Impossibilité de fonder une assignation à résidence sur une interdiction de retour sur le territoire français dans le cas où l’OQTF n’a pas été exécutée

Lire les commentaires de :

Décision de justice

TA Lyon – N° 2104908 – 02 juillet 2021 – C+

Juridiction : TA Lyon

Numéro de la décision : 2104908

Date de la décision : 02 juillet 2021

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

OQTF, Exécution, Assignation à résidence

Rubriques

Etrangers

Résumé

Le tribunal administratif annule l’arrêté préfectoral portant assignation à résidence d’une ressortissante étrangère pris pour l’exécution d’une interdiction de retour sur le territoire français qui n’a pas pris effet.

Pour prononcer la décision contestée portant assignation à résidence, la préfète s’est fondée sur les dispositions du 2° de l’article L. 731-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui prévoient qu’un étranger peut être assigné à résidence s’il doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 du même code.

Le tribunal estime que pour l'application des dispositions du 2° de l'article L. 731-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l'autorité administrative ne peut adopter une décision portant assignation à résidence, pour l'exécution d'une interdiction de retour, que si cette interdiction de retour a pris effet, c’est-à-dire si l'étranger qui faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire a effectivement quitté celui-ci, avant d'y revenir, de telle sorte qu'il puisse être regardé comme en situation de retour.

En l’espèce, la date de la décision d’assignation à résidence, Mme X. requérante, malgré l’expiration du délai de départ volontaire, n’avait toujours pas exécuté l’obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 23 janvier 2019 et qui datait de plus d’un an. L'interdiction de retour sur le territoire français prise à son encontre n'avait en conséquence pas encore pris effet et ne pouvait dès lors servir de base légale à une mesure d'assignation à résidence.

335-01-04-01, Etrangers, OQTF, OQTF non exécutée, Assignation à résidence, Exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français, L. 731-1 du CESEDA, L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 du CESEDA

Assignation à résidence, éloignement et interdiction de retour : pas de retour vers le futur !

Gustave Barthélémy

étudiant en Master 2 Droit public fondamental à l’Université Jean Moulin Lyon 3

Autres ressources du même auteur

  • IDREF

DOI : 10.35562/alyoda.8487

Confirmant en appel un jugement du tribunal administratif (TA) de Lyon rendu le 2 juillet 2021 (n° 2104908), la cour administrative d’appel a affirmé que la légalité d’une décision préfectorale d’assignation à résidence venant en exécution d’une interdiction de retour est conditionnée à l’éloignement préalable effectif de l’étranger.

La décision de la cour administrative d’appel de Lyon en date du 16 décembre 2021 vient préciser les modalités chronologiques de la combinaison des mesures d’assignation à résidence, d’éloignement et d’interdiction de retour sur le territoire français.

Madame A. est une ressortissante albanaise visée par une obligation de quitter le territoire français (OQTF) prononcée par le préfet de l’Ain le 23 janvier 2019 sur le fondement de l’article L. 511-1 alinéa 6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Constatant qu’elle se trouvait encore sur le sol français six mois plus tard, le préfet de l’Ain décida de prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français assortie d’une mesure d’assignation à résidence, à fin d’exécution, le tout par un même arrêté du 23 juin 2019. Madame A. conteste ces décisions. Par un jugement du 2 juillet 2021 confirmé le 16 décembre 2021 par la CAA, le TA de Lyon a annulé la décision d’assignation à résidence pour défaut de base légale. Ce faisant, le juge administratif lyonnais prohibe le recours à une assignation à résidence intervenue en exécution d’une interdiction de retour alors même que l’étranger visé n’a pas effectivement quitté le territoire français.

En effet, en validant le raisonnement suivi par le juge de première instance, la CAA estime que s’il résulte bien de l’article L. 731-1 alinéa 2 du CESEDA que l’assignation à résidence peut se combiner, à fin d’exécution, avec une interdiction de retour sur le territoire français, un tel dispositif ne saurait avoir force exécutoire tant que n’a pas été mise en exécution l’OQTF. Ainsi le juge lyonnais considère-t-il qu’une décision visant à empêcher le retour d’un étranger ne peut justifier une assignation à résidence dès lors que l’étranger n’est pas encore parti : l’assignation à résidence ne peut être prononcée qu’en cas de situation de retour. Un prérequis qui, selon le moyen soulevé en défense par l’administration préfectorale, porte atteinte à une « règle fondamentale du droit public » (C.E., 2 juill. 1982, n° 25288-25323, Lebon p. 257), c’est-à-dire le caractère exécutoire inhérent aux décisions administratives dès leur entrée en vigueur. En relevant appel du jugement de première instance, le préfet a soutenu que l’interdiction de retour avait été dûment notifiée, qu’elle « était donc exécutoire en vertu du privilège du préalable, quand bien même elle ne produisait pas encore ses effets » et pouvait, en conséquence, servir de base légale à une mesure d’assignation à résidence. Un moyen écarté par le juge, qui fait donc de l’éloignement effectif de l’étranger la condition sine qua non pour que l’interdiction de retour produise ses effets.

Cette solution, également retenue par la CAA de Bordeaux dans une décision rendue le 25 mars dernier (n° 21BX04181), intervient un mois après un arrêt de la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 17 nov. 2021, n° 20-17.139), dans lequel le juge judiciaire prohibe le placement en rétention administrative fondé sur une interdiction de retour tant que la mesure d’éloignement n’est pas exécutée. Elle constitue une nouvelle exception à l’exécution provisionnelle des décisions administratives, proscrivant ainsi les anachronismes et prévenant les potentiels « retours vers le futur » de l’administration préfectorale.

Droits d'auteur

CC BY-NC-SA 4.0