Opération de transfèrement d’un détenu : limitation réglementaire du poids et volume de ses biens pris en charge par l’État

Décision de justice

CAA Lyon, 4ème chambre – N° 23LY03769 – 10 juillet 2025 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 23LY03769

Numéro Légifrance : CETATEXT000051921139

Date de la décision : 10 juillet 2025

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Transfèrement d’un détenu, R. 57-6-18 du code de procédure pénale, Article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH, Droit au respect des biens

Rubriques

Droits sociaux et travail

Résumé

La décision par laquelle le directeur d’un établissement pénitentiaire limite, sur le fondement de l’article R. 57-6-18 du code de procédure pénale, le volume d’objets personnels qu’un détenu a droit d’emporter gratuitement avec lui lors de son transfèrement a pour effet de priver celui-ci de la jouissance temporaire d’une partie de ses biens. Elle a ainsi pour effet, par elle-même, de limiter l’exercice du droit de propriété.

Par suite, un moyen tiré de la méconnaissance de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est opérant à son encontre.

Si les stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne font pas obstacle à l’édiction, par l’autorité compétente, d’une réglementation de l’usage des biens, dans un but d’intérêt général, ayant pour effet d’affecter les conditions d’exercice du droit de propriété, il appartient au juge, pour vérifier la conformité à ces stipulations d’une décision individuelle prise sur la base d’une telle réglementation, d’une part, de tenir compte de l’ensemble de ses effets juridiques, d’autre part, et en fonction des circonstances concrètes de l’espèce, d’apprécier s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les limitations constatées à l’exercice du droit de propriété et les exigences d’intérêt général qui sont à l’origine de cette décision.

Les limitations instituées par l’article R. 57-6-18 du code de procédure pénale se fondent sur les contraintes pesant sur l’administration pénitentiaire lors des opérations de transfèrement, lesquelles, pour des raisons de sécurité, sont opérées en un seul convoi regroupant plusieurs détenus et leur paquetage. Elles ne font toutefois pas obstacle à ce que les biens non transférés, consignés auprès de l’établissement pénitentiaire d’origine, soient récupérés par des tiers de confiance ou acheminés par un transporteur privé rémunéré, après avoir sollicité, le cas échéant, pour les détenus qui sont dépourvus de ressources suffisantes, une aide financière de l’État en application des dispositions de l’article D. 347-1 du même code.

Enfin, en l’espèce, la décision en litige s’est limitée aux biens dont le volume excédait les capacités du convoi ayant assuré le transport du détenu. Eu égard notamment au volume de l’ensemble de ses biens et à la circonstance qu’il a pu être transféré avec une partie raisonnable de ces derniers, la décision en litige ne peut être regardée comme ayant porté au droit de propriété du requérant une atteinte disproportionnée au but d’intérêt général poursuivi.

Par suite, il n’est fondé à soutenir, ni que les dispositions de l’article R. 57-6-18 du code de procédure pénale méconnaissent le droit au respect de ses biens qui résulte de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ni que leur application, au cas d’espèce, a abouti à une telle méconnaissance.

01-04-01-02, Actes administratifs, Validité des actes administratifs, Traités et droits dérivés, Convention européenne des droits de l’homme

Droits d'auteur

CC BY-NC-SA 4.0