Une demande de restitution d'acomptes d'impôt sur les sociétés se rattache au contentieux du recouvrement

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Décision de justice

CAA Lyon, 2ème chambre – N° 16LY01430 – Société Sofil – 05 décembre 2017 – C+

Arrêt confirmé en cassation ; voir CE, 9 juin 2020 - N° 417936 - B

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 16LY01430

Numéro Légifrance : CETATEXT000036238042

Date de la décision : 05 décembre 2017

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Impôt sur les sociétés, Contentieux du recouvrement, Demande de restitution d'acomptes, Moyens inopérants, Article1668 du code général des impôts, Article 360 de l'annexe III au code général des impôts

Rubriques

Fiscalité

Résumé

DECISION CE

Il résulte de l'article 1668 du code général des impôts (CGI) et de l'article 360 de l'annexe III à ce code qu'à la différence des impôts dont le paiement s'effectue par voie de rôle, l'impôt sur les sociétés (IS) fait l'objet d'un paiement spontané par le contribuable, suivi d'une régularisation lorsque la société dépose sa déclaration de résultats, que celle-ci intervienne du fait de la clôture de l'exercice ou en application des dispositions de l'article 201 du CGI, auxquelles renvoient les dispositions de l'article 221 du même code en cas de transfert de siège dans un Etat étranger autre qu'un Etat membre de l'Union européenne ou qu'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative ou lorsque la société cesse totalement ou partiellement d'être soumise à l'impôt sur les sociétés. Une contestation tendant à la restitution de tout ou partie de l'impôt sur les sociétés dont une société s'est spontanément acquittée après sa liquidation par ses soins ne concerne pas la détermination de l'assiette de l'impôt ou son calcul mais le montant de la dette fiscale de la société compte tenu des paiements déjà effectués. Il s'agit ainsi d'une contestation relative au recouvrement et non à l'assiette de l'impôt sur les sociétés, alors même que la société considère finalement ne devoir aucun impôt du fait du transfert de son siège social à l'étranger ou de la cessation de sa soumission à l'impôt sur les sociétés.

ARRET CAA de Lyon : confirmé par le CE

Contributions et taxe - Fiscalité - Impôt sur les sociétés - Recouvrement - Système des droits au comptant - Distinction entre contentieux d'assiette et contentieux du recouvrement - Demande de restitution d'acomptes - Contentieux du recouvrement - Existence - Inopérance des moyens d'assiette

Une demande de restitution d'acomptes d'impôt sur les sociétés se rattache au contentieux du recouvrement (1). Les moyens d'assiette sont dès lors inopérants (2). L'absence de production du relevé de solde prévu par l'article 1668 du code général des impôts et l'article 360 de l'annexe III audit code est sanctionnée par l'irrecevabilité de la demande (3).

(1) Cf. CE 19 juillet 2011, n° 318777, SA Carmo Toyota, aux Tables.

(2) Cf. CE, 12 janvier 2004, Comité interprofessionnel du logement Solendi, n° 249938, T. p. 653-657. CE16 avril 2010, n° 313456, aux tables sur une autre point.

(3) Cf. CE 30 juin 2004 n° 242893, 8e et 3e s.-s., Société Akzo Nobel, au Recueil.

Conclusions du rapporteur public

Jean-Paul Vallecchia

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.6418

Sens des conclusions

Rejet dans toutes ses conclusions, de la requête d’appel de la SARL Sofil

La SARL Sofil exerce une activité de gestion de patrimoine immobilier.

Ayant, à compter du 30 novembre 2012, transféré son siège social de la Commune de Metz-Tessy, en France, au Grand Duché de Luxembourg, elle a sollicité, le 18 février 2013, la restitution de quatre acomptes d’impôt sur les sociétés versés au titre de l’année 2012.

Alors que l’administration fiscale avait demandé à la société Sofil le dépôt de sa liasse fiscale de l’exercice clos le 30 novembre 2012 et son relevé de solde d’impôt sur les sociétés, cette dernière a, le 7 mars 2013 déposé une réclamation préalable qui a donné lieu à une décision de rejet du 3 septembre 2013.

Le jugement n° 1305829 du 29 février 2016 rendu par la 7ème chambre du Tribunal administratif de Grenoble, dont la SARL Sofil relève appel, n’a pas fait droit à la demande de restitution des acomptes dont il s’agit, pour un montant de 28.319 euros, augmentés des intérêts moratoires.

Les premiers juges ont constaté que le transfert du siège social de la société Sofil au Luxembourg le 30 novembre 2012 avait entraîné la cessation, à compter de cette date, de son imposition à l’impôt sur les sociétés en France, en application des dispositions du paragraphe 2 de l’article 221 du code général des impôts (CGI). Et, en vertu de ces dispositions et de l’article 201 du même code auquel renvoie l’article 221, la société Sofil devait, sous peine d’un arrêt d’office de ses bases d’imposition, adresser à l’administration fiscale la déclaration de son bénéfice réel accompagnée d’un résumé de son compte de résultat. La société Sofil ne s’étant pas conformée à ces obligations les premiers juges ont considéré que la société Sofil ne pouvait prétendre à la restitution sollicitée.

Selon la requérante le Tribunal aurait fait une lecture erronée du 2 de l’article 221 du CGI et de l’article 221 bis auquel il renvoie, car, selon elle, du fait de son transfert au Luxembourg, Etat membre de l’Union Européenne, aucun texte ni aucune jurisprudence ne lui imposerait de fournir une déclaration de résultat préalablement au remboursement de ses acomptes.

Pour la société Sofil, il y a continuité de la personne morale existante puisqu’il s’agit d’un simple changement de nationalité, et cette situation impliquerait l’absence d’imposition immédiate car, conformément à l’article 221 bis du CGI, la société Sofil n’a pas modifié ses écritures comptables et peut être imposée au Luxembourg.

Ainsi les acomptes en cause devraient, selon la requérante, être remboursés sans condition, avec versement d’intérêts moratoires, la condition exigée par l’administration fiscale constituant, selon elle, une contrainte irrégulière.

Et la société Sofil se prévaut de la situation d’autres sociétés dans le même cas de figure et que l’administration fiscale aurait traitée différemment, ce qui, comme vous le savez, reste sans incidence sur l’issue du litige.

L’administration fiscale quant à elle a constaté et constate encore devant vous qu’il y a eu, en même temps que le transfert du siège social de la société Sofil au Luxembourg, le transfert de la totalité des éléments de l’actif immobilisé de la société, notamment des immobilisations financières qui, au 31 décembre 2011 s’élevaient à 3.428.990 euros, ce qui a entraîné une cessation immédiate de l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés en France.

Or, contrairement à ce qu’affirme la société Sofil dans son mémoire en réplique, cela ne signifie nullement qu’il y aurait eu création d’une personne morale nouvelle. En revanche cela signifie que l’imposition en France au taux normal de l’impôt sur les sociétés a immédiatement cessée, ce qui entre bien dans le champ du 2 de l’article 221 du CGI et impliquait la présentation d’une déclaration de résultat en application de l’article 201 du CGI. Et cette cessation immédiate de toute imposition en France impliquait aussi l’exclusion de la société requérante du bénéfice du régime conditionnel prévu par l’article 221 bis du CGI (voyez sur ce point l’arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille 12MA04625 du 27 janvier 2015 Ministre de l’Economie et des Finances c./ SA Les Oliviers) .

Il faut dans cette affaire raisonner comme en matière de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) demandé par un assujetti établi dans un Etat membre de la Communauté Européenne. Pour la mise en œuvre de ce dispositif relatif à la TVA, le contribuable concerné doit produire  une attestation d’assujettissement et la produire devant l’administration avant que celle-ci ne statue sur sa demande : Conseil d’Etat n° 174857 du 22 mars 1999 Société Korittki und Partner GBR.

Cela dit, comme le soutient l’administration fiscale dans son second mémoire en défense, nous nous trouvons ici dans un contentieux du recouvrement au sens de l’article L.281 du LPF et non dans un contentieux de l’assiette puisqu’il s’agit d’une demande de restitution d’impôts déjà payés : Conseil d’Etat n° 318777 du 19 juillet 2011 SA Carmo Tovota, aux Tables, cité par l’administration fiscale. Aussi, le moyen soulevé par la SARL Sofil tenant à l’assiette de l’impôt apparaît en définitive inopérant : Conseil d’Etat n° 249938 du 12 janvier 2004 Comité Interprofessionnel du Logement Solendi, aux Tables p.653-657, et Conseil d’Etat n° 313456 du 16 avril 2010 Kaspereit, aux Tables sur un autre point.

Le fait pour la société Sofil de n’avoir déposé aucune déclaration de résultat interdisait à l’administration fiscale, comme elle le soutient aussi dans son second mémoire en défense, en application de l’article 1668 du CGI et de l’article 360 de l’annexe III audit code, de calculer quoiqu’il en soit le montant de l’impôt qui devait être restitué compte-tenu des acomptes versés. Aucun remboursement ne pouvait donc être effectué.

Enfin sur les intérêts moratoires que revendique également la société Sofil, une demande de restitution ne pouvant être assimilée à une réclamation contentieuse, et la restitution ne pouvant donc être assimilée à un dégrèvement au sens de l’article L.208 du LPF, une éventuelle restitution ne pourrait entraîner l’attribution d’intérêts moratoires : voyez sur ce point l’arrêt de la Cour administrative d'appel de Bordeaux 97BX00820 du 13 mars 2000 Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne, cité par l’administration fiscale.

En conséquence de ce qui précède, l’administration fiscale serait fondée, en application de l’article 201 du CGI, à soumettre la SARL Sofil à une taxation d’office.

Par ces motifs nous concluons, au rejet, dans toutes ses conclusions, de la requête d’appel présentée par la SARL Sofil.

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