Refus d’autorisation d’exploitation d’un parc éolien fondé sur le défaut de saisine de l’autorité environnementale

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Décision de justice

CAA Lyon, 7ème chambre – N° 22LY00841 – Société ENGIE GREEN Saint-Maurice-en-Rivière – 15 février 2024 – C+

Pourvoi en cassation n° 493398

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 22LY00841

Numéro Légifrance : CETATEXT000049191662

Date de la décision : 15 février 2024

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Autorisation d’exploitation, Éoliennes, R. 181-34 du code de l’environnement, L. 181-9 du code de l'environnement, Compétence liée, Avis de l’autorité environnementale

Rubriques

Urbanisme et environnement

Résumé

Le refus d’autorisation d’exploitation d’un projet éolien est, en l’espèce, fondé sur le 3° de l’article R. 181-34 du code de l’environnement.

La cour oppose l’absence de compétence liée du préfet pour opposer une telle décision1.

Le moyen tiré du défaut de saisine pour avis de l’autorité environnementale est fondé.

Lorsque, pour opposer un refus à une demande d’autorisation sur le fondement du 3° de l’article R. 181-34 du code de l’environnement, le préfet se prononce sur l’existence ou la nature des dangers ou inconvénients que le projet entrainerait pour l’environnement et sur le caractère suffisant des mesures prises pour les éviter ou les supprimer, il porte une appréciation sur les faits de l’espèce et ne se trouve donc pas en situation de compétence liée.

Compte tenu du rôle assigné à l’autorité environnementale, qui est d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement et d’éclairer le public mais également l’autorité décisionnaire et l’exploitant sur les informations fournies par ce dernier, en particulier l’étude d’impact, le préfet, en ne consultant pas cette autorité en méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 122-1, R. 122-2 et R. 181-19 du code de l’environnement, s’est a priori privé de l’examen du projet par une entité compétente et jouissant en principe d’une autonomie réelle par rapport à lui mais aussi de toute possibilité de prendre ultérieurement en compte, dans son appréciation, l’avis réputé objectif que cette entité aurait éventuellement rendu. Dans les circonstances de l’espèce, cette irrégularité, utilement invoquée par la société exploitante, a privé cette dernière d’une garantie et pu exercer une influence sur l’appréciation à laquelle s’est livré le préfet et donc sur le sens de la décision finalement opposée.

01-05-01, Actes législatifs et administratifs, Validité des actes administratifs, Pouvoirs et obligations de l'administration
29-035 Energie Eolienne
44-02-02-01, Nature et environnement, Installations classées pour la protection de l'environnement, Régime juridique, Pouvoirs du préfe

Notes

1 Cf. CE, Section, 3 février 1999, n°s 149722 152848 Retour au texte

Conclusions du rapporteur public

Christophe Rivière

rapporteur public à la cour administrative d’appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.9465

La société Engie Green Saint-Maurice-en-Rivière a, le 21 janvier 2021, déposé une demande d’autorisation environnementale vue de construire et d’exploiter un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Maurice-en-Rivière.

Par un arrêté du 24 septembre 2021, le préfet de Saône-et-Loire a rejeté cette demande.

La société Engie Green Saint-Maurice-en-Rivière a, par courrier du 22 novembre 2021, formé un recours gracieux, qui a été implicitement rejeté.

Ladite société demande à la cour d’annuler l’arrêté préfectoral du 24 septembre 2021 précité et cette décision implicite.

S’agissant de l’intervention

Vous pourrez admettre l’intervention de l’association de protection et de mise en valeur du patrimoine naturel et bâti de la Bresse et du val de Saône, qui, en vertu de l’article 2 de ses statuts, a pour objet « sur le territoire de la communauté de communes Saône Doubs Bresse créée au 1er janvier 2014 », à laquelle appartient la commune de Saint-Maurice-en-Rivière, « la protection de l’environnement, des paysages et du patrimoine culturel contre toutes les atteintes qui pourraient leur être portées, notamment par l’implantation d’éoliennes et des équipements qui leur sont liés », qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige, en particulier au maintien de l’arrêté attaqué.

S’agissant de la légalité de l’arrêté attaqué

Un moyen de la société requérante retiendra particulièrement votre attention, celui tiré de ce que le préfet a commis un vice de procédure en ne saisissant pas l’autorité environnementale, en méconnaissance de l’article R. 181-19 du code de l’environnement, ce qui l’a privée d’une garantie et a eu une influence sur le sens de la décision prise.

En défense, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires fait valoir que le service en charge de l’examen de la demande d’autorisation, en l’occurrence l’inspection des installations classées, ayant constaté que l’autorisation environnementale ne pouvait être accordée dans le respect des dispositions de l'article L. 181-3 du code de l’environnement lequel renvoie notamment aux dispositions de l’article L. 511-1 du même code, ou sans méconnaître les règles, mentionnées à l'article L. 181-4, le rejet de la demande en phase d’examen préalable a pu légalement être décidé, sans que l’autorité environnementale ne soit préalablement saisie pour avis.

Il cite un arrêt de la CAA de Douai, qui a écarté un tel moyen en jugeant que si l’article R. 181-19 du code de l’environnement prévoit la saisine de l’autorité environnementale dans les 45 jours suivant l’accusé de réception de la demande d’autorisation environnementale, aucune disposition ni aucun principe ne prévoit que cette autorité doive rendre un avis avant un rejet de la demande en phase d’examen préalable sur le fondement de l’article R. 181 34 du code de l’environnement (CAA Douai, 22 mars 2022, Société CEPE la Tirroye, n° 20DA00847, point 4, contre lequel le pourvoi n’a pas été admis par le Conseil d’Etat par une décision n° 464273 du 19 décembre 2022, le Conseil d’Etat ayant été saisi du moyen tiré de ce que l’arrêt de la cour est entaché d’une erreur de droit, pour juger qu’aucune disposition ni aucun principe ne prévoit que l’autorité environnementale doive rendre un avis avant un rejet de la demande d’autorisation environnementale en phase d’examen préalable sur le fondement de l’article R. 181-34 du code de l’environnement). Voyez aussi CAA Douai, 16 février 2023, Société Eolis Sciron, n° 21DA02675, point 5, écartant explicitement le moyen comme inopérant, arrêt contre lequel le pourvoi n’a pas été admis par le Conseil d’Etat par une décision n° 473331 du 30 octobre 2023, le CE n’ayant toutefois pas été saisi du moyen en cause.

Sur la nécessité de saisir pour avis l’autorité environnementale lorsqu'un projet est soumis à évaluation environnementale et les conditions de cette saisine et le délai pour rendre l’avis : voyez les articles L. 122-1 et R. 122-7 du code de l’environnement.

L’arrêté attaqué, qui est fondé sur la circonstance que le projet ne permet pas la protection de la nature en méconnaissance de l’article L. 181-3 du code de l’environnement, a été pris, à l’issue de la phase d’examen prévue par l’article L. 181-9 du code de l’environnement, sur le fondement de l’article R. 181-34 de ce code, inclus dans la sous-section 1 « phase d’examen », en vertu duquel : « Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : (…) 3° Lorsqu'il s'avère que l'autorisation ne peut être accordée dans le respect des dispositions de l'article L. 181-3 ou sans méconnaître les règles, mentionnées à l'article L. 181-4, qui lui sont applicables. (…) », lequel article L. 181-3 dispose que « L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (…), l’article L. 511-1 prévoyant notamment au nombre de ces intérêts, la protection de la nature.

L’article L. 181-9 précité disposant, disposant dans sa version alors en vigueur que « l'autorité administrative compétente peut rejeter la demande à l'issue de la phase d'examen lorsque celle-ci fait apparaître que l'autorisation ne peut être accordée en l'état du dossier ou du projet ».

En vertu de l’article R. 181-19 du code de l’environnement, inclus également dans la sous-section 1 « phase d’examen » : « Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet soumis à évaluation environnementale en application de l'article L. 122-1, le préfet transmet le dossier à l'autorité environnementale dans les quarante-cinq jours suivant l'accusé de réception de la demande, ainsi que l'avis recueilli en application de l'article R. 181-18. Les consultations qui sont effectuées en application de la présente section valent consultation au titre du III de l'article R. 122-7. (…) ».

Vous remarquerez donc d’ores et déjà que les articles R. 181-19 et R. 181-34 du code de l’environnement sont situés dans la même sous-section du code de l’environnement relative à la phase d’examen.

Ainsi, la mise en œuvre de l’article R. 181-34 ne fait pas, a priori, obstacle à l’application de l’article R. 181-19 et donc à la saisine de l’autorité environnementale lorsque, comme en l’espèce, le projet est soumis à évaluation environnementale en application de l'article L. 122-1 de ce code.

L’argument selon lequel aucune disposition législative ou réglementaire n’exige qu’un refus d’autorisation environnementale, intervenu au stade de la phase d’examen préalable et fondé sur l’article R. 181-34 du même code, soit précédé d’un avis de cette autorité ne nous semble donc pas pertinent.

En outre, si l’article R. 181-34 emploie l’expression « est tenu », nous ne pensons pas que vous êtes en présence, s’agissant du 3° de cet article, d’un cas de compétence liée qui aurait pour effet de rendre inopérant le moyen qui nous intéresse, qui suppose que l’administration n’ait aucune appréciation sur les faits de l’espèce (voyez CE, Section, 3 février 1999, n°s 149722 et 152848, au recueil, AJDA 1999.567 Chronique de Fabien Raynaud et Pascale Fombeur).

Or, pour retenir que l'autorisation ne peut être accordée dans le respect des dispositions de l'article L. 181-3, qui renvoie notamment à l’article L. 511-1, ou sans méconnaître les règles, mentionnées à l'article L. 181-4, le préfet est nécessairement conduit à porter une appréciation sur les faits de l’espèce et ne peut donc ainsi être regardé comme se trouvant en situation de compétente liée pour prendre un refus d’autorisation environnementale sur le fondement de l’article R. 181-34, 3° du code de l’environnement.

En effet, en application des dispositions des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l’environnement, l’autorité chargée de délivrer une autorisation environnementale doit préalablement vérifier que les mesures qu’il est possible de prescrire et qui relèvent de sa compétence seront de nature à prévenir les dangers ou les inconvénients susceptibles de résulter de la construction et de l’exploitation de l’installation en cause. Dans le cas où il apparaît qu’aucune mesure envisageable, en l’état du projet, n’est de nature à prévenir suffisamment ces dangers ou inconvénients, cette autorité, dont il appartient au juge de contrôler l’appréciation, doit rejeter la demande d’autorisation. Voyez CAA Lyon, 3 juin 2021, Société CPENR de Doizieux, n° 19LY01287, point 8.

En l’espèce, le préfet de Saône-et-Loire a nécessairement porté une telle appréciation en motivant son arrêté sur la circonstance que le projet ne permet pas la protection de la nature, après avoir relevé, au terme d’une longue motivation constituant, il faut le dire, un véritable fouillis, que les enjeux sur la biodiversité sont forts, que le projet aura un impact significatif sur des espèces protégées d’oiseaux et de chiroptères et leurs habitats, que les mesures d’évitement, de réduction et de compensation sont inadaptées ou insuffisantes pour remédier à cet impact, que le niveau d’impact résiduel est sous-estimé, que des effets dommageables significatifs subsisteraient sur l’état de conservation des habitats naturels et des espèces après mises en œuvre des mesures précitées, et que le projet n’est pas compatible avec le PLU de Saint-Maurice-en-Rivière et le SCOT du Châlonnais, notamment sur le plan de la protection de la nature.

Le Conseil d’Etat a été amené à plusieurs reprises à considérer qu’il n’y avait pas compétence liée de l’autorité administrative compte tenu de son appréciation sur les faits, malgré des textes prévoyant une obligation d’agir à la charge de l’administration.

Comme l’a indiqué Karin Ciavaldini dans ses conclusions sous CE, 24 février 2020, Société civile immobilière et forestière des Fourneaux et autre, n° 421086, aux tables, l’obligation d’agir nous paraît devoir être distinguée de la compétence liée.

Rappelons que, par la décision de Section du 3 février 1999 précitée, les hypothèses de compétence liée ont été circonscrites aux seuls cas où l’autorité administrative constate, sans avoir à apprécier les faits, qu’une condition de pur fait se trouve ou non remplie. Le fichage de la décision renvoie, pour préciser la condition tenant à l’absence d’appréciation à porter sur les faits de l’espèce, à la décision du 12 mai 1997, n° 179837, Caisse d’allocations familiales de l’Ain et autres (aux Tables du Recueil Lebon), selon laquelle il n’y a pas de compétence liée lorsque l’administration doit porter une appréciation pour déterminer si les conditions légales d’octroi d’un avantage sont remplies.

Comme l’indiquait Anne Courrèges dans les conclusions sur la décision du CE du 16 novembre 2009, n° 322554, SNC Anse de Toulvern (inédite), ce n’est pas parce qu’une autorité administrative ne peut prendre une décision que dans un sens déterminé et est soumise à une obligation de faire qu’elle peut s’affranchir du respect des règles de forme et de procédure. Selon Anne Courrèges, la jurisprudence précitée du CE, Section du 3 février 1999, a limité la compétence liée aux seuls cas dans lesquels la constatation des faits commande mécaniquement la décision de l’administration, sans qu’il y ait place pour une quelconque appréciation des faits, de sorte que la compétence est en réalité « ligotée ». Voyez aussi la chronique sur cette jurisprudence.

Dans l’affaire « Société civile immobilière et forestière des Fourneaux et autre », le Conseil d’Etat a ainsi jugé que s’il résulte des articles L. 161-5 et D. 161-11 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) que le maire a l'obligation de remédier à l'obstacle qui s'oppose à la circulation sur un chemin rural, Toutefois, pour relever l'existence d'un obstacle à la circulation sur le chemin rural et pour déterminer les mesures qui s'imposent, le maire est nécessairement conduit à porter une appréciation sur les faits de l'espèce, notamment sur l'ampleur de la gêne occasionnée et ses conséquences. Ainsi, le maire ne peut être regardé comme se trouvant en situation de compétence liée pour prendre les mesures prévues par l'article D. 161-11 du CRPM.

De même, le Conseil d’Etat a jugé que si aux termes de l'article 21-16 du code civil, l'administration doit rejeter la demande de naturalisation d'un étranger n'ayant pas sa résidence en France au moment de la signature du décret de naturalisation, il ne s'agit cependant pas d'une compétence liée, l'administration étant appelée à porter une appréciation sur les faits de l'espèce (CE, 19 juillet 2010, n° 331013, aux tables).

Egalement, si en vertu de l’article L. 480-2 alinéa 10 du code de l’urbanisme, « dans le cas de constructions sans permis de construire ou d'aménagement sans permis d'aménager, ou de constructions ou d'aménagement poursuivis malgré une décision de la juridiction administrative suspendant le permis de construire ou le permis d'aménager, le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux », lorsqu'il constate la péremption d'un permis de construire et la réalisation de travaux postérieurement à celle-ci, le maire, qui est nécessairement conduit à porter une appréciation sur les faits, ne se trouve pas, pour prescrire l'interruption de ces travaux sur le fondement de l'article L. 480-2, alinéa 10, du code de l'urbanisme, en situation de compétence liée (CE, 29 décembre 2006, Ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, n° 271164, au recueil).

Ainsi, en l’espèce, nous vous proposons de considérer que, malgré l’expression « malheureuse » avons-nous presque envie de dire « est tenu » employé par l’article R. 181-34, le préfet n’était pas en situation de compétence liée en fondant sa décision sur le 3° de cet article et qu’il devait saisir pour avis l’autorité environnementale.

L’absence de saisine de cette autorité, alors qu’elle est une entité administrative de l'Etat autonome lui permettant d'exercer la mission de consultation en matière environnementale, dont les membres sont nommés à raison de leur compétence en matière d'environnement et de leur connaissance spécifique des enjeux environnementaux de la région concernée, séparée de l'autorité compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage ou de l'autorité en charge de l'élaboration d'un plan ou programme ou d'un document d'urbanisme et qui dispose d'une liberté de décision pour exercer sa mission consultative d'autorité environnementale (voyez CE, 6 décembre 2017, Association France Nature Environnement, n° 400559, aux tables), a en l’espèce privé le pétitionnaire, et même d’ailleurs l’autorité décisionnaire, de la garantie consistant dans l’examen de son dossier par une telle autorité autonome et indépendante émettant un avis objectif sur son projet et a été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision prise (voyez sur une telle incidence concernant un avis émis par une autorité ne disposant pas d’une autonomie effective dans des conditions garantissant son objectivité : CE, 28 octobre 2021, Commune de Pellevoisin et autres, n° 442828, point 4), le préfet s’étant privé de l’examen du projet par une entité compétente disposant d’une autonomie réelle comme de toute possibilité de prendre en compte, dans son appréciation sur l’impact du projet sur la protection de la nature, l’avis réputé objectif et expert rendu par cette entité.

En effet, l’évaluation environnementale a pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement. Compte tenu du rôle joué par l’autorité environnementale au début du processus d’évaluation, de l’autonomie dont cette autorité doit disposer et de la portée de l’avis qu’elle rend, cette autorité et ses avis constituent une garantie pour atteindre l’objectif assigné à l’évaluation environnementale (voyez CAA Douai, 28 février 2019, Association Evreux Nature Environnement, n° 16DA01162, point 8).

Cette garantie ne saurait être regardée comme ayant été compensée par la consultation de l’inspection des installations classées, qui n’est pas autonome et indépendante de l’autorité décisionnaire.

Nous sommes donc en désaccord avec la CAA de Marseille, qui a estimé, dans les circonstances de l’espèce et s’agissant d’une décision de rejet fondée sur des motifs de fond liés à l’atteinte aux paysages et à l’avifaune, que le vice résultant de ce que le préfet n’a pas sollicité l’avis de l’autorité environnementale n’a exercé aucune influence sur le sens de cette décision, d’autant que le préfet n’est pas lié par cet avis et que ce vice n’a pas privé la société pétitionnaire d’une garantie (voyez CAA de Marseille, 5 février 2021, Société Parc Eolien des Trois Communes, n° 19MA00029, point 15).

Nous sommes également en désaccord avec les conclusions de notre collègue, Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public sur les affaires précitées n°s 20DA00847 et 21DA02675 de la CAA de Douai, qui a considéré que l’avis de l’autorité environnementale ne constitue pas une garantie pour le pétitionnaire. En outre la circonstance invoquée par notre collègue que le préfet ait le rôle de service instructeur principal et apprécie à ce titre, sous le contrôle du juge, le caractère complet ou non du dossier ainsi que le respect par la demande des dispositions législatives et réglementaires qui lui sont applicables, ne fait aucunement obstacle à la saisine de l’autorité environnementale.

D’autant, comme le reconnait notre collègue, avec lequel nous sommes d’accord sur ce point, « l’avis de l’autorité environnementale nous paraît constituer une garantie pour le public et l’administration pour préparer et éclairer, par un regard expert et autonome, une éventuelle autorisation ayant un impact sur l’environnement. ».

Le dispositif institué aux articles L. 181-9 et R. 181-34 du code de l’environnement, issu de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale et du décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale, inspiré par le rapport de mars 2015 du préfet de région Jean-Pierre Duport « Accélérer les projets de construction, Simplifier les procédures environnementales, Moderniser la participation du public », vise certes à accélérer l’instruction de la demande et à renforcer la sécurité juridique de la décision en permettant au demandeur de suppléer rapidement aux carences de son dossier (voyez CAA Douai, 25 mai 2021, SAS Parc Eolien de la Croix Dorée, n° 19DA01123, point 10).

La consultation dans les conditions précédemment décrites de l’autorité environnementale nécessite de lui laisser le temps de se prononcer mais ce temps est encadré et réduit et cette consultation permet de contribuer à renforcer la sécurité juridique de la décision de l’autorité préfectorale.

Surtout, nous pensons que cette consultation s’imposait en vertu de l’article R. 181-19 du code de l’environnement, alors même que le préfet a fait application de l’article R. 181-34, 3° de ce code.

Étant précisé que l’autorité environnementale doit se prononcer dans un délai de deux mois compter de la réception du dossier, soit par un avis, soit par une information relative à l'absence d'observations (voyez l’article R. 122-7 du code de l’environnement) et que la phase d’examen a une durée qui est soit celle indiquée par le certificat de projet lorsqu'un certificat comportant un calendrier d'instruction a été délivré et accepté par le pétitionnaire, soit de quatre mois à compter de la date de l'accusé de réception du dossier (voyez l’article R. 181-17 du code de l’environnement). Autrement dit, l’autorité environnementale peut se prononcer dans le cadre de la phase d’examen.

Nous vous proposons donc d’accueillir le moyen et partant d’annuler l’arrêté préfectoral et la décision implicite attaqués, sans qu’il soit de se prononcer sur les autres moyens de la requête.

En conséquence, vous pourrez enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de reprendre l’instruction de la demande d’autorisation environnementale présentée par la société Engie Green Saint-Maurice-en-Rivière pour la construction et l’exploitation d’un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Maurice-en-Rivière et ce dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt de la cour.

Par ces motifs, nous concluons à l’admission de l’intervention de l’association de protection et de mise en valeur du patrimoine naturel et bâti de la Bresse et du val de Saône, à l’annulation des deux décisions attaquées, et à ce qu’il soit enjoint au préfet de Saône-et-Loire de reprendre l’instruction de la demande d’autorisation environnementale présentée par la société Engie Green Saint-Maurice-en-Rivière dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt de la cour.

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