Compétence des CAA en premier et dernier ressort : recours contre un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale

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Décision de justice

CAA Lyon, 5ème chambre – N° 21LY03471 – SAS Casino Distribution France – 31 mars 2022 – C+

Pourvoi en cassation rejeté : CE, 24 juillet 2024, Société Distribution Casino France, n° 464565

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 21LY03471

Date de la décision : 31 mars 2022

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

L. 752-1 du code de commerce, L. 752-17 du code de commerce, L. 425-4 du code de l’urbanisme, L. 600-10 du code de l'urbanisme, Permis de construire, Autorisation d'exploitation commerciale

Rubriques

Urbanisme et environnement, Aides publiques et économie

Résumé

Il résulte des articles L. 752-1 du code de commerce et L. 425-4 du code de l'urbanisme et L. 600-10 du code de l'urbanisme que les cours administratives d'appel ne sont, par exception, compétentes pour statuer en premier et dernier ressort sur un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un permis de construire, aussi bien en tant qu'il vaut autorisation de construire qu'en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, que si ce permis tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

Un permis de construire un permis, même délivré pour un projet soumis à autorisation d’exploitation commerciale en vertu de l’article L. 752-1 du code de commerce, ne peut jamais tenir lieu d’une telle autorisation lorsque le projet n’a pas été, au préalable, soumis pour avis à une commission départementale d’aménagement commercial 1.

Un permis ne saurait davantage valoir autorisation d’exploitation commerciale pour la seule raison qu’il a fait l’objet d’un avis facultatif de la commission départementale d'aménagement commercial en application de l’article L. 752-4 du code de commerce, alors qu’une telle autorisation n’a été ni demandée, ni délivrée 2.

D’ailleurs, en pareil cas aucun recours n’est organisé devant la commission nationale d’aménagement commercial3.  Il n’y a pas  lieu de rechercher si la surface de vente réelle excède le seuil de 1 000 m2 1.

La cour administrative d’appel n’est pas compétente en premier et dernier ressort. Toutefois, les conclusions par lesquelles la SAS Distribution Casino France tendant à l’annulation de ce permis en tant qu’il tient lieu d’autorisation d’exploitation commerciale sont, dès lors que le permis du 31 mars 2020 ne tient pas lieu d’une telle autorisation, irrecevables. Cette irrecevabilité manifeste étant insusceptible d’être couverte en cours d’instance, il y a lieu, par suite, de rejeter ces conclusions, en application des dispositions de l’article R. 351-4 du code de justice administrative 1 .

14-02-01-05-02, Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique, Réglementation des activités économiques, Activités soumises à réglementation, Urbanisme commercial, Aménagement commercial, Procédure.

17-05 Compétence à l’intérieur de la juridiction administrative, Compétence de la cour en premier et dernier ressort.

68 Urbanisme, Aménagement commercial, Notion de litige relatif au permis de construire tenant lieu d’autorisation d’exploitation commerciale, Projet de moins de 1 000 m2 soumis facultativement à l’avis de la commission départementale d’aménagement commercial, Absence.

Notes

1 Cf. CE 14 novembre 2018, Commune de Vire-Normandie et Société LIDL, n° 413246

2 Inédit

3 Inédit

Conclusions du rapporteur public

Jean-Paul Vallecchia

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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  • IDREF

DOI : 10.35562/alyoda.8646

Par un arrêté du 31 mars 2020, le maire de la commune de Bonnefamille, dans le département de l’Isère, a délivré, au nom de la commune, à la société Immo Colruyt France, installée à Rochefort sur Nenon, dans le Jura, un permis de construire, sur la parcelle de terrain cadastrée A 666 située Route de Crémieu, après démolition du bâti existant, d’un commerce de détail de l’enseigne Colruyt, d’une surface de vente de 998 m² et d’une surface de plancher de 1768 m².

Ce permis de construire a été délivré après avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial du département de l’Isère du 22 novembre 2019. Et le recours de la SAS Distribution Casino France contre cet avis favorable de la CDAC de l’Isère a été, par décision du 6 février 2020 de la commission nationale d’aménagement commercial, déclaré irrecevable, à l’unanimité de ses 7 membres, la CDAC de l’Isère s’étant prononcée, eu égard à la surface commerciale concernée, sur le fondement des dispositions dérogatoires de l’article L. 752-4 du code de commerce et seul le promoteur du projet étant, dans ce cadre, autorisé à saisir la CNAC en cas d’avis négatif de la CDAC.

La SAS Distribution Casino France se retrouve ici dans la même situation que celle qui l’avait conduite à s’opposer au projet de la société Thelmadis dans l’affaire 20LY02901 que vous avez jugée le 11 février 2021 et dont le pourvoi en cassation n’a pas été admis. Rappelons que dans cette affaire le Président de la section du contentieux du Conseil d’Etat avait, par ordonnance n°442553 du 8 septembre 2020 attribué le jugement du dossier à la CAA de Lyon après avoir estimé, en faisant référence à l’avis émis par la CDAC, que l’autorisation d’exploitation commerciale du permis contesté était avérée et que la Cour était bien compétente en premier et dernier ressort. Dans la présente affaire, l’ordonnance par laquelle la présidente de la première chambre du TA de Grenoble a transmis ce dossier contentieux à la Cour se situe dans la même ligne de l’existence d’une autorisation d’exploitation commerciale pour laquelle la Cour est compétente en premier et dernier ressort.

Aujourd’hui, comme dans cette précédente affaire, la SAS Distribution Casino France soutient que la société Immo Colruyt France se serait, par fraude, soustraite, à la procédure ordinaire d’autorisation d’exploitation commerciale en minorant la surface commerciale de son projet. Elle estime notamment que l’espace de 89,89 m² mentionné comme étant un « mail » dans le plan de masse du projet, devrait être décompté comme une surface de vente. Mais cet espace, accessible à la clientèle, est destiné à être un lieu de passage entre les portes d’entrée et de sortie du bâtiment, les caisses et l’entrée de la surface de vente principale, laquelle est matériellement délimitée. Si cet espace est continu avec l’espace dit « Espace point chaud » de 2,66 m², comptabilisé en surface de vente puisqu’il servira à la mise à disposition de produits boulangers, en vue de leur achat par les clients du magasin Colruyt, il n’apparait pas que le mail lui-même serait destiné à la vente ou à l’exposition de produits voués à la vente. En conséquence le projet correspond bien à une surface de vente inférieure à 1.000 m². Aucune fraude n’est démontrée par la SAS Distribution Casino France.

S’agissant de l’intérêt à agir de la SAS Distribution Casino France, dont le recours qu’elle présente devant vous ne dit pas explicitement sur quel terrain (urbanistique ou commercial) il se situe:

Si l’on se situe dans le cadre de l’article L. 752-17 du code de commerce, les deux commerces les plus proches exploités par la SAS Distribution Casino France se situent à Saint-Pierre de Chandieu, dans le Rhône, et à Villefontaine dans l’Isère, deux communes qui se situent hors de la zone de chalandise qui a été définie. Si la SAS Distribution Casino France soutient que cette zone de chalandise aurait été définie de manière trop restrictive, elle ne développe cependant aucun argumentaire tenant à l’impact du projet sur l’exploitation de ses deux enseignes, son argumentaire se fondant essentiellement sur les temps de trajet, au demeurant discutables. De plus, le projet autorisé vise essentiellement à satisfaire une clientèle de proximité, ce qui affaiblit considérablement la position de la société requérante sur la définition d’une zone de chalandise prétendument restrictive. Voyez sur ce point votre arrêt 20LY01562 du 14 janvier 2021 SAS Distribution Casino France. Le chevauchement des zones de chalandise qui est aussi invoqué ne nous paraît pas davantage pouvoir être suivi pour les mêmes raisons, la SAS Distribution Casino France ne démontrant pas, quoiqu’il en soit de ce chevauchement éventuel, qu’il existerait une incidence significative du projet autorisé sur les deux enseignes qu’elle exploite. La SAS Distribution Casino France ne justifie donc d’aucun intérêt pour agir contre le permis de construire qu’elle conteste en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale.

Et si l’on se situe dans le cadre de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, la SAS Distribution Casino France n’invoque aucune atteinte susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance d’un bien immobilier qu’elle détiendrait ou qu’elle occuperait. Elle ne justifie en conséquence d’aucun intérêt pour agir contre le permis de construire attaqué en tant qu’il vaut autorisation d’occupation du sol.

Vous devrez à notre sens relever l’irrecevabilité du recours de la SAS Distribution Casino France sous ces deux aspects, la requérante les envisageant d’ailleurs tous les deux dans sa requête introductive d’instance (plus dans son mémoire récapitulatif), et vous pourrez mettre à la charge de celle-ci une somme de 1.500 euros qui sera versée à la commune de Bonnefamille et une somme identique qui sera versée à la société Immo Colruyt France au titre des frais irrépétibles.

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