Propositions de rectification envoyées à une adresse non déclarée par le contribuable : conséquences

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Décision de justice

CAA Lyon, 5ème chambre – N° 11LY02403 – 04 octobre 2012 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 11LY02403

Numéro Légifrance : CETATEXT000026477717

Date de la décision : 04 octobre 2012

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Contrôle fiscal, Proposition de rectifications, Notification, Procédure irrégulière

Rubriques

Fiscalité

Résumé

Propositions de rectification envoyées à une adresse non déclarée par le contribuable : irrégularité de la procédure d’imposition.

Dès lors que le contribuable avait déclaré une adresse à l’administration fiscale et que le seul courrier précédemment envoyé à cette adresse était revenu à l’administration non avec la mention « n’habite plus à l’adresse indiquée » mais avec la mention « non réclamé », l'administration devait adresser les propositions de rectification concernant ce contribuable à la seule adresse officiellement communiquée par lui, même si elle estimait que celui-ci résidait au domicile d’une personne avec laquelle il entretenait une relation. Par suite, faute pour l’administration d’avoir adressé les propositions de rectification en litige à l’adresse indiquée par le contribuable et alors que celui-ci contestait formellement les avoir reçues, les impositions litigieuses ont été établies selon une procédure irrégulière.

Conclusions du rapporteur public

Dominique Jourdan

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.6027

La requête ne comporte que deux moyens de procédure, tirés d’une part du défaut de réception des propositions de rectifications en méconnaissance des dispositions de l’article L.57 du livre des procédures fiscales, et d’autre part de l’absence de restitution, par le vérificateur, des relevés de comptes emportés.

Le contexte rappelé par l’administration est celui d’une condamnation du requérant, déjà ancienne, du 6 juillet 1995 par le Tribunal correctionnel de Lyon à six mois d'emprisonnement et 100 000 F d'amende pour des infractions fiscales, ainsi que celui d’interdiction de gérer une entreprise pendant 10 ans, prononcée par jugement du tribunal de commerce le 24 mars 1994.

1. M. S. soutient que les deux propositions de rectification du 20/12/2007 (année 2004) et du 30/06 /2008 (années 2005 et 2006) qui ont été envoyées à l'adresse de Saint Genis Laval n'ont pu valablement être distribuées dès lors qu’il n'habite pas à cette adresse.

Il s’agit de l’adresse de Mlle B., chez qui il réside régulièrement. M. S et Mlle B. ont une fille.

Précisons que les deux courriers ont été réceptionnés, mais que le signataire, différent pour chacune des réceptions n’est pas identifié. La question de la nature des liens qui doivent exister entre le contribuable et la personne qui reçoit matériellement la notification pour que celle-ci puisse être considérée comme régulière, ne se pose pas.

M. S déclare, en ce qui le concerne être domicilié 18 rue Laurent Vibert 69006 Lyon.

Il fait valoir :

- que c’est à cette adresse qu’il a accusé réception de l'avis d'examen de sa situation fiscale personnelle le 24 septembre 2007, soit trois mois l’envoi de la première proposition de rectification

- que la circonstance qu’il a indiqué à la vérificatrice entretenir une relation avec Melle B. demeurant à SAINT GENIS LAVAL, et avec qui il a eu une fille, n'induit pas un changement de domicile fiscal, d’autant plus qu’il n’est ni marié ni pacsé

- que le 18 décembre 2007, soit deux jours seulement avant la première proposition de rectification, il a accusé réception de pièces fournies à l’administration sur un document remis en mains propres mais mentionnant, à l’initiative de l’administration son adresse à Lyon

- qu’il n'a pas informé l'administration d'un changement d'adresse personnelle,

- que l’administration ne peut soutenir avoir vainement tenté de lui notifier un pli (contrairement au cas cité par elle dans l’affaire Cour administrative d'appel de Nantes en date du 5 mai 2008 n° 07NT01453) . Seule une lettre du 10 octobre 2007 n’a pas réceptionnée à Lyon, mais elle porte la mention « non réclamé »

Pour rejeter la demande en décharge de M. S, le tribunal a, dans son jugement en date du 26 juillet 2011 dont il est relevé retenu la circonstance que M. S avait déclaré vivre maritalement avec Mlle B. à Saint Genis Laval où il a d’ailleurs réceptionné divers courriers, qu’il n’établissait pas que les courriers auraient été réceptionnés par une personne non habilitée, et que les justificatifs d’hospitalisation en date des 12 et 28 avril 2008 sont établis à son adresse à Saint Genis Laval.

Vous pourriez considérer que M. S a induit l’administration en erreur, mais il nous semble difficile d’admettre, qu’à partir d’une déclaration verbale (et contestée) d’un contribuable, de la réception de certains courriers à cette adresse différente de celle déclarée et de deux bulletins d’hospitalisation (postérieurs à la première notification de redressement de 2007), l’administration puisse de sa propre initiative modifier l’adresse fiscale d’un contribuable.

L’administration fiscale vous invite à considérer qu’elle disposait d’un faisceau d'indices qui a conduit le service vérificateur à considérer que l'adresse réelle de M. S était bien située à SAINT GENIS LAVAL, et à lui envoyer les propositions de rectification des 20 décembre 2007 et 30 juin 2008, au lieu du domicile commun de M. S et de Mlle B., où les plis ont bien été réceptionnés.

Mais cette argumentation n’est pas suffisante, voire inopérante : peu importe le lieu où demeure effectivement un contribuable, libre à lui de choisir sa résidence fiscale. La jurisprudence admet la régularité des actes expédiés à des adresses indiquées par les contribuables eux-mêmes, même si elles ne correspondent ni au domicile ni au siège social du contribuable.

En effet, la jurisprudence fait prévaloir, ainsi que le rappelle Claire Legras dans ses conclusions sous l’arrêt Société impact 27 janvier 2011 n° 309716, un formalisme strict, dans l’intérêt même de l’administration. Si celle-ci peut, dans un souci d'efficacité, chercher à atteindre le contribuable à une autre adresse que celle qu'il a indiquée, dès lors que le courrier envoyé à cette adresse revient avec la mention « n’habite pas à l'adresse indiquée », cette démarche pratique ne saurait suppléer à une notification régulière.

La règle est simple : la notification des actes de la procédure de redressement doit être envoyée à la dernière adresse (fiscale) indiquée par le contribuable (CE, 7 décembre 1977, n° 3071, RJF 2/78 n° 59 ; CE 13 mai 1992 n° 80314 et 82444, P.: RJF 7/92 n° 01032) ) et ce, quand bien même l’administration aurait connaissance de ce qu’il ne s’y trouve plus.

« Et dès lors qu'un contribuable dispose d'une double résidence ou de résidences multiples et que ces résidences n'ont pas de caractère fictif, il convient de lui laisser la possibilité d'organiser l'acheminement du courrier qui convient le mieux » (conclusions du commissaire du Gouvernement, M. Philippe Martin, arrêt P. précité).

Vous pouvez rapprocher la situation du requérant de celle d’un contribuable demeurant dans une résidence secondaire. Or la notification des bases d'imposition faite à la seule adresse de la résidence secondaire du contribuable est irrégulière, nonobstant la circonstance que la mise en demeure de souscrire sa déclaration, précédemment envoyée à l'adresse de son domicile, telle qu'elle avait été indiquée à l'administration, est revenue avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée ». CE 27 juillet 2005 n° 239975, 9e et 10e s.-s., min. c/ D. : RJF 11/05 n° 01231.

Ainsi, l'administration ne retrouve une certaine latitude que lorsqu’elle a vainement tenté de notifier un pli à l'adresse indiquée par le contribuable. Elle peut alors envoyer une notification de redressement à une autre adresse, qui lui a été communiquée par un autre service public et à laquelle elle a déjà notifié un pli avec succès. CAA Nantes 5 mai 2008 n° 007-1453, 1e ch., Baraer : RJF 12/08 n° 01369. Pour cette raison, le document des HCL ne peut être utile à l’administration (il ne vaudrait que pour la seconde notification en 2008).

Le ministre ne conteste pas que M. S a conservé à Lyon un domicile, puisque l’administration mentionne à plusieurs reprises dans ses courriers (même remis en mains propres) cette adresse Lyonnaise, et ce, dans les deux jours précédents la notification en litige.

Peu importe le faisceau d’indice dont elle dispose sur le lieu ou demeure M. S, il lui appartient d’établir que l'intéressé l’a informée de son changement d'adresse fiscale (CE, 27 juillet 1988, n° 62603, RJF 11/88 n° 1229) .

Cette information est réputée réalisée lorsque le contribuable mentionne sa nouvelle adresse sur sa déclaration de revenu ou écrit à l’administration en mentionnant une nouvelle adresse. L’information de l’administration doit être suffisamment explicite. CAA Lyon M. B. 17 novembre 2001 N° 10LY00795.

Or, l’administration ne se prévaut que d’une déclaration verbale. Et le requérant nie avoir déclaré un changement de résidence fiscale. Peu importe que certains courriers aient pu être réceptionnés à Saint Genis laval, et qu’il y demeure régulièrement. Son choix d’une résidence fiscale à Lyon depuis des années n’a pas été démenti.

L'envoi d'une notification de redressement à une adresse erronée entache d'irrégularité la procédure d'imposition dès lors qu'il est la conséquence de la seule initiative de l'administration et que le contribuable soutient, sans être démenti, qu'il n'a pas reçu notification des redressements en cause.

La circonstance que le contribuable soit « connu des PTT » et qu'il ait, quelques mois plus tôt, accusé réception d'un avis de Vasfe à cette même adresse reste sans incidence sur cette irrégularité. CAA Nancy 10 octobre 1989 n° 89LY00145, G. : RJF 1/90 n° 63.

Faute d’avoir adressé les propositions de rectification à l’adresse du requérant à Lyon où d’établir l’information donnée par M. S quant à sa volonté de changement de domicile fiscal, il nous semble que la procédure, encadrée d’un formalisme strict, doit être regardée comme irrégulière. Vous n’êtes pas dans l’une des hypothèses, où vous pourriez considérer que le vice ne procédure n’a privé le requérant d’aucune garantie. (CE 23 décembre 2011 n° 335033 M. D. et CE 16 avril 2012 n° 0320912 M. et Mme M.)

En raison de cette irrégularité, nous vous proposons l’annulation du jugement dont M. S. relève appel et la décharge des impositions en litige.

2. Sur l’absence de restitution de relevés de comptes bancaires

Ce moyen ne pourrait être fondé qu’en ce qui concerne l’année 2004.

Le 18 décembre 2007, dans un courrier, d'ailleurs adressé au 18, rue Vuibert à Lyon 6eme, le service vérificateur a accusé réception des relevés de compte CCP de M. S.

M. S indique que ces relevés de comptes ne lui avaient jamais été restitués. L’administration soutient qu’elle lui a restitué au domicile de Saint Genis le lendemain, mais ne le prouve pas non plus…

Mais vous savez que la méconnaissance de l’obligation de restitution ne porte que sur les documents utiles à la défense de l'intéressé (CE 9 janvier 1991 n° 65364-65941, B : RJF 2/91 n° 0144 a, conclusions J. Arrighi de Casanova LPA 1er mai 1991 n° 52 p. 4 ; CE 5 mars 1993 n° 78764, D : RJF 4/93 n° 484 ; CE 3 juin 1994 n° 117801 : RJF 8-9/94 n° 946 ; CE 6 octobre 1999 n° 169140, Q : RJF 11/99 n° 1406 ; CE 27 novembre 2000 n° 167277, F : RJF 2/01 n° 140). Il incombe au juge de s’assurer que les documents fournis par l'intéressé et conservés par l'administration sont utiles au contribuable pour se défendre.

M. S ne vous explique pas en quoi les documents qui lui auraient été restitués étaient utiles à sa défense, et ne répond pas non plus, dans son mémoire en réplique, au ministre qui soutient que la restitution a été effectuée. Nous vous donc proposons d’écarter ce moyen.

Par ces motifs, nous concluons à l’annulation du jugement attaqué, et à la décharge des impositions en litige.

Droits d'auteur

Ces conclusions ne sont pas libres de droits. Leur citation et leur exploitation commerciale éventuelles doivent respecter les règles fixées par le code de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, toute rediffusion, commerciale ou non, est subordonnée à l’accord du rapporteur public qui en est l’auteur.

L'administration fiscale ne doit pas jouer à cache-cache avec le contribuable

Alexandre Guigue

Maître de conférences de droit public à l'Université de Savoie

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DOI : 10.35562/alyoda.6028

Il est souvent difficile pour l’administration fiscale d’établir la domiciliation fiscale en France d’un contribuable. Il est parfois encore plus difficile de déterminer l’adresse à laquelle il réside et reçoit son courrier. Mais à l’inverse du domicile fiscal qui est présumé se situer en France dès lors que le contribuable y exerce une activité professionnelle, l’adresse à laquelle celui-ci est censé recevoir sa correspondance ne se présume pas. L’administration fiscale n’a pas à la rechercher. Elle doit se contenter de celle qui a été officiellement communiquée par l’intéressé. C’est ce principe que rappelle la Cour administrative d’appel de Lyon dans un arrêt du 14 juin 2012.

En l’espèce, le demandeur avait successivement fait l’objet d’un examen contradictoire de sa situation fiscale et d’une procédure de taxation d’office ayant abouti à des propositions de rectification portant sur des sommes dues au titre de divers impôts au titre des années 2004 à 2006. Par un jugement du 26 juillet 2011, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en décharge des cotisations dues, ainsi que des pénalités y afférentes. Devant la Cour, le contribuable a soutenu que la procédure d’imposition dont il a fait l’objet, était irrégulière au motif qu’il n’a jamais personnellement reçu les propositions de rectification. En fait, en marge du litige fiscal qui l’oppose à l’administration, un autre litige, en forme de jeu de cache-cache, est né entre les parties et a trouvé son dénouement en appel. La différence entre ce litige et le jeu de cache-cache est qu’en matière fiscale, le contribuable est censé communiquer son adresse afin que l’administration n’ait normalement pas à le chercher. Dans le cas où celle-ci souhaite lui proposer une rectification, nul besoin de trouver où il se cache, il lui suffit d’adresser les plis au dernier domicile connu, peu importe que le contribuable ne s’y trouve pas au moment de l’envoi (CE, 19 janvier 1983, n° 33831: DF 1983, 31, 1621, concl. Schrike : dans cette affaire, le demandeur arguait de ce qu’il était en voyage et n’avait pu réceptionner les plis. L’argument est inopérant dans la mesure où l’administration a utilisé l’adresse qu’elle lui connaissait).

I. Le jeu de cache-cache

Dans l’affaire qui nous intéresse, le contribuable a quelque peu brouillé les pistes, obligeant l’administration à mutliplier les efforts pour le trouver. En première instance, le juge a peu goûté ce comportement et a rejeté la demande du contribuable tendant à la décharge des sommes litigieuses. La Cour administrative d’appel ne l’a pas suivi. Elle a annulé le premier jugement et reproché à l’administration d’être sortie de sa fonction.

Voici comment le jeu de cache-cache a commencé :

(1) Premier acte. L’administration fiscale adresse le premier avis d’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle du contribuable le 22 août 2007 à une adresse à Vénissieux. Le pli revient avec la mention « N’habite pas à l’adresse indiquée ».

(2) Deuxième acte. L’administration cherche le contribuable à Lyon sur la base de l’adresse mentionnée dans sa déclaration de revenus de 2006. Cette fois-ci, le contribuable accuse réception de l’avis d’examen contradictoire le 24 septembre 2007. En revanche, 10 octobre 2007, alors que l’administration utilise la même adresse pour le convoquer, le pli revient avec la mention « Non réclamé ». Le jeu reprend alors.

(3) Troisième acte. L’administration poursuit ses recherches. Elle apprend que l’intéressé vit avec sa concubine à Saint-Genis-Laval. Elle lui adresse un pli à cette nouvelle adresse le 11 décembre 2007 lui proposant un entretien le 18 décembre. L’intéressé s’y serait rendu.

(4) Quatrième acte. Persuadée alors d’avoir la bonne adresse, l’administration lui envoie les propositions de rectification du 20 décembre 2007 et du 30 juin 2008 à Saint-Genis-Laval. Les plis sont réceptionnés par des personnes différentes (notamment la fille de sa concubine), qui ne sont pas le contribuable. Le jeu s’arrête : le contribuable conteste la régularité de la procédure de rectification devant le tribunal administratif de Lyon au motif que les propositions n’avaient pas été adressées à son adresse (à Lyon). Pour soutenir la régularité de la procédure devant le juge d’appel, l’administration fait valoir que le demandeur avait fait connaître sa nouvelle adresse (Saint-Genis-Laval) à l’agent vérificateur le 18 décembre 2007, mais cela par voie orale. La question est donc de savoir à quelle adresse l’administration est censée adressée l’avis de rectification ; et, éventuellement, dans quels cas il lui est possible d’utiliser une autre adresse sans entacher la procédure d’irrégularité.

II. La dernière adresse connue

L’article L 57 du Livre des procédures fiscales, qui organise la procédure de rectification, se contente d’indiquer que « l’administration adresse au contribuable une proposition de rectification ». Selon le Conseil d’Etat, pour que la notification soit régulière, l’administration doit utiliser la seule adresse du contribuable qu’elle lui connaît (CE, 19 janvier 1983, précité). Mais cela n’interdit pas au contribuable de modifier temporairement l’adresse d’envoi. Ainsi, ce dernier peut tout à fait donner instruction à l’administration d’adresser les courriers à une autre adresse durant son absence (CE, 22 décembre 1982, n° 28184 : RJF 1983. 80) . Il peut aussi communiquer une adresse dans un autre pays si cette adresse est réelle et qu’il possède un titre de séjour (CE, 13 mai 1992, n° 80314 : DF 1992, c. 1662, note Tixier et Lamulle ; DF 1994, c. 1127, concl. Ph. Martin ; RJF 1992, n° 1032). En revanche, s’il quitte son domicile pour s’établir dans une autre ville mais qu’il n’informe pas l’administration de sa nouvelle adresse, celle-ci peut régulièrement adresser les plis recommandés au dernier domicile connu du contribuable (CAA Paris, 28 octobre 1999, n° 098PA3086 : DF 2000, c. 622).

En l’espèce, le dernier domicile connu du contribuable était son adresse à Lyon. C’est celle qui figure sur sa déclaration de revenus pour 2006 (CE 19 novembre 1986, n° 65920 : RJF 1987. 44, l’adresse est valable même si le pli ne parvient pas au contribuable) et, en plus, il avait déjà réceptionné un courrier de l’administration à cette adresse (avis d’examen contradictoire de sa situation personnelle le 24 septembre 2007). L’expédition des plis ultérieurs à une autre adresse n’est possible que si le contribuable a informé officiellement l’administration soit de son absence temporaire soit de son déménagement. Dans les deux cas, l’administration utilise la nouvelle adresse communiquée par le contribuable. Dans cette affaire, l’administration s’est mise en quête d’une autre adresse pour la seule raison qu’un pli portant convocation adressé le 10 octobre 2007 est revenu avec la mention « Non réclamé ». Or, cette mention est différente de la mention « N’habite pas à l’adresse indiquée » et ne signifie pas que l’adresse est erronée (CAA Nantes, 5 mai 2008, n° 07NT1453 : RJF 2008, n° 369) . A priori donc, l’administration n’aurait pas dû abandonner l’adresse lyonnaise.

III. La forme prime sur le fond

Il reste la question de la régularité de l’autre adresse utilisée par l’administration et qui a fait naître le litige. Celle-ci fait valoir qu’elle a eu connaissance par différents entretiens avec le contribuable, ainsi que par un courrier émanant de sa concubine, de ce qu’il n’habitait plus à son adresse lyonnaise et qu’il vivait désormais, avec sa concubine, à Saint-Genis-Laval. Seul, cet argument n’est pas suffisant tant que le contribuable ne notifie pas clairement sa nouvelle adresse. Mais l’administration ajoute un second argument. Elle a envoyé un pli à la nouvelle adresse proposant au contribuable un entretien auquel il se serait rendu. Elle ajoute que les propositions de rectification qu’elle a envoyées ensuite (20 décembre 2007 et 30 juin 2008) à Saint-Genis-Laval ont été réceptionnées par deux personnes différentes. Il est vrai que dans l’hypothèse où les plis sont réceptionnés par une personne ayant qualité pour les recevoir, l’adresse peut devenir régulière (CAA Nancy, 29 juin 2000, n° 098NC1946, P : RJF 2001, n° 511, réception par le père du contribuable chez qui il vivait) . Et la seule circonstance que le pli ait été remis à un tiers ne suffit pas à entacher la notification d’irrégularité dès lors que l’avis de réception a été retourné (CE, 7 octobre 1985, n° 44182 : RJF 12/85 n° 1549) . Toutefois, le contribuable peut démontrer que le tiers signataire n’avait pas avec lui des liens personnels ou professionnels suffisants pour que la notification soit régulière (CE, 11 juillet 1988, n° 52642 : RJF 10/88 n° 1119) . Ce fut le cas en l’espèce puisque le contribuable a nié que les personnes différentes ayant réceptionné les plis avaient qualité pour les recevoir.

Au final, chaque argument soulevé par l’administration fait long feu. En lui reprochant d’avoir unilatéralement modifié l’adresse du contribuable, les juges de la Cour administrative d’appel font primer la forme sur le fond ; car en l’espèce, le contribuable a sans doute induit l’administration en erreur. Le seul moyen pour celle-ci de garantir la régularité de la procédure de rectification aurait été d’obtenir un écrit faisant état du changement d’adresse.

En privilégiant la forme sur le fond, la Cour administrative d’appel de Lyon tient un raisonnement imparable. Mais la lecture de l’arrêt ne manque pas de faire naître un sentiment de malaise. En effet, la jurisprudence du Conseil d’Etat en la matière montre un certain attachement au domicile réel du contribuable (cas où celui-ci s’absente momentanément pour cause de vacances, ou en cas de déménagement ; adresse où des plis ont déjà été réceptionnés par lui, ou par quelqu’un de proche, même lorsque les plis sont émis par une autre administration, …). Or, dans cette affaire, l’administration a vraiment multiplié les efforts pour trouver le contribuable. Celui-ci s’était rendu à une convocation à la suite d’un envoi à l’adresse litigieuse. La fille de sa concubine a réceptionné pour lui des plis envoyés à cette même adresse. Si le contribuable avait été marié ou pacsé, le lien avec elle eut été établi et l’administration aurait été dans son bon droit.

Il est souvent rappelé que les règles de forme sont le seul moyen d’offrir des garanties suffisantes tant au contribuable qu’à l’administration. Cette fois-ci, le contribuable échappe à des sommes d’impôt pour des questions procédurales. Gageons que la prochaine fois, l’administration ne s’y laissera pas prendre.

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