Obligation de motivation d’une décision de préemption

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Décision de justice

CAA Lyon, 1ère chambre – N° 10LY01677 – 28 février 2012 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 10LY01677

Numéro Légifrance : CETATEXT000025527885

Date de la décision : 28 février 2012

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Droit de préemption, Motivation, L.210-1 du code de l’urbanisme

Rubriques

Urbanisme et environnement

Résumé

L’article L210-1 du code de l’urbanisme dispose : « Toute décision de préemption doit mentionner l’objet pour lequel ce droit est exercé (…) ». En application de ces dernières dispositions, les décisions concernant l’exercice du droit de préemption doivent être motivées. La délibération par laquelle une commune décide d’exercer un droit de préemption urbain est suffisamment motivée dès lors qu’elle mentionne la volonté de la commune de satisfaire aux obligations faites aux communes par la loi Solidarité et Renouvellement Urbains du 13 décembre 2000, qu’elle relève l’engagement pris par la commune dans une précédente délibération de mettre en œuvre les objectifs de production d’habitat social du programme local de l’habitat réalisé par la Communauté d’agglomération et qu’elle indique que l’acquisition par préemption de la parcelle répond, en raison de sa localisation, aux besoins et objectifs que la commune s’est fixés en matière de logements sociaux et de mixité sociale dans le quartier.

Voir aussi

CE N° 288371 - Commune de Meung-sur-Loire - 7 mars 2008 - classée en A au recueil Lebon

CE N° 342328 Société RD machines outils - 6 juin 2012 - classée en A au recueil Lebon

Conclusions du rapporteur public

Jean-Paul Vallecchia

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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  • IDREF

DOI : 10.35562/alyoda.5940

La Commune d’Aubière, dans le Département du Puy de Dôme, appartient à la Communauté d’Agglomération de Clermont Communauté.

L’Assemblée Municipale de la Commune d’Aubière a institué un Droit de Préemption Urbain (DPU) sur le territoire de la Commune par délibérations du 1er décembre 1987, 5 février 1991 et 14 décembre 2001, et, par délibération du 8 avril 2008, a délégué à son Maire, sur le fondement des dispositions de l’article L.2122-22 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) les droits de préemption définis par le Code de l’Urbanisme et prévu que ces droits pouvaient être subdélégués, dans les conditions fixées par le Conseil Municipal, selon les dispositions du 1er alinéa de l’article L.123-3 du Code de l’Urbanisme.

C’est ainsi que, dans le cadre d’un projet de vente d’une parcelle de terrain appartenant aux Consorts…., cadastrée BE n° 34 de 734 m2, sise Avenue Roger Maerte et classée en zone UG du Plan Local d’Urbanisme (PLU) – projet de vente ayant donné lieu à une Déclaration d’Intention d’Aliéner (DIA) du 1er avril 2009 – le Maire d’Aubière, par arrêté du 5 mai 2009, a subdélégué à l’Etablissement Public Foncier (EPF) SMAF le droit de procéder à la préemption de cette parcelle de terrain pour la réalisation de logements sociaux, dans le cadre du Programme Local de l’Habitat de la Communauté d’Agglomération, lequel fixe – en application de l’article L.302-8 du Code de la Construction et de l’Habitation – des objectifs triennaux de réalisation de logements locatifs sociaux sur le territoire des Communes membres..

Par délibération du 26 mai 2009 le Conseil d’Administration de l’Etablissement Public Foncier SMAF, à l’unanimité de ses membres, a entériné la préemption dont il s’agit au prix de 46.000 euros figurant dans le Déclaration d’Intention d’Aliéner.

La vente de cette parcelle de terrain entre les Consorts…. et l’Etablissement Public Foncier SMAF est intervenue les 16 et 23 juin 2009.

Mme Y. dont la propriété jouxte la parcelle BE 34 préemptée, s’était portée acquéreur de cette parcelle et a donc été écartée de cette acquisition du fait de la mise en œuvre de la préemption.

Tout comme l’Office Notarial, Mme…. a reçu notification de la délibération du 26 mai 2009 du Conseil d’Administration de l’EPF-SMAF par courrier du 27 mai 2009.

Mme…. a d’abord contesté devant le Tribunal Administratif de Clermont-Ferrand la décision de préemption qui a mis un terme à son projet d’acquisition.

Par jugement n° 0901448 du 11 mai 2010 les magistrats de la 1ère chambre du Tribunal Administratif de Clermont-Ferrand ont rejeté le recours pour excès de pouvoir qui leur était présenté.

Les premiers juges ont d’abord considéré que la décision de préemption du 26 mai 2009 était motivée conformément aux dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à celles des 2ème et 3ème alinéas de l’article L210-1 du Code de l’Urbanisme.

Sur ce même fondement de l’article L.210-1 du Code de l’Urbanisme, les premiers juges ont d’autre part établi que la réalité du projet de réalisation de logements sociaux figurant dans la décision de préemption était suffisamment établie.

Enfin, au regard du Programme Local de l’Habitat de la Communauté d’Agglomération « Clermont Communauté » - PLH répondant aux prescriptions de l’article L.300-1 du Code de la Construction et de l’Habitation – les juges du premier ressort ont considéré que le projet de création de 15 logements sociaux – projet ayant justifié la préemption contestée – que ce projet n’était pas disproportionné par rapport aux objectifs de la Commune d’Aubière et du PLH.

Devant votre Cour……Mme Y. soutient en premier lieu que le jugement du 11 mai 2010 serait irrégulier en raison – nous citons les écrits de la requérante – « de la violation du droit à un procès équitable ».

Mme…. fait explicitement référence à l’article 6 paragraphe 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales et au respect du principe du débat contradictoire qui découle de ces dispositions.

Selon elle, les visas du jugement qui lui a été notifié et dont elle relève appel mentionnent un mémoire de l’EPF-SMAF, déposé le 17 avril 2010 après la clôture de l’instruction, et une note en délibéré, du 28 avril 2010.

Il s’agit en réalité d’un mémoire enregistré par le greffe du Tribunal Administratif le 27 avril 2010, effectivement après clôture, et qui avait pour seul objet la transmission de la délibération du Conseil d’Administration de l’EPF-SMAF en date du 1er septembre 2009 par laquelle l’EPF a désigné son avocat pour le représenter dans le contentieux engagé par Mme….

Ce mémoire, qui ne contenait aucun élément de nature à faire évoluer le débat contentieux, et qui plus est arrivé après la clôture de l’instruction, n’impliquait donc aucune communication aux autres parties en cause : voyez sur ce point la décision rendue par le Conseil d’Etat le 19 décembre 2008 sous le n° 297716.

La note en délibéré enregistrée le 28 avril 2010, émanant de la Commune d’Aubière, constituait un simple rappel de la position de la Commune, déjà explicitée par mémoire du 27 février 2010 ; mémoire transmis à Mme….. Cette note en délibéré n’a apporté au débat aucun élément nouveau qui aurait été susceptible, après une réouverture de l’instruction, d’être communiquées aux autres parties intéressées : sur cet aspect de procédure relatif à la note en délibéré vous pourrez vous reporter à la décision rendue par le Conseil d’Etat le 21 novembre 2003 sous le n° 244820.

Aucune méconnaissance de la procédure contradictoire ne peut être reprochée au Tribunal Administratif de Clermont-Ferrand.

Votre Cour ne pourra qu’écarter le moyen tiré de l’irrégularité du jugement du 11 mai 2010.

…Mme Y. soutient en deuxième lieu, comme elle l’avait déjà fait en première instance, que la décision de préemption du 26 mai 2009 de l’EPF-SMAF souffrirait d’un déficit de motivation, tant au regard des dispositions générales de l’article 3 de la loi n° 079-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, qu’au regard des dispositions particulières du 2ème alinéa de l’article L.210-1 du Code de l’Urbanisme…

Dans la mesure où la motivation de la décision de préemption est exigée par un texte spécifique, la référence aux prescriptions générales de la loi du 11 juillet 1979 paraît ici inopérante… Conseil d’Etat n° 247676 du 13 octobre 2003 COMMUNE D’ALTKIRCH ;

Quoiqu’il en soit du fondement de ce moyen – fondement général ou fondement particulier – Mme…. estime que l’EPF-SMAF a motivé sa décision de préemption par référence au Programme Local de l’Habitat de la Communauté d’Agglomération et que cette manière de motiver une décision administrative ne serait admise que si figurent, annexés à la décision, les documents auxquels il est fait référence, ici le PLH concerné.

Toutefois, si la préemption fait bien référence au Programme Local de l’Habitat (PLH) de « Clermont Communauté » - ce qui est inévitable puisque les objectifs assignés aux Communes membres de la Communauté d’Agglomération en matière de logement social le sont en fonction des objectifs fixés par l’Etablissement Public de Coopération Intercommunale – et que la Commune, comme elle le précise d’ailleurs dans sa décision, s’est engagée à mettre en œuvre les objectifs d’habitat social définis par le PLH – en revanche, il n’était nullement nécessaire de joindre ce document – ni aucun autre d’ailleurs –  à la décision de préemption puisque le contenu même de cette décision répond aux exigences de motivation, tant de la loi du 11 juillet 1979 que de l’article L.210-1 du Code de l’Urbanisme.

L’EPF rappelle en effet les obligations découlant, en matière d’habitat social, de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) du 13 décembre 2000, et, en matière de mixité et d’équilibre sociaux, de la loi Urbanisme et Habitat du 2 juillet 2003.

L’EPF rappelle ensuite la localisation de la parcelle BE n° 34, en zone UG du PLU, attenante aux parcelles BE 32 et BE 33 que la Commune souhaite également acquérir, pour la réalisation d’une opération de construction de 15 logements sociaux, un projet qui a retenu l’intérêt de deux bailleurs sociaux.

Sur la question de la motivation d’une décision de préemption par référence à un Programme Local de l’Habitat votre Cour pourrait se reporter à la décision du Conseil d’Etat COMMUNE DE DRANCY n° 313464 du 20 novembre 2009.

... Mme Y.  soutient en troisième lieu – sur le fondement de l’article L210-1 du Code de l’Urbanisme – que le projet ayant justifié la préemption n’aurait aucune consistance réelle…

Cette approche de la situation de la Commune d’Aubière ne paraît pas exacte.

Le projet de construire 15 logements locatifs sociaux  sur trois parcelles de terrain, dont la parcelle BE n° 034 fait partie, a fait l’objet de deux consultations de bailleurs sociaux potentiels, l’Office Public de l’Habitat et de l’Immobilier Social (OPHIS) du Puy de Dôme – qui a fait part, le 29 avril 2009, de l’intérêt que pourrait constituer cette opération, notamment en matière de mixité sociale, et a donné une description assez précise de sa vision du projet – et  « Auvergne Habitat » qui a également fait part, le 5 mai 2009, de l’intérêt d’acquérir cette parcelle, dans l’attente de l’acquisition des deux autres (BE 32 et BE 33), pour la réalisation d’un petit secteur locatif favorisant la mixité sociale dans le quartier.

Ce projet de la Commune d’Aubière répond à la consistance de principe que la jurisprudence COMMUNE DE MEUNG SUR LOIRE - Conseil d’Etat n° 288371 du 7 mars 2008 - donne désormais à ce type de projet, avec une exigence de précision amoindrie et compensée par une réalité avérée.

Et la circonstance que le projet ne soit pas antérieur à la Déclaration d’Intention d’Aliéner (DIA) comme cela est le cas ici, reste sans incidence sur la possibilité de faire état d’un projet : voyez Conseil d’Etat n° 270278 du 15 décembre 2004 COMMUNE DE SAINT-HILAIRE LA GRAVELLE.

… Mme Y. soutient enfin, en quatrième lieu, que la décision de préemption serait, quoiqu’il en soit, constitutive d’une erreur manifeste d’appréciation…

De manière globale, il apparaît d’abord, à l’examen des pièces du dossier, que la Commune d’Aubière est déficitaire en logements sociaux.

En février 2009, un prélèvement de 45.122 euros a été effectué sur les dépenses de fonctionnement de la Commune au titre de l’article 5 de la loi SRU.

Par lettre du 22 juillet 2009 le Préfet de la Drôme a rappelé au Maire de la Commune d’Aubière l’objectif triennal 2008-2010 de réalisation de 70 logements locatifs sociaux, soit 23 logements par année ; objectif fixé – conformément à l’article L.302-8 du Code de la Construction et de l’Habitation – par le Programme Local de l’Habitat élaboré par la Communauté d’Agglomération et objectif devant être respecté à hauteur de 30% au moins en vertu des mêmes dispositions.

Le Préfet de la Drôme avait fait de même pour la période triennale 2005-2007 et avait déjà constaté, en 2008, que les objectifs fixés n’avaient pas été réalisés.

La nécessité de construire des logements sociaux s’impose donc à la Commune d’Aubière, cela paraît incontestable.

La discussion pourrait peut-être porter ici sur l’impossibilité de réaliser immédiatement le projet puisque deux autres parcelles – BE 32 et BE 33 – restent à acquérir… mais l’approbation d’un tel raisonnement conduirait à ne jamais envisager de projet concernant plusieurs parcelles de terrain, sauf à ce que la possibilité d’acquérir toutes les parcelles se présente en même temps…ce qui doit être assez rare…

La consistance du projet de la Commune d’Aubière étant réelle, sa mise en œuvre pouvait commencer par l’acquisition, par préemption, d’une des trois parcelles concernées.

La Commune d’Aubière a produit devant votre Cour un mémoire qu’elle a qualifié de mémoire en intervention… mais qui est en réalité un mémoire en défense puisque la décision de préemption qui a été prise par l’Etablissement Public Foncier (EPF) l’a été au nom de la Commune et que la Commune a été intimée devant vous au même titre que l’EPF.

Par ces motifs nous concluons :

- au rejet de la requête de Mme Y. dans toutes ses conclusions ;

- au rejet, dans les circonstances de l’espèce, des conclusions qui sont présentées en défense au titre de l’article L761-1 du Code de Justice Administrative.

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