La requête ne comporte que deux moyens de procédure, tirés d’une part du défaut de réception des propositions de rectifications en méconnaissance des dispositions de l’article L.57 du livre des procédures fiscales, et d’autre part de l’absence de restitution, par le vérificateur, des relevés de comptes emportés.
Le contexte rappelé par l’administration est celui d’une condamnation du requérant, déjà ancienne, du 6 juillet 1995 par le Tribunal correctionnel de Lyon à six mois d'emprisonnement et 100 000 F d'amende pour des infractions fiscales, ainsi que celui d’interdiction de gérer une entreprise pendant 10 ans, prononcée par jugement du tribunal de commerce le 24 mars 1994.
1. M. S. soutient que les deux propositions de rectification du 20/12/2007 (année 2004) et du 30/06 /2008 (années 2005 et 2006) qui ont été envoyées à l'adresse de Saint Genis Laval n'ont pu valablement être distribuées dès lors qu’il n'habite pas à cette adresse.
Il s’agit de l’adresse de Mlle B., chez qui il réside régulièrement. M. S et Mlle B. ont une fille.
Précisons que les deux courriers ont été réceptionnés, mais que le signataire, différent pour chacune des réceptions n’est pas identifié. La question de la nature des liens qui doivent exister entre le contribuable et la personne qui reçoit matériellement la notification pour que celle-ci puisse être considérée comme régulière, ne se pose pas.
M. S déclare, en ce qui le concerne être domicilié 18 rue Laurent Vibert 69006 Lyon.
Il fait valoir :
- que c’est à cette adresse qu’il a accusé réception de l'avis d'examen de sa situation fiscale personnelle le 24 septembre 2007, soit trois mois l’envoi de la première proposition de rectification
- que la circonstance qu’il a indiqué à la vérificatrice entretenir une relation avec Melle B. demeurant à SAINT GENIS LAVAL, et avec qui il a eu une fille, n'induit pas un changement de domicile fiscal, d’autant plus qu’il n’est ni marié ni pacsé
- que le 18 décembre 2007, soit deux jours seulement avant la première proposition de rectification, il a accusé réception de pièces fournies à l’administration sur un document remis en mains propres mais mentionnant, à l’initiative de l’administration son adresse à Lyon
- qu’il n'a pas informé l'administration d'un changement d'adresse personnelle,
- que l’administration ne peut soutenir avoir vainement tenté de lui notifier un pli (contrairement au cas cité par elle dans l’affaire Cour administrative d'appel de Nantes en date du 5 mai 2008 n° 07NT01453) . Seule une lettre du 10 octobre 2007 n’a pas réceptionnée à Lyon, mais elle porte la mention « non réclamé »
Pour rejeter la demande en décharge de M. S, le tribunal a, dans son jugement en date du 26 juillet 2011 dont il est relevé retenu la circonstance que M. S avait déclaré vivre maritalement avec Mlle B. à Saint Genis Laval où il a d’ailleurs réceptionné divers courriers, qu’il n’établissait pas que les courriers auraient été réceptionnés par une personne non habilitée, et que les justificatifs d’hospitalisation en date des 12 et 28 avril 2008 sont établis à son adresse à Saint Genis Laval.
Vous pourriez considérer que M. S a induit l’administration en erreur, mais il nous semble difficile d’admettre, qu’à partir d’une déclaration verbale (et contestée) d’un contribuable, de la réception de certains courriers à cette adresse différente de celle déclarée et de deux bulletins d’hospitalisation (postérieurs à la première notification de redressement de 2007), l’administration puisse de sa propre initiative modifier l’adresse fiscale d’un contribuable.
L’administration fiscale vous invite à considérer qu’elle disposait d’un faisceau d'indices qui a conduit le service vérificateur à considérer que l'adresse réelle de M. S était bien située à SAINT GENIS LAVAL, et à lui envoyer les propositions de rectification des 20 décembre 2007 et 30 juin 2008, au lieu du domicile commun de M. S et de Mlle B., où les plis ont bien été réceptionnés.
Mais cette argumentation n’est pas suffisante, voire inopérante : peu importe le lieu où demeure effectivement un contribuable, libre à lui de choisir sa résidence fiscale. La jurisprudence admet la régularité des actes expédiés à des adresses indiquées par les contribuables eux-mêmes, même si elles ne correspondent ni au domicile ni au siège social du contribuable.
En effet, la jurisprudence fait prévaloir, ainsi que le rappelle Claire Legras dans ses conclusions sous l’arrêt Société impact 27 janvier 2011 n° 309716, un formalisme strict, dans l’intérêt même de l’administration. Si celle-ci peut, dans un souci d'efficacité, chercher à atteindre le contribuable à une autre adresse que celle qu'il a indiquée, dès lors que le courrier envoyé à cette adresse revient avec la mention « n’habite pas à l'adresse indiquée », cette démarche pratique ne saurait suppléer à une notification régulière.
La règle est simple : la notification des actes de la procédure de redressement doit être envoyée à la dernière adresse (fiscale) indiquée par le contribuable (CE, 7 décembre 1977, n° 3071, RJF 2/78 n° 59 ; CE 13 mai 1992 n° 80314 et 82444, P.: RJF 7/92 n° 01032) ) et ce, quand bien même l’administration aurait connaissance de ce qu’il ne s’y trouve plus.
« Et dès lors qu'un contribuable dispose d'une double résidence ou de résidences multiples et que ces résidences n'ont pas de caractère fictif, il convient de lui laisser la possibilité d'organiser l'acheminement du courrier qui convient le mieux » (conclusions du commissaire du Gouvernement, M. Philippe Martin, arrêt P. précité).
Vous pouvez rapprocher la situation du requérant de celle d’un contribuable demeurant dans une résidence secondaire. Or la notification des bases d'imposition faite à la seule adresse de la résidence secondaire du contribuable est irrégulière, nonobstant la circonstance que la mise en demeure de souscrire sa déclaration, précédemment envoyée à l'adresse de son domicile, telle qu'elle avait été indiquée à l'administration, est revenue avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée ». CE 27 juillet 2005 n° 239975, 9e et 10e s.-s., min. c/ D. : RJF 11/05 n° 01231.
Ainsi, l'administration ne retrouve une certaine latitude que lorsqu’elle a vainement tenté de notifier un pli à l'adresse indiquée par le contribuable. Elle peut alors envoyer une notification de redressement à une autre adresse, qui lui a été communiquée par un autre service public et à laquelle elle a déjà notifié un pli avec succès. CAA Nantes 5 mai 2008 n° 007-1453, 1e ch., Baraer : RJF 12/08 n° 01369. Pour cette raison, le document des HCL ne peut être utile à l’administration (il ne vaudrait que pour la seconde notification en 2008).
Le ministre ne conteste pas que M. S a conservé à Lyon un domicile, puisque l’administration mentionne à plusieurs reprises dans ses courriers (même remis en mains propres) cette adresse Lyonnaise, et ce, dans les deux jours précédents la notification en litige.
Peu importe le faisceau d’indice dont elle dispose sur le lieu ou demeure M. S, il lui appartient d’établir que l'intéressé l’a informée de son changement d'adresse fiscale (CE, 27 juillet 1988, n° 62603, RJF 11/88 n° 1229) .
Cette information est réputée réalisée lorsque le contribuable mentionne sa nouvelle adresse sur sa déclaration de revenu ou écrit à l’administration en mentionnant une nouvelle adresse. L’information de l’administration doit être suffisamment explicite. CAA Lyon M. B. 17 novembre 2001 N° 10LY00795.
Or, l’administration ne se prévaut que d’une déclaration verbale. Et le requérant nie avoir déclaré un changement de résidence fiscale. Peu importe que certains courriers aient pu être réceptionnés à Saint Genis laval, et qu’il y demeure régulièrement. Son choix d’une résidence fiscale à Lyon depuis des années n’a pas été démenti.
L'envoi d'une notification de redressement à une adresse erronée entache d'irrégularité la procédure d'imposition dès lors qu'il est la conséquence de la seule initiative de l'administration et que le contribuable soutient, sans être démenti, qu'il n'a pas reçu notification des redressements en cause.
La circonstance que le contribuable soit « connu des PTT » et qu'il ait, quelques mois plus tôt, accusé réception d'un avis de Vasfe à cette même adresse reste sans incidence sur cette irrégularité. CAA Nancy 10 octobre 1989 n° 89LY00145, G. : RJF 1/90 n° 63.
Faute d’avoir adressé les propositions de rectification à l’adresse du requérant à Lyon où d’établir l’information donnée par M. S quant à sa volonté de changement de domicile fiscal, il nous semble que la procédure, encadrée d’un formalisme strict, doit être regardée comme irrégulière. Vous n’êtes pas dans l’une des hypothèses, où vous pourriez considérer que le vice ne procédure n’a privé le requérant d’aucune garantie. (CE 23 décembre 2011 n° 335033 M. D. et CE 16 avril 2012 n° 0320912 M. et Mme M.)
En raison de cette irrégularité, nous vous proposons l’annulation du jugement dont M. S. relève appel et la décharge des impositions en litige.
2. Sur l’absence de restitution de relevés de comptes bancaires
Ce moyen ne pourrait être fondé qu’en ce qui concerne l’année 2004.
Le 18 décembre 2007, dans un courrier, d'ailleurs adressé au 18, rue Vuibert à Lyon 6eme, le service vérificateur a accusé réception des relevés de compte CCP de M. S.
M. S indique que ces relevés de comptes ne lui avaient jamais été restitués. L’administration soutient qu’elle lui a restitué au domicile de Saint Genis le lendemain, mais ne le prouve pas non plus…
Mais vous savez que la méconnaissance de l’obligation de restitution ne porte que sur les documents utiles à la défense de l'intéressé (CE 9 janvier 1991 n° 65364-65941, B : RJF 2/91 n° 0144 a, conclusions J. Arrighi de Casanova LPA 1er mai 1991 n° 52 p. 4 ; CE 5 mars 1993 n° 78764, D : RJF 4/93 n° 484 ; CE 3 juin 1994 n° 117801 : RJF 8-9/94 n° 946 ; CE 6 octobre 1999 n° 169140, Q : RJF 11/99 n° 1406 ; CE 27 novembre 2000 n° 167277, F : RJF 2/01 n° 140). Il incombe au juge de s’assurer que les documents fournis par l'intéressé et conservés par l'administration sont utiles au contribuable pour se défendre.
M. S ne vous explique pas en quoi les documents qui lui auraient été restitués étaient utiles à sa défense, et ne répond pas non plus, dans son mémoire en réplique, au ministre qui soutient que la restitution a été effectuée. Nous vous donc proposons d’écarter ce moyen.
Par ces motifs, nous concluons à l’annulation du jugement attaqué, et à la décharge des impositions en litige.