Lorsqu’elle n’est pas déposée par le propriétaire du terrain, la demande d’autorisation d’urbanisme doit être formée par une personne attestant être autorisée par le propriétaire à exécuter les travaux. Dès lors que cette attestation permet au service instructeur d’identifier le projet ainsi que le titulaire de la demande, aucune pièce complémentaire ne doit être exigée pour apprécier la qualité du pétitionnaire. L’accord du gestionnaire du domaine public d’engager une procédure d’occupation temporaire du domaine n’a pas à être joint au dossier lorsque le terrain d’assiette du projet ne relève plus du domaine public.
Dans cet arrêt du 17 octobre 2019, la Cour administrative d’appel de Lyon avait à juger de la légalité d’un arrêté accordant un permis de construire. À l’appui de leur contestation, les requérants soutenaient notamment que l’acte méconnaissait l’article R. 431-13 du Code de l’urbanisme en ce que le pétitionnaire aurait dû joindre à sa demande l’accord du gestionnaire du domaine public d’engager une procédure d’autorisation d’occupation du domaine. Les juges ont écarté ce moyen en rappelant que la société bénéficiaire du permis de construire avait joint l’attestation exigée par l’article R. 423-1 du Code de l’urbanisme, établissant qu’elle était autorisée à exécuter les travaux sur le terrain considéré. De plus, les juges considèrent que l’accord du gestionnaire du domaine public n’avait en tout état de cause pas à être produit car le terrain d’assiette du projet avait été cédé par la commune plusieurs années auparavant. Le maire n’avait donc pas à vérifier si le bien relevait du domaine public communal.
Cet arrêt évoque ainsi deux pièces que doivent désormais produire les demandeurs d’autorisation d’urbanisme, l’attestation prouvant la qualité à faire des travaux et, le cas échéant, l’accord du gestionnaire du domaine public.
Il s’agit d’une nouvelle illustration de la réforme des autorisations d’urbanisme issue de l’ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme et appliquée notamment par le décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007. Cette réforme a simplifié le contrôle des services instructeurs sur les demandes d’urbanisme. Cette réforme donne une nouvelle définition de la qualité du demandeur (1.) et impose seulement l’accord du gestionnaire du domaine public lorsque les travaux portent sur une dépendance domaniale (2.).
1. Le contrôle allégé de la qualité de demandeur
En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Lyon se borne à contrôler que la société pétitionnaire a bien rempli une attestation prévue par l’article R. 423-1 du Code de l’urbanisme. Cet article exige que le demandeur de l’autorisation atteste avoir été autorisé par le propriétaire à exécuter les travaux.
Ce contrôle allégé résulte de la réforme de 2007. Dès lors que le pétitionnaire atteste remplir les conditions de l’article R. 423-1, le maire peut estimer que ce dernier avait qualité pour demander l’autorisation d’urbanisme (C.E., 15 février 2012, Mme Q. n° 333631, Lebon p. 41) . La production de l’attestation décharge l’administration de contrôler la régularité du titre. Plus précisément, il n’est plus nécessaire de contrôler « l’existence et la validité des titres ou promesses de vente en vertu desquels les sociétés pétitionnaires ont déposé leurs demandes respectives » (C.A.A. Lyon, 18 décembre 2012, n° 12LY00657) . L’administration se borne à contrôler que l’attestation figure au dossier de demande.
Selon l’état du droit antérieur à 2007, l’administration devait vérifier que le pétitionnaire avait bien la qualité pour déposer la demande de permis. Ce dernier devait lui prouver être le propriétaire apparent du terrain sur lequel il sollicitait une autorisation. La doctrine parlait alors de « théorie du propriétaire apparent ». Néanmoins la mise en œuvre de cette théorie n’était pas aisée pour le service instructeur. Le degré d’exigence du contrôle des titres n’était pas strictement défini. L’administration pouvait être amenée à procéder à des vérifications délicates, certaines relevant notamment du droit privé. La théorie de l’apparence supposait l’absence de connaissance d’une contestation sérieuse du droit de propriété. Mais ce contrôle avait une limite, l’autorité administrative ne devant s’immiscer dans des litiges de droit privé. Ainsi, la qualité de propriétaire apparent de l’immeuble était reconnue au titulaire d’un compromis de vente, un éventuel litige entre ce propriétaire apparent et les vendeurs de l’immeuble ne pouvant justifier le refus du permis sollicité (C.E., 30 mars 2001, Commune de Chatillon-sur-Chalaronne, n° 206181, Lebon T. p. 1228) .
2. L’absence d’obligation de vérifier l’appartenance du bien au domaine public
En l’espèce, les requérants contestaient la légalité du permis de construire en invoquant la méconnaissance de l’article R. 431-13 du Code de l’urbanisme, qui exige la production d’une pièce supplémentaire à l’attestation de l’article R. 423-1, lorsque le projet porte sur le domaine public. En effet, le demandeur doit produire une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d’occupation du domaine public dès lors que le projet empiète sur le domaine public. Tel est le cas pour un projet portant sur un débord de toiture d’environ 50 cm surplombant la voie communale (C.A.A. Lyon, 31 juillet 2012, n° 10LY01234) .
En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Lyon juge que le dossier de demande ne devait pas comporter l’accord du gestionnaire du domaine public. Elle relève deux arguments pour écarter ce moyen.
D’une part, le maire pouvait légitimement penser que le bien n’appartenait plus à la commune du fait de la vente du terrain conclue plusieurs années auparavant. Le maire n’avait pas à vérifier l’appartenance du terrain au domaine public, la propriété étant l’une des conditions de la domanialité publique (article L. 2111-1 du Code Général de la propriété des personnes publiques [CG3P]) . Il en résulte qu’aucun accord du gestionnaire du domaine d’engager la procédure d’occupation du domaine public ne devait donc être joint au dossier de demande.
Lorsque la construction projetée a une emprise définitive sur le domaine public, une procédure de déclassement est exigée (C.A.A. Marseille, 14 janvier 2016, n° 13MA01857 ; C.A.A. Bordeaux, 28 octobre 2010, n° 010BX00075) . La procédure de l’article R. 431-13 du Code de l’urbanisme ne peut être respectée ; l’occupation du domaine public n’étant que précaire (article L. 2122-2 CG3P) .
Néanmoins, le déclassement n’est pas nécessaire si le projet est approprié à la nature de la dépendance domaniale (C.A.A. Marseille 27 mai 2014, n° 12MA03143) . En effet, les biens du domaine public doivent être utilisés conformément à leur affectation à l’utilité publique (article L. 2121-1 CG3P) . Par exemple, le permis de construire un bâtiment à usage commercial en prévoyant la création d’espaces et de locaux liés à l’affectation d’un parking public conserve la vocation de parc de stationnement de la dépendance domaniale sans qu’un déclassement ne soit nécessaire (C.A.A. Lyon, 12 février 2019, n° 17LY03134) .
D’autre part, la Cour examine l’attestation produite par la société gestionnaire. Cette réponse se comprend au vu de l’évolution du contrôle des pièces d’un dossier de demande d’autorisation d’urbanisme.
Avant la réforme de 2007, lorsque l’ouvrage qui faisait l’objet de la demande de permis de construire était édifié sur une dépendance du domaine public, le maire devait refuser de délivrer ce permis en l’absence d’une autorisation d’occuper le domaine public. Le pétitionnaire devait être considéré comme ne justifiant pas du titre l’habilitant à construire (C.E., 23 septembre 2005, Commune de Saint-Vallier-sur-Rhône, n° 276772, inédit) . Or, la réforme évoquée précédemment, en assouplissant les conditions relatives à la qualité pour obtenir un permis de construire, n’impose plus au pétitionnaire de produire de titre. Ainsi, il est jugé de manière constante que, dès lors que le pétitionnaire a fourni l’attestation au titre de l’article R. 423-1 du Code de l’urbanisme et sans que celle-ci ne soit suspectée de fraude, le maire n’a pas à exiger de pièce complémentaire.
Ainsi, la Cour administrative d’appel de Lyon écarte le moyen en se bornant à rappeler, d’une part, que la société pétitionnaire avait fourni cette attestation sans qu’elle soit arguée de fraude, d’autre part, que le terrain d’assiette du projet n’appartenait certainement plus à la commune.
Il convient alors de rapprocher cet arrêt à d’un ancien arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon confirmé par le Conseil d’État. Il avait été jugé qu’aucune mesure de déclassement ne devait être exigée pour des « projets privés portant sur des terrains autrefois soumis au régime de la domanialité publique ». L’attestation produite au titre de l’article R. 423-1 du Code de l’urbanisme, non arguée de fraude, permettait au maire d’identifier le projet et le titulaire (C.E., 28 novembre 2014, Association Lac d’Annecy e. a., n° 366103, inédit ; C.A.A. Lyon, 18 décembre 2012, n° 012LY00657, préc.).