Plan de zone d’assainissement : modalités de régularisation fixées par le juge

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Décision de justice

CAA Lyon, 1ère chambre – N° 20LY02282 – M.X. – 17 mai 2022 – C+

Pourvoi en cassation non admis : CE, 29 décembre 2022, N° 465307

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 20LY02282

Date de la décision : 17 mai 2022

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

PLU, Plan de zone d’assainissement, Consultation de l’autorité environnementale, Régularisation d’urbanisme, Délai de dix mois, Sursis à statuer

Rubriques

Urbanisme et environnement, Procédure

Résumé

Le plan de zonage d’assainissement est un document annexé au PLU qui est élaboré par la commune ou l’établissement public de coopération compétent. Il doit être soumis à enquête publique en application des dispositions de l’article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales. Ce plan est une décision faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir.

Dans le cas où le PLU et le plan de zonage sont élaborés concomitamment ils peuvent le cas échéant être soumis à une enquête publique conjointe.

Mais dans l’hypothèse où il n’existe pas une seule enquête publique mais deux enquêtes parallèles, les formalités relatives à chaque enquête doivent être mises en œuvre et en particulier les dispositions de l’article R. 122-7 du code de l’environnement, qui prévoit de soumettre à l’autorité environnementale chargée de l’évaluation environnementale ces plans, doivent être réalisées expressément pour chaque document.

Dans l’hypothèse où le plan de zonage d’assainissement n’a pas été soumis à l’autorité environnementale et même si les dispositions de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme ne prévoit pas une telle régularisation, il appartient au juge saisi de prononcer un sursis à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation après avoir vérifié que les autres moyens de la requête ne sont pas fondés et après avoir invité les parties à présenter leurs observations sur cette mesure de régularisation.

Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations.

Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l'intervention d'une décision corrigeant le vice dont est entaché l'arrêté attaqué.

27-06, Eaux, Protection de la qualité des eaux, Délimitation par les communes ou EPCI des zones d'assainissement collectif et non collectif.

44-05-02, Nature et environnement, Divers régimes protecteurs de l'environnement, Lutte contre la pollution des eaux, Délimitation par les communes ou EPCI des zones d'assainissement collectif et non collectif.

54-07-01-02, Procédure, Pouvoirs et devoirs du juge, Questions générales, Sursis à statuer.

68-01-01-01, Urbanisme et aménagement du territoire, Plans d’aménagement et d’urbanisme, Plans locaux d’urbanismes, Légalité des plans.

Conclusions du rapporteur public

Jean-Simon Laval

rapporteur public à la cour administrative d’appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.8457

Les faits et la procédure antérieure

« Faire et défaire c’est toujours travailler ». Si nous avons l’impertinence de citer ici cette locution triviale c’est que, aussi subtile que soit la théorie de la régularisation en droit administratif, elle revient en réalité essentiellement à passer outre la conclusion désespérante de l’adage précité qui énonce que « ce n’est pas gros avancer ».

Dans l’affaire n°20LY02282 à la suite d’une précédente audience, la cour a rouvert l’instruction en vue d’une régularisation éventuelle de la procédure tenant à l’absence de consultation de l’autorité environnementale en application de l’article R. 122-17 du code de l’environnement au cours de la procédure d’élaboration du zonage de l’assainissement collectif ayant donné lieu à la délibération du syndicat intercommunal d’assainissement de la Haute Vallée du G. du 18 décembre 2018 approuvant ce zonage. Nous estimions que quoique ce zonage ait été annexé au PLU de la commune de S. il paraissait difficile de faire application de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme puisque le vice ne portait pas spécifiquement sur le PLU mais sur une délibération qu’il était amené à prendre en compte. Mais nous n’avions pas exploré, il est vrai, la possibilité d’opérer une régularisation sui generis en dehors des textes l’instituant dont le CE vient de réaffirmer l’actualité dans une jurisprudence CE n°437634 du 9 juillet 2021 dite commune de Grabels s’agissant d’une déclaration d’utilité publique. Vous vous êtes situé explicitement dans le fil de cette jurisprudence issue d’un processus prétorien de régularisation qui, si vous vous référez aux conclusions de Mme Roussel, rapporteure publique dans cette affaire, ne relève pas d’un principe général afférent à l’office du juge. Il faut noter, toutefois, que les affaires où ont été appliqués les principes de la jurisprudence commune de Grabels entrent en résonnance avec l’obligation qui vous est faite de jurisprudence constante de vous interroger sur la régularisation dans les litiges d’urbanisme

La saisine de la Cour

Nous assumons le tour assez théorique de nos conclusions dans ce contentieux complexe, alors qu’au-delà des procédures, ce sont des situations concrètes, celles des requérants qui sont en cause. La régularisation en droit administratif porte aussi bien sur les faits que sur les actes comme le rappellent MM.Dutheillet de Lamothe et Oudinet dans leur chronique sous la jurisprudence du CE n°363047 du 1er juillet 2016 publiée à l’AJDA du 10 octobre 2018 p 1859 et si la régularisation des vices entachant les actes administratifs s’est largement développée notamment en permettant à l’administration de corriger l’acte en cause par l’émission d’un nouvel acte ce qui est l’hypothèse de la jurisprudence que nous venons de citer. De la même manière, en amont, la jurisprudence depuis longtemps favorise la neutralisation des vices sans incidence sur la décision ou qui n’ont pas porté atteinte à une garantie par le prisme de la jurisprudence dite Danthony (CE 23 décembre 2011 n° 335033).

Pour autant, initialement, la régularisation a toujours été liée quelque soient les voies parfois escarpée qu’elle ait pu emprunter à la préoccupation de revenir au plus près des faits. Ainsi dans sa thèse de 1981 La régularisation en droit administratif français, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1981 le professeur Israël considérait, que si la régularisation est un mécanisme opératoire grâce auquel un acte ou une situation juridique contraire au droit peut, avant ou après l’intervention du juge, se perpétuer ou revivre dans la légalité pleinement retrouvée, il estimait également qu’elle trouvait son champ d’application non tant dans les procédures que dans les faits eux-mêmes voyez l’analyse de cette thèse à la RIDC de janvier mars 1982 .

Cette vocation factuelle de la régularisation est première et existe depuis longtemps. C’est le cas pour la régularisation en matière d’urbanisme par régularisation de travaux déjà entrepris voyez pour un permis de construire CE 12 octobre 1956 au Lebon p 369 et depuis la loi originelle de 1976 en matière environnementale pour les installations classées. C’est la même démarche que vous adoptez en matière d’urbanisme via l’article L. 600-5-1 du CU pour les autorisation d’urbanisme et l’article L. 600-9 du même code en tant qu’elle porte sur les vices autre que de forme et de procédure pour les documents d’urbanisme. La régularisation implique donc que l’acte administratif se prononce, le cas échéant, à nouveau, sur les faits de l’espèce.

La régularisation n’est donc pas une onction rétroactive validant un acte vicié, autrement dit plus vulgairement un baume réparateur mais comme le relevait M Olivier Fuchs dans son article Exécution et Régularisation à la revue Civitas Europa n°39 de 2017 une « résurrection » appliquée au droit administratif, ce que notait également le doyen Vedel dans sa préface à la thèse du professeur Israël.

Il s’agit de faire prévaloir le principe de réalité sur le formalisme ce qui implique que l’acte de régulariser, quand bien même il obéirait à une procédure formelle aille jusqu’au bout de ses implications. Ainsi la décision du CE du 9 juillet 2021 dite commune de Grabels réaffirme-t-elle la vocation inchoative des processus de régularisation au-delà de leur technicité formelle. Et le Conseil d’Etat entend-t-il, selon nous, accompagner assez largement le processus.

Ainsi s’agissant d’une régularisation impliquant la consultation d’une autorité environnementale indépendante en lieu et place du préfet de Région il distingue deux alternatives : le cas où la consultation et, partant, l’avis émis correspond à celui qui a été déjà émis et porté à la connaissance du public et le cas où l’avis est substantiellement différent de celui qui a été porté à la connaissance du public, ce qui impliquera des consultations complémentaires et notamment que l’ensemble de l’enquête soit portée à nouveau à la connaissance du public. Complétant notre analyse, nous l’avons dit, c’est dans le sillage de cette jurisprudence que vous avez entendu vous situer.

La discussion - La solution

Vous retrouverez la jurisprudence Commune de Grabels dans une approche plus pure dans l'affaire n°2002282 qui comme dans cette jurisprudence concerne le recueil de l’avis de l’autorité environnementale. Elle se situe cependant …en amont du processus de régularisation. C’est donc l’occasion d’exercer votre office en guidant cette régularisation selon les principes que nous avons esquissés et qui nous permettrons de ne pas abuser trop longtemps de votre attention.

Nous ne revenons pas sur les arguments qui le 22 février 2022 vous ont convaincus de nous suivre et d’envisager de retenir le vice résultant de l’absence de consultation de l’autorité environnementale dans l’établissement du zonage de l’assainissement collectif. Nous nous permettons comme l’autorise la jurisprudence de vous renvoyer à nos conclusions sur ce point CE n°421409 du 27 novembre 2020. Notre position n’a, en effet, pas évolué au regard des écritures récentes des parties. Vous n’êtes pas en situation de mettre en œuvre la jurisprudence Danthony dès lors que, comme le rappelle d’ailleurs en application de la jurisprudence du Conseil d’Etat la jurisprudence citée par les défendeurs de la Cour administrative d'appel de Marseille, la consultation de l’autorité environnementale implique une consultation indépendante permettant de décider objectivement voyez CAA Marseille 19MA02986 du 1er octobre 2021. Elle ne saurait donc procéder d’une consultation sur un autre objet comme celui du PLU, hormis le cas spécifique d’une consultation dans le cadre d’une enquête unique qui n’est pas celle qui a été conduite. Vous êtes en présence s’agissant du PLU et du zonage d’assainissement de deux enquêtes parallèles.

Les requérants rappellent quant à eux que la régularisation n’est pas de principe, ce qui est vrai, s’agissant ici d’une régularisation qui n’est pas prescrite par les textes et ce que reconnaît la rapporteure publique dans ses conclusions sous Commune de Grabels comme nous l’avons dit.

Pour autant rien ne fait obstacle à ce que vous l’envisagiez et nous n’adhérons pas à l’annulation en quelque sorte punitive qu’on vous suggère, ce qui n’était pas notre position initiale. Les parties sont en définitive d’accord à nos yeux pour appliquer la jurisprudence précitée comme vous le leur avez suggéré en recueillant leurs observations.

Nous pensons que vous devrez donc engager le processus de régularisation en imposant la consultation de l’autorité environnementale s’agissant du zonage de l’assainissement collectif.

Nous pensons, à cet égard, que cette consultation ne saurait revêtir un caractère seulement formel. Elle implique d’une part que l’autorité environnementale soit saisie à la fois des éléments communiqués par le Syndicat Intercommunal en vue d’étudier le zonage lui-même mais également des éléments communiqués par les requérants qui sont intégrés dans le processus de régularisation que vous engagez, en l’occurrence les constats d’huissiers produits lors de l’instruction ou le rapport du géomètre expert.

Le processus de régularisation ne saurait, en outre, s’achever à cette seule saisine puisque si le zonage est confirmé à l’identique, au terme de l’enrichissement de l’instruction que nous vous proposons, il conviendra que selon l’alternative dans laquelle vous vous situez en application de la jurisprudence Commune de Grabels, vous prescriviez l’information du public dans un délai minimal de sursis à statuer de 4 mois et s’il nécessite des consultations complémentaires que vous fixiez la durée de ces consultations et de la reprise d’une enquête publique dans un délai de 12 mois.

Par ces motifs, nous concluons à ce qu’il soit sursis à statuer en attente de régularisation via la consultation de l’autorité environnementale sur le zonage d’assainissement en fonction de l’ensemble des pièces pertinentes du dossier intégrant les constats d’huissier des requérants et les relevés de géomètre expert. Si le zonage est confirmé à l’identique, il conviendra d’en informer le public avant que le syndicat intercommunal vous transmettre la nouvelle délibération approuvant le zonage dans un délai de 4 mois. Si l’avis de l’autorité environnementale impose des consultations complémentaires, vous fixerez la durée de ces consultations et de la reprise d’une enquête publique préalable à l’approbation du zonage à l’échéance d’un délai de 12 mois.

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