Refus de permis de construire modificatif pour atteinte au caractère et à l’intérêt du paysage naturel : cas de la toiture d’une tourelle existante accolée à une maison ayant l’apparence d’un château du moyen-âge

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Décision de justice

TA Clermont-Ferrand – N° 2101165 – 25 janvier 2024 – C+

Juridiction : TA Clermont-Ferrand

Numéro de la décision : 2101165

Date de la décision : 25 janvier 2024

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Permis de construire modificatif, R. 111-27 du code de l’urbanisme, Atteinte au caractère et à l’intérêt du paysage naturel, Sauvegarde de l'environnement naturel ou urbain

Rubriques

Urbanisme et environnement

Résumé

Sur la commune du Vernet-Sainte-Marguerite, au lieu-dit « Mareuge », petit bourg rural du Puy-de- Dôme, le préfet a délivré un permis de construire à un particulier lui permettant, notamment, d’ériger une tour accolée à son habitation composée d’une toiture de forme conique. Le pétitionnaire du permis de construire, qui poursuivait l’objectif de construire une maison d’habitation présentant l’apparence d’un château du moyen-âge, a néanmoins décidé de s’écarter des prescriptions du permis de construire accordé et de garnir sa tour, non pas d’une simple toiture conique, mais de créneaux et de meurtrières.

Afin de régulariser la situation, il a déposé, comme la règlementation le lui permet, un permis de construire modificatif. Par un arrêté du 19 décembre 2020, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer le permis sollicité. Le pétitionnaire a alors saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d’une requête tendant à l’annulation du refus opposé par le préfet.

Par un jugement rendu le 25 janvier 2024, le tribunal a rejeté sa requête et confirmé la légalité du refus du préfet.

La question centrale concerne l’insertion paysagère de la tour dans son environnement et l’application de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme qui prévoit qu’un projet de construction peut être refusé « si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ».

Le tribunal administratif applique la méthode d’analyse fixée par la jurisprudence du Conseil d’Etat1 qui prévoit que, pour rechercher l’existence d’une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire, il appartient au juge d’apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d’évaluer, dans un second temps, l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

En l’espèce, le tribunal administratif a rejeté la requête en considérant que le site possède les caractéristiques d’un village rural du Puy-de-Dôme dont les constructions traditionnelles en pierre comportent des toitures essentiellement à deux pans en ardoise ou en lauze.

Il juge notamment que la construction est implantée, à la sortie du bourg, au sein d’un vaste espace naturel et agricole situé au cœur du parc naturel des Volcans d’Auvergne et que la modification projetée, qui a pour objet de supprimer la toiture d’une tour afin de la remplacer par une terrasse crénelée et garnie de meurtrières à l’image des tours fortifiées de l’époque médiévale, porte atteinte au caractère et à l’intérêt du paysage naturel dans lequel il s’insère et des lieux avoisinants.

La circonstance qu’un château ait existé par le passé dans le village est sans incidence sur la légalité de l’arrêté du préfet qui apprécie le paysage naturel et urbain existant à la date de sa décision2.

68-03-04-04, Urbanisme et aménagement du territoire, Permis de construire, Régime d’utilisation du permis, Permis modificatif
68-03-03-01-02, Urbanisme et aménagement du territoire, Permis de construire, Légalité au regard de la réglementation nationale règlement national d’urbanisme, Sauvegarde de l’environnement naturel ou urbain d’un projet

Notes

1 CE, 13 juillet 2012, association Engoulevent et autres, n°s 345970 et 346280, T. pp. 778-1020-1024

2 Voir aussi CE, 13 mars 2020 , n° 427408

Conclusions du rapporteur public

Nathalie Luyckx

rapporteure publique au tribunal administratif de Clermont-Ferrand

Autres ressources du même auteur

  • IDREF

DOI : 10.35562/alyoda.9476

Par un arrêté du 21 décembre 2012, M. X. s’est vu accorder un permis de construire pour une maison individuelle située sur la commune de Vernet-Sainte-Marguerite, destinée aujourd’hui à la location touristique. Par une demande déposée le 2 novembre 2020, le requérant a sollicité l’obtention d’un permis de construire modificatif en vue de modifier la toiture de la tourelle existante pour y réaliser des créneaux et des meurtrières dans un style médiéval. Il vous demande d’annuler la décision de refus, datée du 19 décembre 2020, prise par le préfet du Puy-de-Dôme, compétent sur cette commune.

Le requérant en conteste les deux motifs.

Premièrement, le requérant soutient que le préfet a commis une erreur de droit en lui opposant la circonstance qu’il n’a pas eu recours à un architecte en méconnaissance des dispositions de l’article R. 431-2 du code de l’urbanisme.

Rappelons qu’à la date du permis initial, la construction, d’une surface de 159 m², n’était pas concernée par cette obligation, qui s’appliquait alors aux constructions dont la surface de plancher excède 170 m². Ce seuil a été abaissé à 150 m² par le décret n° 2016-1738 du 14 décembre 2016.

Toutefois, la demande de permis modificatif n’ayant pas pour objet d’augmenter la surface de plancher, le requérant est fondé à soutenir que le préfet ne pouvait lui opposer ce motif de refus, qui est entaché d’erreur de droit.

Deuxièmement, le préfet s’est fondé sur les dispositions de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme : « Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ». La décision mentionne que « le projet, de par son architecture – création de créneaux et de meurtrières en lieu et place d’une toiture traditionnelle – porte atteinte au caractère des lieux et à l’architecture du bâti environnant ».

Pour rechercher l'existence d'une atteinte aux paysages et sites environnants au sens de cet article, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. (CE, 6/1 SSR, 13 juillet 2012, association Engoulevent et autres , n°345970, 346280, B – Recueil Lebon Tables pp. 778-1020-1024).

En l’espèce vous pouvez douter de l’existence d’une telle atteinte, que vous êtes conduits à examiner de façon plus stricte en cas de refus (contrôle normal) qu’en cas d’autorisation (contrôle restreint).

D’une part, si le préfet soutient que le village du Vernet Ste Marguerite possède les caractéristiques d’un village rural du Puy-de-Dôme comprenant des habitations traditionnelles en pierre avec des toitures essentiellement à deux pans et en ardoise ou en lauze, il ne fournit aucune démonstration de sa supposée typicité, en particulier dans les lieux environnant la construction en cause. Les photographies versées au débat par le requérant n’attestent en revanche aucunement de l’intérêt architectural des constructions environnantes, lesquelles comme il le soutient, « ressemblent à n’importe quelles habitations d’un village rural du Puy-de- Dôme », ni de l’intérêt particulier du site dans lequel s’inscrit le projet, en extrémité du bourg. À cet égard, il convient de souligner que le préfet ne s’est fondé que sur l’atteinte au bâti environnant et non au site naturel.

D’autre part, la seule circonstance que la construction projetée soit d’un style différent des constructions environnantes, quand bien même d’un style médiéval – pour ne pas dire aujourd’hui « kitsch » - ne caractérise pas, dans l’environnement précédemment rappelé, une atteinte aux constructions et lieux avoisinants. Nous vous renvoyons en cela aux conclusions d’Alexandre Lallet soulignant que le juge administratif « doit se garder (…) de confondre le possible et le souhaitable. Qu’on puisse espérer meilleure esthétique n’implique pas que le projet « porte atteinte » au caractère des lieux. »1.

Le requérant est ainsi également fondé, à notre sens, à soutenir que ce deuxième motif est entaché d’erreur d’appréciation.

Par ces motifs, nous concluons à l’annulation de l’arrêté du préfet du Puy-de-Dôme.

Notes

1 (CE, 1/6 SSR, 28 novembre 2014, association Lac d’Annecy Environnement (ALAE) – association Annecy Patrimoine , n°366103, C).

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