Impôt sur le revenu - détermination du revenu imposable - salaires d'un étudiant

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Décision de justice

CAA Lyon, 5ème chambre – N° 16LY00405 – 30 mars 2017 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 16LY00405

Numéro Légifrance : CETATEXT000034381842

Date de la décision : 30 mars 2017

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Impôt sur le revenu, Exonération, Revenus des étudiants

Rubriques

Fiscalité

Résumé

Impôt sur le revenu - exonération des revenus des étudiants - revenus des étudiants qui travaillent pour financer leurs études - salaires d'un étudiant en doctorat rémunéré par des sociétés privées

Aux termes de l'article 81 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Sont affranchis de l'impôt : [...] 36° Sur option des bénéficiaires, dans le cadre d'une déclaration des revenus personnelle ou de celle du foyer fiscal de rattachement, les salaires versés aux personnes âgées de vingt-cinq ans au plus au 1er janvier de l'année d'imposition, à l'exception des agents publics percevant une rémunération dans le cadre de leur formation, en rémunération d'activités exercées pendant leurs études, secondaires ou supérieures, ou exercées durant leurs congés scolaires ou universitaires, dans la limite de trois fois le montant mensuel du salaire minimum de croissance [...] ".

De ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat dont elles sont issues, la cour considère que l'exonération d'impôt sur le revenu qu'elles instituent porte sur les salaires perçus par les étudiants qui travaillent pour financer leurs études et non sur les salaires perçus par les étudiants à raison même des études qu'ils effectuent.

Rappr. TA Caen ; 14 février 2012 - N° 1002373 RJF 10/12 n° 915 : "L’exonération d’impôt ne s’applique pas aux salaires perçus par une étudiante en notariat dans le cadre d’un stage obligatoire de vingt-quatre mois compris dans sa formation universitaire pour l’obtention d’un diplôme supérieur de notariat, dès lors qu’ils ne constituent pas la rémunération d’une activité dissociable de ladite formation et exercée pendant ses études."

Conclusions du rapporteur public

Isabelle Bourion

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.6348

M. C, étudiant en doctorat auprès de l’INSA LYON et de l’Unité de recherche LTDS de l’ENISE a été imposé à l’impôt sur le revenu pour l’année 2011 à partir d’une rémunération annuelle de 15 769 € portée sur sa déclaration. Il avait retranché la somme de 4104 € correspondant à la part exonérée à laquelle il estimait avoir droit au titre de l’exonération accordée aux étudiants de moins de 26 ans.

Toutefois, par proposition de rectification du 8 février 2016, il a été informé du rehaussement de son revenu déclaré au motif que l’exonération prévue au 36 al de l’article 81 du CGI n’est pas applicable aux étudiants en doctorat rémunérés dans le cadre de la préparation de leur thèse.

Le tribunal administratif de Dijon a confirmé la position de l’administration et rejeté sa demande au motif que les salaires issus des deux contrats de travail souscrits en septembre 2010 avec Insavalor et Centrale innovation avaient pour but de rémunérer les travaux de recherche de sa thèse et qu’en conséquence ils ne pouvaient être regardés comme rémunérant une activité professionnelle exercée pendant ses études, au sens des dispositions précitées de l’article 81‑36° du code général des impôts.

Devant vous, il persiste à faire valoir qu’il n’était pas doctorant contractuel, de sorte qu’il ne pouvait être assimilé à un agent public en 2011 puisqu’il travaillait pour le compte de 2 entreprises de droit privé et que par ailleurs, il n’a pas été rémunéré pour les travaux de sa thèse mais dans le cadre d’une activité destinée à financer ses études.

Aux termes de l’article 81 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : « Sont affranchis de l'impôt : (…) 36° Sur option des bénéficiaires, dans le cadre d'une déclaration des revenus personnelle ou de celle du foyer fiscal de rattachement, les salaires versés aux personnes âgées de vingt-cinq ans au plus au 1er janvier de l'année d'imposition, à l'exception des agents publics percevant une rémunération dans le cadre de leur formation, en rémunération d'activités exercées pendant leurs études, secondaires ou supérieures, ou exercées durant leurs congés scolaires ou universitaires, dans la limite de trois fois le montant mensuel du salaire minimum de croissance (…) » ;

Cette disposition résulte de l'article 4 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite « loi TEPA »

L'intention du législateur était à la fois de favoriser l'ouverture des jeunes au monde du travail et surtout d'améliorer la situation des étudiants qui travaillent pour financer leurs études (emplois de vacances ou de jobs d'été).

Aussi, la loi TEPA ne s'applique pas aux salaires versés dans le cadre du commencement par le jeune de moins de 26 ans d'une véritable activité professionnelle.

Et elle exclut également expressément de son champ d'application, les agents publics percevant une rémunération dans le cadre de leur formation.

Par une décision de rescrit du 13 mars 2012, l’administration a précisé que conformément au décret n° 02009-464 du 23 avril 2009 relatifs aux doctorants contractuels des établissements publics d'enseignement supérieur ou de recherche, les doctorants contractuels présentaient le statut d’agent public et la rémunération qui leur était versée dans le cadre du contrat doctoral constituait une rémunération versée à des agents publics non titulaires dans le cadre de leur formation.

Au cas d’espèce, M. C est inscrit depuis 2010 en doctorat, spécialités matériaux, à I'INSA de Lyon, diplôme qu'il prépare en partie au sein de l'Unité de Recherche LTDS de l'Ecole Nationale d'Ingénieurs de Saint-Etienne (ENISE).

Le 28 septembre 2010, dans le cadre de la préparation de sa thèse de doctorat auprès de I'INSA, M. C a été engagé en qualité de doctorant par la société INSAVALOR, filiale de I'INSA de Lyon pour la promotion de la Recherche, Développement, Valorisation et Formation Continue pour une durée de 12 mois.

Puis, le 29 septembre 2010, dans le cadre de la préparation de sa thèse à I'ENISE, M. C a également été engagé en qualité d'Ingénieur doctorant par la société CENTRALE INNOVATION, filiale de valorisation de l'Ecole Centrale de Lyon, dans le cadre des missions de recherche sous contrat gérées par cette société, en coopération avec l'Unité de Recherche LTDS de I'ENISE.

Alors que l’administration soutient que la situation de M. C s’apparentant, au vu d’un faisceau d’indices, à celle des doctorants contractuels auprès des établissements publics d’enseignement supérieur, de sorte qu’en qualité d’agent public, il ne peut bénéficier de l’exonération prévue par le 36 al de l’article 81 du code général des impôts, M. C fait valoir que les contrats de travail qu’il a conclus ne constituent pas des contrats doctoraux visés par le décret n° 2009-464 du 23 avril 2009 dont la rémunération constitue à une rémunération versée à des agents publics.

Selon ledit décret, le contrat doctoral concerne les étudiants inscrits en vue de la préparation d'un doctorat qui sont recrutés par les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnels, les établissements publics administratifs d'enseignement supérieur, les établissements publics scientifiques et technologiques et les autres établissements publics administratifs ayant une mission statutaire d'enseignement supérieur ou de recherche ; le contrat doit avoir d'une durée de trois ans et peut prévoir une période d'essai deux mois.

Or, en l’espèce, les 2 employeurs de M. C ne sont pas des établissements publics, même si comme le souligne l’administration la société INSAVALOR est un promoteur actif de la recherche de l’INSA de LYON, en favorisant les relations entre les laboratoires et les entreprises en quête de solutions technologiques, de compétences et de formations pour leurs projets innovants et que la société Centrale Innovation serait une filiale de valorisation de l’Ecole centrale de Lyon, dans le cadre des missions de recherche sous contrat gérées par cette société, en coopération avec l’unité de recherche LTDS de l’ENISE.

En outre, le contrat conclu avec la SA INSAVALOR a été conclu pour une durée d'un an et celui conclu avec la SA CENTRALE INNOVATION l’a été avec une période d'essai de quatre mois.

Enfin, les deux contrats conclus par M. C ne font à aucun moment référence, ni au statut des doctorants contractuels, ni aux dispositions du décret no 2009-464 du 23 avril 2009, même si dans le corps même des contrats ( art 3 rubrique conditions d’activité pour le contrat passé avec INSAVALOR), il est prévu que l’intéressé exercera ses fonctions sous l'autorité hiérarchique de son Directeur de Laboratoire de I'INSA de Lyon et sous la responsabilité scientifique du Chef de projet d'INSAVALOR et que dans le contrat passé avec la société Centrale Innovation, il est spécifié expressément que :

a) le contrat de travail est conclu pour la réalisation d'un projet précis dans le cadre d'un programme de recherche qui permettra à M. C de préparer et rédiger sa thèse de doctorat.

b) M. C exercera habituellement ses activités dans les locaux de I'ENISE avec laquelle CENTRALE INNOVATION a passé convention et s'engage à respecter les instructions données par les représentants de l'ENISE et le Directeur de l'Unité de Recherche.

Ainsi, même si sa situation s’apparente fortement à celle de doctorants contractuels, vous ne pourrez considérer qu’il pouvait être assimilé à un agent public au titre de son emploi en 2011 auprès de ces sociétés.

M. C soutient enfin que les salaires perçus en contrepartie de son travail, soit 931 € et 1025 € par mois, en tant qu’ils étaient perçus dans le cadre de sa formation devaient être exonérés d’impôt sur le revenu, conformément aux dispositions du 36ème. al de l’article 81 du code général des impôts. Il ajoute que le tribunal administratif en jugeant, pour lui refuser le bénéfice de l’exonération d’impôt sur le revenu, que « ses salaires avaient pour but de rémunérer les travaux de recherche de sa thèse », a ajouté illégalement une condition à la loi.

Précisons ici uniquement les termes de l’article 81 du code général des impôts, qui seraient l’objet d’une ambigüité selon le requérant : « Sont affranchis de l'impôt : (…) les salaires versés en rémunération d'activités exercées pendant leurs études, secondaires ou supérieures, ou exercées durant leurs congés scolaires ou universitaires (…) » ;

Si vous estimez qu’il y a une ambiguïté et que le terme « pendant » pourrait introduire une notion de finalité quant à l’exercice de l’activité devant faire l’objet d’une appréciation spécifique, il conviendrait alors de se reporter aux débats parlementaires. Vous savez en effet que vous ne pouvez interpréter un texte à la lumière de débats parlementaires si le texte est clair (CE, Section, 27 octobre 1999, Commune de Houdan, 188685, A ; CE, 12 février 2003, F, 235869, A) .

Ce positionnement du Conseil d’Etat a toutefois été temporisé par un arrêt du 23 déc 2011 n° 334584 classé en B sur ce point Département du Nord en vertu duquel, si le juge a jugé bon de faire appel aux travaux parlementaires eu égard à une petite ambiguïté du texte et s’il s’est ainsi à tort référé à ses travaux préparatoires en présence d’un texte clair, cela est sans incidence sur le bien-fondé de la décision, dès lors que le juge a correctement interprété les dispositions d'une loi.

Ainsi, vous pourrez vous référer aux débats parlementaires, et notamment au rapport de M. Mariani, présenté le 19/7/2007 au Sénat. Il n’y aura dès lors plus de place à l’hésitation.

C’est également cette posture qu’a adoptée la jurisprudence et notamment le Tribunal administratif de Caen dans son jugement du 14 février 2012 n° 1002373 Mme R., lorsqu’il a jugé que l’exonération au 36ème. al de l'article 81 du Code général des impôts ne s'applique pas aux salaires perçus par une étudiante en notariat dans le cadre d'un stage obligatoire de vingt-quatre mois compris dans sa formation universitaire pour l'obtention d'un diplôme supérieur de notariat, dès lors qu'ils ne constituent pas la rémunération d'une activité dissociable de ladite formation et exercée pendant ses études.

Voir également Tribunal administratif  de Cergy, 1205117 M. L. du 27 fév. 2014, qui a jugé que les salaires perçus par un étudiant au cours de l’année 2010, versés par la société Thales Communication en application d’un contrat de travail à durée déterminée de trois ans, signé le 1er février 2010, en qualité d’ingénieur d’étude, conclu dans le cadre d’une convention industrielle de formation par la recherche, lui ont permis d’obtenir son diplôme de doctorat, de sorte qu’ils ne peuvent être regardés comme les rémunérations d’une activité professionnelle exercée pendant ses études au sens des dispositions précitées du 36° de l’article 81 du code général des impôts.

Dans notre cas d’espèce et ainsi qu’il résulte des termes mêmes des contrats, sa rémunération est très étroitement liée à ses études.

Voir ainsi, outre les articles précités des contrats en cause, l’article 9 du contrat souscrit avec la société INSAVALOR selon lequel « préparant un doctorat (…), vous êtes soumis aux règles internes en vigueur dans le labo où vous effectuez vos travaux de recherche. Le non-respect de ces obligations pourrait entrainer la résiliation du présent contrat sur proposition de votre directeur de thèse ».

Egalement l’article 2 du contrat passé avec la société Centrale Innovation selon lequel « le contrat est conclu pour la réalisation d’un projet certain, les travaux que le salarié réalisera au sein de l’unité de recherche LTDS de l’ENISE, dans le cadre d’un programme de recherche lui permettant de préparer et de rédiger sa thèse de doctorat. L’achèvement de ces travaux correspondant à la réalisation de cet objet justifiera la résiliation du présent contrat, qui sera fonction du déroulement des travaux de recherche et de thèse ».

Dans ces conditions, M. C n’est pas fondé à solliciter le bénéfice de l’exonération d’impôt sur le revenu prévue au 36ème.al de l’article 81du CGI.

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