La commune de Nohanent vous demande d’annuler l’arrêté du 3 juin 2022 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a délivré un permis de construire à la société Centrale solaire de Nohanent pour la construction d’une centrale photovoltaïque au sol sur un terrain de 10 ha sur la commune de Nohanent à la place d’une ancienne carrière de basalte, située sur le plateau des Côtes de Clermont.
La commune de Nohanent soutient tout d’abord que la délibération du 17 juin 2011 par laquelle le conseil municipal de Nohanent a, par une révision simplifiée du PLU, classé le tènement concerné en zone à urbaniser AUs afin de permettre la réalisation de l’opération, est illégale par la voie de l’exception, dès lors que ce classement ne serait pas compatible avec les orientations du SCOT du Grand Clermont et ne serait pas cohérente avec les orientations du PADD. Le permis délivré méconnaitrait alors les dispositions de l’ancien PLU remises en vigueur par cette déclaration d’illégalité, classant le terrain en zone NL et interdisant par conséquent ce type de construction. (voir CE, 7 février 2008, Commune de Courbevoie, n° 297227, A, sur l’opérance de l’exception d’illégalité d’un PLU invoquée contre un permis de construire). Le moyen est opérant, alors même que la commune de Nohanent est à l’origine de cette révision…
S’agissant de l’incompatibilité avec le Schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Grand Clermont
Cette obligation de compatibilité résulte des dispositions de l’article L. 131-4 du code de l'urbanisme. Le CE juge que « Pour apprécier la compatibilité d'un PLU avec un SCOT, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier. » (CE, 18 décembre 2017, Regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise et autres, n° 395216, B)
Relevons que le SCOT approuvé le 29 novembre 2011 est postérieur à l’adoption de la modification critiquée du PLU de Nohanent, mais c’est sans incidence sur l’opérance du moyen tiré de l’illégalité par voie d’exception, l’illégalité du document pouvant résulter de circonstances postérieures. Surtout, en matière de permis de construire, la légalité du document d’urbanisme doit s’apprécier à la date de la délivrance du permis (CE, 2 octobre 2019, Commune de Limonest, n° 420808, 420851, B). En l’espèce, le SCOT de 2011 était bien celui en vigueur à la date de la délivrance du permis attaqué.
Les requérants font valoir que le site d’implantation de la centrale faisant l’objet du classement en zone AUs, est situé sur les Côtes de Clermont, et que ce site est identifié dans les cartographies du SCOT du Grand Clermont comme « site paysager remarquable à protéger et à valoriser », « panorama et point de vue majeur à pérenniser », « secteur sensible des parcs naturels régionaux à préserver et à valoriser », et « espace à enjeux récréatifs ou pédagogiques à aménager ou à renforcer pour l’accueil du public », et, s’agissant plus précisément de l’ancienne carrière : un « pôle à potentiel touristique et récréatif à renforcer ».
Concernant la protection du site paysager ou de son intérêt écologique, vous pouvez suivre le raisonnement des défendeurs qui font valoir que le classement de cette partie très réduite du territoire de Côtes en zone destinée à accueillir une activité photovoltaïque, n’est pas incompatible avec les orientations du SCOT concernant la protection ou la valorisation du site des Côtes de Clermont, pris globalement, le site du projet ne représentant que 2,5% de la superficie des Côtes de Clermont-Ferrand, qui représente près de 1000 hectares. (Voir n° 23NT01388 du 2 mai 2025, point 10)
Néanmoins, l’identification par le SCOT du site de l’ancienne carrière lui-même comme « pôle à potentiel touristique et récréatif à renforcer », sur lequel le projet photovoltaïque entend s’installer, est plus problématique. Au regard de la jurisprudence précitée, l’examen de la compatibilité du PLU aux orientations du SCOT doit certes se faire au niveau global, à l’échelle du territoire couvert, et tenir compte des autres orientations de ce schéma potentiellement concurrentes, mais également de « leur degré de précision » (CE, 6 octobre 2021, Commune de Montmorency, n° 441847, B). Or, le pôle à potentiel touristique et récréatif à renforcer identifié par le SCOT constitue une orientation ciblée et précise sur le site même du projet, avec laquelle le classement des parcelles concernées en zone AUs dédiée à la production d’énergie solaire n’est pas compatible, contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, qui font seulement valoir que des visites pédagogiques pourraient être organisées sur la centrale. Le développement d’activités de loisirs dans ce secteur du plateau apparaît en effet difficilement compatible avec la présence d’une telle centrale (voir sur le classement d’un terrain incompatible avec un objectif ciblé du SCOT, 24MA00855 du 6 mars 2025).
Par ailleurs, s’ils font valoir également que d’autres orientations se fixent pour objectifs de « développer l’utilisation d’énergies renouvelables, surtout solaire, / Les PLU prennent toute mesure de nature à favoriser le recours aux énergies et matériaux renouvelables… », les différents objectifs fixés au sein d’un SCOT, parfois contradictoires, ne peuvent être hiérarchisés, mais aux mieux conciliés. Ainsi, l’existence d’un objectif visant le développement de l’énergie solaire notamment, ne permet pas pour autant de le faire primer sur l’objectif précité relatif au développement d’un pôle touristique et récréatif à cet endroit, sauf à vider totalement ce dernier de sa substance.
Le moyen tiré de l’incompatibilité de la révision du PLU en cause avec le SCOT du Grand Clermont devra dès lors être accueilli.
S’agissant de la cohérence avec le Projet d’aménagement et de développement durable (PADD)
En application de l’article L. 151-8 du code de l’urbanisme, le règlement du PLU, et donc le zonage, doit être « en cohérence » avec les orientations générales du PADD. L’appréciation du degré de compatibilité s’effectue peu ou prou selon les mêmes modalités qu’avec le SCOT (CE, 30 mai 2018, Commune de Sète, n° 408068, B ).
Or, les requérants font valoir que, de manière d’ailleurs cohérente avec le SCOT, le PADD de Nohanent de 2007, indique à propos de l’ancienne carrière, au sein de son orientation n° 5 « Développer le tourisme et la culture au service de la qualité de vie », que : « L’aménagement de ce site devra se faire en concertation avec les communes environnantes mais aussi avec Clermont Communauté. Cependant, la commune réfléchit à ce qui pourrait être envisagé. »
Plusieurs pistes apparaissent : un espace de spectacle en plein air ou des activités sportives.
Quel que soit le projet retenu par Clermont Communauté, le site de la carrière sera un espace de loisirs ».
Il en ressort clairement que, dans ses orientations d’aménagement en vigueur, la commune de Nohanent a entendu dédier ce site aux activités de loisirs, même si le site est qualifié de « site à vocation multiple » et qu’aucun projet n’était alors arrêté. Or, en créant une zone AUs dédiée à la production d’énergie solaire dans ce lieu spécifique, la délibération 17 juin 2011 contredit radicalement les objectifs du PADD sur ce point. Le moyen tiré de l’incohérence de cette révision avec le PADD devra donc également être accueilli.
Il s’ensuit que le moyen tiré de l’exception d’illégalité de la révision simplifiée du PLU et de ce que, par conséquent, le permis délivré à société Centrale solaire de Nohanent méconnaît les dispositions de l’ancienne zone Nl, qui classaient le site de l’ancienne carrière en « zone naturelle à vocation sportive et de loisirs NL », doit être accueilli dans toutes ses branches.
La commune soutient en dernier lieu que le permis contesté est entaché d’erreur manifeste d'appréciation dès lors que le projet est de nature à compromettre l’exécution du futur plan local d'urbanisme métropolitain, de sorte que le préfet aurait dû opposer à la demande un sursis à statuer en application de l’article L. 153-11 du code de l'urbanisme
Mais la seule circonstance qu’à la date du permis de construire contesté, le projet d’aménagement et de développement durables du futur plan local d'urbanisme métropolitain, publié en octobre 2021, identifiait les Côtes de Clermont comme « un point de vue remarquable à protéger et un réservoir de biodiversité » – à l’instar du document précédent - n’est pas de nature à établir que le projet en litige compromet l’exécution du futur plan, compte tenu de ce que nous avons dit sur l’étendue limitée du site du projet à l’échelle des Côtes de Clermont. Le moyen sera dès lors écarté.
Par ces motifs, nous concluons à l’annulation de l’arrêté du 3 juin 2022 du préfet du Puy-de-Dôme.