Estimant que la commune refusait ainsi d’appliquer la loi, le PREFET DU PUY DE DOME a déféré cette délibération au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand : il relève appel du jugement en date du 21 avril 2009, par lequel les premiers juges ont rejeté sa demande d’annulation au motif que ladite délibération ne présente aucun caractère décisoire et constitue, non un acte faisant grief, mais un vœu insusceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge de l’excès de pouvoir.
Outre l’annulation du jugement et de la délibération litigieuse, le PREFET DU PUY DE DOME vous demande également d’enjoindre à la commune de Beaumont de prendre les mesures nécessaires pour appliquer la loi du 20 août 2008.
La commune signale presque incidemment que le préfet a interjeté appel du jugement à l’expiration du délai de recours contentieux : le courrier de notification avec accusé réception a été reçu en préfecture du Puy-de-Dôme le 23 avril 2009 ; la requête d’appel enregistrée par télécopie le 22 juin et régularisée le 23 juin n’est pas tardive.
En appel, le PREFET DU PUY DE DOME conteste la nature de la délibération litigieuse et son caractère de « simple vœu », en faisant valoir que, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, le conseil municipal de Beaumont a, par cette délibération, expressément refusé la mise en place du service minimum d’accueil. Le préfet fait valoir les motifs de cette délibération et soutient que l’abstention de prendre les mesures imposées par la loi, à savoir la constitution d’une liste de personnes susceptibles d’assurer le service d’accueil des élèves et sa transmission à l’autorité académique, confirme le caractère décisoire de la délibération.
Par le motif retenu pour rejeter le déféré préfectoral, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait, certes, application de la jurisprudence du Conseil d’Etat (voir l’arrêt de Section du 29 décembre 1997 n° 0157623 « SARL Enlem »), mais ce faisant, les premiers juges ont du qualifier la délibération du conseil municipal de Beaumont. Les termes employés dans l’acte en cause sont en effet déterminants (voir au sujet d’une lettre, CE 8 décembre 1982 n° 033596 « Commune de Dompierre-sur-Desbre ») .
Ainsi qu’il a été dit, par la délibération du 22 octobre 2008, le conseil municipal de Beaumont approuve une motion : cette approbation, à la majorité de 28 voix, est – au sens strict du terme – la seule décision contenue dans cette délibération, qui ne comporte qu’un seul article. Cette unique décision formelle est précédée, dans le texte de la délibération litigieuse, de la motion approuvée, intégralement reprise.
Après un bref rappel du cadre légal, la motion comporte six paragraphes, dont les cinq premiers relèvent incontestablement d’une prise de position, le conseil municipal exprimant les raisons de son opposition à la mise en place d’un service minimum d’accueil : mission imposée aux collectivités sans leur donner les moyens pour l’assurer ; substitution d’un temps d’accueil au temps scolaire d’enseignement ; droit de grève détourné ; critique des modalités pratiques ….
Le dernier paragraphe est quant à lui ainsi rédigé : « pour toutes ces raisons, le conseil municipal (…) constate la quasi impossibilité de mettre en œuvre ce dispositif et demande que cette loi soit supprimée ».
Le conseil municipal de Beaumont a émis le vœu que la loi du 20 août 2008 soit supprimée, mais, compte tenu de l’ensemble des motifs de la motion, il a également décidé – selon nous – de ne pas mettre en œuvre le dispositif prévu par cette loi. La « quasi impossibilité de le mettre en œuvre» invoquée pour demander la suppression de la loi résulte des autres motifs, des cinq paragraphes de la motion, qui formulent sans ambiguïté l’objection de principe de la commune de Beaumont à cette mise en œuvre.
La Cour administrative de Douai a eu à connaître d’une affaire similaire et a écarté, nonobstant l’intitulé de la délibération en cause et son contenu, l’argumentation de la commune concernée soutenant que l’acte présentait le caractère d’un simple vœu ; le juge de Douai a pu, certes, s’appuyer sur un premier alinéa de la délibération formulant expressément le refus de la municipalité d’appliquer localement le service minimum d’accueil, mais il a surtout relevé que ladite délibération comportait une décision de principe de ne pas mettre en œuvre le dispositif prévu par la loi (voir l’ordonnance du 6 février 2009 n° 009DA00056 « Commune de Gonfreville L’Orcher ») .
Il est évident pour nous que le conseil municipal de Beaumont a adopté une telle décision de principe. Par un courrier du 17 novembre 2008, le maire a d’ailleurs informé les parents d’élèves, en se référant expressément à la délibération du 22 octobre 2008, de ce que la commune avait pris la décision de ne pas assurer la garde des enfants, lors de la journée de grève prévue le 20 novembre suivant.
Pour adopter la solution contraire à celle que nous vous proposons de retenir, les premiers juges se sont fondés sur les dispositions de l’article L.2121-29 du code général des collectivités locales, aux termes desquelles : « Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune (…) Le conseil municipal émet des vœux sur tous les objets d’intérêt local. ».
Le Conseil d’Etat a eu récemment l’occasion de se prononcer sur les dispositions similaires de l’article L.3211-1 du même code relatives aux délibérations du conseil général (CE 30 décembre 2009 n° 0308514 « Département du Gers ») : s’agissant d’une délibération par laquelle le conseil général du Gers exprimait son opposition aux essais et cultures en plein champ de plantes génétiquement modifiées sur le territoire départemental et émettait le souhait que, dans les communes intéressées, les maires fassent usage de leurs pouvoirs de police pour interdire de tels essais et cultures, le Conseil d’Etat a jugé que, sur le fondement des dispositions du code général des collectivités territoriales, « il est loisible aux conseils généraux de prendre des délibérations qui se bornent à des vœux, des prises de position ou des déclarations d’intention [et qui] peuvent porter sur des objets à caractère politique ».
La délibération du conseil municipal de Beaumont peut sembler correspondre à cette définition, à détail un près cependant : elle ne se « borne » précisément pas à la formulation d’un vœu. Une différence notable est d’ailleurs à relever entre les deux espèces : dans l’affaire soumise au Conseil d’Etat, le conseil général du Gers s’exprimait, et c’était l’une des questions soumises au juge, sur un objet ne relevant pas de ses attributions, de sorte qu’il en appelait aux communes à prendre en compte dans l’exercice de leurs compétences les souhaits exprimés. Dans l’affaire qui vous est soumise par le PREFET DU PUY-DE-DOME, le dispositif législatif contesté par la commune de Beaumont porte bien sur des missions qui lui sont confiées, nonobstant la répartition des attributions entre le conseil municipal et le maire, et c’est bien l’exercice à de cette nouvelle mission imposée que le conseil municipal oppose un refus de principe par la délibération du 22 octobre 2008.
Il est enfin intéressant de relever que dans son arrêt, le Conseil d’Etat admet la recevabilité du déféré préfectoral en considérant, contrairement au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, que si un simple vœu est insusceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir même en raison de prétendus vices propres, à moins qu’il en soit disposé autrement par la loi, cette dernière exception est précisément satisfaite lorsque, sur le fondement de l’article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales, le préfet défère au tribunal administratif les actes qu’il estime contraire à l’ordre public ou à la légalité.
Nous vous proposons donc de faire droit à l’argumentation du PREFET DU PUY-DE-DOME et de considérer que c’est à tort que les premiers juges ont considéré que la délibération du conseil municipal de Beaumont en date du 22 octobre 2008 ne présentait aucun caractère décisoire et constituait, non un acte faisant grief, mais un simple vœu.
Si vous nous suivez, vous annulerez le jugement attaqué et vous aurez à vous prononcer, par voie d’évocation, sur l’unique moyen du déféré.
Le PREFET DU PUY-DE-DOME soutient que la délibération litigieuse méconnaît les dispositions des articles L.133-3, L.133-4 et L.133-7 du code de l’éducation, issues de la loi du 20 août 2008, à défaut pour la commune de Beaumont d’avoir produit une liste de personnes susceptibles d’assurer l’accueil des enfants et par son attitude d’obstruction passive, consistant à ne faire aucun effort pour respecter la loi.
Il ne fait aucun doute que la commune de Beaumont, en refusant de prendre les mesures que lui imposait le dispositif législatif, ce qu’elle ne conteste pas, a méconnu la loi. Elle ne peut utilement invoquer les difficultés de mise en œuvre du service minimum d’accueil, dès lors que son refus est un refus de principe et que lesdites difficultés n’étaient pas mises en avant et de façon concrète pour justifier la délibération du 22 octobre 2008.
L’échec de l’appel au volontariat parmi les personnels communaux est postérieur à ladite délibération et est donc, en tout état de cause, sans incidence sur sa légalité. De même qu’est sans incidence, à la supposer établie, la circonstance que le dispositif législatif ne serait pas de nature à garantir un accueil des enfants dans des conditions de sécurité, cette circonstance étant, le cas échéant, seulement susceptible d’atténuer la responsabilité de la commune en cas de problème.
Vous annulerez donc la délibération du conseil municipal de Beaumont en date du 22 octobre 2008.
Il reste à examiner les conclusions aux fins d’injonction présentées par le PREFET DU PUY-DE-DOME : vous pourrez y faire droit sur le fondement des dispositions des articles L.133-3 à L.133-12 du code de l’éducation.
Par ces Motifs, Nous concluons :
- à l’annulation du jugement de Clermont-Ferrand en date du 24 avril 2009 ;
- à l’annulation de la délibération du conseil municipal de Beaumont du 22 octobre 2008 ;
- à ce qu’il soit enjoint à la commune de Beaumont de prendre, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de votre arrêt, l’ensemble des mesures nécessaires à l’organisation du service minimum d’accueil des enfants scolarisés dans une école maternelle ou élémentaire, en cas de grève du personnel enseignant.