Conséquences de l’absence d’option pour l’IS après réunion de toutes les parts d’une SARL entre les mêmes mains

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Décision de justice

TA Grenoble – N° 1806784 – M. X. – 26 novembre 2020 – C

Juridiction : TA Grenoble

Numéro de la décision : 1806784

Date de la décision : 26 novembre 2020

Code de publication : C

Index

Mots-clés

Impôt sur le revenu, Option pour l’IS

Rubriques

Fiscalité

Résumé

L’absence d’option pour l’IS après réunion de toutes les parts d’une SARL entre les mêmes mains ne permet pas de considérer cette SARL comme soumise à l’impôt sur les sociétés, mais en cas d’apparences contraires. L’arrêt du CE 9ème chambre, 12 juin 2020 n° 426067, min. c/ Sté Cofratex paru à la revue RJF août/septembre  2020 donne une pleine portée à l’absence d’option pour l’impôt sur les sociétés, après réunion de toutes les parts d’une SARL entre les mêmes mains, mais sans examiner la possible application de la théorie des apparences, qui n’était pas été régulièrement soulevée en cassation.

19-04-01-04-01, 19-04-02-03-01, Contributions et taxes, Impôts sur les revenus et bénéfices, Option pour l'IS, Article 108 du code général des impôts, Article 206 du code général des impôts, Article 239 du code général des impôts, Marchand de biens, Théorie de l'apparence

Conclusions du rapporteur public

Paul Journé

rapporteur public au tribunal administratif de Grenoble

DOI : 10.35562/alyoda.6679

M.X., gérant et unique associé de la société à responsabilité limitée SARL Avimmo, marchand de biens, a été assujetti, à l’issue d’une vérification de comptabilité de cette société, à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l’année 2014.

Il soutient à titre principal que cette société n’étant pas soumise à l’impôt sur les sociétés, le paiement qu’elle a effectué à son profit le 28 août 2014 ne peut être considéré comme un revenu distribué au sens de l’article 111 du code général des impôts

Les faits sont les suivants :

La SARL Avimmo a été créée en 1998 sous la forme d’un SARL avec deux associés, M. et la SARL Segbati, cette dernière étant également gérée par M. ; la SARL Segbati détenait 95 parts sociales, et M. détenait les 5 parts restantes et la SARL Avimmo était alors soumise à l’IS. Le 30 juin 2004, la SARL Segbati a cédé l’ensemble de ses parts sociales à M.X., qui est devenu l’unique associé et gérant de la SARL Avimmo.

Or, selon un récent arrêt du conseil d’Etat (CE 9e ch. 12 juin 2020 n° 0426067, min. c/ société Cofratex), si à la suite de la réunion de toutes les parts d’une SARL entre les mains d’un associé unique, même si société a continué à souscrire des déclarations d’impôt sur les sociétés, elle ne peut être regardée, au vu de cette circonstance, comme ayant valablement exercé l’option prévue par l’article 239 du CGI en faveur de son assujettissement à l’IS dès lors qu’il n’est pas soutenu que la société avait modifié ses statuts dans le sens de cet assujettissement.

Cela règle est donc à priori en faveur de l’argumentation du requérant qui se trouve dans un cas très similaire.

Mais, à bien lire le dernier considérant de cet arrêt, l’administration fiscale n’a fait valoir la théorie de l’apparence qu’en cassation et son moyen a été retenu comme inopérant par le conseil d’Etat.

Faisons un rapide rappel de cette théorie.

Comme le note en défense l’administration qui en fait état devant vous, la théorie de l'apparence lui permet notamment d'établir l'impôt en se fondant sur la situation dont le contribuable s'est prévalu dans ses déclarations fiscales sans que celui-ci puisse soutenir utilement qu'elle est différente de la situation réelle (CE 20 février 1974 n° 083270 plén,, : 1974 p. 201 ; CE 29 janvier 2003 n° 0233373, 8e et 3e s.-s., SNC Cidal : RJF 4/03 n° 0474, concl. G. Bachelier BDCF 4/03 n° 053) .

Et, à lire les conclusions de Mme Escaut sous l’arrêt CE, N° 0358356, 12 février 2014, est aussi fait application de cette théorie au cas où un contribuable a laissé subsister des apparences qui ne correspondaient plus à la réalité faute d’avoir fait procéder aux mesures de publicité obligatoires et faute d’en avoir informé l’administration fiscale : CE 31 mai 1978, n° 007980, à la RJF 9/78 n° 0370 pour une société dont la dissolution n’avait pas été publiée, ou CE 11 avril 2001, n° 0198277, à la RJF 7/01 n° 0971, pour l’immatriculation d’un fonds de commerce sous le nom d’une société de fait.

Cette théorie ne s’applique pas lorsque la situation du contribuable ressort d’actes régulièrement publiés : voyez CE, 8 mars 2004, n° 0248094, paru à la RJF 6/04 n° 0621, arrêt selon lequel un contribuable est toujours recevable à se prévaloir devant le juge de l'impôt de sa situation matrimoniale, telle qu'elle ressort des actes d’état civil publiés, alors même qu'il a établi sa situation fiscale sur le fondement d'une situation matrimoniale différente.

Et Mme Escaut d’en conclure : l’administration ne peut opposer au contribuable l’apparence qu’il a entretenue que si deux conditions sont réunies : la situation réelle est occulte pour les tiers et elle n’a pas été portée à la connaissance de l’administration.

Dans la présente espèce, rien n’indique qu’il y ait eu publication du changement de statut en EURL puisque aucune déclaration M2 au centre de formalité des entreprises n’a été faite ; il n’y a pas non plus de demande de mettre fin au régime de l’IS : c’est même l’inverse car, à lire le mémoire en défense, la société a continué à faire des déclarations d’IS ; l’absence de distribution (spécifique au statut IS) était en outre mentionnée dans les PV annuels d’assemblée générale. Quant à l'enregistrement de la cession par le service des droits d'enregistrement dont se prévaut le requérant, il nous semble qu’il ne permet pas à l'administration fiscale de deviner que toutes les actions sont désormais dans la même main car, dans l’acte liquidant les droits d'enregistrement, produit à l’instance, rien n'indique la répartition du capital après la vente. Il n’est en outre pas sûr qu’un tel enregistrement puisse valoir publication au sens de l’arrêt n° 07980 précité.

Les conditions de l’application de la théorie des apparences semblent donc réunies et nous vous proposons d’écarter le moyen. (… ).

Aussi, par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête.

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