Sur la notion de local fermé au sens des dispositions du code du travail

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Décision de justice

CAA Lyon, 6ème chambre – N° 12LY00777 – Société ITM L.A.I. Logistique International – 11 octobre 2012 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 12LY00777

Numéro Légifrance : CETATEXT000026499467

Date de la décision : 11 octobre 2012

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Locaux fermés, Entrepôt

Rubriques

Droits sociaux et travail

Résumé

Il résulte des dispositions de l’article R4223-13 du code du travail que : « Les locaux fermés affectés au travail sont chauffés pendant la saison froide ». La Cour a considéré que compte tenu de la dimension de ses locaux, de la nature et de l’importance de l’activité qui s’y exerce et de la circonstance que de nombreuses portes restent ouvertes en permanence pour assurer les déchargements et chargements qui s’opèrent à une fréquence élevée, l’entrepôt de Reyrieux ne constituait pas un local fermé au sens des dispositions de l’article R4223-13 du code du travail.

Comp. CE, 6 mai 1996, Société Etablissements J. Richard Ducros, n° 143207 - A

Conclusions du rapporteur public

François Pourny

Rapporteur public à la cour administrative d’appel de Lyon

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  • IDREF

DOI : 10.35562/alyoda.6009

La requérante, la société I… exploite sur le territoire de la commune de …., dans le département de l’Ain, un entrepôt d’une surface de 43 000 m². Cet entrepôt est utilisé comme base logistique pour des produits d’épicerie commercialisés dans les points de vente d’un réseau de distribution. Cet entrepôt, où sont employées plus de 250 personnes, est constitué d’un bâtiment en tôle, construit en 1989, dépourvu de système d’isolation, comportant notamment 68 portes de quai réparties de part et d’autre de l’immeuble. Il fonctionne 24 heures sur 24, 6 jours sur 7, avec une ouverture constante d’au moins 25 portes de quai simultanément, sans qu’aucune de ces portes ne soit équipée d’un soufflet.

L’inspectrice du travail de la 3e section du département de l’Ain ayant constaté une température avoisinant 5° lors d’une visite de contrôle de cet établissement, le 10 mars 2009, elle a, par une décision du 27 juillet 2009, mis le chef d’établissement en demeure de prendre dans un délai de trois mois les mesures nécessaires au respect de l’article R. 4223-13 du code du travail, lequel dispose : « Les locaux fermés affectés au travail sont chauffés pendant la saison froide. / Le chauffage fonctionne de manière à maintenir une température convenable et à ne donner lieu à aucune émanation délétère. ».

Le directeur de l’établissement a alors formé une réclamation préalable auprès du directeur régional du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle de la région Rhône-Alpes, qui a confirmé la décision de l’inspectrice du travail par une décision du 23 septembre 2009. Cette décision a fait l’objet en temps utile d’un recours hiérarchique devant le ministre du travail et ce recours hiérarchique a été rejeté par une décision implicite.

La requérante a alors porté le litige devant le Tribunal administratif de Lyon en demandant l’annulation de l’ensemble de ces trois décisions. Le Tribunal administratif a rejeté sa demande par le jugement n° 1001780 du 31 janvier 2012, dont elle interjette régulièrement appel.

Sur la légalité externe des décisions attaquées, elle soutient que ces décisions sont insuffisamment motivées et notamment que le directeur régional du travail n’a pas précisé la température à assurer au sein de l’entrepôt. Comme la requérante ne justifie pas avoir demandé les motifs de la décision implicite du ministre, il vous sera facile d’écarter ce moyen en tant qu’il est dirigé contre la décision du ministre. Par ailleurs, s’il est vrai que l’inspectrice du travail et le directeur régional n’ont pas précisé la température à assurer au sein de l’entrepôt, leurs décisions comportent néanmoins l’énoncé de l’ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elles sont fondées. Il est en outre évident que la température à assurer dans l’établissement est la « température convenable » prévue par l’article R4223-13 du code du travail, même si cet article ne définit pas lui-même les limites d’une température convenable.

Sur la légalité interne des décisions attaquées, la requérante soutient, d’une manière qui nous paraît beaucoup plus pertinente, que si un système de chauffage a pu être mis en place dans les locaux adaptés, tels les locaux administratifs, les vestiaires et les ateliers, il n’a pas été possible de le mettre en place dans les locaux ouverts vers l’extérieur, en indiquant que, de manière permanente, au moins 25 des 68 portes de l’entrepôt sont ouvertes simultanément pour les besoins des chargements et déchargements de marchandises et que ces portes ne sont pas équipées de soufflets de protection.

Le ministre répond que le Conseil d’Etat a écarté une argumentation similaire par une décision du 6 mai 1996 n° 143204 Société Etablissements …, concernant les ateliers d’une usine dont les portes devaient être fréquemment ouvertes pour permettre la manutention de pièces très volumineuses. Cette réponse nous paraît logique dans la mesure où il ne suffit pas qu’un bâtiment comporte des portes fréquemment ouvertes pour qu’il cesse d’être regardé comme un local fermé, des portes fréquemment ouvertes pouvant être fréquemment refermées. Toutefois, en l’espèce, vous n’êtes pas en présence d’un local dont les portes sont fréquemment ouvertes, vous êtes en présence d’un local dont il n’est pas contesté qu’au moins 25 des 68 portes sont ouvertes simultanément, en permanence, même si chacune de ces portes n’est ouverte que le temps nécessaire au chargement et déchargement d’un véhicule, étant précisé qu’en l’absence de soufflets d’étanchéité la proximité des véhicules de livraison avec le bâtiment ne permet pas de compenser efficacement les effets de l’ouverture des portes, cette ouverture étant par ailleurs indispensable à l’exploitation du bâtiment. Nous vous invitons donc à considérer que l’entrepôt ne peut pas être considéré, en l’état, comme un local fermé au sens de l’article R4223-13 du code du travail.

Si vous ne nous suiviez pas sur ce point, vous pourriez écarter comme inopérant le moyen tiré du coût disproportionné des travaux nécessaires à la mise en place d’un système de chauffage dans le bâtiment, comme l’ont fait les cours administratives d’appel de Nantes et Nancy par des arrêts du 8 avril 2010 n° 09NT00792 et 27 janvier 2011 n° 10NC00361 concernant la société A….

En revanche, il nous semble que vous pourriez retenir le moyen tiré du caractère excessivement bref du délai de trois mois accordé à la requérante pour mettre en place un dispositif de chauffage adéquat, eu égard à l’importance des travaux nécessaires, d’autant plus que l’inspectrice du travail a elle-même mis plus de quatre mois avant d’adresser une mise en demeure à l’établissement, l’article L4721-6 du code du travail disposant que le délai doit être fixé en tenant compte des circonstances. Comme l’article L4721-6 du code du travail dispose que la mise en demeure fixe un délai, ce motif pourrait également vous conduire à annuler l’ensemble des décisions attaquées, mais il ne ferait pas obstacle à ce qu’une nouvelle mise en demeure soit adressée à la requérante. Dès lors, il nous semblerait plus satisfaisant de retenir le moyen tiré de ce que les locaux ne peuvent pas être regardés comme des locaux fermés..

Ainsi, nous vous proposons de considérer que la requérante est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et à demander l’annulation des décisions attaquées. Les dépens devront en conséquence être mis à la charge de l’Etat et il ne nous semblerait pas inéquitable d’accorder à la requérante une somme de 1 500 euros au titre de l’article L761-1 du code de justice administrative.

Par ces motifs, nous concluons à l'annulation du jugement et des décisions attaquées, à la mise des dépens à la charge de l’Etat, avec une somme de 1 500 euros au profit de la requérante au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.

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