L’avis d’imposition doit mentionner l’existence et le caractère obligatoire de la réclamation ainsi que les voies et délais de recours

Décision de justice

CAA Lyon, 5ème chambre – N° 23LY00365 – 07 décembre 2023 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 23LY00365

Numéro Légifrance : CETATEXT000048542959

Date de la décision : 07 décembre 2023

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

R. 421-5 du code de justice administrative, R. 190-1 du livre des procédures fiscales, R. 196-1 du livre des procédures fiscales, R. 196-3 du livre des procédures fiscales, Délai de prescription, Délai de forclusion

Rubriques

Fiscalité

Résumé

Les dispositions de l’article R. 421-5 du code de justice administrative doivent être lues comme exigeant que la décision administrative ou sa notification comporte la mention des voies et délais de recours prévus par les textes et non pas la mention des textes prévoyant les voies et délais de recours.

Des dispositions des articles R. 190-1, R. 196-1 et R. 196-3 du livre des procédures fiscales, combinée avec celles de l’article R. 421-5 du code de justice administrative, il résulte que l’avis d’imposition ou l’avis de mise en recouvrement par lequel l’administration porte les impositions à la connaissance du contribuable doit mentionner l’existence et le caractère obligatoire, à peine d’irrecevabilité d’un éventuel recours juridictionnel, de la réclamation prévue à l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, ainsi que les délais de forclusion dans lesquels le contribuable doit présenter cette réclamation et que la méconnaissance de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours ou l’absence de preuve qu’une telle information a été fournie est de nature à faire obstacle à ce que les délais prévus par les articles R. 196-1 et R. 196-3 du livre des procédures fiscales lui soient opposables.

Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance.

Dans le cas où le recours juridictionnel doit obligatoirement être précédé d’un recours administratif, celui-ci doit être exercé, comme doit l’être le recours juridictionnel, dans un délai raisonnable.

Le recours administratif préalable doit être présenté dans le délai prévu par les articles R. 196-1 ou R. 196-3 du livre des procédures fiscales, prolongé, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le contribuable, d’un an. Dans cette hypothèse, le délai de réclamation court à compter de l’année au cours de laquelle il est établi que le contribuable a eu connaissance de l’existence de l’imposition1.

Il résulte de l’instruction que les avis d’imposition afférents aux impositions supplémentaires sur les revenus et aux prélèvements sociaux des années 2014 et 2015 comportent en bas de leurs dernières pages la mention suivante : « Si vous souhaitez contester le montant de votre impôt, vous pouvez effectuer une réclamation sur votre messagerie sécurisée sur impots.gouv.fr ou par courrier adressé à votre centre des finances publiques (dans les conditions prévues aux articles R. 190-1, R. 196-1 et du livre des procédures fiscales). Si l'impôt fait suite à une procédure de reprise ou de rectification vous pouvez le contester dans le délai, s’il est plus favorable, dont dispose l’administration pour adresser sa proposition de rectification (article R. 196-3 du livre des procédures fiscales) Ce délai expire, sauf exception, le 31 décembre de la 3ème année suivant celle au cours de laquelle est intervenue la proposition de rectification. ».

De telles mentions, qui se bornent pour l’essentiel à un renvoi aux dispositions du livre des procédures fiscales, ne sauraient être regardées comme ayant permis aux contribuables d’avoir été dûment informés du caractère obligatoire de la réclamation prévue à l’article R. 190-1 ainsi que des délais impartis pour la présenter en application des articles R. 196-1 et R. 196-3 du livre des procédures fiscales.

Ainsi, si la circonstance que le contribuable n’a pas été informé du caractère obligatoire de cette réclamation préalable est sans incidence sur l'opposabilité des délais dans lesquels elle devait être formée dès lors que la saisine du tribunal administratif a été précédée d’une réclamation, le défaut de mention du délai de droit commun prévu par les dispositions de l’article R. 196-1 du livre des procédures fait obstacle à l’opposabilité des délais dans lesquels elle devait être formée.

Dès lors, les requérants ne pouvaient se voir opposer la tardiveté de leur réclamation du 9 juin 2021 introduite dans un délai raisonnable2.

19-02-02-02, Contributions et taxes, Règles de procédure contentieuse spéciales, Réclamations au directeur, Délai, Opposabilité des délais mentionnés dans l’avis d’imposition par renvoi aux textes, Absence

Il résulte des dispositions de l’article R. 196-3 du livre des procédures fiscales qu’un contribuable qui a fait l’objet d’une procédure de reprise ou de rectification dispose, pour présenter ses propres réclamations, d’un délai égal à celui fixé à l’administration pour établir l’impôt, lequel expire, s’agissant de l’impôt sur le revenu, le 31 décembre de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la proposition de rectification lui a été régulièrement notifiée.

La notification postérieure de la mise en recouvrement des impositions en cause n'a pas d'incidence sur ce délai3.

Aux termes de l’article 10 de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 : « I.- Sont suspendus à compter du 12 mars 2020 et jusqu'au 23 août 2020 inclus et ne courent qu'à compter de cette dernière date, s'agissant de ceux qui auraient commencé à courir pendant la période précitée, les délais : / 1° Accordés à l'administration pour réparer les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition et appliquer les intérêts de retard et les sanctions en application des articles L. 168 à L. 189 du livre des procédures fiscales ou de l'article 354 du code des douanes lorsque la prescription est acquise au 31 décembre 2020 ; (…). ».

Ces dispositions qui prévoient la suspension du délai de prescription doivent être regardées comme autorisant symétriquement la suspension du délai de forclusion des actions visant à la contestation des impositions ayant bénéficié de la suspension du délai de reprise4.

L’administration a bénéficié, du fait de la suspension intervenue du 12 mars au 23 août 2010, d’une prorogation du délai de reprise qui expirait le 31 décembre 2020, jusqu’au 14 juin 20215.

Symétriquement, le délai spécial prévu à l’article R. 196-3 du même livre dont bénéficiaient les requérants pour contester les rectifications en litige expirait également à la date du 14 juin 2021.

54-01-07-04-02, Procédure, Introduction de l'instance, Délais, Interruption et prolongation des délais, Prolongation par des textes spéciaux, Etat d'urgence sanitaire, Prolongation des délais de recours, Suspension des délais de prescription (art. 10 de l'ordonnance n° 2020-306), Champ d’application, Délais de recours faisant référence à un délai de prescription, Inclusion, Délai spécial prévu par l’article R. 196-3 du livre des procédures fiscales.

Notes

1 Cf. CE, Assemblée, 13 juillet 2016, n° 387763, p. 340 ; CE, Section, 31 mars 2017, n° 389842, p.105 ; Comp. s’agissant des effets du défaut de mention du caractère obligatoire de la réclamation CE, 26 mars 2012, min. c/ société Sonavi, n° 325404, Tables du recueil Lebon pp. 563-693- 695-895-899.

2 Cf. CAA Lyon, 15 décembre 2022, n° 21LY03748, C.

3 Cf. s’agissant du point de départ du délai spécial, CE, 26 janvier 2021, société Accor, n° 437802, T. p. 613 ; Rappr. s’agissant du délai spécial de réclamation en matière d’impôt sur les sociétés,  CE, 26 janvier 2021, société Accor, n° 437802, T. p. 613 ; s’agissant du délai de prescription en cas d’activité occulte, CE, 22 juillet 2022, n °451206, à paraitre aux Tables. Comp., s’agissant du refus d’étendre le délai spécial de réclamation à raison de la prorogation du délai de prescription de droit commun prévue par l’ancien article 1974 bis du CGI, CE, Plénière, 28 novembre 1986, n°47147, p. 246.

4 Inédit. Comp. s’agissant du délai de recours contentieux prévu par l’article R. 199-1 du LPF CAA Paris 15 mars 2023, n° 21PA05317, C.

5 Cf. s’agissant de la computation du délai de reprise en application de l’article 10 de l’ordonnance du 25 mars 2020, CAA Bordeaux, 13 juillet 2023, EHPAD Eugène Romaine, n° 22BX01257, C.

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