L’employeur public n’a pas le pouvoir de modifier l’appartenance statutaire d’un agent au moyen de l’abandon de poste

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Décision de justice

CAA Lyon, 7ème chambre – N° 21LY00001 – M.X. c/ ministre de l'éducation nationale – 14 avril 2022 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 21LY00001

Date de la décision : 14 avril 2022

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Statut du fonctionnaire, Changement de cadres, Abandon de poste

Rubriques

Fonction publique, Actes administratifs

Résumé

L’abandon de poste, dont la finalité est de permettre à l’administration de tirer les conséquences de la volonté manifestée par l’agent de rompre tout lien avec le service, appelle nécessairement une mesure de radiation des cadres qui fasse perdre à l’intéressé la qualité de fonctionnaire. En conséquence, l’employeur public ne tient d’aucune disposition ou principe général du droit le pouvoir de modifier l’appartenance statutaire d’un agent au motif qu’il aurait persisté, après mise en demeure infructueuse, dans sa volonté de ne pas rejoindre son affectation. Méconnaît ce principe, la décision visant un agent qui, n’ayant pas rejoint l’affectation dans laquelle il avait été promu en tant que personnel de direction de l’éducation nationale, le radie des effectifs de ce corps pour abandon de poste et le réintègre dans le corps d’enseignant dont il relevait avant sa promotion.

01-05-03-01-02, Actes législatifs et administratifs, Validité des actes administratifs, Erreur de droit, Existence, Motif non prévu par la loi

36-04-05, Fonctionnaires et agents publics, Changement de cadres, Reclassements, intégrations, Changement de corps

36-10-04, Fonctionnaires et agents publics, Cessation de fonctions, Abandon de poste

Conclusions du rapporteur public

Julien Chassagne

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.8644

Il convient de préciser que M. X. a connu un déroulement de carrière pour le moins difficile au sein du corps des personnels de direction d’établissement d’enseignement ou de formation relevant du ministre de l’éducation nationale.

En effet, de manière résumée, à l’origine membre du corps des professeurs certifiés dans la discipline « mathématiques », après avoir été initialement nommé, suite à sa réussite au concours de recrutement ouvert au titre de l’année 2013, à compter du 1er septembre 2013 par arrêté du 23 septembre 2013 du ministre en charge de l’éducation nationale, en qualité de personnel de direction de 2ème classe stagiaire au sein de l’académie de Grenoble et affecté, par décision de la rectrice de l’académie de Grenoble du 10 octobre 2013 au collège Les Rives du Léman à Evian, puis, suite à une suspension de fonctions, autorisé par arrêté du 22 juillet 2014 du ministre, à effectuer une seconde année de stage à compter du 1er septembre 2014 et affecté, par une décision de la rectrice du 25 août 2014, au collège C. en qualité de principal adjoint stagiaire.

Puis, il a été ensuite réintégré par le ministre dans le corps des personnels de direction d’établissement d’enseignement ou de formation relevant du ministre de l’éducation nationale au grade de 2ème classe stagiaire dans l’académie de Grenoble à compter du 24 octobre 2014 par un arrêté du 5 mai 2017, suite à l’annulation par le tribunal administratif de Grenoble par un jugement définitif n° 1407294 du 16 mars 2017, notamment d’une sanction d’exclusion définitive de service et de réintégration dans celui des professeurs certifiés du 7 octobre 2014.

Mais également, M. X., après avoir été placé en congé de maladie ordinaire du 4 septembre 2015 au 3 septembre 2016, a été placé en disponibilité d’office à compter du 4 septembre 2016 pour une durée d’un an par arrêté du 26 septembre 2017 de la rectrice de l’académie de Grenoble, ce dernier arrêté ayant été annulé par le tribunal administratif de Grenoble par jugement n° 1801943 du 2 novembre 2020, semble-t-il, devenu définitif, si bien qu’il a été, par un arrêté du 22 mai 2018 de cette même autorité, faisant suite à la décision ministérielle édictée pour l’exécution du jugement précité, de nouveau affecté au collège C. pour exercer les fonctions de principal adjoint à compter du 7 octobre 2014, pour enfin, par un arrêté du 18 juillet 2018, être affecté par la rectrice au collège B. à compter du 1er septembre 2018 en qualité de personnel de direction de classe normale stagiaire pour exercer les fonctions de principal adjoint.

Or, finalement, par un arrêté du 6 février 2019, pris suite à une mise en demeure du 28 décembre 2018 adressée à l’intéressé de reprendre ses fonctions notifiée le 8 janvier 2019, le ministre en charge de l’éducation nationale a prononcé la radiation, pour abandon de poste, de M. X. du corps des personnels de direction à compter de la notification de cet arrêté, et remis à la disposition du corps des professeurs certifiés, dans la discipline « mathématiques », pour réintégration, à compter de cette dernière date.

Si M. X. a formé un recours gracieux à l’encontre de cet arrêté, par courrier du 2 mai 2019, cette autorité a implicitement rejeté un tel recours.

Par un jugement n° 1906110-1907743 du 2 novembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les deux demandes identiques de M. X.1, qui tendaient notamment, d’une part, à l’annulation de l’arrêté du 6 février 2019 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d’autre part, à ce qu’ils soit enjoint au ministre en charge de l'éducation nationale de prononcer, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sa réintégration dans le corps des personnels de direction et de l’affecter sur un poste de chef d’établissement adjoint.

Comme l’a indiqué Mme la rapporteure, M. X. présente des conclusions aux fins d’annulation dirigées contre ce jugement et contre l’arrêté du 6 février 2019, ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux.

Il présente également des conclusions aux fins d’injonction, tendant à ce qu’il soit enjoint au ministre en charge de l'éducation nationale de prononcer sa réintégration dans le corps des personnels de direction et reconstituer sa carrière, et ce, dans le délai d’un mois à compter de la notification du de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Vous pourrez en venir directement à l’étude du bien-fondé du jugement attaqué en l’espèce, semble-t-il.

S’agissant des conclusions aux fins d’annulation

Il nous semble que vous pourrez retenir deux moyens pour prononcer l’annulation du jugement attaqué ainsi que de l’arrêté du 6 février 2019, et par voie de conséquence, du rejet implicite du recours gracieux.

M. X. soutient notamment, critiquant en cela la position retenue par les premiers juges, que la décision contestée ne pouvait légalement intervenir, dès lors qu’il ne pouvait être apprécié comme ayant rompu de son fait le lien avec le service, puisqu’alors que la mise en demeure, lui ayant été notifiée le 8 janvier 2019, le sommait de rejoindre son poste dans un délai de huit jours, il a adressé le 15 janvier 2019 à l’administration un arrêt de travail portant sur la période du 11 janvier au 9 février 2019, soit avant l’expiration du délai visé par la vise en demeure, cette correspondance ayant été reçue le 18 janvier 2019, alors d’ailleurs qu’il avait précédemment, à plusieurs reprises, indiqué les conditions dans lesquelles il souhaitait reprendre son service, compte tenu de sa situation particulière.

De même, ainsi que les parties en ont été informées en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, vous pourrez également relever d’office un moyen tiré de ce que la décision contestée est entachée d’un défaut de base légale, dès lors qu’aucune disposition légale ne permet au ministre en charge de l'éducation nationale de prononcer une décision d'abandon de poste afin de replacer, comme en l’espèce, un membre du corps des personnels de direction d’établissement d’enseignement ou de formation relevant du ministre de l’éducation nationale dans son corps d’origine.

Vous devrez faire référence ici aux dispositions de l’article 9 du décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001 portant statut particulier du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale, selon lesquelles, dans leur rédaction applicable à la date de la décision contestée : « Les candidats recrutés par concours (…) sont nommés en qualité de stagiaires et placés en position de détachement dans leur nouveau corps. / Le ministre chargé de l'éducation nationale désigne par arrêté leur académie d'affectation. Ils sont affectés au sein de l'un des établissements mentionnés à l'article L. 421-1 du code de l'éducation, hormis les établissements d'éducation spécialisée, pour exercer les fonctions de chef d'établissement ou de chef d'établissement adjoint, par arrêté du recteur d'académie compétent. / Au cours du stage, dont la durée est d'un an, ils reçoivent une formation dont les modalités d'organisation sont fixées par arrêté conjoint du ministre intéressé et du ministre chargé de la fonction publique. / Les stagiaires dont le stage a donné satisfaction sont titularisés, à l'issue de celui-ci, dans le corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation par arrêté du recteur d'académie. La titularisation entraîne de plein droit l'affectation sur le poste dans lequel s'est effectué le stage. / Les décisions rectorales portant titularisation ou refus de titularisation sont prises après consultation de la commission administrative paritaire académique. / Les stagiaires qui n'ont pas été titularisés peuvent être autorisés, par arrêté du ministre chargé de l'éducation nationale pris après consultation de la commission administrative paritaire nationale, à effectuer une seconde année de stage. Celle-ci n'entre pas en compte pour l'avancement. A l'issue de cette année et si cette seconde année de stage a donné satisfaction, ils sont titularisés dans les conditions fixées au quatrième alinéa ci-dessus. / Les personnels de direction stagiaires ayant la qualité de fonctionnaire qui n'ont pas été autorisés à effectuer une nouvelle année de stage ou dont la nouvelle année de stage n'a pas été jugée satisfaisante sont, par décision du ministre chargé de l'éducation nationale prise après consultation de la commission administrative paritaire nationale, réintégrés dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine. Lorsqu'ils n'ont pas la qualité de fonctionnaire, ils sont licenciés. ».

Selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, dans son dernier état, « une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l’agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu’il appartient à l’administration de fixer ; qu’une telle mise en demeure doit prendre la forme d’un document écrit, notifié à l’intéressé, l’informant du risque qu’il court d’une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable ; que lorsque l’agent ne s’est pas présenté et n’a fait connaître à l’administration aucune intention avant l’expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l’absence de toute justification d’ordre matériel ou médical, présentée par l’agent, de nature à expliquer le retard qu’il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d’estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l’intéressé ; » (Voir, pour un rappel de ces principes, et leur application dans un cas où un agent se trouve en congé pour maladie, CE du 11 décembre 2015, commune de Breteuil-sur-Iton, n° 375736, publié au recueil sur une telle application). Le Conseil d’Etat, nous parait avoir admis que cette procédure d’abandon de poste, créée rappelons-le de manière prétorienne, pouvait être appliquée à un stagiaire, dans le cadre que nous venons de rappeler, et ainsi être radié des cadres pour ne pas avoir déféré à une mise en demeure de rejoindre son service et avoir rompu de son fait le lien l’unissant à l’administration (Voir, entre autres, par exemple CE du 1er juillet 1988, n° 69670, inédit au recueil. Voir également CE du 4 novembre 1996, n° 149280, inédit au recueil, dans le cadre duquel un certificat médical produit a été regardé comme ne justifiant pas que l’absence de l’intéressée était due à un problème de santé).

En l’espèce, d’une part, vous pourrez relever, à notre sens, que si, avant de prendre la décision contestée, par une mise en demeure du 28 décembre 2018 adressée à M. X. notifiée le 8 janvier 2019, le ministre en charge de l’éducation nationale a enjoint à l’intéressé de reprendre ses fonctions de principal adjoint au collège B., dans un délai de 8 jours à compter de sa réception, sous peine de faire l’objet d’une radiation des cadres pour abandon de poste sans accomplissement des formalités prescrites en matière disciplinaire, toutefois, M. X. a, ainsi qu’il le démontre en appel, adressé le 15 janvier 2019 à cette autorité, date de dépôt auprès des services postaux de son pli, un arrêt de travail pour maladie pour la période du 11 janvier 2019 au 9 février 2019, ainsi qu’un courrier relatif à sa situation, éléments manifestant qu’il n’avait pas la volonté de rompre le lien qui l’unissait au service, et ce, avant l’expiration du délai fixé par cette mise en demeure, quand bien même ce courrier a été reçu après cette expiration, soit le 18 janvier 2019 (Voir, pour un envoi postérieur à l’expiration du délai fixé par la mise en demeure, regardé comme ne pouvant justifier, en l’absence de circonstance particulière invoquée faisant obstacle à cette communication dans le délai, que l’intéressé avait manifesté son intention de ne pas rompre le lien l’unissant à l’administration, CE du 10 octobre 2007,  centre hospitalier intercommunal André Grégoire, n° 271020, publié au recueil sur un autre point).

Vous pourrez donc, à notre sens, accueillir le moyen soulevé par M. X..

D’autre part, le Conseil d’Etat, notons-le, n’ayant jamais été amené à se prononcer dans un tel cas, il nous semble que vous pourrez estimer, au regard des dispositions de l’article 9 du décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001 et de la jurisprudence que nous avons rappelée admettant que la procédure d’abandon de poste est applicable aux stagiaires, que toutefois, une telle procédure visant à vérifier si l’agent public a entendu, de son propre fait, rompre le lien l’unissant avec le service, celle-ci ne saurait donc être utilisée dans un cas où, comme en l’espèce, cet agent est stagiaire au sein d’un corps dans lequel il a été nommé pour accomplir son stage alors qu’il avait auparavant la qualité de fonctionnaire titulaire au sein d’un autre corps, impliquant qu’il soit radié des cadres du corps dans lequel il est censé accomplir son stage pour être réintégré dans son corps d’origine.

En effet, nous pensons que dans un tel cas, il ne peut y avoir, à proprement parler, de rupture du lien avec le service, puisque le fonctionnaire en cause est radié des cadres au sein d’un corps, en tant que stagiaire, pour être réintégré dans un autre, dans lequel il est titulaire, et est donc maintenu au sein du service à l’issue de la mise en œuvre de la procédure, ce qui nous parait contraire à l’objet et à la logique même de la théorie de l’abandon de poste.

Ainsi, au regard de ces éléments, la décision contestée, nous parait méconnaitre le champ d’application de la loi, compte tenu de la jurisprudence du Conseil d’Etat prévoyant la procédure d’abandon de poste, car la décision contestée prise à l’encontre de M. X. ne pouvait être légalement prononcée, eu égard à ses effets, par le ministre en charge de l’éducation nationale (Voir par exemple, mutatis mutandis, pour un cas de méconnaissance de champ d’application de la loi, CE du 10 janvier 2000,  préfet de Seine Saint-Denis , n° 205583, mentionné aux tables. Est relevé d’office, pour méconnaissance du champ d’application de la loi, le moyen tiré de ce qu’un étranger ne rentre pas dans le champ d’application du texte sur lequel est fondé sa reconduite à la frontière. Voir également CE du 11 mars 1991, n° 76774, mentionné aux tables, est relevé d’office, pour une telle méconnaissance, le moyen tiré de ce qu’un licenciement d’un agent non titulaire ayant vocation à être titularisé, motivé par la volonté de réaliser des économies budgétaires, était fondé sur un motif n'étant pas au nombre de ceux qui permettent à une commune, en application des dispositions de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984, prévoyant précisément les cas dans lesquels un tel agent peut être licencié, de licencier un tel agent).

Vous pourrez donc également, à notre sens, relever d’office un tel moyen.

Nous vous invitons donc à accueillir ces moyens.

C’est pourquoi, si vous nous suivez, vous accueillerez les conclusions aux fins d’annulation dirigées contre le jugement n° 1906110-1907743 du 2 novembre 2020 du tribunal administratif de Grenoble et contre l’arrêté du 6 février 2019, ainsi que la décision implicite prise sur recours gracieux, et ainsi, prononcerez, l’annulation de ce jugement et celle de cet arrêté, puis par voie de conséquence, celle de la décision prise sur recours gracieux.

S’agissant des conclusions aux fins d’injonction

Si vous partagiez l’analyse que nous venons de développer, vous en viendrez donc à l’étude du bien-fondé des conclusions aux fins d‘injonction présentées par M. X. que nous avons exposées précédemment.

M. X. soutient, à l’appui de ces conclusions, qu’il doit être, compte tenu des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, réintégré au sein du corps des personnels de direction de l’éducation nationale en qualité de titulaire, et non pas de stagiaire, au regard des dispositions de l’article 5 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 et 9 du décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001, puisqu’ayant été nommé à compter du 1er septembre 2013 par arrêté du ministre en charge de l’éducation nationale en qualité de personnel de direction stagiaire puis, autorisé par arrêté du 22 juillet 2014 du ministre, à effectuer une seconde année de stage à compter du 1er septembre 2014, et ensuite, réintégré par le ministre dans le corps des personnels de direction en qualité de stagiaire dans l’académie de Grenoble à compter du 24 octobre 2014 par un arrêté du 5 mai 2017, pour enfin, par un arrêté du 18 juillet 2018, être affecté par la rectrice au collège B. à compter du 1er septembre 2018 pour exercer les fonctions de principal adjoint stagiaire, il a donc nécessairement accompli sa période de stage d’une durée de deux ans, et doit donc être titularisé.

Vous devrez vous référer ici outre aux dispositions de l’article L. 911-12 du code de justice administrative, que vous connaissez bien, à celles de l’article 5 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics, selon lesquelles : « La durée normale du stage et les conditions dans lesquelles elle peut éventuellement être prorogée sont fixées par le statut particulier du corps dans lequel le fonctionnaire stagiaire a vocation à être titularisé. / Sauf dispositions contraires du statut particulier, le stage ne peut être prolongé d'une durée excédant celle du stage normal. / La prorogation du stage n'est pas prise en compte dans le calcul de l'ancienneté à retenir lors de la titularisation. ». Vous devrez également faire référence aux dispositions de l’article et 9 du décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001 portant statut particulier du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale, dans leur rédaction applicable à la date de la décision contestée que nous avons rappelées précédemment, étant précisé que, dès lors qu’en qualité de juge de l’exécution, selon la jurisprudence classique du Conseil d’Etat, vous devez statuer comme juge de plein contentieux au regard des circonstances de fait et de droit à la date de votre décision, la version aujourd’hui applicable de ce texte ne prévoit plus de consultation de la commission administrative paritaire académique s’agissant des décisions rectorales portant titularisation ou refus de titularisation après la conduite du stage, ni de la commission administrative paritaire nationale s’agissant des décisions du ministre relatives à l’accomplissement d’une seconde année de stage ou prises suite à un refus d’effectuer une nouvelle année de stage ou lorsque cette seconde année de stage n’a pas été regardée comme satisfaisante3.

En l’espèce, si vous partagiez l’analyse que nous avons développée précédemment s’agissant des conclusions aux fins d‘annulation présentées par M. X., il nous semble que vous devriez alors, compte tenu des motifs de votre arrêt nécessairement enjoindre au ministre en charge de l’éducation nationale de prendre une décision dans un sens déterminé en application des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative.

Cependant, la question du sens de cette décision se pose avec une acuité certaine au cas présent compte tenu de la situation complexe dans laquelle se trouve M. X. suite à sa nomination au sein du corps des personnels de direction d’établissement d’enseignement ou de formation relevant du ministre de l’éducation nationale.

D’une part, il nous semble que, au regard de la succession des différentes décisions intervenues suite à la nomination de l’intéressé, que nous avons rappelées précédemment dans le cadre de l’exposé des circonstances du litige, et qui subsistent dans l’ordonnancement juridique compte tenu de l’intervention des jugements, M. X. doit être regardé, même si cela est un peu curieux, contrairement à ce qu’il soutient et comme le fait valoir le ministre en défense, comme demeurant stagiaire.

En effet, M. X. ayant été nommé à compter du 1er septembre 2013 par arrêté du 23 septembre 2013 du ministre en charge de l’éducation nationale en qualité de personnel de direction de 2ème classe stagiaire au sein de l’académie de Grenoble, puis autorisé par arrêté du 22 juillet 2014 du ministre à effectuer une seconde année de stage à compter du 1er septembre 2014 et ensuite réintégré juridiquement par le ministre dans le corps des personnels de direction d’établissement d’enseignement ou de formation relevant du ministre de l’éducation nationale au grade de 2ème classe stagiaire dans l’académie de Grenoble à compter du 24 octobre 2014 par un arrêté du 5 mai 2017 dans le cadre de l’exécution d’un jugement, pour enfin, par un arrêté du 18 juillet 2018, être affecté par la rectrice au collège B. à compter du 1er septembre 2018 en qualité de personnel de direction de classe normale stagiaire pour exercer les fonctions de principal adjoint, il n’a ainsi, au regard des différents éléments dont vous bénéficiez au dossier, jamais quitté le statut de stagiaire au sein du corps des personnels de direction d’établissement d’enseignement ou de formation relevant du ministre de l’éducation nationale, que ce soit à la date de la décision contestée du 6 février 2019 ou à celle de votre arrêt à laquelle vous devez vous placer ainsi que nous venons de l’évoquer, n’ayant jamais, à l’issue de sa seconde année de stage qu’il avait été autorisé à accomplir, fait l’objet, dans le cadre fixé par les dispositions de l’article 9 du décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001, d’une décision de titularisation ou de refus de titularisation à l’issue de cette seconde année de stage, à supposer d’ailleurs qu’il puisse être regardé comme l’ayant effectivement accomplie conformément à ces dispositions, qui impliquent notamment la poursuite d’une formation, ce qui n’est pas certain compte tenu des éléments du dossier, le seul écoulement du temps invoqué par M. X. ne pouvant à lui seul lui faire perdre cette qualité de stagiaire.

D’ailleurs, le Conseil d’Etat a pu estimer, en qualité de juge de l’exécution sous l’empire de la loi du 16 juillet 1980, que l’annulation d’une décision radiant des cadres pour abandon de poste un fonctionnaire stagiaire par le juge ne pouvait avoir pour conséquence sa titularisation, cette question constituant un litige distinct de celui relatif à l’exécution de la décision juridictionnelle annulant cette mesure de radiation (Voir sur ce point, CE du 4 novembre 1996, n° 173691, publié au recueil), et a considéré, plus récemment, sous l’empire des dispositions de l’article L. 911-4 du code de justice administrative, également que l’annulation d’une décision radiant des cadres pour abandon de poste un fonctionnaire stagiaire par le juge n’impliquait pas sa titularisation, mais seulement la réintégration de l‘intéressé en position de stagiaire jusqu’à ce qu’il soit statué sur sa situation (Voir, par exemple, CE du 29 décembre 2014, n° 369300, inédit au recueil).

Ainsi, nous pensons que vous devrez donc enjoindre au ministre en charge de l’éducation nationale de réintégrer M. X. dans le dernier état qui était le sien avant l’intervention de la décision contestée du 6 février 2019, et qui le demeure à la date d’aujourd’hui, soit de membre du corps des personnels de direction d’établissement d’enseignement ou de formation relevant du ministre de l’éducation nationale au grade de personnel de direction de classe normale stagiaire.

En effet, et d’autre part, si en défense, le ministre en charge de l’éducation nationale se prévaut de ce que l’intéressé n’a vocation qu’à être réintégré pour la période comprise entre le 6 février 2019 et le 6 juin 2019, dès lors qu’à cette dernière date M. X. a fait l’objet d’un arrêté portant radiation du corps du corps des professeurs certifiés dans la discipline « mathématiques », pour abandon de poste, à compter de sa notification, cet arrêté étant devenu définitif, faute pour l’intéressé d’avoir formé un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de cet acte dans le délai raisonnable de recours en principe d’un an issu de la jurisprudence du Conseil d’Etat4 du 13 juillet 2016, puisqu’il en a eu connaissance au plus tard le 27 décembre 2019, ayant mentionné cette décision dans un courrier qu’il a établi ce jour, cette circonstance nous parait, en tout état de cause, sans effet sur l’injonction que nous vous invitons à prononcer.

Nous estimons qu’à supposer même que M. X. puisse être regardé comme ayant été définitivement radié des cadres à la date de notification de l’arrêté du 6 juin 2019, produit en défense, portant radiation du corps du corps des professeurs certifiés dans la discipline « mathématiques », pour abandon de poste, ce qui n’est pas certain, en tout état de cause, il devrait être apprécié à notre sens dans la situation particulière que vous avez à connaitre, comme demeurant membre du corps des personnels de direction d’établissement d’enseignement ou de formation relevant du ministre de l’éducation nationale au grade de personnel de direction de classe normale stagiaire, puisque les dispositions de l’article 9 du décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001, si elles prévoient qu’un fonctionnaire nommé dans ce corps est en principe placé en position de détachement dans un tel corps, prévoient néanmoins également que, si l’intéressé n’a pas la qualité de fonctionnaire lorsqu’une décision de refus de titularisation est prise suite à l’accomplissement du stage, il doit être licencié.

Ainsi, dans ces conditions, nous pensons que l’injonction de réintégration que vous prononcerez n’aura pas à être limitée à une certaine période à compter de la date à laquelle la décision du 6 février 2019 est entrée en application.

Un délai de trois mois pour satisfaire à une telle injonction nous paraît raisonnable en l’espèce.

En revanche, nous ne pensons pas que vous ayez à assortir cette injonction d’une astreinte.

Pour mémoire, vous statuerez sur les conclusions présentées au titre des frais du litige, par M. X..

C’est pourquoi, au regard de l’ensemble des circonstances de cette affaire, nous concluons :

- A l’annulation du jugement n° 1906110-1907743 du 2 novembre 2020 du tribunal administratif de Grenoble, de l’arrêté du 6 février 2019 et, par voie de conséquence, de la décision implicite de rejet prise sur recours gracieux (En accueillant les conclusions présentées en ce sens par M. X., et, d’une part, le moyen soulevé par ce dernier, critiquant en cela la position retenue par les premiers juges, tiré de ce que la décision contestée ne pouvait légalement intervenir, dès lors qu’il ne pouvait être apprécié comme ayant rompu de son fait le lien avec le service, puisqu’alors que la mise en demeure, lui ayant été notifiée le 8 janvier 2019, le sommait de rejoindre son poste dans un délai de huit jours, il a adressé le 15 janvier 2019 à l’administration un arrêt de travail portant sur la période du 11 janvier au 9 février 2019, soit avant l’expiration du délai visé par la vise en demeure, cette correspondance ayant été reçue le 18 janvier 2019, alors d’ailleurs qu’il avait précédemment, à plusieurs reprises, indiqué les conditions dans lesquelles il souhaitait reprendre son service, compte tenu de sa situation particulière, mais également d’autre part, le moyen relevé d’office tiré de ce que les décision contestée est entachée d’un défaut de base légale, dès lors qu’aucune disposition légale ne permet au ministre en charge de l'éducation nationale de prononcer une décision d'abandon de poste afin de replacer, comme en l’espèce, un membre du corps des personnels de direction d’établissement d’enseignement ou de formation relevant du ministre de l’éducation nationale dans son corps d’origine).

- A ce qu’il soit enjoint au ministre en charge de l’éducation nationale, de réintégrer M. X. à compter de la date de notification de l’arrêté du 6 février 2019, au sein du corps des personnels de direction d’établissement d’enseignement ou de formation relevant du ministre de l’éducation nationale au grade de personnel de direction de classe normale stagiaire, et ce, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, en application des dispositions de l’article L.  911-1 du code de justice administrative.

Notes

1 L’une d’entre elles ayant été initialement enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris et transmise au tribunal administratif de Grenoble par ordonnance du 22 novembre 2019. Retour au texte

2 Voir ces dispositions, pour mémoire, selon lesquelles : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ». Retour au texte

3 Voir ces dispositions, selon lesquelles : « Les candidats recrutés par concours ou après inscription sur la liste d'aptitude en application des dispositions de l'article 3 ci-dessus sont nommés en qualité de stagiaires. Pour ceux qui ont la qualité de fonctionnaires, ils sont placés en position de détachement dans leur nouveau corps. / Le ministre chargé de l'éducation nationale désigne par arrêté leur académie d'affectation. Ils sont affectés au sein de l'un des établissements mentionnés à l'article L. 421-1 du code de l'éducation pour exercer les fonctions de chef d'établissement ou de chef d'établissement adjoint, par arrêté du recteur d'académie compétent. / Au cours du stage, dont la durée est d'un an, ils reçoivent une formation dont les modalités d'organisation sont fixées par arrêté conjoint du ministre intéressé et du ministre chargé de la fonction publique. / Les stagiaires dont le stage a donné satisfaction sont titularisés, à l'issue de celui-ci, dans le corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation par arrêté du recteur d'académie. La titularisation entraîne de plein droit l'affectation sur le poste dans lequel s'est effectué le stage. / Les stagiaires qui n'ont pas été titularisés peuvent être autorisés, par arrêté du ministre chargé de l'éducation nationale, à effectuer une seconde année de stage. Celle-ci n'entre pas en compte pour l'avancement. A l'issue de cette année et si cette seconde année de stage a donné satisfaction, ils sont titularisés dans les conditions fixées au quatrième alinéa ci-dessus. / Les personnels de direction stagiaires ayant la qualité de fonctionnaire qui n'ont pas été autorisés à effectuer une nouvelle année de stage ou dont la nouvelle année de stage n'a pas été jugée satisfaisante sont, par décision du ministre chargé de l'éducation nationale, réintégrés dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine. Lorsqu'ils n'ont pas la qualité de fonctionnaire, ils sont licenciés. ». Retour au texte

4 Voir, pour mémoire, CE Ass. du 13 juillet 2016, n° 387763, publié au recueil, selon lequel, « 5. Considérant toutefois que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu’en une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable ; qu’en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance ; ». Retour au texte

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