Nécessité de soumettre à enquête publique les modifications du PLU résultant d’une annulation juridictionnelle

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Décision de justice

CAA Lyon, 1ère chambre – N° 12LY02385 – 05 mars 2013 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 12LY02385

Numéro Légifrance : CETATEXT000027195240

Date de la décision : 05 mars 2013

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

L.123-10 du code de l’urbanisme, Enquête publique, Classement, Zone AU, Modification du PLU, Annulation juridictionnelle

Rubriques

Urbanisme et environnement

Résumé

En vertu de l’article L123-10 du code de l’urbanisme, l’autorité compétente pour approuver le PLU ne peut légalement amender son projet sans le soumettre à une seconde enquête publique que si les modifications envisagées, d’une part, procèdent de l’enquête publique et, d’autre part, ne remettent pas en cause l’économie générale de ce projet. En conséquence, les modifications apportées au zonage du PLU afin de tirer les conséquences d’une annulation juridictionnelle qui ne procèdent en aucune façon de l’enquête publique initiale doivent être précédées d’une nouvelle enquête publique.

Conclusions du rapporteur public

Jean-Paul Vallecchia

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.6068

C’est par trois jugements n° 0802362, n° 0802536 et n° 0802596 du 26 avril 2010 que la 2ème chambre du Tribunal Administratif de Grenoble a annulé – à la demande de M. Bernard R., d’une part, à la demande des consorts C. d’autre part, et enfin à la demande de Mme V. M. R. et autres –  la délibération du 29 novembre 2007 du Conseil Municipal de la Commune de Claix – dans le Département de l’Isère – délibération approuvant le Plan Local d’Urbanisme (PLU) de la Commune.

Dans le contentieux porté par M. R., l’approbation du PLU de la Commune de Claix avait été censurée pour deux motifs :

- le premier, était tiré de l’inobservation de l’une des prescriptions prévues à l’article L2121-12 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), la Commune n’ayant pas justifié de la communication aux conseillers municipaux de la note de synthèse devant être jointe à la convocation ;

- le second motif, était fondé sur le classement, manifestement erroné, en zone Nu, des parcelles BR 91 et BR 96 appartenant à M. R., alors que ces parcelles étaient entièrement situées en zone urbanisée.

Dans le contentieux initié par les Consorts C., la délibération approuvant le PLU a été annulée pour défaut de communication de note explicative de synthèse aux conseillers municipaux convoqués à cette séance de l’assemblée municipale.

Dans le contentieux porté par Mme V. M. et autres, l’approbation du PLU a été censurée en raison du classement manifestement erroné en zone Nu de la parcelle cadastrée BA 216, alors que cette parcelle est entièrement située en zone urbanisée et suffisamment desservie.

Dans la suite de ces jugements d’annulation de son PLU, la Commune de Claix a repris la procédure, et, par une nouvelle délibération, en date du 10 juin 2010, a une nouvelle fois approuvé son PLU, notamment après avoir intégré des modifications de classement pour les parcelles BR 91, BR 96 et BA 216, celles-ci étant reclassées en zone UA.

Vingt propriétaires du quartier de La Croix Blanche à Claix, le quartier concerné par ces reclassements, ont demandé au Maire de la Commune, par la voie du recours gracieux, le retrait de cette délibération du 10 juin 2010.

Le Maire ayant expressément rejeté cette demande, la juridiction administrative a été une nouvelle fois saisie de la légalité de l’approbation du PLU de la Commune de Claix, par deux recours distincts, celui de M. et Mme Gérard R. et autres, et celui de M. Michel C..

Et c’est donc par un nouveau jugement, rendu le 5 juillet 2012, sous les n° 01004677 et 1004810, que les magistrats de la 2ème chambre du Tribunal Administratif de Grenoble, ont confirmé la légalité de la délibération du 10 juin 2010 du Conseil Municipal de Claix approuvant le PLU et rejeté les deux recours qui lui étaient présentés.

Le recours de M. Michel C., également conseiller municipal de la Commune de Claix, a été rejeté en raison de sa tardiveté, M. C. ayant été regardé comme régulièrement convoqué, le 1er juin 2010, par vaguemestre, à la séance du 10 juin 2010 de l’assemblée municipale devant approuver le PLU et son recours gracieux du 16 août 2010 étant en conséquence intervenu plus de deux mois après la date de l’adoption de cette délibération, date qui devait être regardée, pour M. C. conseiller municipal, comme le point de départ du délai de recours de droit commun de deux mois qui lui était ouvert.

Le recours de M. et Mme R. et autres… a fait l’objet d’un rejet au fond…

Les premiers juges ont d’abord considéré que la délibération du 28 juin 2001 du Conseil Municipal de Claix prescrivant la révision du Plan d’Occupation des Sols de la Commune et sa transformation en PLU avait défini des objectifs suffisamment précis et concrets répondant aux exigences de l’article L300-2 du Code de l’Urbanisme.

Les premiers juges ont ensuite regardé, sur le fondement de l’article L123-10 du Code de l’Urbanisme, les modifications apportées au projet de PLU postérieurement à l’enquête publique par délibération du 29 novembre 2007 comme découlant de l’enquête et ne remettant pas en cause l’économie générale de ce projet.

Pour l’application des dispositions de l’article L112-3 du Code Rural, les premiers juges ont constaté l’absence de réduction des espaces agricoles – et donc l’absence de nécessité de consulter la Chambre d’agriculture – et ont considéré que l’absence de consultation du Centre national de la propriété forestière – en raison de la réduction par le projet de PLU des surfaces forestières – n’avait pas eu d’incidence sur la décision d’approbation du PLU et n’avait privé les habitants de la Commune, « à défaut d’une mention plus précise des personnes qui auraient pu être désignées comme particulièrement intéressées » dit le jugement, d’une quelconque garantie.

Enfin, en ce qui concerne le classement des terrains du secteur de La Croix Blanche en zone AU et en emplacement réservé L4, les premiers juges ont relevé que la chambre d’agriculture avait émis des avis sur le projet de PLU les 26 mars et 4 juillet 2007, que les demandeurs n’établissaient pas l’éloignement des réseaux par rapport aux parcelles de terrain devant accueillir des logements sociaux, et qu’enfin la critique concernant la servitude de mixité sociale et la règle fixant un nombre minimum de 20 logements par hectare ne pouvait donner lieu à une réponse circonstanciée sur son bien-fondé en raison de son imprécision.

C’est de ce jugement dont il est fait appel aujourd’hui devant votre Cour.

M. et Mme R. et autres maintiennent que la délibération du 10 juin 2010 d’approbation du PLU :

- serait intervenue dans la suite d’une procédure irrégulière, la délibération du 28 juin 2001 prescrivant la révision du POS et sa transformation en PLU étant, selon eux, contraire aux dispositions des articles L123-6 et L300-2 du Code de l’Urbanisme ;

- ils soutiennent aussi que des modifications auraient été apportées au projet de PLU postérieurement à l’enquête publique sans que ces modifications résultent de l’enquête publique en application des dispositions de l’article L123-10 du Code de l’Urbanisme ;

- ils soutiennent encore que le projet de PLU entraînant une réduction des espaces naturels et forestiers, et des espaces agricoles, le Centre Régional de la Propriété Forestière (CRPF) et la Chambre d’agriculture auraient dû être consultés, conformément aux dispositions des articles R123-17 du Code de l’Urbanisme et L112-3 du Code Rural, et les avis émis joints au dossier d’enquête publique ;

- enfin les requérants soutiennent que le reclassement des terrains de La Croix Blanche, qui étaient classés en zone NC et que la délibération du 10 juin 2010 a classé en zone à urbaniser (UA) avec un emplacement réservé L4 pour la réalisation d’objectifs de mixité sociale, que ce reclassement serait constitutif d’une erreur manifeste d’appréciation, les réseaux existants – notamment la voirie – étant inadaptés, la servitude de mixité sociale attachée à l’emplacement réservé n’étant pas justifiée dans le rapport de présentation du PLU et n’étant pas reprise dans le règlement applicable à la zone, et la règle de densité de 20 logements par hectare figurant dans le règlement de la zone AU étant illégale, seul le Coefficient d’Occupation des Sols (COS) pouvant règlementer la densité.

Sur la définition des objectifs de la procédure engagée et devant aboutir à l’approbation du PLU…

Sur ce point, la Commune tente d’éviter le débat en s’efforçant de démontrer que le moyen serait inopérant…La référence à un arrêt ancien de la Cour – de 2006 – que nous qualifierons d’isolé… et la référence aux dispositions de l’article L600-1 du Code de l’Urbanisme ne nous paraissent pas pouvoir concrétiser cette démonstration… Quoiqu’il en soit, vous constaterez que, sur le fondement de la jurisprudence Commune de Saint-Lunaire (Conseil d’Etat n° 327149 du 10 février 2010), la délibération du 28 juin 2001 prescrivant la révision du POS et sa transformation en PLU contient des indications qui – une fois n’est pas coutume – nous paraissent satisfaire aux exigences du texte et de la jurisprudence : s’il y est question d’objectifs très généraux tels que de la redéfinition de l’équilibre « entre le développement urbain maîtrisé, la réhabilitation urbaine et la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières ainsi que la protection des espaces naturels et des paysages en respectant les objectifs de développement durable », il y est aussi question d’objectifs plus ciblés tels que le développement de la mixité sociale au travers de l’habitat, avec « la réalisation d’équipements publics d’infrastructure et de superstructure nécessités par le développement de la Commune, notamment la réalisation du quatrième groupe scolaire projeté dans le secteur de Chièze », ou encore de la mise en compatibilité du PLU avec les orientations du schéma directeur de l’agglomération grenobloise, le programme local de l’habitat et le plan de déplacements urbains.

Sur les modifications apportées au PLU postérieurement à l’enquête publique… les requérants n’avaient abordé dans leurs écritures initiales que l’un des deux aspects qui sont attachés aux contraintes pesant sur ces modifications, celui de lien nécessaire entre l’enquête et les modifications.

Sur ce point tout d’abord, les modifications découlant des avis des personnes publiques associées peuvent être considérées comme procédant de l’enquête publique : Conseil d’Etat n° 293404 du 21 mai 2008 Mme A. et pour une application par la Cour votre arrêt n° 10LY01907 du 29 novembre 2011 Commune de Seyssuel.

Sur ce point ensuite, il s’agit d’examiner le reclassement en zone urbaine des parcelles BR 91, BR 96 et BA 216 initialement classées en zone NU… Or ici, la nécessité de ce reclassement, dans la suite des jugements du 26 avril 2010 ayant relevé l’erreur manifeste d’appréciation affectant le classement en zone NU, ne permet évidemment pas de s’affranchir du respect de la procédure qui devait être suivie lors de l’enquête publique de 2007, enquête au cours de laquelle la situation de ces parcelles de terrain n’a pas été évoquée, leurs propriétaires ne s’étant pas manifestés.

Il apparaît en conséquence impossible de regarder ce reclassement comme découlant de l’enquête publique. Une nouvelle enquête publique aurait été nécessaire pour formaliser ce reclassement. Il y a là un motif de censure qui semble assez incontournable ; mais seulement un motif de censure partielle puisque l’économie générale du projet n’est pas affectée : Conseil d’Etat n° 219647 du 19 juin 2002 Commune de Beausoleil ou encore Assemblée du Conseil d’Etat n° 81768 du 29 juin 1973 R. et autres.

Dans leurs écritures les plus récentes, les requérants soutiennent finalement que les modifications apportées auraient altéré l’économie générale du projet… toutefois, les modifications auxquelles ils se réfèrent – celle consistant dans la réduction des places de stationnement au voisinage des lignes de transport en commun et celle consistant à imposer un quart de logements sociaux pour toute opération de construction sur un tènement d’au moins 4000 m² - ces modifications, qui découlent des avis du syndicat mixte des transports en commun et du Préfet, et qui restent marginales, ne vous conduiront pas à conclure à une altération de l’économie générale du projet, le parti d’urbanisme n’étant pas remis en cause.

Sur la consultation préalable de la Chambre d’agriculture et, le cas échéant, de l’Institut national de l’origine et de la qualité et du Centre national de la propriété forestière prévue par l’article R123-17 du Code de l’Urbanisme et l’article L112-3 du Code Rural et de la Pêche Maritime… si les requérants précisent qu’effectivement les zones naturelles diminuent, en passant de 1792 hectares à 1530 hectares, cela ne signifie pas automatiquement – les zones naturelles ne recouvrant pas nécessairement des zones forestières – que le projet de PLU aurait entraîné une diminution des zones forestières, les requérants ne rapportant aucun élément de preuve à cet égard.

Pour les zones agricoles, bien qu’elles aient été en augmentation dans le projet de PLU, la Chambre d’agriculture de l’Isère a bien été consultée et a même émis deux avis, le premier – du 26 mars 2007 – défavorable, et le second – du 4 juillet 2007 – finalement favorable, les dispositions du Code de l’Urbanisme et du Code Rural n’imposant ni un accord de la Chambre, ni un avis visant spécifiquement les parcelles perdant leur classement en zone Naturelle ou Agricole.

Le tènement qui est visé par les requérants, se situe dans l’angle de l’Avenue Bougault et de la Montée de la Croix Blanche, tènement antérieurement classé en zone NC et que le PLU classe en zone AU et AUa, une zone à urbaniser que l’article R.123-6 du Code de l’Urbanisme défini comme « (…) des secteurs à caractère naturel de la Commune destinés à être ouverts à l’urbanisation. (…) », la différence entre la zone AU et la zone AUa recouvrant la capacité suffisante, ou non, des réseaux ; une capacité suffisante permettant une ouverture à l’urbanisation dans le cadre d’une opération d’aménagement d’ensemble ou au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone, et une capacité insuffisante des réseaux permettant de subordonner l’ouverture de l’urbanisation à une modification ou à une révision du Plan Local d’Urbanisme (PLU).

Le plan de zonage fait apparaître le tènement en cause dans un environnement nettement urbain, même si les parcelles le constituant ne sont pas construites.

Certes, le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) défini des objectifs de préservation des espaces agricoles et d’équilibre entre ces espaces et les espaces urbains, mais ce document souligne aussi – par référence au Programme Local de l’Habitat (PLH) de la Communauté d’Agglomération Grenoble Alpes Métropole, la priorité que doit constituer dans le PLU l’accroissement de l’offre de logement, une priorité que le classement retenu contribuera assurément à affirmer.

Dans ce contexte, et s’agissant en outre d’une zone à urbaniser, le raccordement des parcelles aux réseaux publics apparaît secondaire, d’autant plus que, comme nous l’avons dit, l’environnement urbain immédiat laisse peu de doutes sur l’existence de ces réseaux à proximité des parcelles en question.

Le classement retenu n’apparaît pas constitutif d’une erreur manifeste d’appréciation.

Sur le point particulier de l’emplacement réservé L4… qui correspond à la partie AUa du tènement qui nous occupe… et qui est destiné à la réalisation de logements – avec un minimum de 32% de logements sociaux – devant contribuer au développement de la mixité sociale, conformément aux dispositions de l’article L123-2 b) du Code de l’Urbanisme, sur ce point particulier, contrairement à ce qui est soutenu, ni le rapport de présentation ni le règlement du PLU ne devaient faire état de cet emplacement réservé, cette contrainte n’étant prévue qu’à l’égard des seuls documents graphiques, en vertu des dispositions de l’article R123-12 4°) du Code de l’Urbanisme, une contrainte qui, en l’occurrence, est respectée.

La zone AUa fait aussi l’objet d’une critique sous l’angle de la règle, qui lui est attachée, en vertu de laquelle les constructions dans cette zone doivent présenter une densité minimale de 20 logements par hectare…

Pour les requérants, seul le Coefficient d’Occupation des Sols (COS) pourrait fixer une norme en matière de densité.

Toutefois ici, il s’agit non pas de fixer un rapport entre la superficie du terrain et la Surface Hors Œuvre Nette (SHON) – rapport qui représente le COS – mais de fixer un nombre minimal de logements par hectare, ce qui revient à fixer une forme, un modèle d’urbanisation, sur une zone qui, il convient ici de le rappeler, sera urbanisée selon une opération d’ensemble couvrant la totalité de la zone.

Cette prescription est reprise dans l’article UA 2 du Règlement du PLU, elle n’est donc pas une simple orientation d’aménagement qui – selon les requérants – ne serait pas opposable aux constructeurs ; si tel était le cas d’ailleurs elle aurait aussi une incidence sur l’appréciation de la légalité des autorisations d’urbanisme au travers d’un rapport de compatibilité.

Dans leurs écritures les plus récentes, les requérants ont également développé un moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L2121-12 du Code Général des Collectivités Territoriales… la note de synthèse jointe en annexe de la délibération du 10 juin 2010 n’ayant pas, selon eux, suffisamment éclairé les conseillers municipaux sur les modifications apportées au projet de PLU après l’enquête publique… Toutefois, si cette note ne dresse pas la liste de ces modifications, elle en fait malgré tout état, explique leur provenance, précise qu’aux modifications approuvées par délibération du 29 novembre 2007 sont venues s’ajouter celles relatives au classement des parcelles BR 91, BR 96 et BA 216, et indique qu’elle est accompagnée du rapport du commissaire enquêteur et de toutes les pièces composant le PLU sur support informatique.

Les élus communaux étaient en conséquence à même de comprendre sans difficulté les évolutions du projet.

Par ces motifs, nous concluons à l’annulation du jugement du Tribunal Administratif de Grenoble n° 1004677 et n° 1004810 du 5 juillet 2012 et de la délibération du Conseil Municipal de la Commune de Claix du 10 juin 2010 en tant qu’ils sont relatifs au classement des parcelles cadastrées BR n° 91, BR n° 96 et BA n° 216, au rejet du surplus des conclusions de la requête et au rejet des conclusions présentées par la Commune au titre de l’article L761-1 du Code de Justice Administrative.

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