M.P. est propriétaire, sur le territoire de la Commune de CHABEUIL, dans le Département de la Drôme, de deux parcelles de terrain cadastrées section ZN n° 196 et n° 57, d’une superficie totale de 13.460 m2, qui était classée en zone NC du Plan d’Occupation des Sols révisé en 1993 et modifié en 1994, et en zone N du Plan Local d’Urbanisme (PLU) approuvé le 19 décembre 2005 et modifié le 28 février 2008.
Par arrêté du 18 novembre 1993 le Maire de Chabeuil a délivré à M. PEYRARD un permis de construire, sur cette propriété, un abri à chevaux de 60 m2 de Surface Hors Œuvre Brute (SHOB) et Nette (SHON).
Le 15 février 1996 l’extension à 210 m2 de SHOB et de SHON de ce bâtiment a été autorisée par un nouveau permis de construire, qui a lui-même été modifié par un permis modificatif du 23 mai 1997 concernant la surélévation du bâtiment, mais sans modification de la SHOB et de la SHON.
Souhaitant transformer l’abri à chevaux en habitation et modifier son aspect extérieur, M.P. a d’abord procédé au dépôt d’une déclaration préalable de travaux qui a fait l’objet d’une opposition le 8 février 2008.
M.P. a alors déposé une nouvelle demande de permis de construire, tendant à la transformation des bâtiments agricoles existants en habitation avec création de 170 m2 de SHON, demande qui a également été rejetée le 17 avril 2008.
L’opposition a déclaration de travaux du 8 février 2008 a été contestée par M.P. devant le Tribunal Administratif de Grenoble qui, par jugement n° 00801669 du 24 novembre 2009, a rejeté cette requête après avoir constaté que les travaux envisagés relevaient d’une demande de permis de construire conformément aux dispositions de l’article R421-14 b) du Code de l’Urbanisme.
Le refus de permis de construire du 17 avril 2008, également contesté par M. P. devant la juridiction administrative, a donné lieu au jugement n° 00802756 du 16 mai 2011 de la 2ème chambre du Tribunal Administratif de Grenoble, jugement dont M. P. relève aujourd’hui appel devant votre Cour.
Ce jugement du 16 mai 2011 a confirmé la légalité du refus de permis de construire en question, sur le fondement du PLU de la Commune de Chabeuil, dans sa version du 28 février 2008, lequel, s’agissant d’un terrain classé en zone N, interdit la transformation d’un bâtiment à usage agricole en maison à usage d’habitation.
M. P. soutient en premier lieu que le jugement du 16 mai 2011 serait irrégulier en ce qu’il n’aurait pas pris en compte et n’aurait pas permis la discussion entre les parties du dernier mémoire déposé par lui en première instance, après la clôture de l’instruction ; mémoire dans lequel était développé, par le nouvel avocat de M. P., un moyen – nouveau dans le débat – celui de l’illégalité – par la voie de l’exception – du Plan Local d’Urbanisme modifié par délibération du 28 février 2008 sur lequel s’est fondé le refus de permis de construire.
Toutefois, sauf circonstance de fait nouvelle qu’il était impossible d’invoquer avant la clôture de l’instruction, ou sauf circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d’office, la réouverture de l’instruction d’une affaire contentieuse n’est qu’une faculté dont la maîtrise appartient au juge de l’excès de pouvoir : voyez sur ce point Conseil d’Etat n° 258164 du 27 juillet 2005 M.X.
Or, ici, le moyen en question, qui pouvait être invoqué dès la demande initiale de première instance, ne constituait pas, au sens de cette jurisprudence, une circonstance de droit nouvelle.
Et contrairement à ce que laisse entendre le requérant, les juges de première instance n’ont pas répondu à ce moyen en précisant quelle était la version du PLU de Chabeuil applicable au litige.
En deuxième lieu, M. P. critique aussi la régularité du jugement du 16 mai 2011 sous l’angle de sa motivation… ce jugement n’ayant pas répondu, selon lui, à un moyen qui aurait visé les dernières considérations de l’arrêté de refus de permis de construire, considérations qui ressemblent d’ailleurs plus à des commentaires qu’à un véritable motif de refus… Quoiqu’il en soit, M. P. ne démontre pas à cet égard qu’il aurait, dans ses écrits de première instance, articulé un véritable moyen à l’encontre de ces considérations… Les premiers juges ne pouvaient donc pas répondre à un moyen inexistant…
En troisième lieu, M. P. vient donc développer devant votre Cour le moyen tiré de l’exception d’illégalité du PLU modifié par délibération du Conseil Municipal de Chabeuil du 28 février 2008 ; modification qui a notamment eu pour résultat d’interdire en zone N les changements de destination des constructions en vue de l’habitation.
Ce moyen est fondé sur l’article L123-13 du Code de l’Urbanisme, aux termes duquel, dans sa version alors applicable :
« Le plan local d'urbanisme est modifié ou révisé par délibération du conseil municipal après enquête publique.
La procédure de modification est utilisée à condition que la modification envisagée :
a) Ne porte pas atteinte à l'économie générale du projet d'aménagement et de développement durable mentionné au deuxième alinéa de l'article L.123-1 ;
b) Ne réduise pas un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière, ou une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels ;
c) Ne comporte pas de graves risques de nuisance. (…) ».
Selon M. P., les nombreuses modifications qui auraient été apportées au PLU de la Commune par la délibération du 28 février 2008 auraient dû conduire à une véritable révision du Plan.
En l’espèce, les modifications ont été effectivement nombreuses… mais, au-delà du nombre de modifications, il s’agit surtout d’évaluer – pour arrêter un choix entre procédure de révision et procédure de modification – l’incidence prévisible de ces modifications sur l’utilisation des sols et, particulièrement, sur les possibilités de construire... voyez sur cet aspect Conseil d’Etat n° 307515 du 8 avril 2009 COMMUNE DE BANON.
Or, sur ce point des incidences prévisibles des modifications apportées au PLU de la Commune de Chabeuil, M. P. ne démontre pas – de manière suffisamment précise et convaincante à notre sens – que les modifications en cause se situeraient dans l’une des trois hypothèses prévues par les a), b) et c) de l’article L123-13 du Code de l’Urbanisme.
Sur l’hypothèse du a) de l’article L123-13 du Code de l’Urbanisme relative à l’atteinte à l'économie générale du projet d'aménagement et de développement durable… l’ouverture à l’urbanisation des zones AU, qui est dans la logique de ce classement puisqu’il s’agit là de zones d’urbanisation futures, ne bouleverse donc pas le parti d’urbanisme… et la modification du Règlement de la zone N, qui touche directement M. P., n’est pas critiquée comme ayant pu avoir une large incidence au niveau du territoire communal…
Sur l’hypothèse du b) de l’article L123-13 du Code de l’Urbanisme relative à la réduction d’un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière, ou une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels…
Il s’agit en l’espèce de la réduction, d’environ 3 hectares, de la zone N – par suppression de la zone NA qui était destinée à une aire d’accueil pour les gens du voyage – et de sa transformation en zone A… Mais toute réduction d’une zone N n’implique pas automatiquement une procédure de révision. La Cour Administrative d’Appel de Marseille – dans son arrêt n°07MA01861 du 15 janvier 2010 SCI LE COULET REDOUN – va jusqu’à exiger une réduction significative… Sans aller aussi loin, la transformation d’une zone NA en zone A ne nous paraît pas véritablement pouvoir être regardée comme la stricte réduction d’une zone N au sens du b) de l’article L123-13 du Code de l’Urbanisme.
Sur l’hypothèse du c) de l’article L123-13 du Code de l’Urbanisme relative aux graves risques de nuisance…
Il s’agit là de la suppression du secteur 1AUai – au lieu-dit « Les Gouvernaux » - ou les Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE) étaient exclues. Un risque potentiel de nuisance est donc apparu. Mais le secteur en question est assez éloigné des zones d’habitat et la seule possibilité de pouvoir implanter des ICPE ne permet pas de caractériser l’existence d’un grave risque de nuisance exigé par le texte… voyez sur ce point Conseil d’Etat n° 159369 du 4 février 1998 ASSOCIATION DE DEFENSE DE L’ENVIRONNEMENT DE DINSHEIM.
Ainsi, votre Cour ne pourra pas relever – par la voie de l’exception – l’illégalité de la délibération du 28 février 2008 qui a modifié le PLU de la Commune de Chabeuil.
Cette modification ayant interdit, au travers des articles N1 et N2 du Règlement, le changement de destination des constructions existantes, c’est donc à bon droit que le Maire de Chabeuil a opposé, le 17 avril 2008, un refus de permis de construire à M.P.
Par ces motifs nous concluons :
- au rejet de la requête de M. Denis P. dans toutes ses conclusions ;
- au rejet, dans les circonstances de cette affaire, des conclusions que la Commune de Chabeuil présente au titre de l’article L761-1 du Code de Justice Administrative.