Impôts et régime particulier de preuve

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Décision de justice

CAA Lyon, 2ème chambre – N° 16LY03722 – 06 mars 2018 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 16LY03722

Numéro Légifrance : CETATEXT000036693669

Date de la décision : 06 mars 2018

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Impôts sur les revenus et bénéfices, Preuve, Déduction, Régime fiscal privilégié, Article 238 A du code général des impôts

Rubriques

Fiscalité

Résumé

Fiscalité - Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Régimes de preuve - Impôts sur les revenus et bénéfices - Déduction de sommes dues à une personne soumise à l'étranger à un régime fiscal privilégié (art. 238 A du CGI) - Principe de la déductibilité des charges et réalité de la prestation - Justification dans tous les cas à la charge du débiteur - Application à l’associé d’une société de personnes imposable à l’impôt sur le revenu - Existence.

Conformément au régime de preuve particulier de l'article 238 A du code général des impôts (CGI) qui s'applique à la déduction de diverses sommes payées ou dues à une personne soumise à l'étranger à un régime fiscal privilégié, c'est au débiteur, dans tous les cas, d'apporter " la preuve du caractère exagéré des impositions" (1). Il résulte des dispositions de l’article 8 précité du code général des impôts que chaque membre d’une société civile étant réputé avoir eu la disposition de sa quote-part des bénéfices dès que ceux-ci sont constatés, indépendamment de toute décision de la société de distribuer lesdits bénéfices ou de les mettre en réserve, le contribuable est l’associé et non la société civile, quand bien-même celle-ci dispose d’une personnalité morale et d’un patrimoine propre. Il s’ensuit que les dispositions de l’article 238 A du code général des impôts sont applicables à l’associé, quand bien-même c’est la SCI qui a acquitté les factures litigieuses (2).

Cf. CE 24 juin 2009, n° 298582 aux Tables ; Comp., en l'absence de texte spécifique relatif au régime de preuve applicable, CE 21 mai 2007 n° 284719 p. 212.

Cf. CE 8 mars 2004, n° 253258 aux Tables jugeant qu’en vertu des dispositions combinées des articles 8 et 60 du code général des impôts et des articles L53, L55 et suivants du livre des procédures fiscales, la notification de redressement adressée à une société de personnes à l'issue d'une vérification de la comptabilité sociale implique certains effets directs sur l'imposition personnelle des associés, tels l'interruption du délai de prescription à leur égard ou l'inversion de la charge de prouver le mal fondé des redressements auxquels la société aurait acquiescé ; CAA Lyon 27 juin 2017, n° 15LY04054 SARL GA Promotion.

Conclusions du rapporteur public

Jean-Paul Vallecchia

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.6437

Sens des conclusions

Rejet, dans toutes ses conclusions, de la requête d’appel de M. X.

La SCI Les Chalets de Maison Neuve exerce une activité de construction et de vente d’immeubles. M. X. en possède 1% des parts et la SARL GA Promotion 98%.

La SCI Les Chalets de Maison Neuve a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle l’administration fiscale a remis en cause, pour une opération de construction immobilière sur la commune des Houches, en application de l’article 238 A du code général des impôts (CGI), la déductibilité des honoraires versées à deux société irlandaises, Morzine Properties Limited, pour un montant de 1.754.020 euros, et Midelin Investments Limited, pour un montant de 100.000 euros.

L’opération immobilière dont il s’agit était conduite par la SARL GA Promotion détentrice de 98% des parts de la SCI Les Chalets de Maison Neuve.

Ces sommes, qualifiées de frais de commercialisation par la SCI, avaient été comptabilisées en charges. Mais l’administration fiscale a considéré que la preuve que ces dépenses correspondaient à des opérations réelles et qu’elles ne présentaient pas un caractère anormal ou exagéré, que cette preuve n’était pas rapportée par la SCI.

Ces commissions ont alors été réintégrées dans les bénéfices imposables de la société. Après la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires l’administration fiscale a, sur avis de la commission, abandonné les rectifications correspondant aux honoraires de 100.000 euros versés à la société Midelin Investments Limited, mais a maintenu les autres relatives à la société Morzine Properties Limited. Ces rectifications ont en conséquence donné lieu à un rehaussement de l’impôt sur les sociétés de la SCI Les Chalets de Maison Neuve et corrélativement à un rehaussement de l’impôt sur le revenu de M. X. dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) en proportion des parts détenues par lui au sein de la SCI.

M. X.relève appel devant la Cour du jugement n° 1401078 du 13 septembre 2016 de la 7ème chambre du Tribunal Administratif de Grenoble qui a confirmé les rehaussements retenus par l’administration fiscale ainsi que les pénalités de 40% pour manquement délibéré de l’article 1729 a) du CGI.

Les premiers juges ont considéré que le protocole d’accord dont se prévalait M. X. entre la SARL GA Promotion et un syndicat regroupant quatre investisseurs irlandais ne suffisait pas à établir la réalité des prestations fournies par la société irlandaise, ni le caractère normal et non excessif de ces dépenses, d’autant moins que la SCI avait déjà versé une somme de 300.000 euros de frais de commercialisation pour cette opération et que les honoraires liés à la gestion et à la commercialisation du projet représentent 27% du chiffre d’affaire hors taxes du programme contre 5% en moyenne pour cette activité.

Devant la Cour M. X.produit de nouveaux éléments qu’il considère comme pouvant rapporter cette preuve ; nouveaux éléments concernant le travail de marketing et de vente effectué par son partenaire irlandais conformément au protocole d’accord, notamment des articles diffusés dans la presse anglo-saxonne et des correspondances concernant de futurs acquéreurs anglo-saxons identifiés par la société Erna Low Properties/Savills mandatée par son partenaire irlandais pour prospecter sur le sol anglais.

Par ailleurs M. X. estime qu’en se référant, pour évaluer l’importance des frais de commercialisation de l’opération, à un taux moyen de 5%, les premiers juges auraient insuffisamment motivé leur décision et se seraient immiscés dans la gestion même de la société ce qui est prohibé.

Dans cette affaire la charge de la preuve incombe au contribuable alors même que c’est la SCI Les Chalets de Maison Neuve, personne morale ayant un patrimoine propre, qui a rémunéré la société Morzine Properties Limited. En effet, les membres des sociétés civiles sont, en vertu de l’article 8 du CGI, personnellement soumis à l’impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. Ici le contribuable est l’associé et non la SCI, ce qui dispense l’administration de prouver l’appréhension des revenus lorsque les rectifications résultent de la réintégration de charges dans les résultats de la SCI.

Voilà pourquoi dans l’autre litige concernant l’autre associé de la SCI Les Chalets de Maison Neuve vous avez adopté ce principe de charge de la preuve : voyez sur ce point votre arrêt 15LY04054 du 27 juin 2017 du SARL GA Promotion.

Et au demeurant, dans cet arrêt du 27 juin 2017 vous avez très clairement affirmé que la réalité de la prestation de la société Morzine Properties Limited n’était pas établie, la faculté de substitution figurant dans le protocole d’accord ne signifiant pas, en l’absence de démonstration d’une telle substitution, que la SCI Les Chalets de Maison Neuve se serait substituée à la SARL GA Promotion et aucune pièce du dossier ne permettant de justifier que la société Morzine Properties Limited aurait accompli les obligations qui incombaient au syndicat partie au protocole d’accord.

Aujourd’hui, comme dans le litige concernant la SARL GA Promotion, il n’est nullement contesté que la société Morzine Properties Limited peut être regardée comme soumise à un régime fiscal privilégié en Irlande de plus de deux fois inférieur à celui applicable en France, ce qui fonde le recours à l’article 238 A du CGI.

Mais le protocole d’accord en question ne fait aucunement référence, ni à la société Morzine Properties Limited, éditrice des factures, ni à la SCI Les Chalets de Maison Neuve, destinataire de ces factures. En outre, l’acte constitutif de la société Morzine Properties Limited ne fait aucunement état de son intervention dans le cadre de la réalisation du programme immobilier conduit par la SCI Les Chalets de Maison Neuve sur le territoire de la commune des Houches. Enfin les documents produits devant la Cour ne font pas davantage ce lien.

Et il faut noter, comme l’ont fait les premiers juges, sans s’immiscer dans la gestion de la SCI, et en motivant correctement leur décision, que la SCI Les Chalets de Maison Neuve a versé à la SARL GA Promotion une somme globale de 2.134.020 euros d’honoraires commerciaux et de gestion, soit 27% du chiffre d’affaires hors taxes généré par la vente des appartements, alors que, comme le rappelle l’administration fiscale, la moyenne dans la profession se situe autour de 5%.

Cela dit, vous n’aurez pas besoin de recourir à ces éléments d’information concernant le montant des prestations puisqu’il nous semble qu’au cas d’espèce la réalité des prestations n’est pas démontrée.

Dans son mémoire en réplique M. X. revient sur la protocole d’accord. Mais si ce protocole fait effectivement référence au programme immobilier réalisé sur le territoire de la commune des Houches, il n’établit aucun lien entre la SCI Les Chalets de Maison Neuve et la société Morzine Properties Limited. La seule contribution à ce programme contenue dans le protocole consiste en ce que les quatre investisseurs irlandais réunis dans un syndicat se portent acquéreurs de tout appartement non vendu de ce programme. Voilà tout.

Par ces motifs nous concluons, au rejet, dans toutes ses conclusions, de la requête d’appel présentée par M. X.

Droits d'auteur

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