La SARL Olcay Construction a son siège à Villeurbanne (69). Elle intervient dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. A l’issue de la vérification de comptabilité qui a porté sur la période allant du 1er avril 2012 au 31 mars 2015 cette société s’est vue infliger, pour chacun des quatre exercices concernés, l’amende prévue à l’article 1729 D du CGI, pour défaut de présentation des fichiers des écritures comptables sous format dématérialisé, obligation prévue par les articles L. 47 A I et A 47 A-1 du LPF.
Comme elle le précise dans son mémoire en défense, l’administration a partiellement fait droit, par décision du 15 décembre 2016, à la réclamation introduite le 13 juin 2016, par la SARL Olcay Construction, pour ce qui concerne l’amende de 5.000 euros mise à la charge de la société au titre de l’exercice 2012. Etonnamment ce dégrèvement n’apparaissait pas dans le litige de première instance et les premiers juges ont statué sur une délimitation financière du litige qui était erronée. Il vous faudra en conséquence rétablir les choses en prononçant sur ce point un non-lieu à statuer. Restent ainsi en litige les amendes de l’article 1729 D relatives aux exercices 2013, 2014 et 2015.
La question initiale qui se pose à vous est de savoir si la SARL Olcay Construction entrait dans le champ de l’article L. 47 A du LPF, c'est-à-dire si sa comptabilité pouvait être regardée comme tenue aux moyens de systèmes informatisés, ce que nie la société, qui ne disposait, elle-même, d’aucun logiciel comptable ni d’aucun matériel informatique, toutes les saisies comptables étant externalisées chez l’expert-comptable pour la période vérifiée. La société Olcay Construction affirme donc qu’elle était dans l’incapacité totale de fournir un quelconque fichier des écritures comptables à défaut de disposer d’un logiciel comptable. Elle estime que la notion « d’environnement informatisé » à laquelle s’est référée l’administration fiscale pour la faire entrer dans le champ de l’article L. 47 A du LPF va au-delà des conditions strictes qui sont édictées par la loi. Pour soutenir ce point de vue la SARL Olcay se réfère notamment à la jurisprudence du Conseil d’Etat n° 369929, 9 avril 2014, ministre délégué chargé du budget c./ société Gamboni Restauration, confirmant un arrêt de la CAA de Lyon n° 11LY00842 du 7 mai 2013, jurisprudence selon laquelle une société qui ne dispose pas d’un progiciel de comptabilité pour l’établissement de ses documents comptables et qui, bien qu’étant dotée des équipements qui le lui permettent, ne procède à aucune centralisation de ses recettes journalières de manière informatique, peut être regardée, sans erreur de qualification juridique des faits, comme n’étant pas tenue au moyen de systèmes informatisés au sens des articles L. 13 et L. 47 A du LPF. De cette jurisprudence, et de celles d’autres Cours, notamment celle de Marseille, la SARL Olcay Construction voudrait déduire que le contribuable concerné devrait lui-même procéder à la saisie informatique de ses données comptables journalières. Cette déduction ne nous paraît pas ressortir de l’évidence. La jurisprudence du Conseil d’Etat et des Cours sur ce sujet, qui est synthétisée par M. Vincent Daumas, Rapporteur public au Conseil d’Etat, dans ses conclusions sous l’arrêt Gamboni, traite essentiellement des hypothèses dans lesquelles les sociétés sont dotées de matériels informatiques et des conditions dans lesquelles ces matériels informatiques sont utilisés à des fins comptables ou pas. Au cas d’espèce, pour la SARL Olcay Construction, nous nous trouvons dans un cas de figure parfaitement distinct, qui est celui de l’absence de matériel informatique au sein même de l’entreprise et d’une externalisation de la saisie des données comptables au sein d’un cabinet d’expertise comptable. Bien évidemment, comme le note M. Vincent Daumas lorsqu’il rappelle la nécessité d’une application stricte des dispositions de l’article L.47 A du LPF, au regard des lourdes conséquences qu’elle peut entraîner, la présentation des documents comptables sous forme dématérialisée ne peut qu’être imposée à des contribuables qui sont dotés et utilisent effectivement des progiciels de comptabilité leur permettant d’établir ces documents. Toutefois, au cas d’espèce cette utilisation effective a été externalisée au travers des deux cabinets d’expertise comptable qui se sont succédés, le cabinet Sogex Conseil, qui utilisait le progiciel Sage, puis la société Intergest Lyon, qui utilisait le progiciel Ciel. La société Olcay Construction ne conteste nullement cette situation et l’utilisation de ces logiciels de comptabilité. Elle ne démontre pas non plus que ces deux cabinets d’expertise auraient été dans l’incapacité de fournir les fichiers numériques des écritures comptables qui étaient réclamés par l’administration fiscale pour les exercices vérifiés. Nous pensons pour notre part que la société Olcay Construction entrait bien dans le champ de l’article L.47 A du LPF et que vous pourrez juger en ce sens sans contredire ni votre jurisprudence ni celle du Conseil d’Etat. Au demeurant, suivre la société Olcay Construction dans son raisonnement reviendrait à admettre que toute externalisation de la comptabilité d’une entreprise permettrait d’échapper à l’application de la loi.
La seconde question qui vous est soumise est relative aux montants des amendes qui ont été infligées à la SARL Olcay Construction. Vous avez sur ce point soulevé un moyen d’ordre public tiré de la méconnaissance du champ d’application de la loi, sur le fondement de la décision du Conseil Constitutionnel n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, laquelle a déclaré inconstitutionnelle les deux premiers points de l’article 1729 D du CGI et a limité la portée du point trois, l’administration ne pouvant pas, lors du même contrôle, infliger plusieurs amendes. Vous avez fait application de cette décision de principe dans votre arrêt 17LY04017, 2 avril 2019, SCI Concorde. Cet arrêt rappelle que le Conseil Constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les 1° et 2° de l'article 1729 D du CGI, et, au 3° du même article, les mots : « lorsque le montant de l'amende mentionnée aux 1° et 2° est inférieur à cette somme » figurant dans la loi de finances pour 2014. Ces dispositions fixaient le montant de l'amende à un pourcentage du chiffre d'affaires par exercice ou par année soumise à contrôle. Leur abrogation a eu pour conséquence que la sanction, désormais prévue par le seul 3° de l’article 1729 D du code général des impôts, ne saurait s'appliquer par année ou par exercice soumis au contrôle mais revêt, pour la période en litige, un caractère entièrement forfaitaire. Il en résulte donc que l'administration ne pouvait légalement appliquer de façon cumulative les dispositions de l’article 1729 D du CGI, au titre des trois exercices 2013, 2014 et 2015 concernés. En conséquence, la SARL Olcay Construction doit, dans cette mesure, être déchargée des amendes qui lui ont été infligées, auxquelles sera substituée une amende forfaitaire.
Par ces motifs, nous concluons au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement de l’amende de 5.000 euros accordé le 15 décembre 2016 en cours de première instance au titre de l’exercice 2012. Confirmation dans son principe de l’amende infligée sur le fondement de l’article 1729 D du CGI pour défaut de présentation de la comptabilité informatisée au titre des exercices 2013, 2014 et 2015. Application d’une amende forfaitaire sur le fondement de l’article 1729 D du CGI au titre des exercices 2013, 2014 et 2015 (moyen d’ordre public soulevé par la Cour le 2 juin 2020) et décharge correspondante (CAA Lyon 17LY04017 du 2 avril 2019 SCI Concorde). Mise à la charge de l’Etat la somme de 1.500 euros qui sera versée à la SARL Olcay Construction, sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.