Produits des jeux du casino perçus par un syndicat intercommunal

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Décision de justice

CAA Lyon, 3ème chambre – N° 11LY00992 – Commune de Vaulnaveys-le-Haut – 15 mars 2012 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 11LY00992

Numéro Légifrance : CETATEXT000025580328

Date de la décision : 15 mars 2012

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Casino, Budget primitif, Evaluation sincères des recettes, Produit de jeux de casino, Syndicat intercommunal, L.2333-54 du CGCT

Rubriques

Institutions et collectivités publiques

Résumé

L’entrée en vigueur des dispositions de l’article L2333-54 du code général des collectivités territoriales n’a eu ni pour objet, ni pour effet, de modifier ou d’entrainer la caducité des stipulations des statuts du syndicat intercommunal de gestion de la station d’Uriage (SIGU), créé en 1959, prévoyant le reversement au syndicat du produit des jeux du casino de la station.

Le SIGU pouvait dès lors continuer à percevoir le produit des jeux du casino, en application de ses statuts, ce malgré l’absence de convention entre le syndicat et la commune de Saint-Martin d’Uriage, au sens de l’article L2333-54 du code précité.

Par suite, en omettant des recettes du syndicat la totalité du prélèvement sur le produit des jeux du casino, l’arrêté du préfet de l’Isère du 30 juin 2010 réglant le budget primitif 2010 du syndicat n’a pas évalué de façon sincère les recettes du syndicat pour l’année 2010, en méconnaissance de l’article L1612-14 du code général des collectivités territoriales.

Conclusions du rapporteur public

Cathy Schmerber

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.5990

En 1959 a été créé pour gérer la station thermale d’Uriage un syndicat intercommunal constitué des deux communes de Saint Martin d’Uriage et de VAULNAVEYS-LE-HAUT : un désaccord entre ces deux collectivités fait obstacle au vote du budget du syndicat au titre des années 2004 et suivantes et le préfet de l’Isère a procédé au règlement d’office du budget. Par un jugement du 19 mars 2008, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé l’arrêté préfectoral du 26 juillet 2004 réglant et rendant exécutoire le budget primitif du syndicat pour l’année 2004.

La COMMUNE DE VAULNAVEYS-LE-HAUT relève appel du jugement en date du 24 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses requêtes tendant, d’une part, à l’annulation des arrêtés du 2 septembre 2008 et du 30 juin 2010 réglant et rendant exécutoire les budgets primitifs pour 2008 et 2009 et, d’autre part, à ce qu’il soit prescrit au préfet de l’Isère en exécution du précédent jugement de prendre un nouvel arrêté intégrant dans les recettes du syndicat intercommunal la totalité du prélèvement sur le produit des jeux du casino. La requête d’appel ne vise plus que l’arrêté du 30 juin 2010. S’agissant de la demande d’exécution du jugement du 19 mars 2008, si l’appelante reprend devant vous sa demande d’injonction, elle ne présente aucune argumentation pour contester les motifs retenus par les premiers juges pour rejeter ses conclusions en premier instance : les conclusions d’appel ne pourront qu’être rejetées de ce fait.

La COMMUNE DE VAULNAVEYS-LE-HAUT conteste à tort la régularité du jugement attaqué : le motif tiré de l’absence de convention au sens de l’article L2333-54 du code général des collectivités territoriales entre le syndicat intercommunal et la commune de Saint Martin d’Uriage est invoqué par le préfet de l’Isère dans son mémoire du 6 octobre 2010. Si la commune discute de la teneur de l’argumentation du préfet, ajoutons que le juge administratif n’a, en tout état de cause, pas à informer les parties du raisonnement qu’il entend tenir pour écarter les moyens invoqués par la partie requérante. Nous ne sommes pas, dans cette hypothèse, dans le champ des moyens d’ordre public.

Sur le fond, la collectivité appelante conteste l’absence dans les recettes du syndicat intercommunal du produit des jeux du casino de Saint Martin d’Uriage, en se prévalant de l’article 5 des statuts du syndicat, qui prévoit en effet que les ressources de la structure intercommunale seront notamment constituées par le produit des jeux du casino d’Uriage perçu précédemment par la chambre d’industrie thermale d’Uriage. La commune de Saint Martin d’Uriage et l’administration invoquent la caducité de ces stipulations en faisant valoir que le casino d’Uriage est tombé en désuétude et se portait tellement mal que la commune de Saint Martin d’Uriage a décidé, à elle seule et à la place du syndicat intercommunal, de procéder à des travaux de restructuration de la station thermale et a, depuis le début des années 90’s, confié l’exploitation du nouvel établissement à un casinotier. Vous écarterez cette argumentation, en l’absence notamment au dossier de tout élément permettant de considérer qu’un nouvel établissement aurait fait l’objet d’une nouvelle autorisation d’exploiter.

Les premiers juges – nous l’avons évoqué – se sont fondés pour rejeter la requête de la COMMUNE DE VAULNAVEYS-LE-HAUT  sur l’absence de convention passée entre le syndicat intercommunal et la commune de Saint Martin d’Uriage au sens de l’article L2333-54 du code général des collectivités territoriales dans leur rédaction issue de la loi du 13 août 2004, aux termes desquelles : « Dans les communes qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme, le conseil municipal peut instituer un prélèvement sur le produit brut des jeux dans les casinos. (…) Les communes peuvent, par convention, reverser tout ou partie du prélèvement au groupement de communes ou au syndicat mixte dont elles sont membres lorsqu'il réalise des actions de promotion en faveur du tourisme. » (Fin de citation).

Un premier débat porte sur la condition fixée par l’article L2333-54 tenant à la réalisation par la structure intercommunale des actions de promotion en faveur du tourisme : il ressort des pièces du dossier que le syndicat intercommunal est bien compétent, aux termes de l’article 2 de ses statuts toujours applicables, en matière de propagande « au triple point de vue du tourisme, des sports d’hiver et du thermalisme ». Vous pourrez vous en tenir à ce seul constat, sans apprécier la réalité ou l’efficacité des actions menées par le syndicat intercommunal dans son domaine de compétence ; l’article L2333-54 exige seulement des actions de promotion en faveur du tourisme, ce qui reste une notion assez générale, plus générale que celle d’ affectation des recettes à des travaux d’investissement destinés à l’amélioration de l’équipement touristique, visée par l’article L2333-57 du même code pour une partie des prélèvements.

La commune invoque l’esprit de la loi n° 02004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, dont l’article 7 a modifié l’article L2333-54. Il ressort de la lecture des travaux parlementaires auxquels elle vous invite à vous référer que le dispositif proposé doit permettre aux communes sièges d’un casino, jusqu’alors seules à même de percevoir les recettes résultant des prélèvements sur le produit des jeux, de transférer tout ou partie de ces recettes à l’établissement public de coopération intercommunale dont elles sont membres, lorsque cet établissement est compétent pour le développement touristique. L’article L5211-21-1 du code général des collectivités territoriales permet d’ailleurs aux EPCI à fiscalité propre qui exercent la compétence tourisme d’instituer directement le prélèvement sur le produit brut des jeux dans les conditions fixées à l'article L2333-54, sauf opposition de la commune siège du casino, en précisant que ces EPCI « peuvent, par convention, reverser tout ou partie du prélèvement à cette commune ».

Ainsi, la COMMUNE DE VAULNAVEYS-LE-HAUT affirme à juste titre que l’objectif du législateur était de favoriser le financement des structures intercommunales. Mais ce seul constat permet-il de considérer comme elle vous y invite qu’aucune convention n’était en l’espèce requise, s’agissant d’un syndicat intercommunal préexistant au 1er janvier 2005, date d’entrée en vigueur de la loi de 2004, et bénéficiant déjà du reversement du produit des jeux du casino d’Uriage ? En effet, l’article L2333-54 comme l’article L5211-21-1 du code général des collectivités territoriales confirment la nécessité d’un accord de la commune siège du casino …

Les statuts du syndicat intercommunal ont été adoptés en 1959, puis modifiés en 1977 : conformément à leur article 10, ils ont été approuvés par chacun des deux conseils municipaux, puis par le préfet de l’Isère. De la même façon, les modifications apportées à ces statuts – modifications sans incidence sur la gestion du casino – ont été approuvées, précisément par une délibération du 12 octobre 1977 s’agissant du conseil municipal de Saint Martin d’Uriage. Ces statuts comportent les mêmes éléments que ceux qui peuvent être attendus dans une convention qui entrerait dans les prévisions de l’article L. 2333-54 du code général des collectivités territoriales : la commune de Saint Martin d’Uriage, « partie à une telle convention », a donné son accord au reversement dont l’article 5 des statuts prévoit le taux, c'est-à-dire en l’espèce la totalité. La signature d’une convention en bonne et due forme n’ajouterait rien en l’espèce à l’ordonnancement juridique.

Pour autant, contrairement à ce que semble soutenir l’appelante, les dispositions législatives de l’article L2333-54 s’imposent à compter du 1er janvier 2005 et ne sauraient être écartées au profit de l’article 5 des statuts, « expression de la volonté commune des parties ». En revanche, sans avoir trouvé aucune jurisprudence répondant à la question posée, nous pensons que vous devrez admettre que la modification apportée par la loi du 13 août 2004 à l’article L2333-54 du code général des collectivités territoriales n’a ni pour objet, ni pour effet de rendre caduques les dispositions antérieurement légalement adoptées, telles en l’espèce les statuts du syndicat intercommunal, prévoyant déjà le reversement du produit des jeux.

Vous confirmerez ainsi l’interprétation de la loi de 2004 à laquelle vous invite la COMMUNE DE VAULNAVEYS-LE-HAUT : dès lors qu’un reversement du produit des jeux a été instauré antérieurement au 1er janvier 2005, le dispositif de reversement à la structure intercommunale doit continuer à s’appliquer sans qu’il soit besoin d’une convention à cette fin.

Les arguments invoqués en particulier par la commune de Saint martin d’Uriage, tenant notamment aux modalités de fonctionnement, de financement de gestion du casino nous paraissent dès lors sans influence sur l’application de l’article L2333-54 du code général des collectivités territoriales.

Si vous nous suivez, la solution adoptée reviendra en réalité à conduire la commune de Saint martin d’Uriage à mettre en œuvre les procédures légales permettant soit son retrait de la structure intercommunale dont le fonctionnement lui paraît inadapté ou pénalisant, soit la dissolution du syndicat intercommunal.

Retenir une autre solution reviendrait à admettre au contraire qu’une commune pourrait se désengager de ses obligations à l’égard d’une structure intercommunale en s’affranchissant de ces procédures légales.

Par ces motifs, nous concluons :

- à l’annulation de l’arrêté du préfet de l’Isère du 30 juin 2010 ;

- à ce qu’il soit enjoint au préfet de l’Isère, dans un délai qu’il vous plaira de fixer, d’arrêter et de régler le budget primitif 2010 du syndicat intercommunal de gestion de la station d’Uriage en tenant compte de la totalité du prélèvement sur le produit des jeux du casino ;

- à la réformation du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 24 février 2011 en ce qu’il a de contraire ;

- au rejet du surplus des conclusions

Droits d'auteur

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Précisions sur la reversion du produit des jeux de casino

Alexandre Mangiavillano

Maître de conférences de droit public à l’Université Jean Moulin Lyon 3

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DOI : 10.35562/alyoda.5991

L'obligation de convention instaurée en 2004 pour les cas où les EPCI entendent reverser tout ou partie à une commune du prélèvement sur le produit des jeux dans les casinos n’a eu ni pour objet ni pour effet de rendre caduques les dispositions adoptées antérieurement à la promulgation de la loi.

Dans son principe, l’arrêt Commune de Vaulnaveys-le-Haut n’a rien de très original. Il a toutefois le mérite d’illustrer, sur un terrain qui lui est propre, le sort particulier que le droit administratif réserve aux casinos. On notera par exemple qu’à quelques jours de ce délibéré lyonnais, le Conseil d’état refusera logiquement à l’activité casinotière le caractère d’un service public (le contraire eût été singulier), tout en estimant dans le même temps que les conventions obligatoirement conclues pour son installation et son exploitation ont le caractère de délégation de service public (CE, 19 mars 2012, n° 341562, Partouche) . En eux-mêmes, donc, les jeux de casinos ne constituent pas une activité d’intérêt général, mais ils revêtent, pour le territoire qui les accueille, un intérêt que l’on pourrait sans crainte qualifier de public.

La raison tient essentiellement aux enjeux financiers qui sont à l’œuvre. Sans représenter la part déterminante des budgets locaux, le prélèvement sur le produit des jeux, dont le Conseil constitutionnel a déjà eu à connaître en partie (CC, n° 2010-53 QPC du 14 octobre 2010, Plombinoise de casino) et qui constitue juridiquement une imposition affectée, représente une ressource financière indispensable pour les communes concernées ou leur EPCI (10 milliards d’euros en 2011) .

L’arrêt du 15 mars 2012 précise simplement le cadre juridique de ce prélèvement en réglant à bon droit une question non tranchée à ce jour : la modification de l’article L. 2333-54 CGCT, instaurant en 2004 une obligation de convention pour les cas où les EPCI entendent reverser tout ou partie des prélèvements à une commune, n’a eu ni pour objet ni pour effet de rendre caduques les dispositions antérieurement adoptées (en l’occurrence ici les vieux statuts du syndicat intercommunal) . Dans le silence de la loi, il n’appartenait pas au juge de donner à cette modification une portée rétroactive dont, manifestement, il n’avait pas été question au Parlement.

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