Responsabilité de l’Etat en matière d’autorisation d’une manifestation aérienne

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Décision de justice

CAA Lyon, 4ème chambre – N° 09LY02641 – 25 novembre 2010 – C

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 09LY02641

Numéro Légifrance : CETATEXT000023162322

Date de la décision : 25 novembre 2010

Code de publication : C

Index

Mots-clés

Manifestation sportive, Manifestation aérienne, Attestation de l’assureur, Responsabilité civile, Garanties

Rubriques

Responsabilité

Résumé

Le préfet ne commet pas de faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat, en autorisant la tenue d’une manifestation aérienne au vu d’une attestation d’assurance fournie par l’association organisatrice, en application de l’article 15 de l’arrêté du 4 avril 1996 relatif aux manifestations aériennes, dès lors que l’attestation susmentionnée ne fait référence à aucune restriction de garantie et laisse au contraire penser que l’assurance couvrait la totalité des événements susceptibles de se produire lors de la manifestation aérienne.

En l’espèce, une telle attestation constitue une preuve suffisante de la disposition, par l’association organisatrice, de garanties permettant de faire face aux conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile alors même qu’il a été constaté par la suite que l’assurance souscrite comportait d’importantes exclusions de garanties non signalées dans l’attestation susmentionnée.

Conclusions du rapporteur public

Geneviève Gondouin

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.5815

Par un arrêté du 8 juillet 1997, le préfet de la Nièvre autorise l’Association sportive aéronautique de Clamecy (ASAC) à organiser les 12 et 13 juillet suivants une manifestation aérienne comprenant baptêmes de l’air (en avion et en ULM) et présentations en vol (voltige solo, parachutages).

Le 13 juillet, M. et Mme M., à bord de leur ULM, se posent sur l’aérodrome de Clamecy. M. M. n’est pas membre de l’ASAC mais accepte, à la demande de cette dernière, d’assurer un baptême de l’air à M. L. qui avait acheté un billet à cette fin. Malheureusement, l’ULM s’écrase au sol provoquant la mort de M. M. et de M. L.

Les familles saisissent le juge judiciaire, celle de M. L. pour rechercher la responsabilité de l’ASAC et de M. M., la famille de ce dernier pour rechercher la responsabilité de l’association.

Le TGI de Nevers, le 18 septembre 2003, déclare l’ASAC responsable de l’accident survenu le 13 juillet 1997 et la condamne à indemniser les consorts L. et les consorts M. La Cour d’appel de Bourges confirme le jugement, sauf en ce qu’il limite l’indemnisation des consorts M. au plafonnement prévu par la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929. La Cour de cassation par une décision du 3 mai 2007 déclare le pourvoi non admis.

Mme M. et ses enfants auraient dû recevoir au total 252 664 €, soit 50 000 € pour chacun des enfants et 152 664 € pour leur mère.

Mais l’ASAC est mise en liquidation par un jugement du 4 mai 2006 (TGI de Nevers), la procédure est clôturée l’année suivante pour insuffisance d’actif. Mme M. et ses enfants ne vont finalement recevoir que 2 158, 36 €.

Précisons que l’assureur de l’ASAC a été mis hors de cause dans la mesure où cette dernière ne couvrait pas « les dommages survenus du fait de manifestations aériennes ou des exercices aériens préparatoires ». L’association avait souscrit auprès de cette Compagnie une police responsabilité des organisateurs de fêtes locales, laquelle est distincte de la police responsabilité civile du transporteur à l’égard des passagers.

En désespoir de cause, Mme M. saisit le préfet de la Nièvre d’une demande tendant à la réparation du préjudice qu’elle-même et ses enfants subissent du fait de la défaillance des services de l’Etat dans l’exercice des pouvoirs de police spéciale des aérodromes et des manifestations aériennes.

Puis elle saisit le TA de Dijon d’une demande tendant à ce que l’Etat soit condamné à lui verser la somme de 252 005, 64 € au titre de leur préjudice et 10 000 € sur le fondement de l’article L761-1 du code de justice administrative (CJA).

Le TA rejette sa demande par un jugement du 24 septembre 2009 dont elle relève appel.

Nous n’insisterons pas sur le préjudice subi qui n’est pas contestable et réside dans la circonstance que Mme M. et ses enfants ne peuvent obtenir l’indemnisation à laquelle ils ont droit, du fait de la défaillance de l’ASAC.

Pour le reste, et puisque nous ne pouvons guère en la matière fonder autrement la responsabilité de l’Etat, il faut trouver une faute imputable à ce dernier ou à ses services et un lien de causalité directe entre la faute de l’Etat et le préjudice subi par Mme M. et ses enfants.

- Les premiers juges ont estimé que l’Etat n’avait commis aucune faute.

Mme M. soutient que la faute de l’Etat réside dans la circonstance que le préfet ne s’est pas acquitté correctement de son obligation de contrôle lorsqu’il a autorisé la manifestation aérienne, en se contentant d’une attestation laconique de l’agent d’assurances, la Cie CMA AREAS, sans prendre la peine d’analyser le texte de la police, qui lui aurait permis de constater immédiatement que les risques en vol n’étaient pas couverts par la Cie d’assurances au titre de cette assurance responsabilité civile.

D’abord, il convient de noter que l’évolution actuelle de la jurisprudence administrative vous conduit à rechercher, pour engager la responsabilité de l’Etat dans le domaine des activités de contrôle, l’existence d’une faute simple et non plus lourde (CE 2 avril 2010, Ministre de l’Etat, Ministre de l’Ecologie, req. 310562, B, concl. F. Lenica, pour le contrôle de la navigation aérienne, après bien d’autres arrêts rendus dans le domaine des activités de contrôle).

Il appartient au préfet, en vertu de l’arrêté du 4 avril 1996 invoqué par la requérante, d’autoriser les manifestations aériennes. La demande d’autorisation doit être accompagnée du dossier type intégralement renseigné constitué des annexes pertinentes au présent arrêté. L’organisateur de la manifestation doit présenter un dossier comprenant des « garanties effectives relatives à la responsabilité civile de l’organisateur et de ses préposés » (art. 12).

L’article 15 de ce même arrêté précise que « l’organisateur, sauf s’il s’agit d’une autorité militaire, doit fournir la preuve auprès de l’autorité préfectorale qui délivre l’autorisation qu’il dispose de garanties lui permettant de faire face aux conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile, de celle de ses préposés et de celle de tous les participants à la manifestation aérienne en complément, si cela s’avérait nécessaire, des garanties en propre dont disposent ces derniers en tant que pilote d’aéronef ».

Voyez aussi le guide pour la rédaction d’un arrêté préfectoral autorisant une manifestation aérienne (annexe VI de l’arrêté) qui contient un article 12 ainsi rédigé : « L’organisateur devra fournir à la préfecture les preuves des garanties des participants au plus tard la veille de la manifestation, en complément de la fourniture des preuves qu’il dispose lui-même des garanties lui permettant de faire face aux conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile et de celle de ses préposés, fourniture effectuée lors de la demande de manifestation aérienne ».

Ce n’est qu’un guide, l’arrêté du 8 juillet 1997 ne comporte pas de disposition analogue.

En l’espèce, le dossier soumis à autorisation préfectorale comportait une attestation de l’agent d’assurances mentionnant que l’ASAC « est garantie à ma compagnie par contrat n° 005 619 161 J pour sa responsabilité civile. La prochaine fête aérienne se déroulera à l’aérodrome de Clamecy « route de Vaux » les 12 et 13 juillet 1997 ».

Le préfet s’est contenté de cette attestation, sans pousser plus loin les investigations et sans exiger la production du contrat d’assurances. Au regard des conséquences que nous connaissons à présent, nous pouvons considérer que cette façon de procéder est empreinte de beaucoup de légèreté, mais pour autant elle ne nous semble pas constitutive d’une faute.

En revanche, dans cette affaire, nous n’arrivons pas à comprendre comment l’ASAC a pu faire preuve d’un tel amateurisme et comment l’assureur n’a pas su, ni pu, attirer son attention sur les limites de la police d’assurances.

Pour en revenir aux services de la préfecture, on pourrait soutenir que si seulement l’attention de l’ASAC avait été attirée par ceux-ci sur les limites du contrat d’assurances et sur la clause d’exclusion, l’affaire aurait pu se terminer autrement. Mais il aurait fallu le contrat complet ou que l’attestation de la Cie d’assurances soit rédigée autrement. En réalité, les services ont constaté que le dossier était complet puisque y figurait l’attestation en question, ils ne sont pas allés plus loin.

A supposer même que l’on puisse qualifier de fautive l’attitude des services de l’Etat, ce que nous ne croyons pas en l’espèce, il vous faudrait encore admettre que Mme M. établit un lien de causalité directe entre la faute commise et le préjudice qu’elle subit. Et ce n’est pas le cas.

Le préjudice que subit Mme M. vient, d’une part du décès de son mari survenu à l’occasion d’une fête organisée par une association dont il n’était pas membre, lors d’un accident dont on ne connaît pas les causes et, d’autre part, du fait que l’ASAC, mise en liquidation judiciaire, n’a pas pu régler les sommes qu’elle lui devait, et qu’elle n’était pas suffisamment bien assurée.

En plus, compte tenu des conditions de déroulement de l’affaire, l’assureur de l’ASAC, à supposer qu’il n’y ait pas eu de clause d’exclusion pour « les dommages survenus du fait de manifestations aériennes ou des exercices aériens préparatoires », n’aurait peut-être même pas indemnisé Mme M. et ses enfants. Le juge judiciaire a retenu que « M. M. était le préposé occasionnel de l’ASAC dans le cadre d’une convention d’assistance bénévole ». Rien ne peut nous permettre de dire que l’assurance aurait couvert les dommages subis par celui-ci.

Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête.

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