L’administration fiscale peut émettre une nouvelle proposition de rectification en vue de procéder au recouvrement des impositions qu’elle entend établir après que le juge de l’impôt a prononcé la décharge d’une imposition, sans que puisse y faire obstacle l’autorité de la chose jugée. C’est aux conditions, toutefois, que le délai de reprise ne soit pas être expiré et que le contribuable ait été averti, par l’administration fiscale, de son intention d’imposer. Tel est le cas en l’espèce puisque celle-ci avait informé l’intéressé de la persistance de son intention d’imposer par la nouvelle proposition de rectification. En outre, elle n’avait pas l’obligation de notifier préalablement une décision de dégrèvement, dès lors que l’imposition initiale avait été invalidée par le juge de l’impôt.
Le tribunal administratif de Grenoble était conduit à se prononcer sur la possibilité, pour l’administration fiscale, de reprendre la procédure d’imposition à la suite d’une décharge d’impôt prononcée par le juge de l’impôt.
Dans le jugement commenté, le tribunal reprend les deux conditions jurisprudentielles, exhumées par le Conseil d’État1, relatives à la reprise d’une procédure d’imposition à la suite du constat par l’administration de l’irrégularité de la première procédure suivie. D’une part, l’administration doit notifier au contribuable une décision de dégrèvement de l’imposition précédente établie à la suite d’une procédure irrégulière2. D’autre part, elle doit informer préalablement ce dernier de la persistance de son intention de l’imposer sur les mêmes bases3. La singularité de ce jugement réside toutefois dans le fait que l’irrégularité de la procédure d’imposition avait été constatée par le juge de l’impôt4, et non par l’administration fiscale elle-même.
L’autorité de la chose jugée du jugement qui prononce la décharge d'imposition n'empêche pas l'administration fiscale de reprendre la proposition de rectification. Cette dernière s’est contentée de tirer les conséquences du premier jugement du tribunal administratif5 en modifiant la catégorie d'impôt pour laquelle les contribuables sont imposés. Ils sont désormais imposés au titre de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires et non plus des bénéfices non commerciaux, ni au titre de la taxe sur la valeur ajoutée.
La première condition, relative à l’exigence d’information préalable de la persistance de l’intention d’imposer, répond à une exigence de clarté et de transparence, voire de loyauté vis-à-vis du contribuable6. Le tribunal administratif reprend cette condition classique dans le deuxième considérant bien que la décharge d’imposition ait été ici prononcée par le juge de l’impôt.
Même dans ce cas, l’administration fiscale doit informer le contribuable de la persistance de son intention d’imposer. Elle avait satisfait à cette exigence en l’espèce puisqu’elle avait notifié au contribuable une nouvelle proposition de rectification en date du 30 juin 2018, et ce, avant de procéder à la mise en recouvrement des impositions en question le 31 décembre 2018. En jugeant que « contrairement à ce que soutiennent M. et Mme X., l’administration n’était pas tenue de leur délivrer cette information avant la reprise de la procédure d’imposition par la nouvelle proposition de rectification le 30 juin 2018. », le tribunal apporte une précision importante relative au moment d’intervention de l’information : l’administration fiscale n’a pas nécessairement à prévenir le contribuable de la persistance de son intention de l’imposer avant la notification de la proposition de rectification, mais elle peut tout à fait l’informer concomitamment à celle-ci. Plus généralement, cette information doit intervenir dans le premier acte qui marque l’ouverture d’une nouvelle procédure ou de la reprise de la procédure7.
La seconde condition, relative à la notification de la décision de dégrèvement de l’imposition irrégulièrement établie, implique que pour que l’administration fiscale puisse procéder à la reprise d’une procédure d’imposition irrégulière, elle ait expressément constaté l’irrégularité de la première procédure en notifiant le dégrèvement de l’imposition précédente8. Ce dégrèvement doit être notifié au moment de la reprise de la procédure9. Le jugement commenté délivre d’importantes précisions quant à l’auteur de la décision de dégrèvement. En jugeant que les requérants « savaient que l’imposition qui leur avait été assignée avait été établie irrégulièrement et qu’ils n’en étaient plus débiteurs », le tribunal estime qu’il n’est pas nécessaire que l’administration notifie la décision de dégrèvement d’impôt avant la reprise de la procédure d’imposition dès lors que l’imposition initiale a été invalidée par une décharge prononcée par le juge de l’impôt. Cette condition ne repose donc pas sur un élément organique, la notification de la décision de dégrèvement pouvant valablement émaner d’une autorité autre que l’administration fiscale. En l’espèce, les requérants n’ont pas contesté la notification du jugement du Tribunal administratif de Grenoble.
Par ailleurs, l’administration fiscale n’a pas méconnu les dispositions de l’article L. 12 du Livre des procédures fiscales. Elle s’est uniquement « bornée à modifier la base légale des rehaussements précédemment notifiés sans procéder à un nouveau contrôle des revenus des requérants ». La jurisprudence autorise celle-ci à procéder à une substitution de base légale à tout moment de la procédure pour justifier le bien-fondé d’une imposition10, à moins que le contribuable ait été privé d’une garantie de la procédure d’imposition qui aurait pu jouer à son profit si le nouveau fondement avait été initialement retenu11.
Enfin, le tribunal administratif fait une application classique de l’effet interruptif de la proposition de rectification posé par l’article L. 189 du Livre des procédures fiscales. Celle-ci ne peut valablement interrompre la prescription qu’à la condition d’être régulière12. Cette régularité est subordonnée à la désignation de la catégorie d’impôt en cause13, de l’année d’imposition14, de la base de l’impôt et des motifs du rehaussement15. Le tribunal administratif a repris ces conditions dans le huitième considérant du jugement et les a jugés satisfaites.