Compte tenu de son caractère préparatoire, la délibération d’un conseil municipal approuvant le dossier de réalisation d’une zone d’aménagement concerté (ZAC) est insusceptible de recours. Il en va cependant différemment si cet acte emporte également création de cette zone. Dans cette hypothèse, les requérants sont alors fondés à demander l’annulation de la délibération qui méconnaitrait l’obligation de concertation imposée par l’article L. 300-2 du Code de l’urbanisme.
Introduites par la loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967, les « zones d’aménagement concerté » (ZAC) ont été conçues en vue d’associer les collectivités publiques et le secteur privé pour la réalisation d’opérations d’aménagement urbaines. Successivement modifiées par la loi du 31 décembre 1976 portant réforme de l’urbanisme, la loi du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en œuvre de principes d'aménagement ainsi que la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), les ZAC sont définies à l’article L. 311-1 du Code de l’urbanisme comme « les zones à l'intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public y ayant vocation décide d'intervenir pour réaliser ou faire réaliser l'aménagement et l'équipement des terrains […] en vue de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés ».
La loi du 31 décembre 1976 portant réforme de l'urbanisme ayant initialement prévu une simple mise à disposition du dossier de création d’une ZAC, la loi du 18 juillet 1985 introduit une nouvelle procédure dite de « concertation préalable ». Destinée à mieux impliquer les citoyens dans les processus de décision qui les concernent en matière d'aménagement et d'environnement, ces dispositions ont mis à la charge du conseil municipal une obligation de délibérer « sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d’une concertation associant, pendant toute la durée de l’élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées avant : […] b) Toute création, à son initiative, d’une zone d’aménagement concerté ». Faute de définition précise de son contenu, la concertation est devenue en pratique « moins une procédure de participation du public » qu’« une simple obligation procédurale » (La concertation de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme – Jean-Claude Hélin – AJDA 2006. 2332) . Toutefois, sous l’impulsion, notamment, des engagements européens et internationaux pris par la France, et de l’enrichissement du droit de l’environnement, le juge administratif a progressivement fait preuve d’une plus grande sévérité vis à vis du non-respect des procédures de concertation préalables.
En l’espèce, un projet de requalification d’anciennes friches industrielles avait été décidé par la commune de Villars (Loire) en vue de la réalisation d’un vaste programme résidentiel situé à proximité du centre-ville, dans le secteur dit « Triolet – Industrie ». Par une délibération du 12 juillet 2012, le conseil municipal tira le bilan de la concertation publique et approuva le dossier de création de la ZAC « Espace Beaunier ». Contestant la légalité de cette décision pour méconnaissance des formalités de concertation, l’association Défense Triolet Bourg et plusieurs particuliers ont introduit un recours gracieux auprès du maire de cette commune. Leur requête rejetée, les demandeurs saisirent la juridiction administrative d'un recours en annulation contre la délibération du conseil municipal de Villars en date du 12 juillet 2012 ainsi que la décision du 13 novembre 2012 par laquelle le maire n’avait pas accédé à leur demande gracieuse. Par un jugement du 4 mars 2014 (n° 1300540), la 1ère chambre du Tribunal Administratif de Lyon rejeta leur recours, en conséquence de quoi les parties relevèrent appel de cette décision.
Dans son arrêt du 5 janvier 2016, la Cour administrative de Lyon infirme le jugement rendu par le Tribunal administratif de Lyon. Bien que les juges d’appel réaffirment l’impossibilité d’exercer un recours en annulation contre la délibération d’un conseil municipal qui se borne à seulement approuver le dossier de réalisation d’une ZAC, ils concluent qu’il en va différemment dès lors que cet acte emporte également création de cette zone (I). Dans cette hypothèse, les requérants sont alors fondés à demander l’annulation de cette délibération pour méconnaissance de l’obligation de concertation imposée par l’article L. 300-2 du Code de l’urbanisme (II).
1. –La recevabilité du recours à l’encontre d’une délibération valant à la fois approbation du dossier de réalisation d’une ZAC et création de cette zone
Saisi d’une demande d’annulation de la délibération du 12 juillet 2012 et de la décision du 13 novembre 2012, le tribunal administratif de Lyon avait opposé aux requérants une fin de non-recevoir. Jugeant que la délibération du 12 juillet portait seulement approbation du dossier de réalisation de la ZAC « Espace Beaunier », cet acte était insusceptible de recours pour excès de pouvoir en raison de son caractère préparatoire. Cette solution, adoptée par la Cour administrative d’appel de Versailles dans un arrêt du 2 décembre 2010 (CAA Versailles, 2 déc. 2010, req. n° 08VE02972), avait été également confirmée par un avis du 4 juillet 2012 (avis du Conseil d’Etat du 4 juill. 2012, MM Biglione et Perrin, n° 356221) . Consulté par le tribunal administratif de Marseille sur la nature juridique des actes constitutifs du dossier de réalisation d’une ZAC mentionnés à l'article R. 311-7 du code de l'urbanisme, le Conseil d’État avait alors conclu à l’absence de caractère décisionnel de l’ensemble de ces éléments. Néanmoins, le juge s’était aussi prononcé sur le régime juridique de la décision approuvant le dossier de réalisation d’une ZAC. A cette occasion, il avait en effet énoncé que « la décision par laquelle […] la personne publique qui a décidé la création d’une zone d’aménagement concerté en approuve le dossier de réalisation » constituait « une mesure seulement préparatoire aux actes qui définiront ultérieurement les éléments constitutifs de cette zone ». Compte tenu de sa nature, la délibération approuvant le dossier de réalisation d’une ZAC ne pouvait donc pas être « au nombre des actes qui peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, les illégalités qui l'affectent étant seulement susceptibles d'entacher d'irrégularité la procédure d'adoption des décisions qu'elle prépare ».
Bien que cet arrêt du 5 janvier 2016 réaffirme la portée de l’arrêt du 2 décembre 2010 et de l’avis du 4 juillet 2012, la Cour administrative d’appel de Lyon retient en l’espèce que « la décision par laquelle […] la personne publique approuve le dossier de réalisation d'une ZAC constitue une mesure seulement préparatoire aux actes qui définiront ultérieurement les éléments constitutifs de cette zone […], et n'est donc pas au nombre des actes qui peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ». Elle ajoute, en revanche, que « l’acte portant création de la ZAC a le caractère d’une décision susceptible d’un tel recours ». Les parties s’opposant sur l’objet même de la délibération du 12 juillet 2012, la Cour a effectué un examen in concreto de son contenu. Détaillée dans les conclusions du rapporteur public, cette analyse a démontré qu’ayant pour objet l’approbation du « dossier de création de la ZAC « Espace Beaunier », la délibération attaquée faisait en outre à plusieurs reprises référence à une volonté claire du conseil municipal de la commune Villars de créer cette zone. Aucune délibération n’étant préalablement intervenue pour décider de la création d’une ZAC, le juge conclut que l’acte attaqué ne portait « pas seulement approbation du dossier de réalisation de la ZAC Espace Beaunier », mais également « création de cette zone ». La délibération approuvant le dossier de création d’une ZAC étant un document susceptible de recours, le juge d’appel en a tiré la conséquence que l’association Défense Triolet Bourg était fondée à en demander l’annulation.
2. – La légalité de la délibération méconnaissant l’obligation de concertation imposée par l’article L. 300-2 ancien du Code de l’urbanisme
Leur recours étant recevable, les requérants ont invoqué la méconnaissance, par la délibération du 12 juillet 2012, de l’article L. 300-2 ancien du Code de l’urbanisme. Aux termes de ces dispositions, le conseil municipal était en effet tenu, avant toute élaboration ou révision d’un SCOT ou d’un PLU, de la création d’une ZAC, ou plus généralement toute opération d’aménagement réalisée par la commune ou pour son compte, de délibérer « sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d’une concertation associant, pendant toute la durée de l’élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées ». De cet article, la Cour administrative d’appel de Lyon en déduit une obligation pour le conseil municipal de « délibérer, au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs que poursuit la commune dans le cadre de son projet de création d’une zone d’aménagement concerté ».
Par ce considérant, la Cour administrative d’appel de Lyon opère ainsi une transposition intéressante de deux décisions intervenues pour éclairer le contenu de la délibération approuvant l’élaboration ou la révision d’un PLU (CE, 2 oct. 2010, Commune de Saint Lunaire, req. n° 327149 ; CE, Commune de Ramatuelle, req. n° 348311), dont elle avait déjà suivi le raisonnement à l’occasion d’un recours contre une délibération approuvant la révision du plan local d’urbanisme de la commune de Saint-Martin d’Hères (CAA Lyon, 13 nov. 2014, SAS Distribution Casino France et Immobilière Groupe Casino, req. n° 13LY03241) . A deux reprises, le Conseil d’État avait, en effet, déduit de l’article L. 300-2 une obligation pour le conseil municipal de délibérer avant d’engager la concertation avec les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées, « d'une part, et au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser un document d'urbanisme, d'autre part, sur les modalités de la concertation ». Cette double exigence constituant une « formalité substantielle » de la délibération, le juge avait ajouté que sa méconnaissance était de nature à entraîner l'illégalité du document d'urbanisme approuvé.
Bien que l’expression « formalité substantielle » n’ait pas été reprise par la Cour administrative d’appel de Lyon, l’arrêt du 5 février 2016 affirme néanmoins « que la méconnaissance de cette obligation, qui affecte le contenu même de cette délibération, est de nature à entrainer l’illégalité du document d’urbanisme approuvé ». La Cour fait de la mention des objectifs poursuivis par la commune, un moyen de légalité interne de la délibération portant création d’une ZAC. De ce fait, le juge contourne l’arrêt Danthony qui était intervenu entre-temps pour éviter l’annulation d’un acte administratif entaché d’un vice de procédure n'avait pas exercé « une influence sur le sens de la décision prise ou […] privé les intéressés d'une garantie » (CE, 23 déc. 2011, M. Danthony et autres, req. n° 335033) . La Cour administrative de Lyon neutralise, en l’espèce, toute possibilité pour la commune de régulariser, postérieurement à son adoption, la délibération portant création d’un dossier de ZAC qui n’aurait pas énoncé, au moins dans leurs grandes lignes, les objectifs poursuivis par la commune.
A l’appui de deux délibérations des 7 avril et 22 septembre 2009, la commune de Villars soutenait en défense que les formalités de concertation de la ZAC « Espace Beaunier » avaient été régulièrement accomplies. Cependant, le juge n’a pu que constater, s’agissant de ces deux décisions portant sur la réalisation d’un projet plus vaste d’aménagement du secteur « Triolet – Industrie », que le conseil municipal de la commune de Villars ne s’était à aucun moment prononcé sur ce projet d'aménagement et sur la concertation dans la perspective d'y créer spécialement une ZAC. Le conseil municipal de Villars n’ayant pu de ce fait « connaître les modalités juridiques exactes de l’opération dont il était saisi », la Cour retient qu’il n’avait pas pu être en mesure de débattre et de fixer, au moins dans leurs grandes lignes, les objectifs d’aménagement de la « ZAC Espace Beaunier », ni d’organiser une concertation effective auprès du public. Par conséquent, le juge conclut à l’illégalité de la délibération du 12 juillet 2012 portant création de la ZAC « Espace Beaunier » pour méconnaissance des formalités de concertation imposées par l’article L. 300-2 ancien du Code de l’urbanisme.