalablement désaffecté puis déclassé formellement. Or, l’article L. 5215-28 prévoit que « les immeubles et meubles faisant partie du domaine public des communes appartenant à l’agglomération sont affectés de plein droit à la communauté urbaine, dès son institution, dans la mesure où ils sont nécessaires à l’exercice des compétences de la communauté. Le transfert définitif de propriété ainsi que des droits et obligations attachés aux biens transférés est opéré par accord amiable [...] ».

Ce transfert de propriété est-il conditionné par le maintien de la compétence qui l’a justifié ?

La Cour refuse clairement de prendre position sur ce point et vient en quelque sorte botter en touche en exigeant « un acte contraire » pour formaliser la réintégration de la place dans le patrimoine de la ville de Lyon.

Toutefois, sans affirmer le caractère irréversible du transfert de propriété, la Cour administrative de Lyon doute ouvertement du fait que la disparition de la compétence relative aux parcs de stationnement de la communauté urbaine sur la place Antonin Poncet entraîne réintégration du bien dans le patrimoine de la ville de Lyon. Par l’emploi de l’expression « à supposer que », la Cour marque en effet sa préférence pour la reconnaissance d’un véritable droit de propriété, entier, parfait et non conditionné à l’exercice d’une compétence précise.

Cette préférence se justifie pourtant simplement, grâce à un élément textuel : l’article L. 5215-28 du Code général des collectivités territoriales évoque en effet un « transfert définif de propriété ». Ainsi peut-il être interprété comme instituant un mécanisme dérogatoire au régime de droit commun de la mise à disposition, prévu par l’article L. 1321-1 du Code général des collectivités territoriales, selon lequel « le transfert d’une compétence entraîne de plein droit la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l’exercice de cette compétence ». Sans être propriétaire, la collectivité bénéficiaire de la mise à disposition assume, selon l’article L. 1321-2, « l’ensemble des obligations du propriétaire ». Mais, en cas de désaffectation des biens mis à disposition, « la collectivité propriétaire recouvre l’ensemble de ses droits et obligations sur les biens désaffectés » (art. L. 1321-3 CGCT) .

On soulignera au passage que le Code général de la propriété des personnes publiques a entendu généraliser le dispositif dérogatoire de l’article L. 5215-28 CGCT en autorisant, par dérogation au principe d’inaliénabilité du domaine public, les cessions de biens du domaine public entre personnes publiques, sans déclassement préalable, dès lors que « les biens sont destinés à l’exercice des compétences de la personnes publique qui les acquiert et relèveront de son domaine public » (art. L. 3112-1 CGPPP) . De telles dispositions étaient attendues, afin de contrecarrer la jurisprudence administrative – jugée souvent excessivement rigoureuse par la doctrine – qui déclarait illégale toute cession en propriété d’un bien du domaine public à une autre collectivité publique, en dépit du maintien de la même affectation à l’utilité publique (v. C.A.A. Paris, 8 juillet 2004, Région Ile-de-France - N° 001PA01073 - Inédit au recueil Lebon) . Les transferts de compétences entre personnes publiques rendent souvent nécessaire une redistribution de la propriété des dépendances domaniales et légitiment de ce fait, une entorse au principe d’inaliénabilité.

II. – La compétence pour délivrer des autorisations d’occupation temporaires : la réaffirmation de solutions classiques

Tout d’abord, la Cour lie la compétence pour délivrer des autorisations d’occupation temporaires (AOT) comportant emprise sur le domaine public à la qualité de propriétaire. Elle rappelle ensuite les limites classiquement opposées par la jurisprudence à l’exercice de cette compétence, et notamment l’obligation de conservation du domaine.

A. – Une compétence liée à la qualité de propriétaire

A défaut d’acte formalisant le retour de la place Antonin Poncet dans le patrimoine de la ville de Lyon, la communauté urbaine en est demeurée propriétaire et « à ce titre, (…) est restée compétente pour délivrer des autorisations d’occupation temporaires comportant emprise ».

La Cour reprend ici la distinction classique, consacrée notamment dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 14 juin 1972, Elkoubi, entre les permis de stationnement, occupations privatives du domaine public sans emprise au sol, et les permissions de voirie, qui impliquent l’exécution de travaux pour modifier l’assiette du domaine public.

Alors que l’autorité compétente pour délivrer des permis de stationnement est celle qui exerce la police de l’ordre public sur le bien considéré, concernant les permissions de voirie, c’est l’autorité chargée de la police de la conservation, c’est-à-dire en principe la personne publique propriétaire, qui peut les accorder.

La délivrance d’une AOT avec emprise n’est donc pas liée à l’exercice d’une compétence mais est attachée au droit de propriété. Il s’agit là-encore d’une solution traditionnellement admise par la jurisprudence. Ainsi, dans l’arrêt du 23 octobre 1968, Consorts Brun, le Conseil d’Etat avait-il reconnu le département de la Seine compétent pour accorder une AOT en vue de l’installation d’un buffet-restaurant dans un palais de justice dont il était propriétaire, alors même que le palais était affecté au service public étatique de la justice.

B. – Une occupation sans occupant ou la violation de l’obligation de conservation du domaine public

La Cour administrative d’appel de Lyon reprend enfin le considérant classique consacré par l’arrêt du Conseil d’Etat du 3 mai 1963, Commune de Saint-Brévin-les-Pins : une AOT ne peut être délivrée que si elle est compatible « avec les usages conformes à la destination du domaine que le public est normalement en droit d’y exercer », ainsi qu’avec l’obligation qu’a l’administration d’assurer la conservation de son domaine public ».

La Communauté urbaine de Lyon a violé cette dernière obligation en délivrant l’AOT à l’Association pour le mémorial lyonnais du génocide des Arméniens alors même que les statuts de cette dernière prévoyaient sa dissolution juste après la réalisation du monument. Une fois dissoute, l’Association ne pouvait évidemment plus assurer l’entretien, la propreté, la sécurité et la responsabilité concernant le monument. On se retrouve dans le cas singulier d’une occupation sans occupant.

De prime abord, la décision de la Cour peut paraître relativement sévère car la délivrance de l’AOT, nécessairement « précaire et révocable » (art. L. 2122-3 CGPPP) ne portait pas atteinte en elle-même à l’intégrité du domaine public. A la dissolution de l’association, l’administration disposait des moyens juridiques nécessaires pour protéger le domaine public : elle aurait pu exiger la démolition du mémorial, ce qui était politiquement très délicat, ou bien reprendre le monument sans indemnité et supporter alors les frais de son entretien. La Cour aurait donc pu très bien considérer qu’en ne s’opposant pas à l’existence du monument, la communauté urbaine en était devenue propriétaire.

En réalité, l’annulation de l’autorisation d’occupation du domaine public, telle qu’elle est motivée par les juges d’appel, revient à considérer la communauté urbaine propriétaire du monument, par voie d’accession (art. 552 Code civil) : déjà propriétaire de la place, elle possède aussi ce qui est situé dessus. L’essentiel est que la Cour n’a pas été jusqu’à considérer que le mémorial, par ses dimensions et son aspect esthétique, n’était pas compatible avec l’affectation à l’utilité publique de la place Antonin Poncet. Elle refuserait donc très probablement d’enjoindre sa démolition, si des requérants venaient à le lui demander.

Ainsi l’arrêt rendu le 28 décembre 2010 ne fragilise-t-il pas réellement l’existence du monument.

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