Conclusions I
Les six dossiers contentieux que nous allons examiner relèvent donc du droit de l’urbanisme commercial, dont le contenu a été réformé par la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises et son décret d’application n° 2015-165 du 12 février 2015 relatif à l’aménagement commercial.
Avant l’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif prévalait, sur le fondement de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, un système de double décision, celle concernant l’autorisation d’exploitation commerciale d’une part, et celle concernant l’autorisation de construire d’autre part.
Les procédures administratives commerciales et d’urbanisme étaient donc distinctes et indépendantes l’une de l’autre : le projet d’exploitation commerciale était soumis à une autorisation administrative délivrée par la Commission Départementale d’Aménagement Commercial (la CDAC) avec un recours possible devant la Commission Nationale d’Aménagement Commercial (la CNAC) dont la décision se substituait, le cas échéant, à celle de la CDAC. Et une fois cette autorisation d’exploitation commerciale accordée, la demande de permis de construire constituait la seconde étape du processus d’autorisation administrative indispensable à la mise en œuvre du projet commercial, seconde étape destinée à vérifier que le projet était conforme aux règles propres d’urbanisme. Et, en vertu des dispositions de l’article L.752-18 du Code de Commerce qui était alors applicable, le permis de construire ne pouvait être accordé avant que la CNAC ne se soit, le cas échéant, prononcée.
L’existence de deux décisions administratives distinctes, celle de l’autorisation d’exploitation commerciale et celle du permis de construire, entraînait en conséquence des contentieux administratifs distincts.
Le nouveau régime juridique a eu pour objectif, en raison de la lourdeur et de la lenteur de l’ancien double système d’autorisation, de simplifier les choses, en créant, pour les projets commerciaux nécessitant la délivrance d’un permis de construire, un seul point d’entrée pour la procédure d’autorisation, celui de la demande de permis de construire, les CDAC et la CNAC étant alors saisies, non plus pour prendre des décisions, mais pour émettre des avis conformes, et le permis de construire délivré au terme de cette procédure valant aussi autorisation d’exploitation commerciale.
Ainsi, le permis de construire tient lieu, comme nous venons de le dire, d’autorisation d’exploitation commerciale, et c’est l’article L.425-4 du Code de l’Urbanisme qui le prévoit, article selon lequel : « Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l’article L.752-1 du Code de Commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la commission nationale d'aménagement commercial ».
Il faut ici préciser que sont exclus de ce nouveau régime, et demeurent donc soumis à un régime d’autorisation administrative d’exploitation commerciale, d’une part, les opérations commerciales ne nécessitant pas d’autorisation d’urbanisme et, d’autre part, le régime d’exploitation des cinémas, relevant des dispositions du Code du Cinéma et de l’Image Animée.
Il faut aussi préciser que, comme cela ressort de l’article L.425-4 du Code de l’Urbanisme, qui renvoie au Code de Commerce, le nouveau dispositif n’a toutefois pas intégré purement et simplement le régime de l’exploitation commerciale au droit de l’urbanisme, l’exploitation commerciale conservant ses propres dispositions relevant du Code de Commerce. Il existe à cet égard une continuité par rapport à l’ancien dispositif. Cette volonté du législateur de ne pas confondre des procédures dont les finalités sont différentes avait été relevée par la décision du Conseil d’Etat n°370089 du 11 février 2015 Société Reims République Développements aux Tables ; une décision antérieure de Section, n°237383 du 5 novembre 2003 SCI Les Blés d’Orn°237383 du 5 novembre 2003 SCI Les Blés d’Or, au Recueil, avait déjà affirmé que les règles relatives aux autorisations d’exploitation commerciale ne pouvaient être regardées comme des prescriptions d’urbanisme au sens du Code de l’Urbanisme.
Comme toute innovation, le nouveau dispositif législatif pose immanquablement des questions nouvelles dont se saisit la doctrine et dont sont saisies les juridictions par l’intermédiaire des barreaux, chacun contribuant à éclairer et préciser, en tant que de besoin, le nouvel état du droit.
Dans son récent avis CE n°398077 du 23 décembre 2016 Société MDVP Distribution rendu, à la demande de la Cour Administrative d’Appel de Nancy, par les 4ème et 5ème chambres réunies du Conseil d’Etat, aux conclusions de M. Frédéric Dieu Rapporteur Public, plusieurs aspects importants de la nouvelle articulation administrative et contentieuse organisée par la loi du 18 juin 2014 ont été précisés.
Comme cela a été indiqué par le Rapporteur Public dans ses conclusions, cet avis n’a eu pour objectif que de se prononcer sur l’hypothèse (soumise par la Cour de Nancy) d’un permis délivré, et n’a pas abordé la question de la période transitoire entre l’ancien et le nouveau dispositif, c'est-à-dire celle de l’application dans le temps de la loi du 18 juin 2014, au regard notamment de l’article 60 de cette loi, cette question relevant selon lui du débat contentieux, et la Cour de Nancy y ayant apporté, pour son cas d’espèce, une réponse positive qui l’a justement conduite à interroger le Conseil d’Etat sur les questions de droit nouvelles auxquelles elle se trouvait ainsi confrontée.
Le décret d’application de la loi du 18 juin 2014, décret n° 2015-165 du 12 février 2015 relatif à l’aménagement commercial, est venu organiser concrètement cette articulation nouvelle entre les règles commerciales et les règles d’urbanisme.
Désormais, selon une procédure dite de « guichet unique », un seul dossier est déposé en Mairie sous la forme d’une demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale (articles R. 752-9 du Code de Commerce et R. 423-2 du Code de l’Urbanisme).
Le dossier doit donc contenir l’ensemble des éléments du projet, tant sur le plan commercial que sur le plan de l’urbanisme. Cependant, le nouveau dispositif, probablement dans un souci de pragmatisme à l’égard des pétitionnaires, précise, au travers de l’article R.752-10 du Code de Commerce, qu’est « réputé complet» le dossier lorsqu’il est complet dans sa partie valant « demande d'autorisation d'exploitation commerciale au sens des articles R. 752-6 et R. 752-7», ce qui semble permettre, dans un premier temps, le dépôt d’un dossier complet sur la question de l’aménagement commercial et un dossier moins complet sur la question de l’urbanisation, afin que soit plus rapidement sollicité l’avis de la CDAC et, le cas échéant, celui de la CNAC, le volet urbanisme pouvant ensuite être complété, en tant que de besoin, après l’avis favorable rendu pour l’exploitation commerciale.
Une fois le dossier déposé auprès du « guichet unique », l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire saisit la CDAC pour recueillir son avis (article R. 423-13-2 du Code de l’Urbanisme). Les délais d’instruction de la demande de permis de construire sont nécessairement rallongés pour permettre l’instruction par la CDAC (article R.423-25 du Code de l’Urbanisme) ou, le cas échéant, par la CNAC (article R.423-36-1 du même Code), du volet « exploitation commerciale » de la demande de permis. L’avis de la CNAC, rendu par celle-ci sur le recours dirigé contre l’avis de la CDAC, ne peut plus, comme dans l’ancien dispositif ou la CNAC rendait des décisions, faire l’objet d’un recours contentieux, ce dernier devant maintenant être dirigé contre la décision de permis de construire qui vaut aussi décision d’autorisation d’exploitation commerciale. Cet avis de la CNAC peut seulement faire l’objet, dans le délai d’un mois, d’un recours administratif (article L.752-17 du Code de Commerce).
Toutefois, dans l’hypothèse où le projet d’exploitation commerciale ne nécessite pas de permis de construire, nous restons, en application des dispositions combinées des articles L.425-4 du Code de l’Urbanisme et du I de l’article L.752-17 du Code de Commerce, dans un fonctionnement identique à celui de l’ancien dispositif, à savoir, un régime décisionnaire des CDAC et de la CNAC, et la possibilité de contester les décisions de la CNAC devant les Cours Administratives d’Appel (CAA) en premier et dernier ressort en application de l’article R.311-1 du Code de Justice Administrative (CJA).
Cette double nature du permis de construire valant aussi autorisation d’exploitation commerciale, va ainsi déterminer deux grandes catégories de requérants, comme le précise l’article L.600-1-4 du Code de l’Urbanisme, ceux relevant des dispositions de l’article L.752-17 du Code de Commerce, qui vont contester l’autorisation d’exploitation commerciale, et ceux relevant de l’article L.600-1-2 du Code de l’Urbanisme, qui vont contester le permis de construire, les premiers ne pouvant rechercher la censure du permis de construire, qu’en tant seulement qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale, et les seconds qu’en tant seulement qu’il vaut autorisation d’urbanisme, selon des moyens et des conclusions propres à chacun des deux domaines, certains moyens pouvant exceptionnellement se recouper.
Dans ce nouveau régime, l’avis de la CNAC ne peut plus être contesté directement devant la Cour qu’à l’appui d’un recours contre le permis en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale (article L.600-10 du Code de l’Urbanisme).
La saisine de la CNAC reste bien sûr un recours préalable obligatoire avant tout recours contentieux mais dans le nouveau régime ce recours contentieux visera le permis de construire, dans son volet commercial.
Dans l’hypothèse où la CNAC ne serait pas saisie après l’avis de la CDAC, la CNAC peut, en vertu du V de l’article L.752-17 du Code de Commerce, et dans le délai d’un mois suivant l’avis de la CDAC, s’autosaisir de tout projet nécessitant une autorisation d’exploitation commerciale lorsque la surface de vente atteint 20.000 m².
Dans tous les cas, l’avis de la CNAC se substitue à celui de la CDAC. Il en allait de même lorsque ces deux commissions délivraient des autorisations.
En cas d’absence d’avis de la CNAC dans un délai de quatre mois suivant sa saisine, l’avis de la CDAC est réputé être confirmé, ce qui équivaut à un avis tacite de confirmation de la CNAC, cet avis tacite ne faisant pas obstacle à ce que la CNAC rende ensuite un avis exprès qui viendra se substituer à l’avis tacite (Conseil d’Etat n°s 376359 et 376630 du 21 septembre 2015 Société Lidl).
Voilà, décrit à grands traits, le nouveau cadre créé par la loi du 18 juin 2014 et le décret du 12 février 2015.
Voyons maintenant comment les six dossiers qu’il vous revient de juger se situent par rapport à ce nouveau cadre.
Dans le dossier 15LY01807 Société CSF, le projet consiste dans la création à Annemasse, en Haute-Savoie d’un magasin non spécialisé à dominante alimentaire de l’enseigne Lidl d’une surface de vente de 1.161,15 m². Cette société exploite déjà, à Ville La Grand, Rue des Tournelles, un magasin de commerce de détail de 700 m² mais qu’elle ne peut étendre en raison de la superficie de la parcelle de terrain. Son projet d’extension passait donc nécessairement par un transfert. Ce projet a été autorisé par décision de la CDAC du 26 septembre 2014.
La Société CSF, qui exploite un magasin Carrefour Market de 1.950 m² de surface de vente à Annemasse, au n°25 de l’Avenue Florissant, à environ 500 mètres du projet de la Société Lidl, a contesté cette décision devant la CNAC, laquelle a, par décision du 28 janvier 2015, rejeté son recours et autorisé le projet de la Société Lidl. Cette décision a été notifiée à la Société CSF le 11 mars 2015. La requête de la Société CSF a d’abord été déposée, le 7 avril 2015, auprès de la Cour Administrative d’Appel (CAA) de Nantes, avant d’être transmise, par Ordonnance, à la CAA de Lyon.
Dans cette affaire, la Société CSF soutient, notamment en ce qui concerne la composition de la CNAC, que la loi du 18 juin 2014 devait entrer en vigueur, comme le prévoyait son article 60, à une date fixée par décret en Conseil d’Etat et au plus tard 6 mois après sa publication, soit le 18 décembre 2014. Or, le décret sur la nouvelle composition de la CNAC étant intervenu le 20 mars 2015, soit après le délai maximum de six mois fixé par la loi, elle estime que la loi est entrée en vigueur le 18 décembre 2014.
La Société Lidl soutient au contraire que tel n’est pas le cas, une loi entrant en vigueur à la date qu’elle fixe, sauf si son application est manifestement impossible en l’absence de texte règlementaire.
La Société Lidl cite à cet égard plusieurs décisions du Conseil d’Etat, n°5185 du 9 juin 1978 au Recueil p.238, la décision d’Assemblée n°138787 du 23 octobre 1992Assemblée n°138787 du 23 octobre 1992 au Recueil p.374, et l’avis du Conseil d’Etat n°303422 du 4 juin 2007 au Recueil p.228.
Selon la Société Lidl il était donc indispensable d’attendre l’entrée en vigueur du décret d’application n°2015-175 du 12 février 2015.
La résolution de cette question de l’entrée en vigueur des dispositions de la loi du 18 juin 2014 constitue donc dans ce dossier un préalable à l’examen de l’affaire au fond. Nous y reviendrons, après avoir succinctement présenté les autres dossiers et la question préalable, d’une autre nature, qui s’y pose.
Le dossier 15LY02980 Fédération des Groupements de Commerçants de la Haute-Savoie, initialement inscrit au rôle de cette audience a été renvoyé à une audience ultérieure, après que, par mémoire du 19 janvier 2017, l’association ait communiqué à la Cour des précisions concernant le permis de construire lié au projet d’exploitation commerciale autorisé par la CNAC le 3 juin 2015.
Dans le dossier 15LY03077 Société SADEF, cette dernière conteste et demande l’annulation de la décision du 29 juillet 2015 par laquelle la CNAC a rejeté, pour défaut d’intérêt à agir, son recours contre le projet de la SARL des Graves de créer sur le territoire de la Commune de Saint-Yorre, dans l’Allier, un ensemble commercial de 8.035 m² comprenant un magasin de bricolage-jardinage de 7.150 m² de surface de vente et un magasin spécialisé dans l’équipement de la maison d’une surface de vente de 885 m², un projet qui avait été autorisé par décision de la CDAC du 22 avril 2015. Un projet de plus grande ampleur, de 10.999 m² de surface de vente avait été refusé par décision de la CDAC du 29 janvier 2013 puis par décision de la CNAC du 14 mai 2013. Ces refus de 2013 avaient contraint la Société SADEF à présenter, le 26 janvier 2015, un projet de moindre ampleur.
Dans cette affaire, la Cour a, le 12 janvier 2017, informé les parties au litige, qu’elle était susceptible de soulever d’office le moyen tiré de l’irrecevabilité de la requête, en ce qu’elle est dirigée contre une décision de la CNAC statuant sur une demande déposée avant le 15 février 2015 et qui vaut avis sur cette demande en application des dispositions du IV de l’article 4 du décret du 12 février 2015 et de l’article 36 de la loi 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (qui a rajouté comme nous allons le voir un III à l’article 39 de la loi du 18 juin 2014), seul le permis de construire autorisant le projet, qui tient lieu d’autorisation d’exploitation commerciale, pouvant faire l’objet d’un recours contentieux.
Il a été répondu à ce moyen d’ordre public (MOP) par la Société SADEF le 16 janvier 2017. La société requérante ne partage pas l’analyse envisagée par le moyen d’ordre public (MOP) qui lui a été communiqué. Elle se réfère à la lettre du 24 août 2015 par laquelle la CNAC lui a notifié la décision du 29 juillet 2015, lettre dans laquelle il était indiqué que cette décision pouvait être contestée dans les deux mois de sa notification devant la Cour Administrative d’Appel (CAA) dans le ressort de laquelle à son siège la CDAC qui a pris sa décision.
De plus, pour la Société SADEF, les dispositions du IV de l’article 4 du décret du 12 février 2015 ne viseraient que les cas où une autorisation d’exploitation commerciale aurait été délivrée avant l’entrée en vigueur du décret et aurait été suivie d’une demande de permis de construire en cours d’instruction à la date d’entrée en vigueur du décret, soit le 15 février 2015. Or, au cas d’espèce, l’autorisation d’exploitation commerciale du 29 juillet 2015 étant donc postérieure à l’entrée en vigueur du décret, la Société SADEF estime que ces dispositions du décret ne lui étaient pas applicables, aucune demande de permis de construire n’ayant été en cours d’instruction à la date d’entrée en vigueur du décret.
Enfin, si l’article 36 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », qui a complété la loi du 18 juin 2014 en ajoutant un III à son article 39, a précisé que « Pour tout projet nécessitant un permis de construire, l’autorisation d’exploitation commerciale en cours de validité dont la demande a été déposée avant le 15 février 2015 vaut avis favorable des commissions d’aménagement commercial », cela aurait été édicté, selon la Société SADEF, dans un simple souci de cohérence, afin que le porteur du projet puisse déposer une demande de permis de construire ne comportant pas de volet urbanisme commercial dès lors que l’autorisation d’exploitation commerciale a été précédemment accordée. Mais dans l’hypothèse, comme au cas d’espèce, ou aucun permis de construire n’a été sollicité, considérer que la décision de la CNAC ne serait qu’un avis, reviendrait, en méconnaissance de l’article 13 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme sur le droit au recours juridictionnel effectif, à interdire toute contestation de la décision de la CNAC.
Dans les dossiers 15 LY 3354 Union Rivoise des Commerçants Artisans et 15 LY 3217 Société ATAC, cette association, qui a pour objet le représentation et la défense des intérêts des commerçants et artisans de Rives et de ses alentours, et qui est représentée par M. Frédéric Legenvre, et cette société, qui exploite un supermarché à l’enseigne Simply Market de 2000 m² de surface de vente sur le territoire de la Commune de Voiron, à 5 km du projet, dans la sous zone secondaire de la zone de chalandise du projet, cette association et cette société contestent donc et demandent l’annulation de la décision de la CNAC du 16 juillet 2015 qui, après la décision positive de la CDAC de l’Isère en date du 3 février 2015, a rejeté leurs recours et autorisé la SCI La Gare de Moirans à exploiter un ensemble commercial comprenant un supermarché E. Leclerc de 2.490 m² de surface de vente, une boutique non alimentaire de 10 m² de surface de vente, un magasin d’équipement de la maison et deux magasins d’équipement de la personne sur 2.500 m² de surface de vente.
Dans ces dossiers, le même moyen d’ordre public que précédemment a été communiqué aux parties le 12 janvier 2017 ; et il y a été répondu par la CNAC le 19 janvier 2017 (pour les deux dossiers), la CNAC soutenant que la nouvelle procédure d’avis conforme instituée par la loi du 18 juin 2014 n’est entrée en vigueur qu’après l’entrée en vigueur, le 15 février 2015, de son décret d’application du 12 février 2015, et que durant la période transitoire il convenait, pour les procédures en cours, de faire principalement application des dispositions de l’article 4 de ce décret, le I et le IV de cet article instituant des régimes dérogatoires.
Pour la CNAC la fusion de l’autorisation de l’exploitation commerciale et du permis de construire ne pourraient, dans un souci d’intelligibilité de la loi et de sécurité juridique, valoir que pour l’avenir, les autorisations d’exploitations commerciales accordées avant l’entrée en vigueur du décret d’application de la loi restant dans l’ordonnancement juridique et les permis de construire y afférent délivrés postérieurement à l’entrée en vigueur du décret restant des permis classiques ne statuant que sur la demande d’urbanisme, les permis nouvelle formule relevant des nouvelles dispositions du Code de Commerce (Titre V – Chapitre II – Section 2 – Sous-Section 2) étant ceux dont les demandes ont été déposées depuis le 15 février 2015. Au cas d’espèce, comme le mentionne la décision attaquée du 16 juillet 2015, la demande d’autorisation d’exploitation commerciale de la SCI La Gare de Moirans a été déposée le 6 janvier 2015 et la CDAC de l’Isère a rendu sa décision le 3 février 2015, ce qui impliquait, selon la CNAC, une application de l’ancien dispositif avec deux décisions distinctes.
Enfin dans les dossiers 15LY03667 Société CSF et 15LY03791 Commune de Montréal La Cluse, la Société CSF, qui exploite un magasin Carrefour Market, Rue du Jura, sur le territoire de la Commune de Montréal La Cluse, et la Commune de Montréal La Cluse, Commune du Haut-Bugey de 3.600 habitants, contestent et demandent l’annulation de la décision de la CNAC du 23 septembre 2015 admettant le recours de la Société Lidl contre la décision de la CDAC de l’Ain lui refusant l’autorisation de créer, à Montréal La Cluse, un magasin de commerce alimentaire de 1.286 m² de surface de vente, et autorisant cette exploitation commerciale.
La Société Lidl avait déposé, le 8 janvier 2015, une demande de permis de construire pour ce projet, puis, le 19 mars 2015, une demande d’autorisation d’exploitation commerciale devant la CDAC de l’Ain.
Dans ces deux dossiers, le même moyen d’ordre public a été soulevé le 12 janvier 2017 et le 13 janvier 2017 sont parvenus des mémoires complémentaires de la Société Lidl soulevant l’irrecevabilité de la requête sur le fondement de l’avis n°398077 rendu par le Conseil d’Etat le 23 décembre 2016avis n°398077 rendu par le Conseil d’Etat le 23 décembre 2016.
Selon la Société Lidl, ce qui est contesté ici n’est qu’une décision préparatoire ne faisant pas grief, puisque n’est contesté aucun permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale. L’avis de la CNAC ne peut plus désormais, selon la Société Lidl, être contesté qu’au travers de sa régularité, par la voie de l’exception, à l’appui d’un recours contre un permis valant autorisation d’exploitation commerciale.
En plus de l’avis du Conseil d’Etat, la Société Lidl cite un commentaire de cet avis par Mme Lucienne Erstein, Présidente de la Cour Administrative d’Appel (CAA) de Marseille, ainsi qu’un arrêt de la Cour administrative de Versailles, 16VE00090 du 29 décembre 2016Cour administrative de Versailles, 16VE00090 du 29 décembre 2016, un arrêt qui relève, sur le fondement de l’article L.752-17- I du Code de Commerce, l’irrecevabilité contre un avis de la CNAC en date du 12 novembre 2015.
La Commune de Montréal La Cluse a répondu à cette fin de non recevoir par mémoire du 17 janvier 2017 ; elle estime que ni l’avis du 26 décembre 2016 du Conseil d’Etat, ni l’arrêt de la Cour de Versailles du 29 décembre 2016, avis et arrêt cités par la Société Lidl ne sont transposables au cas d’espèce, la Société Lidl ayant elle-même pris l’initiative d’engager sa démarche sous l’empire du régime antérieur à la loi du 18 juin 2014 puisqu’elle a déposé, pour son projet, une demande de permis de construire le 8 janvier 2015 et parallèlement une demande d’autorisation d’exploitation commerciale, qu’elle n’a pas renoncé à cette double démarche après l’entrée en vigueur de la loi, et qu’il est constant que tant la CDAC que la CNAC ont rendu des décisions et non des avis.
Dans un mémoire du 20 janvier 2017, la société CSF a répondu au MOP soulevé. La Société CSF voit dans ce MOP une erreur de droit. Tout d’abord, selon la société CSF, l’article 36 de la loi dite Macron, qui a complété la loi du 18 juin 2014 en ajoutant un III à son article 39, ne serait pas applicable au cas d’espèce, car la demande de permis de construire a été déposée le 8 janvier 2015, transmise à la Communauté de Communes du Haut-Bugey le 12 janvier 2015 et a fait l’objet d’un refus par arrêté du 15 octobre 2015, alors que la CDAC de l’Ain n’a statué que le 11 mai 2015, ce qui signifie, selon la requérante, qu’il n’y avait pas d’autorisation d’exploitation commerciale « en cours de validité », au sens de l’article 36 de la loi Macron, au moment de l’entrée en vigueur du décret. Par ailleurs, pour la Société CSF, l’article 4 du décret du 12 février 2015 ne serait pas plus applicable au cas d’espèce car la CDAC, et a fortiori la CNAC, n’avaient pas statué avant l’entrée en vigueur du décret (la CDAC n’a statué que par un refus le 11 mai 2015 et la CNAC par une autorisation le 16 septembre 2015).
Voilà comment se présentent les cinq dossiers appelés aujourd’hui et dans lesquels vous avez soulevé un moyen d’ordre public (MOP).
Pour statuer sur cette question de recevabilité, il faut passer par la question de l’entrée en vigueur de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises et de son décret d’application n° 2015-165 du 12 février 2015 relatif à l’aménagement commercial, ce qui nous ramène au premier dossier évoqué, 15LY01807 Société CSF.
L’article 60 de la loi disposait que les articles 39 à 58, qui concernent notamment le nouveau dispositif de permis valant autorisation d’exploitation commerciale, et à l’exception de l’article 57, concernant le Code du Cinéma et de l’Image Animée, entraient en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’Etat et au plus tard six mois à compter de la promulgation de la loi.
La loi a été publiée au Journal Officiel de la République Française (JORF) le 19 juin 2014, mais son décret d’application, n°2015-165 du 12 février 2015, est intervenu au-delà du délai de six mois qui était prévu.
Pour autant, comme le soutient à juste titre la Société Lidl dans l’affaire 15 LY 1807 en se référant à la décision d’Assemblée du Conseil d’Etat n°138787 du 23 octobre 1992, au Recueil p.374, l’intervention tardive du décret ne prive pas d’effet ce dernier.
Il s’agissait dans cette affaire soumise au Conseil d’Etat, de l’entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 1989 relative à l’instauration d’un permis à points, entrée en vigueur prévue au plus tard le 1er janvier 1992 et qui était subordonnée à l’intervention d’un décret. Or, le Conseil d’Etat a considéré que ce décret, postérieur au 1er janvier 1992, n’était pas illégal de ce seul fait.
Sauf à ce que le législateur l’ait clairement envisagé, l’échéance prévue pour l’édiction d’un décret d’application ne constitue donc pas une échéance impérative : voyez aussi sur ce point la décision du Conseil d’Etat n°187348 du 10 juin 1998 Fédération des Syndicats Généraux de l’Education Nationale et de la Recherche Publique.
L’autre décision du Conseil d’Etat citée par la Société Lidl, Section n°5185 du 9 juin 1978 représente un cas de figure un peu différent puisque les dispositions modifiant le Code de la Route issues de la loi du 31 décembre 1970 relative à la mise en fourrière, à l’aliénation et à la destruction des véhicules terrestres dont il est question dans cette affaire ne devaient entrer en vigueur qu’après l’intervention d’un décret en Conseil d’Etat, la loi n’ayant prévu aucune date limite.
Quant à l’avis, également cité par la Société Lidl, n°303422 du 4 juin 2007 il concerne l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions du Code de la Sécurité Sociale, du fait de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, une entrée en vigueur qui a été considérée comme pouvant se faire immédiatement dès la promulgation de la loi, cette entrée en vigueur n’étant pas liée, par la loi, à l’intervention d’un texte règlementaire et cette entrée en vigueur n’apparaissant pas manifestement impossible en l’absence d’un tel texte ; une telle entrée en vigueur immédiate ne faisant toutefois pas obstacle à ce que le Premier Ministre fasse postérieurement usage de son pouvoir règlementaire en tant que de besoin.
Ainsi donc, dans notre affaire 15LY01807 Société CSF, dans laquelle est contestée une décision de la CNAC en date du 28 janvier 2015, il y a lieu de considérer que le décret d’application du 12 février 2015, entré en vigueur le 15 février suivant, n’est pas illégal du seul fait qu’il est intervenu au-delà du délai de six mois prévu, à titre indicatif, par la loi et qu’en conséquence les nouvelles dispositions de la loi du 18 juin 2014, auxquelles entend se référer la Société CSF dans son recours en annulation, n’étaient pas applicables à la décision de la CNAC du 28 janvier 2015.
En conséquence, dans cette affaire, pour ce qui concerne la composition de la CNAC, ce ne sont pas les nouvelles dispositions de l’article L.751-6 du Code de Commerce, dans leur rédaction issue de l’article 43 de la loi du 18 juin 2014, qu’il convient d’appliquer (ces nouvelles dispositions portant effectivement à 12 le nombre de membres de la CNAC dont 4 représentants des élus locaux), mais il faut se référer à l’ancienne composition de la CNAC, qui ne comportait que 8 membres, une composition qui a bien été respectée lors de la séance de la CNAC du 28 janvier 2015.
Par ailleurs, comme nous le savons, et comme l’a justement rappelé la société Lidl, la convocation des membres de la CNAC n’est nullement règlementée : voyez par exemple Conseil d’Etat n°372181 du 3 décembre 2014 SA Frey. Au demeurant la procédure prévue par l’article R.752-49 du Code de Commerce issu du décret du 24 novembre 2008 (qui a été abrogé par le décret du 12 février 2015 non applicable au cas d’espèce), cette procédure, qui découle du règlement intérieur de la CNAC, a été respectée.
Ensuite, sur le respect des modalités du recueil, par le commissaire du gouvernement, des avis des Ministres intéressés visés par l’article R.752-51 du Code de Commerce dans sa rédaction applicable au litige, c'est-à-dire des ministres en charge du commerce, de l’urbanisme et de l’environnement, le ministre chargé du commerce s’est prononcé, au travers de la personne de M. Nicolas Lermant, régulièrement habilité, par un avis du 22 janvier 2015, et celui chargé de l’urbanisme et de l’environnement s’est prononcé, au travers de la personne de M. Frédéric Auclair, régulièrement habilité, par un avis du 26 janvier 2015. Ces avis sont mentionnés par les visas de la décision de la CNAC du 28 janvier 2015.
Pour ce qui est de la qualité de la Société Lidl pour déposer sa demande d’autorisation d’exploitation commerciale, contrairement à ce que soutient la Société CSF il n’est pas exigé par les dispositions de l’article L.752-6 du Code de Commerce alors applicables de justifier de la seule qualité de propriétaire de l’immeuble, un titre habilitant à construire sur le terrain ou à exploiter commercialement l’immeuble permettant aussi de justifier d’une telle qualité. Et c’est en qualité de futur propriétaire du bâtiment situé au n°18 de la Route des Vallées que la Société Lidl est intervenue, en tant que titulaire d’une promesse de vente de cet immeuble en date du 12 novembre 2013 (promesse de vente prolongée jusqu’au 31 juillet 2015) : voyez sur ce point Conseil d’Etat n°361043 du 21 juin 2013 Société Bricorama France.
Sur les effets du projet au regard des critères posés par l’article L.752-6 du Code de Commerce, critères concernant l’aménagement du territoire, le développement durable et la protection des consommateurs (critères que la loi du 18 juin 2014 est venue préciser mais qui existaient déjà dans le dispositif antérieur de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008), comme vous le savez, c’est une compatibilité des projets d’exploitation commerciale avec ces critères qu’il faut atteindre, seule une incompatibilité avec l’un ou plusieurs de ces critères pouvant justifier un refus : voyez par exemple sur ce point Conseil d’Etat n°336457 du 23 décembre 2010 Société Jardinerie Fuchs.
Le critère de l’aménagement du territoire est critiqué au travers du SCOT de la Région d’Annemasse, qui pourtant préconise, pour les centralités urbaines, un renforcement de l’attractivité commerciale, ainsi qu’un développement commercial cohérent avec le développement de l’habitat et des autres fonctions urbaines, le Document d’Orientations Générales (DOG) du SCOT préconisant aussi un stationnement public et privé de manière à ne pas dissuader l’accès à ce pôle commercial en transports publics et à favoriser les déplacements doux (piétons, cycles). Certes le projet de la Société Lidl comprend un parking sous-terrain de 88 places, d’ailleurs inférieur au flux quotidien de clients attendus, mais ce projet, qui se situe dans une zone d’habitats, a aussi une vocation de commerce de proximité accessible par d’autres moyens que la voiture : deux lignes de bus du réseau de transports annemassien desservent le projet ; le projet est concerné par le prolongement du tramway de Genève ; une piste cyclable se situe à proximité du terrain d’assiette du projet, sur lequel sera aménagé un parking à vélos ; les piétons bénéficient aussi d’accès sécurisés.
Le critère du développement durable est notamment critiqué sous l’angle de la friche commerciale potentielle que laisserait la Société Lidl sur son ancien site d’implantation, à Ville la Grand. Mais la Société Lidl justifie de pourparlers avec le propriétaire du bâtiment, la Commune et la Maison de l’Economie d’Annemasse pour le transfert de son droit au bail sur ces locaux. Il n’y a donc pas, à ce stade, de raison de penser que ce site se transformerait en friche commerciale. Quant à la qualité environnementale du projet, qui est également critiquée par la Société CSF, elle l’est de manière en partie inopérante sur le fondement de la loi du 18 juin 2014 qui n’est pas, comme nous l’avons vu, applicable au projet. Et sur le volet opérant de cette critique, vous constaterez que l’isolation des bâtiments, qui fait suite à une étude de consommation énergétique, répond à un souci d’économie d’énergies (chauffage et réfrigération), et que le traitement des eaux pluviales ne sera pas modifié, le projet n’entraînant pas d’imperméabilisation supplémentaire des sols. Enfin, l’insertion paysagère et architecturale du projet ne paraît pas poser de difficulté particulière, du fait de la sobriété du projet. Et la question des livraisons, qui seront effectuées sur un quai réservé à cet effet à l’arrière du magasin et en dehors des heures d’ouverture au public, apparaît traitée de manière compatible avec les questions des nuisances sonores et de sécurité de la circulation automobile.
Le critère de la protection des consommateurs est abordé aussi au travers de la question des livraisons. Vous noterez que ce critère a été développé et précisé par la Loi Pinel, inapplicable au litige. Quoiqu’il en soit, comme nous l’avons dit, les itinéraires piétons font l’objet d’une sécurisation dans le cadre de ce projet et l’accès des livraisons est indépendant de l’accès des clients. Sur ce même critère, la valorisation des filières de production locale, introduite par la loi Pinel, n’est pas, comme le précise la Société Lidl, une exigence mais un objectif, et ce qui est avant tout recherché est le confort du consommateur et l’élargissement de l’offre commerciale, ce qui sera le cas au travers de l’extension qui sera réalisée, le nouveau magasin devant proposer des produits provenant de la pêche durable, du commerce équitable et de la filière bio, avec une recherche particulière de producteurs français.
La requête 15LY01807 Société CSF nous paraît, au regard de ce que nous venons d’exposer, vouée au rejet.
Conclusions II
Pour ce qui concerne les autres dossiers qui vous sont soumis, les requêtes visant des décisions de la CNAC sont-elles recevables au regard de la loi du 18 juin 2014, dite Loi Pinel, au regard du décret d’application du 12 février 2015 entré en vigueur le 15 février suivant, et au regard de la loi 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite loi Macron ?
Dans ces dossiers les décisions de la CNAC qui sont visées sont toutes postérieures à l’entrée en vigueur du décret du 12 février 2015. Les CDAC avaient toutes été saisies antérieurement à l’entrée en vigueur du décret, sauf celle de l’Ain pour les dossiers 15 LY03667 Société CSF et 15 LY03791 Commune de Montréal La Cluse. Deux CDAC, celle de l’Allier, pour le dossier 15 LY03077 Société SADEF, et celle de l’Ain, pour les dossiers 15LY03667 Société CSF et 15 LY03791 Commune de Montréal La Cluse, ont statué postérieurement au 15 février 2015.
Nous savons par ailleurs que, pour le dossier 15 LY 3077 Société SADEF aucune demande de permis n’était en cours d’instruction à la date d’entrée en vigueur du décret, que pour les dossiers 15 LY03354 Union Rivoise des Commerçants Artisans et 15 LY03217 Société ATAC il semblerait, selon la réponse de la CNAC, que la demande de permis ait été déposée avant le 15 février 2015, et enfin que pour les dossiers 15 LY03667 Société CSF et 15 LY03791 Commune de Montréal La Cluse la demande de permis de construire a été déposée le 8 janvier 2015 parallèlement à la demande d’autorisation d’exploitation commerciale, antérieurement à l’entrée en vigueur du décret, et a fait l’objet d’un refus, le 15 octobre 2015, postérieurement à l’entrée en vigueur du décret.
Que doit-on considérer comme déterminant ? Que nous disent les textes applicables ?
La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises ne comporte aucune disposition transitoire.
Le décret d’application n° 02015-165 du 12 février 2015 relatif à l’aménagement commercial comporte un article 4 avec cinq paragraphes qui donnent quelques indications sur cette période transitoire entre l’ancien et le nouveau dispositif.
En vertu de ces dispositions :
« I. - Par dérogation à l'article R. 752-9 et aux premier et deuxième alinéas de l'article R. 752-10 du code de commerce, l'article R. 752-11 et les premier à troisième alinéas de l'article R. 752-12 du même code s'appliquent aux demandes d'autorisation d'exploitation commerciale nécessitant un permis de construire en cours d'instruction devant la commission départementale d'aménagement commercial à la date d'entrée en vigueur du présent décret.
II. - Par dérogation au troisième alinéa de l'article R. 752-10, au quatrième alinéa de l'article R. 752-12 et au troisième alinéa de l'article R. 752-24 du code de commerce, pour les demandes d'autorisation d'exploitation commerciale ou de permis de construire en cours d'instruction devant la commission départementale d'aménagement commercial à la date d'entrée en vigueur du présent décret, les délais de un et deux mois prévus à l'article L. 752-4 et au II de l'article L. 752-14 du même code courent à compter de la date de publication de l'arrêté préfectoral prévu à l'article R. 751-1 du même code.
III. - Par dérogation à l'article R. 752-34 du code de commerce, pour les demandes d'autorisation d'exploitation commerciale ou de permis de construire en cours d'instruction devant la Commission nationale d'aménagement commercial à la date d'entrée en vigueur du présent décret, les délais d'un et quatre mois prévus à l'article L. 752-4 et aux I, II et V de l'article L. 752-17 du même code courent à compter de la date de publication du décret prévu à l'article L. 751-5 du même code.
IV. - Pour les demandes de permis de construire en cours d'instruction à la date d'entrée en vigueur du présent décret et relatives à des projets soumis à une autorisation d'exploitation commerciale, les autorisations d'exploitation commerciale valent avis favorables de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial.
V. - L'article R. 311-3 du code de justice administrative s'applique aux recours contre des décisions de la Commission nationale d'aménagement commercial relatives à des projets ayant nécessité un permis de construire délivré avant l'entrée en vigueur du présent décret.
L'annulation par le juge administratif d'une autorisation d'exploitation commerciale nécessitant un permis de construire délivrée avant l'entrée en vigueur du présent décret n'emporte pas l'annulation du permis de construire.
L'annulation par le juge administratif d'un permis de construire délivré avant l'entrée en vigueur du présent décret et relatif à un projet ayant fait l'objet d'une autorisation d'exploitation commerciale n'emporte pas annulation de l'autorisation d'exploitation commerciale. ».
Le premier paragraphe permet, pour les dossiers de demande d’autorisation d’exploitation commerciale en cours d’instruction devant les CDAC à la date d’entrée en vigueur du décret, soit le 15 février 2015, de déroger aux règles de dépôt du dossier de demande de permis et d’autorisation d’exploitation commerciale auprès du guichet unique, ce qui signifie donc que dans cette hypothèse il est possible de poursuivre la procédure avec une instruction distincte de la demande de permis de construire.
Le deuxième paragraphe permet, pour les demandes d’autorisation d’exploitation commerciale en cours d’instruction devant les CDAC et les demandes de permis de construire en cours d’instruction à la date d’entrée en vigueur du décret, de déroger aux règles de délai d’instruction des demandes pour permettre la mise en place des CDAC dans leur nouvelle composition.
Le troisième paragraphe permet, pour les demandes d’autorisation d’exploitation commerciale en cours d’instruction devant la CNAC et les demandes de permis de construire en cours d’instruction à la date d’entrée en vigueur du décret, de déroger aux règles de délai d’instruction pour permettre la mise en place de la CNAC dans sa nouvelle composition.
Selon le quatrième paragraphe de l’article 4 du décret, pour les permis de construire en cours d’instruction à la date d’entrée en vigueur du décret concernant des projets soumis à autorisation d’exploitation commerciale, les autorisations d’exploitation commerciale valent avis favorables des CDAC ou de la CNAC.
Le cinquième et dernier paragraphe de l’article 4 du décret, traite le cas des permis de construire concernant un projet d’exploitation commerciale délivrés avant l’entrée en vigueur du décret. Dans cette hypothèse, l’annulation de l’autorisation d’exploitation commerciale n’entraîne pas l’annulation du permis de construire, et, inversement, l’annulation du permis n’entraîne pas l’annulation de l’autorisation d’exploitation commerciale.
Seuls les quatrième et cinquième paragraphes de l’article 4 du décret nous intéressent ici, puisqu’ils concernent les hypothèses de dépôts, avant l’entrée en vigueur du décret, de demandes distinctes, sous l’empire de l’ancien régime.
Si la demande de permis est déposée et le permis délivré avant l’entrée en vigueur du décret, en cas de censure du permis ou de l’autorisation d’exploitation commerciale il n’y aura aucun effet d’une censure de l’un ou de l’une sur l’autre. Et pour les permis en cours d’instruction au moment de l’entrée en vigueur du décret, et donc délivrés après cette entrée en vigueur, les autorisations d’exploitation commerciale y afférentes valent avis favorables.
Il nous semble ressortir de ces dispositions que la date d’instruction et de délivrance du permis de construire détermine le régime applicable : pour un permis instruit et délivré avant l’entrée en vigueur du décret nous restons dans le régime de deux décisions distinctes puisque l’annulation de l’une ne peut entraîner l’annulation de l’autre ; et pour un permis en cours d’instruction à la date d’entrée en vigueur du décret et donc délivré après l’entrée en vigueur du décret nous basculons dans le nouveau régime avec une autorisation d’exploitation commerciale délivrée avant, l’autorisation d’exploitation commerciale valant avis favorable et non plus décision.
Cette vision des choses nous paraît découler du caractère déterminant de l’autorisation d’urbanisme dans la mise en œuvre concrète du projet.
Dans les dossiers qui vous sont soumis, il s’agit de demandes d’autorisation d’exploitation commerciales déposées avant l’entrée en vigueur du décret, donc sous l’empire de l’ancien régime, sur lesquelles il a été statué après l’entrée en vigueur du décret, et les demandes de permis de construire y afférentes étaient soit en cours d’instruction soit non encore déposées à la date d’entrée en vigueur du décret, ce qui signifie que ces permis ont été où seront délivrés après l’entrée en vigueur du décret.
Ainsi, pour les dossiers concernant les permis délivrés (où le permis refusé pour le dossier 15 LY 3667 Société CSF), où les demandes de permis déposées, après l’entrée en vigueur du décret, les autorisations d’exploitation commerciale valent avis favorables et ne constituent plus des décisions faisant grief, seul un permis délivré avant l’entrée en vigueur du décret permettant le maintien dans le dispositif de l’ancien régime, de deux décisions distinctes faisant, l’une et l’autre grief.
L’article 36 II de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », qui a complété par un III l’article 39 de la loi du 18 juin 2014, et qui, comme nous l’avons dit, a précisé que « Pour tout projet nécessitant un permis de construire, l’autorisation d’exploitation commerciale en cours de validité dont la demande a été déposée avant le 15 février 2015 vaut avis favorable des commissions d’aménagement commercial », cette disposition, qui se place implicitement dans l’hypothèse d’un permis de construire qui sera demandé et délivré après le 15 février 2015 alors que la demande d’autorisation d’exploitation commerciale a été déposée avant, cette disposition nous paraît confirmer le décret du 12 février 2015 qui envisage la même hypothèse et en tire la même conclusion au regard de la nature de la « décision » prise par la commission d’aménagement commercial, décision que le permis demandé postérieurement au 15 février 2015 transforme en avis. Car il nous semble que l’expression « autorisation d’exploitation commerciale en cours de validité dont la demande a été déposée avant le 15 février 2015 » ne signifie pas que les commissions d’exploitation commerciale aient nécessairement statué avant cette date, mais seulement que les autorisations délivrées soient encore en cours de validité au moment où le permis est délivré ou refusé.
L’avis rendu par le Conseil d’Etat le 26 décembre 2016 (Société MDVP), ne s’est pas, comme nous l’avons vu, prononcé sur cette période transitoire.
La Cour administrative de Nancy, dans des arrêts 16 NC 316 du 3 novembre 2016 Société Sage Dist et 15 NC 2015 – 2016 – et 2061 du 6 octobre 2016 Sociétés SADEF – Surquoit – Brico Dépôt – et Castorama, a statué au fond sur des recours en annulation contre des décisions de la CNAC du 25 novembre 2015 et du 1er juillet 2015, donc postérieures à l’entrée en vigueur du décret du 12 février 2015 ; la Cour administrative de Douai a fait de même dans un arrêt 15 DA 903 du 15 septembre 2016 Société Carrefour Hypermarchés pour une décision de la CNAC du 25 février 2015 ; ainsi que la Cour administrative de Marseille dans un arrêt 15 MA 2921 et 3218 du 7 juillet 2016 Société Cahuha – Association Lez Environnement pour une décision de la CNAC du 21 mai 2015. Mais ces arrêts ne disent rien sur les permis de construire correspondant à ces opérations.
Dans ce contexte, nous vous invitons à l’interprétation des textes que nous venons d’exposer, ce qui vous conduirait à rejeter comme étant dirigés contre des actes ne faisant pas griefs et donc irrecevables les cinq requêtes en annulation qui vous sont présentées.
Par ces motifs nous concluons :
- dans le dossier 15LY01807, au rejet, au fond, de la requête en annulation de la Société CSF et à ce que soit mise à la charge de cette dernière une somme de 1500 euros qui sera versée à la Société Lidl au titre des frais irrépétibles ;
- dans les dossiers 15LY03077, 15LY03217, 15LY03354, 15LY03667 et 15LY03791, au rejet, en raison de leur irrecevabilité, des recours en annulation présentés et à ce que soit mise à la charge des requérantes, dans chacun des dossiers, une somme de 1500 euros qui sera versée aux intimées au titre des frais irrépétibles.