Démolition d'un ralentisseur de type trapézoïdal " plateau surélevé"

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Décision de justice

CAA Lyon, 6ème chambre – N° 20LY00724 – Commune de Saint-Jean-le-Vieux – 11 février 2021 – C

Requête jointe : 20LY02611

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 20LY00724

Numéro Légifrance : CETATEXT000043147403

Date de la décision : 11 février 2021

Code de publication : C

Index

Mots-clés

Dos d'âne, Ouvrage public, Intangibilité

Rubriques

Propriétés publiques, Police administrative, Urbanisme et environnement

Résumé

Le décret n° 094-447 du 27 mai 1994 interdit l’installation de ralentisseurs de type dos d’âne ou de type trapézoïdal sur les voies où le trafic est supérieur à 3 000 véhicules en moyenne journalière annuelle. En conséquence, le tribunal administratif de Lyon, saisi par un automobiliste ayant endommagé son véhicule, a enjoint à une commune de supprimer le ralentisseur de type trapézoïdal qu’elle avait fait installer sur une route où le trafic a été mesuré à plus de 3 000 véhicules en moyenne journalière annuelle. La commune a demandé à la cour administrative d’appel de Lyon l’annulation de ce jugement alors que l’automobiliste en a demandé l’exécution.

Retenant que la commune n’établissait pas, par des comptages sur une période limitée à deux mois, que la moyenne journalière annuelle du trafic sur la route concernée était inférieure à 3 000 véhicules et que la commune s’était bornée à réduire la hauteur du ralentisseur installé sans en modifier la forme trapézoïdale, la cour a confirmé le jugement du tribunal administratif, en accordant un délai supplémentaire à la commune pour son exécution, sans exclure l’éventuelle remplacement de ce ralentisseur de type trapézoïdal par un ralentisseur d’un type  différent comme un ralentisseur de type coussin ou de type plateau tels que décrits dans le « guide des coussins et plateaux », publié en 2010 par le Centre d’Etudes sur les Réseaux, les Transports, l’Urbanisme et les constructions (CERTU), désormais diffusé par le Centre d’Etudes et d’Expertise sur les Risques, l’Environnement, la Mobilité et l’Aménagement (CERAMA).

49-04-01-01, 67-03-01-02-02, Voirie, Aménagement de dispositifs de sécurité, Ralentisseurs, Dos d'âne, Ralentisseur type trapézoïdal, Ralentisseur de type " plateau surélevé ", Hauteur des ralentisseurs de type trapézoïdal, Pente des rampants, Trafic moyen quotidien, Norme AFNOR NF P 98-300 du 16 mai 1994, Implantation irrégulière de l'ouvrage, Démolition d'ouvrage public, L. 131-1 et  L.131-2 du code de la voirie routière, Dos d'âne, Trafic moyen quotidien, Ouvrage public, Intangibilité, Régularisation, Théorie du bilan, Pouvoir d’injonction

Conclusions du rapporteur public

Cécile Cottier

rapporteure publique à la cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.6684

Nous présenterons des conclusions communes pour ces deux requêtes introduites respectivement par la commune de Saint‑Jean‑le‑Vieux et M. X. portant sur un jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 décembre 2019 ayant d’une part enjoint à cette commune de supprimer un ralentisseur trapézoïdal situé sur son territoire au niveau du 468 route de Genève et ayant d’autre part rejeté les conclusions indemnitaires de M. X..

M. X. qui conduisait une Alfa Romeo a été victime le 8 mai 2018, aux alentours de 18h00, d’un accident sur la route départementale 36 dite aussi route de Genève au niveau du numéro 498, dans la commune de St Jean le Vieux, lors du franchissement d’un ralentisseur trapézoïdal d’une hauteur de 18 centimètres. Son carter d’huile a notamment été fendu lors du passage sur le plateau haut de ce ralentisseur.

Estimant que le ralentisseur sur lequel s’est produit son accident a été irrégulièrement implanté eu égard au flux de véhicules circulant sur la RD 36, il a alors saisi la commune de Saint Jean le Vieux d’une demande tendant d’une part à la destruction de ce ralentisseur ainsi que des autres ralentisseurs se trouvant sur cette route et d’autre part à l’indemnisation des dégâts sur son véhicule et de frais d’huissier à hauteur de 2145 euros.

Par courrier du 22 août 2018, la commune de Saint Jean Le Vieux a refusé explicitement d’indemniser M. X. et implicitement de faire supprimer les ralentisseurs sur cette route.

M. X. a saisi le tribunal administratif de Lyon aux fins d’annulation de ce refus de suppression de tels ralentisseurs et de ce refus d’indemnisation.

Par jugement du 17 décembre 2019, le tribunal administratif a refusé de faire droit aux conclusions indemnitaires de M. X. d’un montant de 2145 euros mais a fait droit aux conclusions de M. X. concernant la suppression du ralentisseur situé au niveau du 498 route de Genève en enjoignant à la commune de supprimer le ralentisseur situé en agglomération sur la route départementale 36 au niveau du 498 route de Genève, ce qui implique soit sa destruction pure et simple, soit sa transformation en un autre dispositif conforme à la réglementation.

La commune de St Jean le Vieux fait partiellement appel de ce jugement en tant qu’il lui enjoint via son article 1er une telle suppression de ce ralentisseur.

M. X., en réponse, a réagi en 2 temps :

-1er temps, via une demande d'exécution du jugement et donc de l’article 1er tendant à la suppression de ce ralentisseur. En l’espèce, cette demande d’exécution juridictionnelle du jugement est bien recevable.

-2nd temps via un mémoire du 2 octobre 2020. Dans celui-ci, il conclut d’une part au rejet de cette requête d’appel de la commune et d’autre part il conclut à la réformation du jugement du tribunal administratif en tant que celui-ci a rejeté par son article 3 : le surplus de ses conclusions  à comprendre comme étant ses conclusions indemnitaires.

Vous avez transmis aux parties un moyen d’ordre public tiré de l’irrecevabilité de telles conclusions tendant à la réformation du jugement sur la partie indemnitaire. En effet, M. X. n’ayant pas introduit de conclusions pour contester le rejet de sa demande indemnitaire dans un délai de 2 mois après la notification de ce jugement dont il ressort des pièces du DPI et en l’occurrence de l’accusé réception de la LR qu’elle lui a été faite le 26 décembre 2019, de telles conclusions à les regarder comme des conclusions en appel principal sont tardives. Et ici, vous n’êtes pas dans l’épure des conclusions en appel incident ouvertes sans délai car la commune conteste l’article 1er alors que M. X. conteste l’article 3 et que ces 2 articles traitent de litiges distincts. Voir pour des cas assez proches d’irrecevabilité l’arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes 18NT00198 M. K.(voir aussi 17MA03489; 18BX03220, 18NC002810, 18LT03843 et a contrario 18PA01341) .

Dès lors, nous vous invitons à utiliser ce moyen d’ordre public et à déclarer irrecevables les conclusions de M. X. concernant ce volet indemnitaire.

Regardons maintenant la requête de la commune de St Jean le Vieux tendant à l’annulation de cet article 1er portant injonction de faire supprimer ce ralentisseur au niveau du 498 route de Genève dans un délai de 6 mois et la requête de M. X. à fin d’exécution de ce même article 1er et demandant également la suppression d’un autre ralentisseur sur la même route départementale 36 à quelques centaines de mètres de celui-ci.

La commune de St Jean le Vieux soutient que ce jugement est irrégulier en faisant valoir deux moyens.

Le premier moyen est tiré de la contradiction entre les motifs et le dispositif du jugement. Toutefois, ici ce moyen manque en fait.  En effet dans ses motifs, les premiers juges ont estimé que vu le trafic sur la portion de route en litige, lequel a été estimé supérieur à 3 000 véhicules en moyenne journalière, l’implantation d’un ralentisseur de type trapézoïdal était contraire aux dispositions de l’article 3 de l’annexe au décret du 27 mai 1994 relatif aux caractéristiques et aux conditions de réalisation des ralentisseurs et que donc ce ralentisseur était irrégulièrement implanté. Les premiers juges en ont tiré dans les motifs comme conséquence qu’il y avait lieu d’enjoindre à la commune de faire supprimer ce ralentisseur étant donné que ceci ne portait pas atteinte à l’intérêt général.  En précisant dans le dispositif que dans le cadre de cette injonction, il était loisible à la commune soit de supprimer totalement ce ralentisseur soit de modifier le dispositif de ralentissement de manière à ce qu’il soit conforme à la règlementation sur les voies dont le trafic moyen journalier est supérieur à 3000 véhicules, les premiers juges n’ont ainsi pas entaché de contradiction le dispositif par rapport au motif.

Le second moyen tiré de l’application par les premiers juge d’une norme dépourvue de valeur contraignante est un moyen concernant le bien fondé du jugement et non pas un moyen susceptible d’être admis dans le cadre de l’examen de la régularité du jugement. Il doit donc en ce qui concerne la régularité du jugement être écarté comme inopérant.

Passons maintenant au fond.

Comme vous le savez, la jurisprudence du Conseil d’Etat a évolué et il est désormais possible, après une première démarche restée infructueuse devant l’administration, de demander au juge administratif à ce que soit détruit un ouvrage public irrégulièrement implanté. Le juge administratif doit avoir une démarche en trois temps : premier temps : estimer si l’ouvrage est irrégulièrement implanté, deuxième temps regarder si une régularisation est possible (ceci après avoir vérifié que la régularisation était envisagée et susceptible d'aboutir) et troisième temps dans le cas où cette régularisation n’est pas possible d’apprécier en fonction des circonstances de l’espèce si cette démolition n’entraine pas une atteinte excessive à l’intérêt général. Voir pour le raisonnement à suivre notamment la décision du CE du 29 novembre 2019 n° 0410689 en A mais également la décision du CE du 28 février 2020, n° 0425743 en B précisant la décision précédente. Comme le mentionne le RAPU Guillaume Odinet  sous la décision du CE du 28 février 2020, n° 0425743 en B nous citons : «  la recherche de la possibilité d’une régularisation appropriée ne doit pas être une  recherche théorique ; elle doit être ancrée dans les faits de l’espèce (v. not. 20 mai 2011, Communauté d’agglomération du lac du Bourget, n°s 325552 e. a., Rec. p. 248) . Il ne s’agit pas seulement de rechercher s’il existe un acte administratif qui pourrait mettre fin à  l’irrégularité, mais de déterminer, d’une part, si l’autorité compétente pour l’édicter envisage  sérieusement de le faire et, d’autre part, s’il apparaît qu’elle peut légalement le faire (v., a  contrario, sur ce second point, 29 novembre 2019, n° 0410689, à publier au  Recueil) . Car si vous renoncez alors à enjoindre la démolition de l’ouvrage, sans même procéder à l’examen du bilan de ses inconvénients au regard de son apport à l’utilité publique, c’est que vous retenez que son implantation va, effectivement, devenir régulière.  Vous noterez que, pour ces raisons, si l’examen du caractère régularisable de l’ouvrage public fait pleinement partie de l’office du juge, celui-ci demeure néanmoins très dépendant, pour y procéder, de l’existence d’une argumentation et de la production d’éléments de nature à  établir que la régularisation est possible et va être, ou a été, engagée. Faute d’une telle argumentation, il ne peut le plus souvent que constater qu’il ne résulte pas des éléments qui  lui sont soumis qu’une régularisation appropriée de l’ouvrage serait possible (v. 9 décembre  2011, n° 0333756, T. pp. 847-1186, éclairée par les conclusions du pt.  Boulouis) . »

En ce qui concerne les ralentisseurs irrégulièrement implantés du fait de la méconnaissance des dispositions du décret du 27 mai 1994 (article 3 sur la déclivité règles ayant été édictées par le pouvoir réglementaire afin d’assurer cette sécurité ) une suppression d’un tel ralentisseur a pu être regardée comme ne portant pas une atteinte excessive à l’intérêt général (voir ainsi un arrêt de notre cour N° 013LY01173 Commune de Veyras du 3 octobre 2013) .

M. X. devant les premiers juges tout comme dans le cadre de ses écritures d’appel et dans sa requête à fin d’exécution du jugement a soutenu que ce ralentisseur avait été irrégulièrement implanté sur cette portion de la route départementale dès lors que l’article 3 de l’annexe au décret du 27 mai 1994 relatif aux caractéristiques et aux conditions de réalisation des ralentisseurs interdit les ralentisseurs sur les voies où le trafic de véhicules supérieurs à 3000 par jour. Il se prévalait en première instance de comptages réalisés par le département sur cette voie en 2014 à savoir 7099 véhicules jour. Il demandait donc la suppression du ralentisseur sur lequel s’est produit l’accident en faisant valoir que cet ouvrage public était irrégulièrement implanté.

Les premiers juges après avoir estimé que le flux au niveau du ralentisseur de cette route départementale était bien supérieur à 3000 véhicules par jour a constaté la méconnaissance de l’article 3 de l’annexe au décret du 27 mai 1994 relatif aux caractéristiques et aux conditions de réalisation des ralentisseurs. Ils en ont conclu que cet ouvrage était bien irrégulièrement implanté, que cette implantation ne pouvait pas être régularisée et sont passés au troisième stade du raisonnement à savoir l’atteinte excessive à l’intérêt général et ont estimé que la destruction du ralentisseur sur lequel s’est produit cet accident n’emportait pas une atteinte excessive à l’intérêt général.

Ici, nous pensons que le raisonnement des premiers juges n’est entaché d’aucune erreur sur les faits à savoir un flux supérieur à 3000 véhicules par jour au niveau du ralentisseur en cause. En effet, si la commune mentionne en appel que le trafic est moins élevé au niveau de ce ralentisseur que sur le reste de la route départementale dès lors qu’il y a des voies de sortie et de bifurcations avant ce ralentisseur et que de nouveaux comptages sont en cours, elle ne fournit aucune donnée ne nous semblant être de nature à remettre en cause les éléments départementaux sur les flux de véhicules au niveau du ralentisseur en cause à la date de l’accident. En effet, si la commune se prévaut de nouveaux comptages plus récents effectués à sa demande entre janvier et mars 2020, elle ne remet pas utilement en cause les données de comptage que vous avez au dossier à savoir celles du département de 2014 et de 2019. Or il ressort de telles données qu’au niveau du PR5 de la route départementale, le trafic journalier moyen est de 7099 véhicules en 2014 et de 7116 véhicules en 2019, qu’au niveau du PR1 de cette même route soit à moins de 2 kms du ralentisseur, le trafic était de 4477 véhicules en 2019. Il ressort aussi de la convention de 2017 passée entre la commune et le département sur l’aménagement de dispositifs de sécurité sur cette route départementale à l’intérieur de l’agglomération que la moyenne journalière des véhicules en traversée de St Jean le Vieux est de 7 099 véhicules.

Par suite, les chiffres mentionnés par les comptages départementaux étant largement supérieurs à 3000 véhicules par jour en moyenne sur l’année, il apparaît qu’en application des dispositions de l’article 3 de l’annexe du décret du 27 mai 1994, aucun ralentisseur de type dos d’âne ou trapézoïdal n’était implantable au niveau du lien de l’accident en cause.

Les premiers juges n’ont ainsi pas entaché d’erreur de droit leur analyse concernant l’implantation irrégulière de ce ralentisseur et sur le fait que la commune devait agir pour faire supprimer ce ralentisseur trapézoïdal irrégulier dès lors qu’aucune régularisation n’était possible (et d’ailleurs n’était pas envisagée par la commune) .

La commune vous indique que depuis le jugement, elle a fait procéder à des travaux tendant au rabotage de la hauteur de ce ralentisseur et que le plateau de ce ralentisseur trapézoïdal n’excède pas 10 cm et respecte ainsi la norme NF P 98-300 du 16 mai 1994 tout en vous ayant soutenu par ailleurs que cette norme NF P 98-300 n’était pas obligatoirement applicable.

Toutefois, dès lors qu’aucun ralentisseur de type trapézoïdal ne peut pas être implanté au niveau du lieu de l’accident compte tenu du flux de véhicule supérieur à 3000 véhicules, cet abaissement ne saurait régulariser cette implantation.

Par suite, nous vous invitons à juger d’une part que le tribunal administratif n’a pas commis d’erreur de droit en lui enjoignant de faire supprimer ce ralentisseur irrégulier et d’autre part que la commune n’a pas correctement exécuté ce jugement par ce seul abaissement de ce ralentisseur trapézoïdal, celui-ci devant être supprimé.

Ceci vous amènera à maintenir la mesure d’exécution de suppression du ralentisseur où s’est produit l’accident de M. X. dès lors que le maintien du ralentisseur tel que modifié contrevient toujours à l’article 3 de l’annexe du décret de 1994 lequel a été conçu pour assurer la sécurité des véhicules et que cette suppression ne porte pas une atteinte disproportionnée à l’intérêt général et au contraire va dans le sens de cet intérêt général de sécurisation des routes ayant un fort flux de véhicules tendant à éviter des obstacles dangereux. L’argumentation de la commune sur une volonté d’inciter via un tel ralentisseur à diminuer la vitesse dans un but de sécurité routière ne saurait remettre utilement en cause les règles nationales fixées par ce décret.

Dès lors, la requête de la commune de St Jean Le Vieux tendant à la suppression de l’injonction doit être rejetée.

En ce qui concerne le délai d’exécution de cette suppression, vous pourriez le fixer à 3 ou 4 mois après notification de votre arrêt sans avoir besoin de l’assortir d’une astreinte.

En ce qui concerne la demande d’exécution de M. X., il n’y a pas lieu de l’étendre à d’autres ralentisseurs dès lors que le tribunal administratif n’a retenu que le ralentisseur sur lequel s’est produit son accident comme devant être détruit et qu’une extension à d’autres ralentisseurs porterait sur un litige distinct.

Nous soulignons que dans le cadre de la suppression de ce ralentisseur, la commune de Saint Jean Le Vieux est libre de réfléchir aux dispositions propres à assurer une meilleure sécurisation de cette portion de route sous réserve de respecter les règles fixées par l’Etat sur les voies dont le flux est de plus de 3000 véhicules.

Regardons maintenant les conclusions formulées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, M. X. doit être regardé comme la partie gagnante dans les deux requêtes dès lors que vous maintenez l’injonction du tribunal administratif faute d’exécution correcte par la commune. Nous vous invitons par suite à mettre à la charge de la commune une somme de 2000 euros pour chacune des deux requêtes à verser à M. X. soit 4000 euros au global pour les deux requêtes.

Nous concluons donc au rejet de la requête de la commune de Saint Jean le Vieux, à l’irrecevabilité des conclusions indemnitaires de M. X., au maintien de l’injonction à fin de suppression du ralentisseur existant au niveau du 498 route de Genève, à la mise à la charge de la commune de Saint Jean le Vieux d’une somme de 2000 euros à verser à M. X. pour chacune des deux requêtes et au rejet du surplus des conclusions.

Droits d'auteur

Ces conclusions ne sont pas libres de droits. Leur citation et leur exploitation commerciale éventuelles doivent respecter les règles fixées par le code de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, toute rediffusion, commerciale ou non, est subordonnée à l’accord du rapporteur public qui en est l’auteur.

L’intangibilité de l’ouvrage public au ralenti

Christophe Roux

Professeur de droit public, Directeur de l’EDPL (EA 666) - Université Jean Moulin Lyon 3

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DOI : 10.35562/alyoda.6685

Après avoir écarté la perspective de régularisation de l'implantation de l’ouvrage public, puis dressé un bilan négatif quant à son maintien, la cour administrative d’appel de Lyon a ordonné, dans un délai de quatre mois, la démolition d’un ralentisseur, implanté irrégulièrement sur une voie routière fréquentée, ceci malgré les travaux de rénovation entrepris par la collectivité pour tenter de le mettre en conformité. L’arrêt illustre tout à la fois, sur le fond, le resserrement des critères de l’intangibilité de l’ouvrage public et, sur le plan processuel, le renouvellement de l’office du juge en la matière, depuis son basculement dans le plein contentieux.

Depuis la décision Commune de Clans (CE, Sect., 29 janv. 2003, n° 0245239, Lebon p. 21 : AJDA 2003, p. 784, note P. Sablière ; CJEG 2003, p. 243, concl. Ch. Maugüé ; JCP G , 2003, n° 010118, note G. Noël ; JCP A , 2003, n° 01342, note J. Dufau ; LPA, 21 mai 2003, note J. Bougrab ; LPA 6 juin 2003, p. 20, note J. Charret et S. Deliancourt ; RFDA 2003, p. 477, concl. et note Ch. Lavialle ; GDDAB, Dalloz, 3e éd., 2018, n° 092, p. 877, note F. Melleray), nul n’ignore que l’adage séculaire selon lequel un « ouvrage public mal planté jamais ne se détruit » (dont on fait généralement remonter l’origine à l’arrêt CE, 7 juill. 1853, Robin de la Grimaudière, Lebon p. 693 ; S. 1854, II, p. 213) a été fortement infléchi, l’arrêt de Section du Conseil d’État ayant acté le passage du principe d’intangibilité de l’ouvrage public à celui de « tangibilité mesurée » (Ch. Lavialle, note sur CE sect., 29 janv. 2003, préc.) . Aux termes de ce dernier, et lorsqu’il est saisi de conclusions en ce sens, le juge discute depuis lors de l’éventuelle destruction de l’ouvrage public irrégulièrement implanté (que ce soit à raison de la méconnaissance de formalités procédurales antérieures, de règles urbanistiques ou, encore, à raison de l’empiètement de l’ouvrage sur une propriété privée) au regard de deux éléments. D’une part et en premier lieu, il lui appartient de vérifier si une mesure de régularisation est envisageable ; d’autre part et en second lieu (c’est à dire seulement dans l’hypothèse où le – premier – filet de sauvetage aurait échoué), la destruction de l’ouvrage en cause ne sera accordée que si les inconvénients présentés par son maintien – pour les intérêts publics et privés en cause – l’emportent sur les conséquences qu’entraîneraient sa démolition pour l’intérêt général (eu égard à son affectation – plus ou moins marquée et déterminante – à l’utilité publique ; au regard des coûts de destruction / reconstruction…), celle-ci ne devant pas in fine générer « une attente excessive à l’intérêt général ».

Désormais bien… implantées dans les esprits, ces lignes directrices étaient au cœur de l’arrêt commenté, par lequel la cour administrative d’appel de Lyon avait à juger de la demande d’un requérant accidenté suite à sa collision avec un ralentisseur routier (« dos d’âne ») installé sur la commune de Saint-Jean-le-Vieux (Ain) . Ce dernier entendait demander, d’une part, la réparation du préjudice – carrossé – subi suite à cet accident (chiffré à quelques 2 000 €) et, d’autre part, la suppression du ralentisseur en cause selon lui non conforme aux normes en vigueur. Saisi, le tribunal administratif de Lyon devait lui faire droit (TA Lyon, 17 déc. 2019, n° 01807611), enjoignant alternativement à la commune soit de détruire le ralentisseur en cause, soit d’entreprendre des travaux modificatifs pour lui substituer un autre dispositif conforme à la réglementation. C’est de ce jugement que la cour administrative d’appel lyonnaise avait à connaître. Mettant en œuvre le vade-mecum précité issu de la décision Commune de Clans, elle vient retenir qu’aucune régularisation appropriée n’était susceptible de poindre puis que la démolition de l’ouvrage n’entraîne, en l’espèce, aucune atteinte excessive à l’intérêt général. De facture classique sur cet aspect, l’arrêt commenté vient conforter les lignes-forces de la jurisprudence antérieure, l’exportation (d’un ersatz) de la théorie du « bilan coûts – avantages » (initialement découverte dans le contentieux de l’utilité publique en matière d’expropriation : CE, Ass., 28 mai 1971, « Ville Nouvelle-Est », n° 078825, Lebon p. 409, concl. G. Braibant ; GAJA, Dalloz, 22e éd., 2019, n° 079, p. 544) en la matière développant globalement les mêmes bienfaits et limites (Pour quelques bilans décennales, v. P. Wachsmann, « Un bilan du bilan en matière d'expropriation. La jurisprudence Ville Nouvelle Est, trente ans après », in Mélanges J. Waline : Dalloz, 2002, p. 733 ; Dr. voirie, 2011, dossier, n° 0157, p. 168 et s. ; Ch. Otero, « Du contrôle de l'utilité publique en matière d'expropriation : 50 ans de l'arrêt Ville Nouvelle Est » : Dr. voirie, 2021, n° 0220, p. 108 ; D. Labetoulle, « La jurisprudence Ville Nouvelle Est, cinquante ans après », RFDA , 2021, p. 299 ; Ch. Roux : « Théorie du bilan : 50 ans à l’est d’Éden », Dr. adm., 2021, focus, alerte 97) qu’ailleurs (I) . L’arrêt n’en mérite pas moins une attention particulière, en venant illustrer des avancées décisives entérinées par la jurisprudence récente, tout en marquant les liaisons – contestables – de plus en plus intenses entre l’exercice du pouvoir d’injonction, la responsabilité de la puissance publique et la réparation des victimes d’un dommage de travaux publics (entendu ici lato sensu comme englobant les dommages liés à la présence d’un ouvrage public), l’office du « juge de la démolition de l’ouvrage public » ayant profondément évolué (II) .

     I-   L’application classique de la méthodologie issue de l’arrêt Commune de Clans

Cet aspect-là de la décision ne retiendra que furtivement l’attention à première vue, tant il est vrai que la solution, autant que le fil d’Ariane déroulé pour y parvenir, s’ancrent dans un classicisme certain. Elle n’en est pas moins révélatrice de tendances plus contemporaines tenant, notamment, à l’appréhension renouvelée de la condition – primaire et première – de régularisation de l’ouvrage public (irrégulier) . Découverte initialement par le Tribunal des conflits (6 mai 2002, Binet c/ EDF, n° 03287, Lebon p. 544 ; AJDA, 2002, p. 1229, note P. Sablière ; CJEG, 2002, p. 646, note B. Genevois ; JCP G , 2002, II, 10170, concl. J. Duplat ; RFDA , 2002, p. 1009), cette condition devait en effet être reprise un an plus tard par le Conseil d’État dans son arrêt de principe, offrant dès lors un premier sursis à la tangibilité de l’ouvrage public.

En pratique, celle-ci est recherchée différemment selon les hypothèses. Si l’irrégularité de l’ouvrage réside dans le fait qu’il empiète sur une propriété privée, seule la survenance d’un accord amiable avec les propriétaires lésés, l’établissement d’une servitude conventionnelle ou, encore et surtout, la mise en œuvre d’une procédure d’expropriation, semblent en mesure d’y satisfaire. Le juge se montrait cependant parfois bien lâche dans son appréciation, s’autorisant à valider la (perspective de) régularisation dès lors que celle-ci apparaissait au moins théoriquement possible (V. par ex. CAA Marseille, 15 oct. 2018, n° 016MA04387 ; CAA Nancy, 19 juill. 2018, n° 017NC01858 ; CAA Nancy, 8 mars 2018, n° 016NC01629) . Depuis l’important arrêt Hamdi (CE, 28 févr. 2020, M.X. c/ ERDF, n° 0425743, Lebon T. p. 936 : Dr. adm. 2020, comm. 30, note G. Eveillard ; JCP N 2020, act. 281, note J.-Fr. Giacuzzo ; RDI, 2020, p. 261, note P. Soler-Couteaux ; ibid. p. 296, note R. Hostiou ; RFDA , 2020, p. 1043, note N. Sudres), le Conseil d’État est venu mailler plus fermement ce premier filet de sauvetage : il juge que le maître d’ouvrage ne saurait s’abriter derrière la simple possibilité – hypothétique, et au fond toujours envisageable ou presque – de recourir à une expropriation future ; encore faudra-t-il que cette faculté soit suffisamment plausible, ce qui exigera d’une part, formellement, qu’un commencement d’exécution ait eu lieu et, sur le fond, que l’utilité publique de l’expropriation envisagée laisse apparaître un (vrai… mais sommaire) bilan positif ; la jurisprudence récente donne déjà des gages de cette approche plus restrictive (V. récemment, CAA Nancy, 16 mars 2021, n° 020NC00531, Mme C. c/ Sté ERDF ; CAA Douai, 2 mars 2021, n° 019DA01861, Synd. des copropriétaires de la résidence Carré Cézanne ; CAA Versailles, 12 nov. 2020, n° 017VE03741, M. E. c/ Sté ERDF ; CAA Marseille, 3 nov. 2020, n° 020MA01852, Mme. D. c/ Cne Montpezat) . Quoi qu’il en soit, une telle voie de contournement apparaissait impossible dans la présente hypothèse, le ralentisseur irrégulier étant établi sur la voie publique, laquelle fait partie du domaine public (CGPP, art. L. 2111-14 ; C. voir. Routière, art. L. 111-1), rendant l’expropriation par essence impossible : CE, 21 nov. 1884, Conseil de fabrique de l'église Saint Nicolas des Champs, Lebon p. 803) . Si l’irrégularité de l’ouvrage réside dans une autre cause, tout dépendra de la nature externe ou interne du vice : dans la première hypothèse (généralement, une méconnaissance procédurale), la délivrance d’un permis modificatif développera souvent ses bons offices (Par ex. v. CAA Lyon, 6 juill. 2006, SCI Plein sud, n° 003LY01742, Lebon T. p. 1030 ; AJDA, 2006, p. 2139 ; Constr.-Urb., 2007, comm. 22, note Rousseau ; Dr. adm. 2006, comm. 178) ; dans la seconde (illégalité « de fond » tenant à la méconnaissance de règles urbanistiques, environnementales ou sécuritaires), et quoiqu’elle ne soit pas totalement exclue en théorie (V. J. Petit et G. Eveillard, Ouvrage public – Régime, J.-Cl. Propriétés publiques, fasc. 9, 2019, § 94 et s.), la régularisation paraît beaucoup plus délicate, conduisant généralement le juge à l’écarter (V. par ex. CE, 20 mai 2011, Cté d’agglomération du lac du Bourget, n° 0325552, Lebon p. 248 ; AJDA, 2011, p. 1891, note G. Eveillard ; BJCL, 2011, p. 484, concl. M. Guyomar ; Dr. adm., 2011, comm. 80, note Ch. Roux ; JCP A , 2011, 2297, note F. Dunyach et M. Izembard) . Tel fut le cas en l’espèce où le ralentisseur installé, de type trapézoïdal, méconnaissait l’article 3 de l’annexe du décret 27 mai 1994 relatif aux caractéristiques et aux conditions de réalisation des ralentisseurs (D. n° 094-447, 27 mai 1994, JO, 4 juin 1994, n° 0128) . De ce dernier, il ressort en effet que ces dispositifs de sécurité – dont la taille maximale est également précisée – ne peuvent être installés sur des voies dont le trafic est supérieur à 3 000 véhicules en moyenne journalière annuelle ; or, dans cette affaire, il apparaissait d’abord que le ralentisseur excédait les mesures (hauteurs, longueurs…) autorisées par les textes ; en outre et surtout, il ressortait de l’expertise que la voie accueillant le ralentisseur litigieux excédait globalement le double de la moyenne tolérée. Partant, et conformément à l’appréciation des juges de première instance, la cour vient écarter la perspective de régularisation. Le tribunal administratif n’en avait pas moins (imprudemment ?) ouvert une alternative dans son injonction, estimant que la régularisation pouvait potentiellement (in abstracto ?) être recherchée par la transformation de l’ouvrage en un autre dispositif de sécurité (régulier) ; peut-être incitée en ce sens, la commune avait alors entrepris quelques travaux de manière à ce que le ralentisseur soit conforme aux seuils (de hauteur) prévus. La cour n’en a pas moins logiquement annihilé l’effort : si l’ouvrage répondait effectivement désormais aux mensurations en vigueur, il n’en restait pas moins irrégulier per se, lors même qu’il demeurait implanté sur une voie qui ne peut pas en accueillir à raison de la densité du trafic automobile.

L’ultime planche de salut pour la collectivité résidait alors dans la pesée des avantages et inconvénients tenant à la destruction éventuelle de l’ouvrage irrégulier. C’est ici sans ménagement – et aux termes d’une motivation (trop) succincte – que le juge d’appel va là encore confirmer le jugement de première instance, considérant que si l’ouvrage litigieux poursuit une finalité d’intérêt public (la sécurité routière), « cette circonstance n'est pas de nature à faire regarder sa démolition comme entraînant une atteinte excessive à l'intérêt général dès lors que ce ralentisseur ne respecte pas les règles d'implantation fixées par le décret du 27 mai 1994 et édictées en vue précisément d'assurer la sécurité des usagers de la voie publique ». En clair, l’ouvrage doit être détruit car il manque précisément à la finalité qu’il entendait poursuivre, faute de conformité à la réglementation en cause. Quoique l’on pourra trouver le lien de cause à effets, autant que la formule, un peu trop implacables pour être pleinement convaincants, la solution n’étonnera guère, sauf à regretter que l’attention portée à cet enjeu sociétal (la sécurité routière) vacille un peu. Juge de paix dans bon nombre de cas, l’intérêt financier de l’Administration conduit en effet fréquemment le juge à ordonner la démolition de l’ouvrage lorsque le coût de l’opération (de destruction mais aussi de reconstruction le cas échéant) est de faible ampleur (V. par ex., récemment CAA Nancy, 16 mars 2021, n° 020NC00531 ; CAA Douai, 2 mars 2021, n° 019DA01861 ; CAA Versailles, 12 nov. 2020, n° 017VE03741) ; la jurisprudence se montre beaucoup plus compréhensive dans le cas contraire, ceci rejoignant des constats déjà dressés dans le contentieux de l’utilité publique (où il est rare que le coût excessif de l’opération mène à la censure, sauf cas particuliers : CE, Sect., 28 mars 1997, Assoc. contre le projet autoroute transchablaisienne et a., n° 0170856, Lebon p. 121 ; AJDA, 1997, p. 545, note Ph. Chrestia ; RDP, 1997, p. 1433, note J. Waline ; RFDA , 1997, p. 739, concl. M. Denis-Linton) . Passé sous silence ici, l’on s’autorisera à penser que l’élément a également contribué à la solution, le coût lié à la destruction du ralentisseur (et l’éventuelle reconstruction d’un autre) n’apparaissant pas dirimant.

     II-   L’illustration du renouvellement de l’office du juge de la démolition de l’ouvrage public

Si le lecteur pourra – légitimement – penser à première vue que la légère surélévation d’un ralentisseur routier témoigne d’une hauteur de vue (juridiquement) toute relative, il ne faudrait pas en conclure au défaut de relief du présent arrêt : celui-ci donne à voir en réalité la plénitude du renouvellement de l’office du juge, lorsque ce dernier est saisi d’une demande tendant à la démolition d’un ouvrage public.

Il témoigne, en premier lieu, du passage de ce type de litiges dans le plein contentieux : depuis l’arrêt Pinault du 29 novembre 2019 (CE, 29 nov. 2019, n° 0410689, Lebon T. p. 906 ; AJDA 2020, p. 313 et BJDU 2020-2, p. 136, concl. G. Odinet ; AJDA, 2019, p. 2463, note E. Maupin ; Dr. adm., 2020, comm. 14, note G. Eveillard ; JCP A , 2020, n° 02086, note R. Reneau ; RDI, 2020, p. 183, note N. Foulquier), il est en effet estimé que l’ensemble du contentieux afférent en relève là où, autrefois, celui-ci demeurait écartelé entre le juge de l’excès de pouvoir (lorsqu’étaient contestés soit la légalité des actes autorisant l’installation de l’ouvrage, soit, comme en l’espèce, le refus du maître d’ouvrage de porter atteinte à son intégrité) et le juge de plein contentieux (lorsque le refus était assorti d’injonctions en vue de démolir l’ouvrage et/ou d’une demande de dommages et intérêts du fait du préjudice subi) . Désormais, s’il faudra toujours obtenir une décision préalable pour saisir le juge (D. n° 02016-1480, 2 nov. 2016, portant modification du code de justice administrative, JO, 4 nov. 2016, n° 0257), la demande de démolition de l’ouvrage devient l’objet du litige, l’accessoire supplantant le principal. L’évolution n’a rien de cosmétique. Elle offre d’abord une issue de secours au requérant distrait, si ce dernier avait oublié d’assortir sa contestation d’une demande d’injonction visant à la destruction de l’ouvrage. Elle offre, surtout, les coudées franches au juge du plein contentieux, dont l’office semble bien mieux se prêter au contentieux en cause, la méthodologie issue de la jurisprudence Commune de Clans s’accommodant plus favorablement (pour apprécier la condition de régularisation mais aussi la pesée des avantages et inconvénients liés à la destruction éventuelle de l’ouvrage) d’un juge se plaçant à la date à laquelle il statue.

En deuxième lieu, cette unification du contentieux a offert la possibilité de tresser un pont autant qu’un nouvel équilibre entre, d’une part, les prétentions liées à la destruction de l’ouvrage public irrégulier et, d’autre part, les prétentions indemnitaires liées au (x) dommage (s) généré (s) par la présence de cet ouvrage, l’ensemble relevant désormais du plein contentieux comme l’a entériné l’arrêt Syndicat des copropriétaires du Monte Carlo Hill (CE, Sect., 6 déc. 2019, n° 0417167, Lebon p. 445 : Dr adm. 2020, comm. 16, note G. Eveillard ; RFDA 2020, p. 121, concl. G. Pellissier ; Dr. voir. 2020, n° 0212, note Ch. Mondou ; Gaz. Pal. 4 févr. 2020, n° 0369, p. 25, note Th. Leleu ; RFDA , 2020, p. 333, étude J. Petit) . Tel était, rappelons-le, le cas en l’espèce, le requérant demandant au surplus réparation du préjudice subi suite à sa collision avec le ralentisseur. Cet équilibre est aujourd’hui tout entier soutenu par l’exercice du pouvoir d’injonction (V. P. Parinet-Hodimont, « Injonction et réparation », RFDA , 2020, p. 107 ; J. Petit, « La réparation en nature du préjudice dans le droit administratif de la responsabilité non contractuelle. À propos de Conseil d'État, section, 6 décembre 2019, Syndicat des copropriétaires du Monte-Carlo Hill », RFDA , 2020, p. 333. V. aussi, de façon prémonitoire, H. Belrhali, « Responsabilité administrative et protection des droits fondamentaux », AJDA, 2009, p. 1337) que le Conseil d’État fait reposer sur l’office « naturel » du juge de la réparation (CE, Sect., 6 déc. 2019, n° 0417167, préc) . Il en résulte, entre autres, que celui-ci peut désormais, alternativement – mais aussi, sans doute, cumulativement – accorder cette réparation « en nature » ou « en espèce » : elle se traduira dans le premier cas, classiquement, par le versement de dommages et intérêts ; dans le second, elle pourra résider dans la réalisation de mesures visant à mettre fin au préjudice (destruction des travaux et ouvrage réalisés ou, au contraire, injonction visant à réaliser de travaux supplémentaires pour faire cesser le préjudice…) . Manifestant le souci (juridictionnel) renforcé visant à assurer l’effectivité des droits et libertés mis en cause (l’idée étant de mettre fin au plus vite au préjudice), l’alternative n’en a pas moins été critiquée : si elle met fin au préjudice futur, il n’est nullement certain qu’elle vienne (effectivement ?) combler le celui antérieurement subi. De la lecture du présent arrêt, il ne faudrait certes nullement conclure au fait que la cour administrative d’appel de Lyon ait privilégié par principe la réparation « en nature », en enjoignant « seulement » la collectivité publique à démolir l’ouvrage litigieux ; ici, le requérant d’espèce n’avait tout simplement pas relevé appel dans les délais impartis du jugement attaqué, en tant que ce dernier rejetait ses conclusions à fin d’indemnisation (le lien de causalité n’étant pas établi : faute de preuve, il avait été, semble-t-il, présumé que l’accident – ce qui n’est pas improbable – était dû à la vitesse excessive du conducteur… La circonstance ne manque pas d’ironie compte tenu de la suppression demandée – et obtenue – du ralentisseur) . Partant, elle vient logiquement écarter ces conclusions indemnitaires. Malgré tout, et dans ce paradoxe, la solution laisse à voir combien un litige initialement cristallisé dans le cadre de la responsabilité semble se mouvoir désormais dans celui – c’est autre chose – de la réparation.

Utilisant son pouvoir d’injonction, la cour vient in fine prescrire les mêmes mesures que celles ordonnées précédemment par le tribunal administratif de Lyon, la collectivité devant soit détruire l’ouvrage, soit lui substituer un autre dispositif de sécurité conforme, le juge laissant donc aux pouvoirs locaux le choix des moyens. Le tout dans un nouveau délai de 4 mois sans astreinte. Autant dire une manifestation de plus que la théorie du bilan, qu’elle soit actionnée dans le cadre de l’excès de pouvoir ou du plein contentieux, continue d’être instrumentalisée et finalisée « avec tact et mesure » (G. Braibant, concl. sur CE, Ass., 28 mai 1971, préc.) comme l’appelait de ses vœux son premier promoteur.

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